Utilisateur:Antoine Mercier-Linteau/Brouillons/Dyspepsie (approche clinique)
La dyspepsie est définie comme une douleur, une gêne, un malaise ou un inconfort épigastrique[1]. La dyspepsie peut aussi inclure le ballonnement post-prandial et la satiété précoce[2]. Ces symptômes sont souvent liés aux repas[1].
La définition de la dyspepsie ne fait pas consensus. Selon les critères de ROME IV, elle exclue les symptômes de RGO comme les régurgitations et le pyrosis[2].
Épidémiologie
La dyspepsie affecte jusqu'à 30% de la population aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni[3].
La dyspepsie constituerait 3 à 5% des visites en première ligne[4].
Étiologies
La dyspepsie est généralement d'étiologie digestive haute. Les autres causes sont toutes rares[5].
Catégorie | Étiologie |
---|---|
Digestif haut |
|
Hépatobiliaire | |
Pancréatique | |
Intestinal |
|
Médicamenteuses[7] | |
Autres |
|
Évaluation clinique
Facteurs de risque
Les facteurs de risque à rechercher sont[5] :
- l'âge augmente la probabilité de certaines pathologies:
- le sexe féminin (dyspepsie fonctionnelle, colique biliaire, cholécystite, SCI)
- le tabagisme (RGO, ulcère, gastrite, cancer de l'oesophage ou de l'estomac, MII, ischémie mésentérique)
- la consommation d'alcool (pancréatite, RGO, ulcères, gastrite, cancer de l'oesophage ou de l'estomac)
- l'obésité (colique biliaire, cholécystite, RGO)
- des antécédents personnels ou familial d'ulcère gastroduodénal
- des antécédents personnels de cancer (métastases hépatiques, hypercalcémie)
- un voyage récent (infections intestinales)
- plusieurs médicaments ont comme effets secondaires la dyspepsie:
- les corticostéroïdes systémiques et les AINS (gastrite, ulcère gastrique)
- les opioïdes peuvent causer de la gastroparésie ou exacerber un SCI[8]
- les antidépresseurs causent fréquemment une dyspepsie sans évidence d'atteinte tissulaire
- le RGO chronique (oesophagite érosive, dyspepsie fonctionnelle)
- plusieurs maladies ont des composantes familiales (cancer de l'estomac et de l'oesophage, maladie cœliaque, trouble anxieux)
- les trouble anxieux et troubles dépressifs (dyspepsie fonctionnelle et médicaments)[9]
- le diabète sucré de longue date (gastroparésies[note 2])[8].
Questionnaire
Les déclencheurs sont à questionner :
- une gastro-entérite virale ou une infection entérique bactérienne passée peuvent déclencher une dyspepsie fonctionnelle[10][11].
- un voyage récent peut mettre à risque d'infections intestinales
- questionner la prise de médicaments et particulièrement les AINS et les corticostéroïdes systémiques qui peuvent causer des gastrites ou des ulcères
- l'abus d'alcool ou de repas épicé peut causer des gastrites.
Les symptômes à rechercher au questionnaire sont[5] :
- La présence de dyspepsie, de douleur épigastrique, de plénitude post-prandiale, de satiété précoce, de nausées et d'éructations évoque une dyspepsie fonctionnelle, mais également des ulcères, une gastrite ou un cancer gastrique ou oesophagien.
- Pour le diagnostic de la dyspepsie fonctionnelle, la symptomatologie doit avoir été présente depuis plus de 3 mois[2].
- Une plénitude post-prandiale qui dure anormalement longtemps est évocateur d'une gastroparésie[12].
- La gastroparésie est aussi associée à de la nausée et des ballonnements
- Les ulcères seront souvent soulagés par les repas. On peut retrouver du méléna dans les ulcères qui saignent.
- Du méléna pourrait évoquer aussi un cancer. Il y aura aussi souvent une douleur épigastrique ou à l'hypochondre droit. Les drapeaux rouges seront généralement présents et la symptomatologie sera d'apparition relativement sub-aiguë.
- Du pyrosis, des régurgitations, un mauvais goût dans la bouche et des symptômes pire lorsque couché évoquent du RGO.
- Une histoire d'ictère, d'urines foncées, de selles acholiques avec une dyspepsie après les repas pourrait faire penser à une pathologie biliaire. La colique biliaire ne donnera pas d'ictère par contre.
- Une dyspepsie soulagée par le passage de selles ou associée avec une augmentation de la fréquence des selles ou de la constipation pourrait être un symptôme de SCI.
