Lésions hépatiques traumatiques
Classe de maladie | |||
![]() Lacération de grade 4 | |||
Caractéristiques | |||
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Signes | Ecchymose, Lacération, Distension abdominale , Signes vitaux normaux, Douleur à la palpation abdominale, Défense abdominale , Choc hémorragique | ||
Symptômes |
Traumatisme pénétrant, Traumatisme contondant, Douleur abdominale, Choc hémorragique | ||
Étiologies |
Traumatisme abdominal pénétrant, Iatrogénie, Traumatisme abdominal contondant (approche clinique) | ||
Informations | |||
Terme anglais | Traumatic liver injury | ||
Autres noms | Contusion hépatique, Lacération hépatique | ||
Wikidata ID | Q6658207 | ||
Spécialités | Chirurgie générale, Médecine d'urgence, Traumatologie, Soins intensifs | ||
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Les lésions hépatiques traumatiques sont les différentes atteintes du foie causées par un mécanisme contondant ou pénétrant.
1 Classification[modifier | w]
Les maladies qui font partie de cette classe sont :
- la lacération hépatique
- la rupture hépatique
- l'hématome hépatique intraprenchymateux
- l'hématome sous-capsulaire
- la déchirure de la capsule hépatique.
2 Épidémiologie[modifier | w]
Le trauma hépatique survient dans 5% de tous les types de traumas, ce qui en fait la blessure abdominale la plus fréquente. De par sa grosseur et sa position physiologique, le foie est souvent atteint à la suite d'un traumatisme contondant, mais d'autres lésions concomitantes sont aussi généralement retrouvées chez ces patients. Les lésions hépatiques mineures de grades I et II représentent 80 à 90% des cas. Plus le degré de la blessure est élevé, plus le patient est à risque d'en décéder, comme c'est souvent le cas pour les lésions de grades IV et V. Avec un taux de mortalité de 10 à 15%, les lésions hépatiques traumatiques sont la principale cause de décès pour les patients avec traumatisme abdominal. [1][2]
Toutefois, la majorité des décès des patients avec traumatisme hépatique est causée par un traumatisme crânien ou thoracique associé. Le taux de décès est doublé si le patient est porteur d'un autre traumatisme abdominal concomitant (ex. rein ou rate). Il y a davantage de traumatisme hépatique par accident automobile dans les pays où la conduite automobile est dans la voie de gauche, autant pour les piétons que les conducteurs automobiles.
3 Étiologies[modifier | w]
Il est généralement causé par [1] :
- un traumatisme abdominal contondant (ex. chute, accident de voiture)
- un traumatisme abdominal pénétrant (ex. à l'arme blanche, par balle)
- l'iatrogénie (ex. lacération hépatique pendant une chirurgie abdominale).
4 Physiopathologie[modifier | w]
Les vaisseaux sanguins hépatiques sont particulièrement fragiles, car ils sont volumineux, leur paroi est mince et le débit sanguin y est élevé. Ainsi, la conséquence immédiate du trauma est le saignement qui peut être suffisamment important pour causer un compromis hémodynamique, ce qui est le plus dangereux physiopathologiquement. L'emplacement du foie en antérieur de l'abdomen, la fragilité de son parenchyme et de la capsule de Gleeson le rendent sensible aux traumas contondants.[1] De plus, sa grande taille le rend vulnérable aux traumas pénétrants.[2] Étant donné sa localisation sous le diaphragme, les forces de cisaillement sont aussi susceptibles de causer des dommages au foie.[3]
5 Présentation clinique[modifier | w]
5.1 Questionnaire[modifier | w]
Le questionnaire du patient traumatisé est basé sur l'ATLS.
Le mécanisme de la blessure du traumatisme est à rechercher systématiquement, c'est-à-dire [4][5] :
- un traumatisme contondant (ex. passager avant lors d'un accident de voiture)
- un traumatisme pénétrant (ex. une blessure par arme à feu engendre plus de dommage aux tissus hépatiques qu'un couteau et peut être la porte d'entrée de débris, bactéries, etc.).
Les symptômes des lésions hépatiques traumatiques sont [4][6] :
- une douleur abdominale à l'hypochondre droit
- des symptômes de choc hémorragique.
