« Hyperthermie maligne » : différence entre les versions
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Version du 30 mai 2021 à 20:44
Maladie | |
Caractéristiques | |
---|---|
Signes | Hypercapnie, Hypoxémie, Tachycardie , Tachypnée , Cyanose , Érythème généralisé, Rigidité musculaire généralisée, Trismus , Hypotension artérielle , Diaphorèse , ... [+] |
Symptômes |
Spasmes musculaires, Dyspnée , Rigidité musculaire, Palpitations , Diaphorèse |
Diagnostic différentiel |
Sepsis, Rhabdomyolyse, Hyperthyroïdie, Phéochromocytome, Syndrome de Prader-Willi, Hémorragie intracrânienne, Dystrophie musculaire, Agent de contraste, Coup de chaleur, Ostéogenèse imparfaite, ... [+] |
Informations | |
Terme anglais | Hyperthermie maligne |
Spécialités | Médecine d'urgence, Soins intensifs, Médecine interne |
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L'hyperthermie maligne (HM) est une maladie héréditaire autosomique dominante du muscle squelettique qui se présente classiquement comme une réponse hypermétabolique reliée à l'utilisation des agents volatils halogénés, à la succinylcholine, un relaxant musculaire dépolarisant, ou, plus rarement, à l'exercice vigoureux et à la chaleur. [1]
Épidémiologie
L'incidence exacte de l'hyperthermie maligne est inconnue. En effet, il existe une variabilité interindividuelle importante et les patients doivent être exposés en moyenne trois fois à une anesthésie avant d'avoir une première crise [2][3][4]. La prévalence de gens porteurs d'une prédiposition à l'hyperthermie maligne est d'environ 1:3000 jusqu'à 1:4000 dans la population générale [3]. Selon la littérature, l'incidence d'hyperthermie maligne est estimée de 1:10 000 jusqu'à 1: 250 000 anesthésies [5][6].
Les enfants sont particulièrement à risque. Le groupe des 15 ans et moins comprendrait 52.1% de toutes les réactions d'hyperthermie maligne [4]. L'incidence chez les enfants serait donc de 1:30 000 contrairement à environ 1:100 000 chez les adultes [1]. Les hommes seraient plus à risque que les femmes. Toutes les nationalités sont à risque d'hyperthermie maligne.
D'autres troubles sont également associés à une sensibilité accrue à l'hyperthermie maligne dont [3]:
- la rigidité du muscle masséter induite par la succinylcholine (qui est une rigidité importante qualifiée de "jaws of steel" contrairement à la rigidité légère normalement attendue). Celle-ci est une entité à par entière, mais elle peut aussi être un signe annonciateur de l'hyperthermie maligne.
- la maladie centrale (une myopathie rare et non progressive caractérisée par une hypotonie et une faiblesse des muscles proximaux)
- le syndrome de King-Denborough (myotonie rare associée à de multiples caractéristiques physiques distinctes dont le faciès dysmorphique, les plis épicantiques, la micrognathie, la clinodactylie, la lordose lombaire et la scoliose thoracique légère).
D'autres myopathies, dont la myopathie à multi-minicore et la myopathie centronucléaire, ont possiblement une association avec l'hyperthermie maligne.[1][7][3]
Étiologies
L'hyperthermie maligne est considérée comme une maladie pharmacogénétique qui se produit lorsque des patients génétiquement prédisposés sont exposés à des conditions environnementales qui favorisent la relâche accélérée de calcium par le réticulum sarcoplasmique. Ces conditions incluent : [3][8][9]
- les gaz anesthésiques halogénés (n'inclut pas le protoxyde d'azote ni le xénon)
- la succinylcholine
- la chaleur environnementale et l'activité physique vigoureuse.[note 1][1][3]
Le principal site de mutation lié à l'hyperthermie maligne se trouve au niveau du gène du récepteur des canaux Ca2+ de la membrane du réticulum sarcoplasmique (nommés canaux la ryanodine RYR1) [3]. D'autres loci génétiques ont été identifiés, tels que CACNA1S qui est une mutation dans le canal DHPR, un canal des tubules-T du sarcolemme qui transfert les changements de voltage au récepteur RYR1), ainsi les loci CASQ1, STAC3, JSPR1 ont été identifiées comme impliqués dans l'hyperthermie maligne.[1] Jusqu'à 70% des familles susceptibles à l'hyperthermie maligne ont une des 400 mutations identifiées du RYR1 associées à l'hyperthermie maligne. [10]
Physiopathologie
Chez un individu en santé, l'acétycholine initie un potentiel d'action le long du sarcolemme jusuqu'aux tubules transverses (tubules-t) et active les récepteurs de la dihydropyridine ou DHPR (des canaux calciques voltage-dépendants)[11]. Ceci permet l'ouverture des canaux RYR1 adjacents au niveau du réticulum sarcoplasmique, ce qui mène à une libération de calcium dans le cytosol et, ainsi, à la contraction musculaire. Habituellement, la relaxation des fibres musculaires est facilitée par le retour du calcium dans le réticulum sarcoplasmique par les pompes ioniques sarco/endoplasmique CA2+/ATPase (SERCA)[11].
