Thrombose veineuse profonde du membre inférieur
Maladie | |
TVP gauche | |
Caractéristiques | |
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Signes | Douleur à la palpation, Chaleur, Œdème unilatéral, Signe de Homans, Signe de Payr, Signe de Meyer, État subfébrile , Distension veineuse, Érythème cutané , Température corporelle élevée |
Symptômes |
Douleur, Oedème local, Température corporelle élevée |
Diagnostic différentiel |
Insuffisance cardiaque, Insuffisance veineuse, Syndrome néphrotique, Cirrhose hépatique, Claquage musculaire, Lymphangite, Obstruction lymphatique, Varices, Pathologie du genou, Kyste poplité, ... [+] |
Informations | |
Autres noms | Phlébite |
Spécialités | Médecine interne, hématologie |
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Prévention des thromboses veineuses (15-2)
La thrombose veineuse correspond à un caillot de sang (thrombus) qui obstrue la lumière des veines profondes du corps. Lorsque le thrombus se détache ou se fragmente et migre dans la circulation systémique, on parle d'embolie.
La maladie thromboembolique veineuse (TEV) comprend a thrombose veineuse profonde (TVP) et l'embolie pulmonaire.
Physiopathologie
La stase veineuse, les lésions endothéliales ou l'inflammation conduisent à un état d'hypercoagulabilité. L'activation de la cascade de coagulation active la libération de facteurs prothrombotiques, ainsi que l'agrégation des plaquettes et de cellules sanguines, se produisent simultanément et entrainent la formation d'un thrombus. Le thrombus peut provoquer une occlusion complète ou partielle de la veine entraînant une stase veineuse, un lymphœdème et éventuellement une ischémie des tissus environnants. Un DVT peut se propager et conduire à une embolie pulmonaire[1].
La majorité des thromboses veineuses surviennent aux membres inférieurs. Le thrombus commence à se former dans les veines du mollet (thrombose veineuse distale), puis peut migrer en 2 à 5 jour vers les veines de la cuisse.
- Lorsque le thrombus demeure distal (avant la veine poplitée) : pas de risque d'embolie pulmonaire
- Lorsque le thrombus touche la veine poplitée ou les veines de la cuisse ou du bassin, possibilité d'embolisation aux poumons.
- 50% des patients avec thrombose veineuse profonde ont une embolie pulmonaire radiologique
- 70-90% des patients avec embolie pulmonaire ont une thrombose veineuse profonde associée
À noter que les thromboses veineuses du membre supérieur, bien que rares, sont tout autant à risque d'embolie pulmonaire que celles des membres inférieurs
Présentation clinique
Facteurs de risque
Facteurs de risque résumés dans la triade de Virchow :
- Stase veineuse
- Hospitalisation, alitement ou immobilisation prolongés (chirurgie, plâtre, voyage)
- Insuffisance veineuse chronique
- Compression veineuse par utérus gravide ou tumeur pelvienne
- Insuffisance cardiaque droite)
- Lésion endothéliale
- Intervient surtout dans les thromboses artérielles : détachement d'une plaque d'athérosclérose provoque une activation plaquettaire
- Parfois en thromboses veineuses : trauma, cathéter central, pacemaker
- Hypercoagulabilité
- Médicaments :
- Contraceptifs oraux (noréthindrone, désogestrel et norgestimate > gestodène, lévonorgestrel et norgestrel)
- Hormonothérapie de remplacement
- Chimiothérapie
- Grossesse (risque relatif 5-10, persiste ad 6 sem post-partumm)
- Cancer : notamment lymphomes, leucémies, tumeurs GI, tumeurs cérébrales
- Affections héréditaires ou acquises : syndrome néphrotique, hyperhomocystéinémie, hémoglobinurie paroxystique nocturne, syndrome antiphospholipides, syndrome myéloprolifératif, thrombopénie à l'héparine, CIVD, thrombophilie héréditaire (déficit AT, PC, PS, mutation V Leiden, mutation prothrombine)
- Médicaments :
L'âge et l'obésité sont également des facteurs de risque de TEV (multiples mécanismes).
Antécédents
- ATCD de TEV
- Néoplasie
- Insuffisance veineuse chronique
- Trauma ou chirurgie récente (notamment orthopédique)
- Immobilisation récente (alitement, paralysie, par exemple après un AVC, port de plâtre, voyage de longue durée)
- Grossesse ou post-patum
Habitus
- Tabagisme
- Contraceptifs oraux
Questionnaire
- Douleur au membre atteint
- Œdème du membre atteint
- Fébricule
- Sx d'EP
Examen clinique
- Œdème unilatéral
- Chaleur du membre atteint
- Érythème localisé
- Distension veineuse
- Douleur à la palpation du trajet des veines profondes
- Signe de Homans : douleur au mollet à la dorsiflexion de la cheville
- Signe de Payr : douleur à la pression de la semelle médiale du pied
- Signe de Meyer : douleur à la compression du mollet
- Subfébrile
Approche clinique
Le diagnostic de la TVP est difficile, à cet effet, le score de Wells pour la thrombose veineuse profonde peut être utile et permettra d'orienter les investigations subséquentes.
