Reflux gastro-oesophagien du nourrisson
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) du nourrisson consiste en la remontée du contenu gastrique dans l'oesophage, accompagné ou non de régurgitations et/ou de vomissement.
Il peut s'agir d'un processus physiologique chez le nouveau-né ou pathologique lorsque les symptômes affectent le fonctionnement du nourrisson ou causent des complications. Comme la symptomatologie n'est pas très spécifique, il peut être parfois difficile de différencier un RGO physiologique de pathologique.
1 Épidémiologie[modifier | w]
Le RGO du nourrisson est une pathologie fréquente chez le nouveau-né en bonne santé. La plupart des nouveaux-nés vont avoir des régurgitations au début de leur vie.
Le RGO pathologique est beaucoup moins fréquent avec une incidence de 1,48 cas pour 1 000 années-personnes chez les nourrissons, diminuant progressivement jusqu'à l'âge de 12 ans. Globalement, la prévalence du RGO pathologique chez l'enfant est estimée entre 1,25% et 3,3%, comparativement à 5% chez l'adulte[1][2].
2 Étiologies[modifier | w]
Parmi les étiologies les plus courantes du RGO chez le nourrisson, on retrouve[3] :
- l'immaturité du sphincter oesophagien inférieur
- des jeux de pressions intra-abdominales et intra-thoraciques anormales
- une dysmotilité oesophagienne.
3 Physiopathologie[modifier | w]
Les symptômes du RGO s'expliquent par la remontée de contenu gastrique acide dans l'oesophage en raison d'une relaxation inappropriée du sphincter oesophagien inférieur. Cette relaxation inappropriée du sphincter oesophagien inférieur est fréquemment multifactorielle (physiologique, hernies hiatales, clairance œsophagienne altérée, vidange gastrique retardée[4]).
En remontant dans l'oesophage, le liquide gastrique acide peut provoquer de l'irritation à la muqueuse oesophagienne, ce qui provoque le pyrosis.
Lorsque le liquide gastrique se rend jusqu'au larynx, le liquide gastrique peut provoquer de l'irritation laryngée et même provoquer des micro-aspirations. Cela peut provoquer une raucité de la voix, une toux chronique ainsi qu'un bronchospasme réflexe.[3]
4 Présentation clinique[modifier | w]
4.1 Facteurs de risque[modifier | w]
Les conditions suivantes sont associées avec un plus grand risque de souffrir de RGO chez le nourrisson et l'enfant[3][5][6][7][8] :
- l'hernie hiatale (incluant une hernie diaphragmatique congénitale)
- un trouble neuro-développemental, dont le syndrome de Down
- une maladie pulmonaire chronique (asthme, dysplasie bronchopulmonaire, fibrose kystique)
- l'épilepsie
- des troubles de l'oesophage congénital, dont l'atrésie de l'oesophage
- la prématurité
- la suralimentation.
4.2 Questionnaire[modifier | w]
Les symptômes principaux à rechercher auprès du parent du nourrisson chez qui l'on suspecte du RGO pathologique sont[9][10][11][12] :
- des régurgitations ou des vomissements excessifs, incluant leur horaire et lien avec l'alimentation
- de l'irritabilité durant les boires et/ou post-prandiale
- un temps de repas prolongé
- le refus de s'alimenter ou boire
- la toux ou l'étouffement pendant l'alimentation
- une toux chronique
- de l'odynophagie (pleurs lors de la déglutition)
- un dos arqué
- l'hématémèse
- un retard pondéral
- une douleur abdominale épigastrique ou une douleur thoracique rétrosternale
- les aliments exacerbant les symptômes sont pertinents à rechercher.
Ces symptômes sont toutefois non spécifiques et peuvent mimer de nombreux diagnostics.
Le questionnaire devrait également inclure le type d'alimentation (allaitement maternel versus artificiel), le volume reçu, la fréquence des boires ainsi que le type de formule utilisée, le cas échéant.
Les nourrissons qui régurgitent une partie de leur boire font du RGO, mais ce RGO est considéré « physiologique ». Il pourrait arriver que des parents consultent pour cette problématique, particulièrement s'il s'agit d'un premier bébé dans la famille. Le nourrisson avec un RGO physiologique sera alors totalement asymptomatique, mise à part des régurgitations après les boires.[13]
4.3 Examen clinique[modifier | w]
À l'examen physique du RGO pathologique, on recherche les signes suivants[13] :
- les signes vitaux sont habituellement normaux
- à l'apparence générale, l'enfant peut être irritable ou complètement asymptomatique au moment de l'évaluation
- à la mesure de la croissance (poids, taille), un retard staturopondéral ou une perte de poids peuvent être notés en cas de RGO pathologique, mais cela doit toujours évoquer la possibilité d'un problème plus sérieux
- l'examen neurologique est normal, mais il est important de rechercher des signes de troubles neurodéveloppementaux et d'hypertension intracrânienne (ex. fontanelle bombée, macrocéphalie, microcéphalie)
- à l'examen pulmonaire, le stridor et le wheezing sont possibles et témoignent d'un passage du liquide gastrique dans les voies aériennes, et donc d'un RGO compliqué
- à l'examen de l'abdomen, il peut y avoir une sensibilité à la palpation abdominale épigastrique (tout autre signe lors de la palpation abdominale est anormale).
