Anévrisme de l'aorte abdominale
Maladie | |||
Reconstruction 3D d'un AAA infrarénal | |||
Caractéristiques | |||
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Signes | Masse abdominale, Souffle abdominal , Douleur à la palpation abdominale | ||
Symptômes |
Douleur abdominale , Asymptomatique | ||
Diagnostic différentiel |
Appendicite, Cancer du côlon, Cancer du pancréas, Cholécystite aiguë, Néphrolithiase, Pancréatite aiguë, Cystite aiguë, Cancer du foie, Kyste rénal, Hernie ombilicale, ... [+] | ||
Informations | |||
Terme anglais | Abdominal aortic aneurysm | ||
Spécialité | Chirurgie vasculaire | ||
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Une aorte abdominale est considérée anévrismale si son diamètre dépasse 3 cm en infra-rénal ou s'il est de 1.5 fois le diamètre de l'aorte non-dilatée en supra-rénal.[1]
Épidémiologie
Les anévrismes de l'aorte abdominale composent les 75% des anévrismes de l'aorte et touchent de 0,5 à 3% de la population, voire jusqu'à 5% pour les personnes de plus de 66 ans, et surtout les hommes pour un ratio de 3:1. Généralement, les AAAs débutent en infrarénal (mais peuvent également inclure les artères rénales). 50% d'entre eux s'étendront jusque dans les artères iliaques. La plupart contiendront du thrombus. Si l'AAA entraîne une rupture aortique, il y a une mortalité de 80 %.[2][3]
Étiologies
Les étiologies[4]:
- l'athérosclérose, laquelle liée à des facteurs de risque cardiovasculaires classiques tels que le tabagisme, etc.
- les maladies du collagène
- les infections (qui provoquent des anévrismes mycotiques).
Physiopathologie
Le plus souvent, l'AAA survient de manière dégénérative, c'est-à-dire que plusieurs facteurs interagissent pour affaiblir la paroi de l'aorte.[4]
Présentation clinique
Facteurs de risque
Les facteurs de risques[2]:
- le tabagisme (facteur de risque principal)
- l'âge (>65 ans)
- le sexe masculin[RR: 3:1]
- la race blanche
- l'HTA
- les dyslipidémies
- l'athérosclérose (MCASet MVAS)
- une histoire familiale [Pr: 15-20 %]
- une maladie du collagène.
Questionnaire
La plupart des anévrismes sont asymptomatiques et seront découverts fortuitements par de l'imagerie prise dans le cadre d'une autre plainte.
Parfois, ils se manifesteront sous:
- Une douleur abdominale vague, viscérale, profonde et ressentie surtout dans la région lombo-sacrée, spécialement lorsqu'ils seront suffisamment volumineux pour aller comprimer les structures adjacentes.[2]
- Le thrombus contenu dans l'anévrisme pourra parfois se détacher et aller s'emboliser distalement, auquel cas il pourra entraîner des symptômes d'ischémie des membres inférieurs.
- Il peut également se présenter comme une rupture aortique, la complication la plus redoutable. Cela se présente généralement comme un compromis hémodynamique extrême avec des douleurs abdominales. Malheureusement, la plupart de ces patients meurent avant d'arriver à l'hôpital.[4]
Examen clinique
Devant un tableau de choc et d'importante douleur abdominale, du flanc ou lombaire, considérez la rupture de l'AAA.
L'examen physique a une mauvaise sensibilité diagnostique. Des investigations radiologiques sont impératives, même si la probabilité clinique est faible, car tant qu'il ne sera pas rupturé, l'anévrysme restera difficile à déceler.[5]
Surtout chez les anévrismes les plus volumineux, certains signes pourront néanmoins être objectivés:
- masse abdominale pulsatile[note 1]
- douleur à la palpation profonde abdominale (spécialement chez les anévrismes grossissant rapidement)
- souffle abdominal.
Des signes de MVAS pourront également être objectivés, comme ceux de l'ischémie des membres des membres inférieurs.
Il est également possible que l'AAA s'étende aux artères iliaques communes, qui peuvent être palpables si elles sont anévrismales. Les patients atteints d'AAA peuvent aussi avoir des anévrismes des membres inférieurs, tels que des anévrismes poplités, alors un examen physique vasculaire approfondi est toujours indiqué.[5]
Examens paracliniques
Si un anévrisme est suspecté, une imagerie doit être acquise. Les modalités d'imagerie qui peuvent être utilisées comprennent :
- TDM abdominal avec contraste (l'examen idéal pour le détecter).
- L'échographie abdominale
- Souvent l'examen le plus accessible.
- L'échographie est également la méthode d'imagerie recommandée pour le dépistage des AAA par la Société canadienne de chirurgie vasculaire.[3]
- La radiographie abdominale n'est pas recommandée, car non sensible et non spécifique, quoiqu'elle pourrait démontrer une calcification des parois de l'anévrisme, indiquant sa présence et sa taille.