Critères | Points |
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Cancer actif dans les 6 derniers mois en Tx actif ou palliatif | 1 |
Paralyse, parésie ou immobilisation plâtrée récente du membre inférieur | 1 |
Alitement récent pendant plus de 3 jours et/ou chirurgie majeure depuis moins de 12 semaines requérant une anesthésie régionale ou générale | 1 |
Douleur à la pression sur le trajet du système veineux profond | 1 |
Œdème de tout le membre inférieur | 1 |
Circonférence du mollet > 3 cm vs autre mollet mesuré à 10 cm sous la tubérosité tibiale | 1 |
Œdème à godet unilatéral | 1 |
Veines collatérales superficielles non variqueuses | 1 |
Antécédent de TVP documenté[note 1] | 1 |
Diagnostic alternatif aussi probable ou plus probable (par exemple: Kyste de Baker, cellulite, dommage musculaire, syndrome post-phlébitique, lymphadénopathie inguinale, compression veineuse externe) | -2 |
Niveau de probabilité selon les critères de Wells[2]:
- 3-8: élevé (70 à 80%)
- 1-2: modéré (30%)
- 0 ou moins: faible (5 à 10%)
Niveau de probabilité selon les critères de Wells modifiés:
- si <= 1 point: risque, faible 6 %
- si >= 2 points: risque élevé 28 %
Diagnostic
- TVP peu probable
- Mesurer les D-dimères
- Négatifs : TVP exclue
- Positifs : faire une échographie des veines proximales des MI
- Négative (veines proximales MI compressibles) : TVP exclue
- Positive : Dx de TVP
- Mesurer les D-dimères
- TVP probable
- Faire une échographie des veines proximales des MI
- Négative : mesurer les D-dimères
- Négatifs : TVP exclue
- Positifs : répéter l'échographie dans 5-7 jours
- Positive : Dx de TVP
- Négative : mesurer les D-dimères
- Faire une échographie des veines proximales des MI
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel de la TVP est celui de l'œdème du membre inférieur unilatéral:
- Étirement ou déchirure musculaire avec œdème secondaire
- Cellulite
- Lymphangite ou obstruction lymphatique
- Insuffisance veineuse
- Kyste poplité (de Baker)
- Cellulite
- Varices
- Pathologie du genou
Investigation
Laboratoires
- FSC, INR/TCA, créatinine
- Considérer dépistage de thrombophilie (controversé) si TVP bilatérale, récidivante, idiopathique chez pt < 50 ans, site inhabituel, association thrombose veineuse et artérielle, mort in-utero, ATCD familiale TVP ou EP
- Antithrombine
- Protéine C
- Protéine S
- Facteur V Leiden
- Mutation prothrombine
- Recherche antiphospholipides (sauf si l'indication est ATCD familiaux)
- Anticoagulant de type lupique ou circulant
- Anticorps anticardiolipines
- Anticorps anti bêta2-glycoprotéine 1
- Dépistage de néoplasie approprié pour l'âge
- Considérer recherche de néoplasie si Sx généraux, TVP bilatérale, examen clinique suspect (bilan hépatique, RX pulmonaire, etc.)
Traitement
Indications d'hospitalisation
- Instabilité hémodynamique
- SaO2 < 90% AA
- IR sévère
- Risque hémorragique élevé (ex : post-op récent)
- Douleurs sévères mal soulagées
Traitement de la TEV
- Même traitement pour TVP et EP
- Stabilisation hémodynamique et cible SaO2 > 90%
- Considérer la thrombolyse (rt-PA 100 mg sur 2 hours ou bolus de 0.6 mg/kg) en cas d'instabilité hémodynamique (ou si contre-indiquée, thrombectomie)
- Dans ce cas, l'anticoagulation se fera avec de l'héparine standard, puis de la warfarine
- Anticoagulation
- Anticoagulants directs = 1er choix
- Contre-indiqué en insuffisance rénale avancée (Rivaroxaban et Édoxaban : DFG < 15 ; Apixaban et Dabigatran : DFG < 30), hépatopathie avec coagulopathie, > 120 kg
- Rivaroxaban et Apixaban : débuter d'emblée en monothérapie
- Dabigatran et Édoxaban : besoin d'un pont avec autre anticoagulant (souvent une HBPM) pendant 5-10 jours
- Antagonistes de la vitamine K = 2e choix (warfarine, etc.)