Dans l'hyperthermie maligne, la libération de calcium dans le cytosol par les canaux RYR1 mutés est tellement importante que les pompes SERCA ne sont plus capables de compenser, ce qui mène à une augmentation des niveaux de calcium intracellulaires ainsi qu'à une rigidité musculaire persistante. Cette contraction musculaire soutenue produit une déplétion d'adénosine triphosphate (ATP) et augmente considérablement la consommation d'oxygène et la production de dioxyde de carbone et de chaleur, ce qui mène à l'hypercapnie, à l'hyperthermie et éventuellement à l'acidose respiratoire et métabolique. L'épuisement des réserves d'ATP conduit à une défaillance de l'intégrité de la membrane (rhabdomyolyse) et à des fuites de contenu cellulaire telles que le potassium (hyperkaliémie), la créatinine kinase et la myoglobine dans la circulation. Il peut s'en suivre des arythmies cardiaques, une insuffisance rénale aiguë, une CIVD et la mort.[12][13][1][11][3]
Présentation clinique
La crise d'hyperthermie maligne est difficile à reconnaitre étant donné la variabilité de sa présentation[3][14]. Toutefois, plusieurs éléments clés aident au diagnostic. Il faut savoir que l'hyperthermie maligne peut survenir à tout moment au cours des périodes peropératoire et postopératoire jusqu'à 1 heure après l'arrêt des agents volatils [1][15]. Il faut garder en tête que jusqu'à 90% des patients n'ont pas d'antécédent familial clair d'hyperthermie maligne.
Facteurs de risque
Plusieurs facteurs de risques de l'hyperthermie maligne ont été identifiés :
- l'âge, surtout chez la population pédiatrique
- le sexe masculin
- la présence de masse musculaire importante
- l'exposition répétée aux agents anesthésiants volatils halogénés ou à la succinylcholine
- les chirurgies musculosquelettiques.
Questionnaire
Les patients atteints d'hyperthermie maligne peuvent se plaindre de :
- dyspnée
- palpitations
- sudation excessive
- rigidité musculaire généralisée
- spasmes musculaires. [3][11]
Examen clinique
À l'examen clinique incluant les paramètres de monitoring lors de la chirurgie, il est possible de retrouver les éléments suivants :
- aux signes vitaux :
- tachypnée
- hypoxemie à la saturométrie
- hypercapnie au moniteur de CO2, soit l'augmentation du end-tidal CO2 (ETCO2) malgré une augmentation de la ventilation minute
- tachycardie
- hypotension
- arythmies à l'ECG
- élévation de la température corporelle au thermomètre
- Celle-ci peut être marquée avec une augmentation de 1 à 2 degrés C chaque 5 minutes.
- La température peut atteindre 44 degrés C.
- La vitesse d'augmentation de la température est plus importante que le pic de température.
- à l'examen cardiaque :
- absence de pouls si arrêt cardiaque
- à l'examen cutané :
- sudation
- érythème généralisé
- cyanose marbrée (signe tardif)
- à l'examen neurologique :
- rigidité musculaire généralisée ou spasmes du muscle masseter
- le spasme du muscle masseter avec la succinylcholine est un signe précoce chez plusieurs patients.
- rigidité musculaire généralisée ou spasmes du muscle masseter
Examens paracliniques
Les examens paracliniques sont forts importants dans le contexte per-opératoire. Plusieurs trouvailles sont possibles.
Paramètres sanguins
- FSC : anémie et thrombocytopénie (secondaire à une CIVD)
- fonction rénale : augmentation de la créatinine (IRA)
- électrolytes : hyperkaliémie
- CK augmentés et myoglobines sériques augmentées
- coagulation : diminution du fibrinogène avec augmentation des D-dimères, augmentation de l'INR et augmentation du TTPa (CIVD)
- gaz artériel :
- hypoxemie avec augmentation des lactates
- acidose respiratoire due à l'hypercapnie
- acidose métabolique avec diminution des bicarbonates.