Si un anévrisme mycotique est suspecté, des hémocultures fongiques et bactériennes pourront être prélevées.[2]
-
AAA (avec thrombus) au TDM
-
AAA avec thrombus de la paroi à l'échographie
-
Les calcifications de l'anévrisme peuvent être visible à la radiographie abdominale (qui n'est pas une bonne modalité d'investigation)
Diagnostic
Le diagnostic est posé si:
- La taille de l'anévrisme est > 3 cm en infra-rénal OU
- 1,5 fois la taille de l'aorte supra-rénale non dilatée.
Il ne pourra également être posé qu'à l'aide de l'imagerie et n'est donc pas un diagnostic clinique.[6][2] Également, il faudra spécifier l'étendue de l'anévrisme, car cela influencerait la conduite.
Diagnostic différentiel
Dans le contexte qu'un patient présentant avec des douleurs abdominales, les autres causes possibles de la douleur abdominale devront être éliminées. Une liste non exhaustive des diagnostics possibles pour les douleurs abdominales est la suivante [7][8]:
- la douleur lombaire
- une néoplasie digestive (foie, colon, pancréas, ...)
- un kyste rénal
- l'appendicite
- la cholécystite aiguë
- la néphrolithiase
- la pancréatite aiguë
- l'infection urinaire
- une hernie ombilicale ou incisionnelle.
Traitement
Le traitement est principalement :
- le contrôle de la tension artérielle (< 5.5 cm)
- l'arrêt tabagique (< 5.5 cm)
- le contrôle de la taille aux 6-12 mois à l'aide d'imagerie.
Le traitement deviendrait chirurgical si:
- La taille de l'anévrisme dépasse 5.5 cm, car à ce moment, les risques de la chirurgie (2% de mortalité) dépasseront ceux d'une rupture. Il pourra se faire de manière élective.[5]
- L'AAA est symptomatique.
- Il existe également des preuves indiquant que la chirurgie devrait être proposée aux femmes ayant un AAA entre 5,0 cm et 5,4 cm de diamètre maximum.[9]
La réparation chirurgicale peut se faire par:
- Réparation endovasculaire d'anévrisme (EVAR) OU
La procédure endovasculaire est généralement choisie si:
- L'anatomie du patient le permette (les AAA infrarénaux sont les plus favorables) ET
- Un suivi plus rapproché puisse être assuré.
Autrement, la chirurgie ouverte sera choisie si:
- Le patient soit en mesure de la tolérer (car les individus atteints de MVAS seront fréquemment atteints de MCAS [2]).
- Il n'y a pas d'insuffisance rénale chronique (contre-indication relative pour les anévrismes juxta-rénaux, para-rénaux ou supra-rénaux, car la réparation chirurgicale impliquera un clampage des artères rénales).
Si l'anévrisme est mycotique, le pathogène devrait être éradiqué avant avec la procédure.
Suivi
Typiquement, un anévrisme non-traité devra être contrôlé aux 6-12 mois avec une échographie et une consultation en chirurgie vasculaire. [10] En revanche, un anévrisme qui augmente de taille à raison de 0.5 cm à tous les 6 mois ou qui devient symptomatique devrait être réparé de manière urgente. Un anévrisme réparé pourrait être surveillé à chaque année, voire plus dépendamment du patient. Si la réparation s'est faire de manière endo-vasculaire, le plus haut taux de complications demanderait un suivi annuel.[2]
Taille (cm) | Intervalle |
---|---|
< 2.6 cm chez patients > 65 ans | pas de suivi |
2.6 - 2.9 | 5 ans (les données ne sont pas solides) |
3.0 - 3.9 | 2-3 ans |
4.0- 5.0 | 6 mois - 1 an |
5.0 - 5.5 | 6 mois |
Complications
Les complications potentielles du AAA sont:[1]
- la rupture d'anévrisme de l'aorte abdominale (la plus redoutable)
- l'ischémie aiguë du membre inférieur par embolisation du thrombus
- la thrombose
- l'érosion des structures adjacentes
- la fistulisation
- fistule aortocave: entraînera une défaillance cardiaque à haut débit
- fistule aortoentérique: entraînera une hémorragie digestive haute
- les complications opératoires: la majeure partie des décès en péri-opératoire immédiat se feront par IDM et ceux en tardif se feront par insuffisance rénale aiguë. Ces complications systémiques après réparation ont tendance à être plus élevées si la réparation a été effectuée pour un anévrisme rompu. Les autres complications opératoires, précoces ou tardives, incluent l'infection du greffon, l'endofuite, etc.[5][11][12]
Évolution
Certains anévrismes augmentent en taille lentement puis se mettent à grossir soudainement. Plus l'anévrisme est gros, plus il augmentera en taille rapidement et plus il sera à risque de rupture.[13] Environ 20% des anévrismes resteront stables dans le temps.[2] Le taux de survie suite à une réparation chirurgicale élective est de 95.6% à 90 jours et de 72.2% à 5 ans.[14][note 2]
Diamètre (cm) | Risque de rupture annuel (%) |
---|---|
< 4 | 0 |
4,0 à 4,9 | 1 |
5,0 à 5,9 | 3 à 15 |
6,0 à 6,9 | 10 à 20 |
7,0 à 7,9 | 20 à 40 |
≥ 8,0 | 30 à 50 |
Prévention
La meilleure façon de prévenir les AAA est de maintenir une bonne santé cardiovasculaire. Des examples sont:
- ne pas commencer ou arrêter de fumer pour ceux qui fument déjà est de la plus haute importance (étant donné que le facteur de risque le plus modifiable est le tabagisme).