- Une douleur à l'HCD post-prandiale sera retrouvée dans la colique biliaire. Si la douleur est douleur généralisée, ce pourrait être de l'ischémie mésentérique chronique.
- Les patients souffrant d'angine vont parfois décrire leurs symptômes comme provenant de leur estomac. Il est important de questionner l'irradiation et le lien avec les efforts physiques. La douleur cardiaque sera davantage sous forme de pression, sera de courte durée et ne sera pas positionnelle (comme par exemple, le RGO qui est pire en position couchée).
Les drapeaux rouges sont à questionner car ils peuvent évoquer un cancer (rares chez les patients souffrant de dyspepsie)[1]:
- la perte de poids non intentionnelle[Se: ~66% %[13]][Sp: ~66% %[14]][LR+: 2.74[15]]
- une dysphagie[Se: ~66% %[16]][Sp: ~66% %[17]][LR+: 2.74[18]] ou une odynophagie
- des vomissements persistants
- une symptômes d'anémie[Se: ~66% %[19]][Sp: ~66% %[20]][LR+: 2.74[21]] (fatigue, pâleur, palpitations)
- du méléna
- un historique de tabagisme.
Examen clinique
Examen | Signes discriminants | Étiologies |
---|---|---|
Apparence générale | Normale[5] | Dyspepsie fonctionnelle, gastrite, ulcères, RGO, oesophagite, SCI, coliques biliaires, gastroparésie |
Pâleur (si anémie secondaire)[5] | Ulcères, gastrite, cancers | |
Cachexie, perte de poids | Cancer, malabsorption, MII, ischémie mésentérique | |
Ictère[5] | Cancers | |
Signes vitaux[5] | Normaux | Dyspepsie fonctionnelle, gastite, ulcères, RGO, oesophagite, SCI, coliques biliaires, gastroparésie |
Tachycardie (si anémie secondaire) | Ulcères, gastrite, cancers | |
Examen abdominal | Normal (la majorité du temps)[5] | Dyspepsie fonctionnelle, gastrite, ulcères, RGO, oesophagite, SCI, coliques biliaires, gastroparésie |
Douleur épigastrique | Dyspepsie fonctionnelle (parfois), gastrite, ulcères, cancers, pancréatite, gastroparési | |
Douleur à l'hypochondre droit | Cancers | |
Distension abdominale | Cancers, gastro parésie, SCI | |
Masse | Cancers | |
Examen des aires ganglionnaires[5] | Adénopathie sus-claviculaire gauche (ganglion de Virchow ou signe de Troisier) | Cancers |
Examens paracliniques
La plupart du temps, les examens paracliniques seront normaux.
Laboratoires
Les laboratoires pertinents sont [5]:
- chez tous les patients, une recherche de l'antigène de H. pylori dans les selles[Se: 88,9 %[22]][Sp: 94,6 %[23]] (à mois qu'une autre cause ne soit évidente)
- une FSC : en cas d'anémie, suspected un saignement digestif haut et procéder à une endoscopie pour éliminer une gastrite ou un cancer
- créatinémie et éléctrolytes sanguins: chez un patient avec des nausées, des vomissements ou de la diarrhée pour éliminer une IRA ou des débalancements ioniques
- si une condition hépato-biliaire est suspectée, demander un bilan hépatique
- si une pancréatite est suspectée, demander une lipase
- ne pas hésiter à faire des troponines ou un ECG si une cause cardiaque est suspectée.
Imagerie et gastroscopie
La gastroscopie n'est pas systématique, mais doit être réalisée lorsqu'il y a présence de drapeaux rouges ou selon le jugement[1].
D'autres modalités d'imagerie peuvent être pertinentes:
- Un TDM abdomino-pelvien, spécialement si il y a suspicion de cancer, de pancréatites.
- L'échographie abdominale est plus sensible que le TDM pour les pathologies biliaires comme les coliques ou la cholécystite;
- La scintigraphie de la vidange gastrique est un examen peu disponible mais pourrait aider à différencier une satiété précoce causée par un estomac qui s'accommode mal au bolus (dyspepsie fonctionnelle, cancer gastrique) d'une estomac qui prend trop de temps à se vider (gastroparésie)[12].
Drapeaux rouges
Les signes et symptômes de néoplasies gastro-intestinales sont à surveiller[1] :
- l'âge (> 60 ans) de début des symptômes
- la perte de poids non intentionnelle[Se: ~66% %[24]][Sp: ~66% %[25]][LR+: 2.74[26]]
- une dysphagie[Se: ~66% %[27]][Sp: ~66% %[28]][LR+: 2.74[29]]
- des vomissements persistants
- une anémie ferriprive inexpliquée[Se: ~66% %[30]][Sp: ~66% %[31]][LR+: 2.74[32]].