- analyse d'urine : myoglobinurie.
Tests de susceptibilité génétique
Test | Description |
---|---|
Tests de contracture halothane-caféine |
|
Test de génétique moléculaire |
|
Approche clinique
Un score clinique a été développé pour aider au diagnostic de l'hyperthermie maligne [21]. Celui-ci a été développé à l'aide d'un consensus d'experts et n'a pas été validé avec des tests génétiques de confirmation.
Critère | Indicateur | Points | Maximum
par critère |
---|---|---|---|
Rigidité | A) Rigidité musculaire généralisée (en l'absence de frissonnements dus à l'hypothermie, ou durant ou immédiatement après l'émergence d'une anesthésie par agents volatils)
B) Spasme du muscle masseter survenant rapidement après l'administration de succinylcholine |
A) 15
B) 15 |
15 |
Lyse musculaire | A) Élévation des CK > 20 000 unités après l'anesthésie incluant la succinylcholine
B) Élévation des CK > 10 000 unités après une anesthésie sans succinylcholine C) Urines couleur cola durant la période post-opératoire D) Myoglobine urinaire > 60 microgramme/L E) Myoglobine sérique > 170 microgramme/L F) Potassium sérique > 6 mEq/L (en l'absence d'insuffisance rénale) |
A) 15
B) 15 C) 10 D) 5 E) 5 F) 3 |
15 |
Acidose respiratoire | A) ETCO2 > 55 mmHg avec contrôle approprié de la ventilation
B) PaCO2 > 60 mmHg avec contrôle approprié de la ventilation C) ETCO2 > 60 mmHg en ventilation spontanée D) PaCO2 > 65 mmHg en ventilation spontanée E) Hypercapnie inappropriée (selon le jugement de l'anesthésiologiste) F) Tachypnée inappropriée |
A) 15
B) 15 C) 15 D) 15 E) 15 F) 10 |
15 |
Augmentation
de la température |
A. Augmentation rapide inappropriée de la température (selon le jugement de l'anesthésiologiste)
B. Augmente de la température en haut de 38.8 oC de façon inapropriée dans la période péri-opératoire |
A) 15
B) 10 |
15 |
Implication cardiaque | A. Tachycardie sinusale inappropriée
B. Tachycardie ventriculaire ou fibrillation ventriculaire |
A) 3
B) 3 |
3 |
Note : Si plus d'un indicateur est présent pour un critère, on compte seulement les points du score le plus haut. Les points ne s'additionnent pas pour un même critère.
Points | Probabilité d'hyperthermie maligne |
---|---|
0 | Presque jamais |
3-9 | Improbable |
10-19 | Peu probable |
20-34 | Probable |
35-49 | Très probable |
50+ | Presque certain |
Diagnostic
L'hyperthermie maligne devrait être fortement suspectée durant un épisode aigu en présence de signes et symptômes compatibles chez des gens ayant reçu des médicaments à risque. Il n'existe pas de test confirmant l'hyperthermie maligne en aigu. Le diagnostic est alors présomptif en l'absence de d'autre cause probable.
Les examens paracliniques peuvent supporter le diagnostic, mais ne sont pas nécessaires.
Le score clinique pour l'hyperthermie maligne peut être utilisé durant une crise aiguë, bien qu'il soit parfois utilisé en rétrospective pour évaluer la probabilité qu'il s'agissait véritablement d'une crise d'hyperthermie maligne.
Le diagnostic définitif repose sur les tests de susceptibilité génétique.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel pour l'hyperthermie maligne comprend les éléments suivants : [1][3]
- anesthésie insuffisante
- analgésie insuffisante
- ventilation insuffisante
- absorption de CO2 durant une laparoscopie
- sepsis
- thyrotoxicose
- phéochromocytome
- surchauffe iatrogène
- syndrome neuroleptique malin
- syndrome sérotoninergique
- réaction transfusionnelle
- rhabdomyolyse induite par l'anesthésie
- défaut d'équipement de ventilation
- réinhalation (rebreathing)
- intoxication à la cocaïne
- intoxication à la MDMA
- intoxication aux méthamphétamines
- hémorragie intracrânienne
- dystrophie musculaire
- syndrome de Freeman-Sheldon
- ostéogenèse imparfaite
- syndrome de Prader-Willi
- syndrome de Wolf-Hirschhorn.