Pour le nourrisson qui a un RGO physiologique (régurgitation simple), l'examen physique est complètement normal[13].
5 Examens paracliniques[modifier | w]
Les examens paracliniques ne sont généralement pas nécessaires, car l'anamnèse et l'examen physique sont suffisants pour diagnostiquer le RGO chez le nourrisson[13].
Des examens paracliniques peuvent être indiqués seulement si le RGO se complique de retard pondéral significatif et persistant, d’hématémèses, de problèmes respiratoires chroniques ou d’autres complications majeures[3].
Examen paraclinique | Description |
---|---|
OGD |
|
pHmétrie œsophagienne |
|
Transit œsophago-gastrique
(repas baryté) |
|
Échographie abdominale[Se: 95 %][Sp: 11 %] |
|
Scintigraphie oesophagienne[Se: 69 %][Sp: 78 %] |
|
Manométrie œsophagienne |
|
6 Diagnostic différentiel[modifier | w]
Le diagnostic différentiel du RGO chez le nourrisson inclut [13] :
- la gastroentérite virale
- l'achalasie
- la hernie hiatale
- l'hernie incarcérée
- l'allergie aux protéines de lait de vache, l'oesophagite éosinophilique et le FPIES
- les coliques infantiles
- la sténose du pylore
- l'intussusception
- l'atrésie intestinale
- la sténose intestinale
- la malrotation intestinale
- l'ingestion d'un corps étranger
- la gastrite
- l'ulcère gastrique ou duodénale
- la gastroparésie
- toutes les causes d'hypertension intracrânienne.
7 Traitement[modifier | w]
Pour les nourrissons avec un RGO physiologique (régurgitation), aucun traitement pharmacologique ne doit être proposé. Normalement, les mesures non pharmacologiques mentionnées ci-dessous sont suffisantes pour diminuer la fréquence des régurgitations.
Pour les nourrissons avec un RGO pathologique, le traitement passe d'abord par une approche non pharmacologique, puis pharmacologique dans un deuxième temps si échec.
7.1 Traitements non pharmacologiques[modifier | w]
Les traitements non pharmacologiques sont la première ligne de traitement pour le RGO pathologique. Pour les bébés allaités, une consultation avec un professionnel de santé formé à l'allaitement est importante pour évaluer la prise du sein.
Traitement | Explication |
---|---|
Éviter l'exposition au tabac |
|
Aliments épaissis |
|
Éviter la suralimentation |
|
Positionnement du nourrisson |
|
Éviter les protéines de lait de vache |
|
7.2 Traitements pharmacologiques[modifier | w]
Catégorie | Explications |
---|---|
Antiacides |
|
Prokinétiques |
|
8 Suivi[modifier | w]
Les nourrissons présentant du RGO devraient être réévalués périodiquement lors de l'apparition de nouveaux symptômes ou de signaux d'alarme.
Les nourrissons allaités doivent être adressés à des consultantes en lactation ou des professionnels de santé formés en allaitement pour évaluer la mise au sein.
Pour des raisons de sécurité, les patients traités par IPP doivent être réévalués régulièrement pour déterminer si une utilisation continue est nécessaire. En pratique, les cliniciens devraient tenter de sevrer les patients traités par IPP après six mois de traitement, puis périodiquement par la suite, en fonction du contrôle des symptômes. Lors de l’arrêt du traitement après six mois, on peut envisager de passer à un antagoniste des récepteurs de l'histamine H2 pendant deux semaines, suivi d’une diminution progressive afin d'éviter le rebond acide[23].
9 Complications[modifier | w]
Les complications de cette maladie sont [13]:
- la oesophagite de reflux
- la œsophage de Barrett
- la sténose œsophagienne
- l'asthme
- une laryngite récurrente
- des pneumonies d'aspiration
- des sinusites à répétition
- des otites moyennes aiguës à répétition
- prise pondérale insuffisante.
10 Évolution[modifier | w]
À moins d'un mois de vie, environ 20% des nourrissons en santé vont régurgiter après la plupart des boires. Chez les nourrissons de trois à quatre mois de vie, ce sont environ 41% des nourrissons qui vont régurgiter. Par la suite, ces comportements vont diminuer en augmentant l'âge et tendront à disparaître après l'âge d'un an[17].
11 Prévention[modifier | w]
Il n'existe aucune méthode de prévention efficace du RGO chez le nourrisson.
12 Références[modifier | w]
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