Même en présence de drapeaux rouges, l'Association canadienne de gastro-entérologie stipule que le risque de néoplasie reste très faible chez les < 60 ans (par exemple, la présence de dysphagie augment de 2-3 fois le risque de malignité) car la prévalence des néoplasies gastro-intestinales supérieures est très faible dans cette population (<< 1%). Conséquemment, la faible VPP des drapeaux rouges fait en sorte que l'endoscopie systématique dans cette population en leur présence GI pourrait ne pas être une mesure économiquement justifiée[1].
Le jugement du clinicien prévaut et il reste que certains drapeaux rouges (perte de poids importante, dysphagie rapidement progressive pourraient justifier une endoscopie peut importe l'âge du patient[1].
D'autres drapeaux rouges sont à surveiller:
- Les autres signes et symptômes de néoplasies gastro-intestinales[4]:
- une odynophagie
- une masse abdominale palpable ou des adénopathies
- des ATCD familiaux de cancer de l'estomac, de l'oesophage ou du tractus digestif supérieur
- une enfance passée dans un pays avec de haut taux de néoplasie gastrointestinales hautes (Asie du Sud-est, Amérique du sud)
- Des signes de pathologies biliaires ou pancréatiques:
Approche clinique
L'investigation initiale devrait cibler les pathologies fréquentes[5].
Dans environ 60% des cas, aucune étiologie ne sera trouvée. Le diagnostic sera celui de la dyspepsie fonctionnelle[5].
Traitement
Traitement symptomatique
La dyspepsie peut être causée par des maladies potentiellement graves et le traitement symptomatique devrait être utilisé seulement pour soulager le patient le temps que les investigations soient effectuées[note 3]:
- des anti-acides
- des IPP ou des anti-H2
- des prokinétiques.
Traitement des étiologies
Étiologie | Description |
---|---|
Dyspepsie fonctionnelle | [1]:
| Les lignes de traitements de la dyspepsie fonctionnelle sont les suivantes
Gastrite | [34]:
| Traiter la cause
Infection à H. pylori | [36]:
L'éradication devra être confirmée[36]. | Il y a une importante résistance de H. pylori aux antibiotiques mondialement. Le traitement se fait selon la résistante locale
RGO | [37][38][39][40]:
La thérapie médicales est[37]:
| La 1ère étape du traitement du RGO est la modification des habitudes de vie
Ulcères gastriques et duodénaux | [41]:
| Le traitement repose principalement sur
Oesophagite érosive | [42]:
| Le traitement se fait selon les principes suivants
Cancer gastrique ou esophagien | [43][44]:
| Pour ces deux types de cancer, les principes de traitement sont les suivants
Gastroparésie | [8]:
| Le traitement se fait selon les principes suivants
Dyspepsie médicamenteuse |
|
Suivi
Les patients auront besoin d'une évaluation périodique afin d'évaluer la réponse au traitement et la présence de complications.
Complications
Mise à part les complications propres à chaque étiologie, la dyspepsie comme symptôme peut entraîner une importante détresse psychologique[4].
Particularités
Gériatrie
Une dyspepsie de novo dans la population gériatrique doit être investiguée par endoscopie avec ou sans imagerie selon la présentation car la prévalence des cancers est plus grande dans cette population[1].
Le diagnostic différentiel doit également rester ouvert car d'autres pathologies non digestives (comme la MCAS) peuvent donner de la dyspepsie[6].
Aussi, une revue de la médication est importante car cette population est plus à risque d'effets secondaires[6].
Pédiatrie
Les pathologies structurelles sont beaucoup moins probables dans cette population et l'infection à H. pylori est peu prévalente. Ainsi, l'endoscopie n'est pas recommandée de routine. La dyspepsie fonctionnelle (prévalence de 3 à 27% chez les enfants) ou de troubles de nature psychiatriques sont des diagnostics plus probables[45].
Notes
- ↑ Car elle peut affecter tout le tractus digestif.
- ↑ Prévalence de la gastroparésie de 50 % pour le type 1 et de 30 % pour le type 2.
- ↑ Les recommandations suivantes sont fournies à titre indicatif et sont extrapolées du traitement de la dyspepsie fonctionnelle et de la physiopathologie des autres causes de dyspepsie. Des ressources suggérant un traitement symptomatique de la dyspepsie n'ont pas été trouvées.
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