En dehors de la salle d'opération, on peut penser aux diagnostics suivants :
- hyperthermie à l'effort
- coup de chaleur
- Injection d'agent de contraste dans le LCS[1]
Traitement
Le traitement de l'hyperthermie maligne doit être débuté rapidement lorsque celle-ci est suspectée. De meilleurs résultats pour les patients sont associés à la rapidité du diagnostic, au traitement rapide par le dantrolène et à la prévention de l'élévation rapide de la température centrale en utilisant des mesures de refroidissement.[22][1]
arrêt de l'agent déclencheur |
|
---|---|
Soins de support |
|
dantrolène |
|
Suivi
Une fois le patient stabilisé, il doit être conduit à l'unité de soins intensifs pendant au moins 24 heures pour une surveillance notamment des signes de recrudescence (principalement ré-augmentation de la température) [3]. Les patients les plus à risque de recrudescence sont ceux qui ont une masse musculaire importante ou qui ont subi au moins 150 minutes d'exposition anesthésique avant le déclenchement de l'hyperthermie maligne. [1] En moyenne, 20% des patients auront une récurrence des symptômes et elle survient en moyenne 13 heures après l'épisode initial [23][2].
Les patients devraient être surveillés pour l'apparition d'une CIVD, d'un syndrome du compartiment et de l'insuffisance rénale aiguë. Le dantrolène peut être arrêté lorsque les critères suivants sont remplis [23]:
- Stabilité métabolique pour 24 heures
- Température centrale < 38°C
- Créatine kinase diminue
- Pas d'évidence de myoglobinurie
- Absence de rigidité musculaire.
Complications
Les complications de l'hyperthermie maligne comprennent: [1][3]
- la rhabdomyolyse
- l'insuffisance rénale aiguë
- l'acidose respiratoire et l'acidose métabolique
- la coagulation intravasculaire disséminée surtout lorsque la température dépasse 41°C
- des dommages cérébraux
- l'hémorragie interne
- l'insuffisance cardiaque
- l'infarctus du myocarde
- l'ischémie mésentérique aiguë
- un syndrome du compartiment secondairement à l'oedème des muscles profonds
- l'oedème pulmonaire
- la mort.
Évolution
Une guérison complète peut se produire si les signes et les symptômes de la MH sont reconnus tôt et si un traitement approprié est instauré. Cependant, une défaillance de plusieurs organes et la mort peuvent encore survenir, même avec un traitement rapide. Le taux de mortalité est inférieur à 5% .[1]
Prévention
Après un épisode aigu d'hyperthermie maligne, on conseille au patient d'avoir un test de susceptibilité génétique pour confirmer le diagnostic [3].
Ces patients devraient éviter les déclencheurs potentiels [3]. Ils devraient idéalement être vus en évaluation pré-opératoire pour une chirurgie élective. Ils peuvent être opérés sous anesthésie locale ou régionale sans problème. Si une sédation ou une anesthésie générale est nécessaire, ils devraient être anesthésiés avec des relaxants musculaires non-dépolarisants ainsi que des agents d'induction IV. Il devrait avoir une mention dans leur dossier.
Les membres de la famille des patients souffrant d'hyperthermie maligne doivent être informés de l'aspect génétique de la maladie [3]. On devrait également leur offrir un dépistage génétique. Si jamais celui-ci s'avère négatif, la biopsie musculaire devrait être considérée pour le test de contracture halothane-caféine.
Bien qu'il ait été fréquemment pratiqué dans le passé, le prétraitement des patients sensibles à la MH avec du dantrolène ne joue aucun rôle dans leurs soins et ne doit pas être effectué. Ces patients devraient plutôt recevoir une anesthésie sans élément déclencheur. [1]
Finalement, les personnes connues pour n'importe quelle forme de myopathie ne devraient pas recevoir de succinylcholine et les agents inhalés devraient être utilisés avec prudence. Les patients de moins de 12 ans ne devrait pas non plus recevoir ne succinylcholine pour les procédures électives pour éviter la possible hyperkaliémie chez un patient avec une dystrophie musculaire non diagnostiquée.
Références
- Cette page a été modifiée ou créée le 2021/01/31 à partir de Malignant Hyperthermia (StatPearls / Malignant Hyperthermia (2020/03/24)), écrite par les contributeurs de StatPearls et partagée sous la licence CC-BY 4.0 international (jusqu'au 2022-12-08). Le contenu original est disponible à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28613578 (livre).
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- ↑ L'exposition de patients susceptibles à un exercice intense, à la chaleur ou à des températures corporelles internes élevées (par exemple, des infections) peut précipiter cette crise. Il s'agit principalement d'études animales ou de rapport de cas. Des recherches sont actuellement en cours pour évaluer ce lien possible.
- ↑ Ne pas administrer dans la même ligne que le calcium.