- Toujours commencer de l'héparine non fractionnée ou à bas poids moléculaire en même temps : poursuivre ≥ 5 jours et cesser quand 2 INR de suite sont ≥ 2.0
- Non conseillé chez patient avec néoplasie
- HBPM = 3e choix, sauf en grossesse
- CI si DFG < 30 ou ATCD HIT
- Daltéparine, Énoxaparine, Nadroparine, Tinzaparine
- Seul anticoagulant utilisé en grossesse (non tératogène)
- Historiquement préféré pour les patients avec cancer, mais de plus en plus de données avec les AOD pour les néoplasies non digestives
- Durée de l'anticoagulation
- Facteur de risque isolé : 3 mois après disparition du facteur de risque
- Idiopathique : ≥ 3 mois, considéré à long terme si faible risque hémorragique
- Néoplasie active : prolongé
- Anticoagulants directs = 1er choix
- Si contre-indication à l'anticoagulation, filtre veine cave inférieure et anticoagulation dès que possible.
- Considérer bas compressifs pour prévenir syndrome post-thrombotique
Complications
- embolie pulmonaire (complication la plus redoutable)
- insuffisance veineuse chronique
Prévention
Thromboprophylaxie thromboembolique
- Chez les patients hospitalisés, l'indication est déterminée par le score Padua
- Un score ≥ 4 est une indication de thromboprophylaxie
- Pharmacologique : héparine de bas poids moléculaire (1er choix) ou héparine non fractionnée (2e choix). En cas d'allergie ou d'antécédent de HIT : fondaparinux.
- La dose est à individualiser selon le poids et la clairance de la créatinine.
- La thromboprophylaxie est à cessée à la sortie de l'hôpital. Elle doit être conservée 28 jours post-op pour une chirurgie de cancer ou de 14 à 35 jours post-op pour une prothèse totale de genou ou de hanche.
- Non-pharmacologique : jambières à compression intermittente (attention si MVAS sévère)
- Mobilisation précoce des patients en post-opératoire
- Contre-indications à la thromboprophylaxie pharmacologique
- Saignement actif ou risque élevé de saignement
- Coagulopathie
- Thrombocytopénie (plaquettes < 50 x 109/L)
- Lésion à risque de saignement élevé (ulcère actif, AVC massif)
- HTA grave non maîtrisée
- ATCD HIT ou sensibilité à héparine ou HBPM (choisir fondaparinux)
- Rétinopathie diabétique hémorragique
- Prudence si saignement dans les 3 derniers mois, analgésie épidurale ou rachidienne, endocardite bactérienne aiguë ou subaiguë.
Facteurs de risque | Points |
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Cancer actif (métastases et/ou chimiothérapie/radiothérapie dans les derniers 6 mois | 3 points |
ATCD de thromboembolie veineuse | 3 points |
Immobilisation ou mobilité réduite | 3 points |
Thrombophilie | 3 points |
Trauma ou chirurgie récente (≤ 1 mois) | 2 points |
Âge avancé (≥ 70 ans) | 1 point |
Insuffisance cardiaque et/ou respiratoire | 1 point |
Infarctus du myocarde aigu ou AVC ischémique1 POINT | 1 point |
Infection aiguë et/ou affection rhumatologique | 1 point |
Obésité (IMC ≥ 30) | 1 point |
Hormonothérapie | 1 p |
Notes
- ↑ Ce critère a été rajouté dans les critères de Wells modifiés.
Références
- Cette page a été modifiée ou créée le 2021/04/14 à partir de Deep Venous Thrombosis Of The Lower Extremity (StatPearls / Deep Venous Thrombosis Of The Lower Extremity (2020/11/24)), écrite par les contributeurs de StatPearls et partagée sous la licence CC-BY 4.0 international (jusqu'au 2022-12-08). Le contenu original est disponible à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29262179 (livre).
- ↑ (en) Huyen A Tran, Harry Gibbs, Eileen Merriman et Jennifer L Curnow, « New guidelines from the Thrombosis and Haemostasis Society of Australia and New Zealand for the diagnosis and management of venous thromboembolism », Medical Journal of Australia, vol. 210, no 5, 2019-03-xx, p. 227–235 (ISSN 0025-729X et 1326-5377, DOI 10.5694/mja2.50004, lire en ligne)
- ↑ Philip S. Wells, David R. Anderson, Marc Rodger et Melissa Forgie, « Evaluation of D-dimer in the diagnosis of suspected deep-vein thrombosis », The New England Journal of Medicine, vol. 349, no 13, , p. 1227–1235 (ISSN 1533-4406, PMID 14507948, DOI 10.1056/NEJMoa023153, lire en ligne)