- le maintien d'une alimentation saine qui limite l'athérosclérose
- l'exercice (voir MVAS et activité physique).
Notes
Références
- ↑ 1,0 1,1 et 1,2 Sourabh Aggarwal, Arman Qamar, Vishal Sharma et Alka Sharma, « Abdominal aortic aneurysm: A comprehensive review », Experimental and Clinical Cardiology, vol. 16, no 1, , p. 11–15 (ISSN 1918-1515, PMID 21523201, Central PMCID 3076160, lire en ligne)
- ↑ 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 et 2,7 (en) « Abdominal Aortic Aneurysms (AAA) - Cardiovascular Disorders - Merck Manuals Professional Edition », Merck Manuals Professional Edition, (lire en ligne)
- ↑ 3,0 et 3,1 Varun Kapila, Prasad Jetty, Doug Wooster et Vic Vucemilo, « Screening for abdominal aortic aneurysms in Canada: 2020 review and position statement of the Canadian Society for Vascular Surgery », Canadian Journal of Surgery. Journal Canadien De Chirurgie, vol. 64, no 5, , E461–E466 (ISSN 1488-2310, PMID 34467750, Central PMCID 8526155, DOI 10.1503/cjs.009120, lire en ligne)
- ↑ 4,0 4,1 et 4,2 Palma M. Shaw, John Loree et Ryan C. Gibbons, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 29262134, lire en ligne)
- ↑ 5,0 5,1 5,2 et 5,3 Elliot L. Chaikof, Ronald L. Dalman, Mark K. Eskandari et Benjamin M. Jackson, « The Society for Vascular Surgery practice guidelines on the care of patients with an abdominal aortic aneurysm », Journal of Vascular Surgery, vol. 67, no 1, , p. 2–77.e2 (ISSN 1097-6809, PMID 29268916, DOI 10.1016/j.jvs.2017.10.044, lire en ligne)
- ↑ (en) Jinette Dawn Abbott, MD et Eric A. Osborn, MD, « Abdominal aortic aneurysm (AAA) rupture », DynaMed Plus,
- ↑ Palma M. Shaw, John Loree et Ryan C. Gibbons, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 29262134, lire en ligne)
- ↑ Joseph V. Moxon, Adam Parr, Theophilus I. Emeto et Philip Walker, « Diagnosis and monitoring of abdominal aortic aneurysm: current status and future prospects », Current Problems in Cardiology, vol. 35, no 10, , p. 512–548 (ISSN 1535-6280, PMID 20932435, Central PMCID 3014318, DOI 10.1016/j.cpcardiol.2010.08.004, lire en ligne)
- ↑ (en) Elliot L. Chaikof, « The Society for Vascular Surgery practice guidelines on the care of patients with an abdominal aortic aneurysm », Journal of Vascular Surgery, (lire en ligne)
- ↑ (en) Jinette Dawn Abbott, MD et Maria Sciamarella, MD, « Abdominal aortic aneurysm (AAA) », DynaMed Plus,
- ↑ (en) « Surgical and endovascular repair of ruptured abdominal aortic aneurysm », sur Uptodate,
- ↑ (en) « Complications of endovascular abdominal aortic repair », sur Uptodate,
- ↑ (en) « Surveillance Intervals for Small Abdominal Aortic Aneurysms », JAMA, vol. 309, no 8, , p. 806 (ISSN 0098-7484, DOI 10.1001/jama.2013.950, lire en ligne)
- ↑ (en) Kevin Mani, Martin Björck, Jonas Lundkvist et Anders Wanhainen, « Improved Long-Term Survival After Abdominal Aortic Aneurysm Repair », Circulation, vol. 120, no 3, , p. 201–211 (ISSN 0009-7322 et 1524-4539, DOI 10.1161/circulationaha.108.832774, lire en ligne)
- ↑ David C. Brewster, Jack L. Cronenwett, John W. Hallett et K.Wayne Johnston, « Guidelines for the treatment of abdominal aortic aneurysms: Report of a subcommittee of the Joint Council of the American Association for Vascular Surgery and Society for Vascular Surgery », Journal of Vascular Surgery, vol. 37, no 5, , p. 1106–1117 (ISSN 0741-5214, DOI 10.1067/mva.2003.363, lire en ligne)