5.2 Examen clinique[modifier | w]
À l'examen physique des traumatismes hépatiques, on recherche les éléments suivants [6] :
- aux signes vitaux :
- les signes vitaux peuvent être normaux, sauf si cela se complique d'un choc hémorragique
- à l'examen abdominal démontrera :
- une ecchymose
- un point d'entrée (ex. lacération, cavité laissée par un projectile)
- une défense abdominale involontaire et volontaire
- une douleur abdominale diffuse ou à la palpation de l'hypocondre droit
- une distension abdominale.
6 Examens paracliniques[modifier | w]
6.1 Laboratoires[modifier | w]
Les analyses sanguines suivantes sont utiles pour évaluer les lésions hépatiques traumatiques [1] :
- une FSC : une anémie peut être présente ou se développer si un saignement actif est présent
- les électrolytes
- la créatininémie
- un gaz veineux et des lactates (en cas de choc hémorragique, une acidose métabolique hyperlactatémique est à redouter)
- la calcémie, la magnésémie, un groupé-croisé, l'INR, le TCA et le fibrinogène (particulièrement utiles dans le contexte de l'activation d'un protocole de transfusion massive)
- un bilan hépatique.
6.2 Imagerie[modifier | w]
Les imageries suivantes sont utiles pour évaluer les traumatismes hépatiques[1][5].
- Une échographie abdominale[Se: 63-100%[7]][Sp: 95-100%[8]] (protocole e-FAST) est utile afin d'évaluer la présence de liquide libre (ex. sang) dans la cavité abdominale ou le péricarde
- La TDM abdominopelvienne C+ (phases artérielle et veineuse) est réservée aux patients hémodynamiquement stables pour poser le diagnostic. Elle permet d'identifier :
- les lacérations hépatiques
- les hématomes sous-capsulaires
- la déchirure capsulaire
- l'hémopéritoine
- les lésions abdominales traumatiques concomitantes
- une lésions vasculaire juxta-hépatique
- des pseudoanévrismes en formation.
- Une cholangiopancréatographie par résonance magnétique peut être utile pour identifier une atteinte des voies biliaires suspectées dans un deuxième temps.
7 Approche clinique[modifier | w]
En traumatologie, il faut ajuster l'investigation et la prise en charge rapide en fonction de la stabilité hémodynamique du patient. Un patient stable ou qui répond au volume donné en période de réanimation (responder) devra avoir une imagerie pendant la première heure de sa prise en charge (golden-hour). Cette imagerie orientera rapidement le clinicien pour déterminer les besoins de transfert en centre tertiaire, l'orientation vers un traitement non-invasif comme l'angiographie thérapeutique ou l'observation hospitalière, ou la prise en charge chirurgicale au bloc opératoire. Il faut considérer le patient dans sa globalité avec les traumatismes associés et les comorbidités déjà connues. Quant au patient instable qui répond transitoirement à la réanimation liquidienne (transient responder) ou qui ne répond pas à ladite réanimation (non-responder) chez qui l'on suspecte un traumatisme hépatique (EDU+ et mécanisme du traumatisme), il devra être dirigé vers le bloc opératoire pour une laparotomie exploratrice.
8 Système de gradation[modifier | w]
Le grade attitré correspond au grade le plus élevé à l'imagerie, lors de l'opération ou sur le spécimen pathologique. Plus d'une lésion hépatique de grade I peuvent être présentes et doivent être classées selon le degré de lésion le plus élevé. [9]
Grade | Critères d'imagerie (TDM) | Critères opératoires | Critères pathologiques |
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I |
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II |
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III |
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IV |
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V |
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Les lésions vasculaires sont définies comme un pseudo-anévrisme ou une fistule artério-veineuse et apparaissent comme une collection focale de contraste vasculaire, dont l'atténuation diminue avec l'imagerie en phase tardive. Le saignement actif d'une lésion vasculaire se présente sous la forme d'un contraste vasculaire, focal ou diffus, qui augmente en taille ou s'atténue en phase tardive. Un infarctus d'organe est à craindre en cas de thrombose vasculaire. [9]
9 Diagnostic différentiel[modifier | w]
Le diagnostic différentiel de cette maladie comprend [1] :
- un traumatisme diaphragmatique
- un traumatisme costal
- une hémorragie rétropéritonéale
- une perforation intestinale
- un traumatisme génito-urinaire inférieur ou supérieur
- un trauma obstétrical.
10 Traitement[modifier | w]
Initialement, le type (pénétrant et contondant) et le grade de la blessure sont peu significatifs pour déterminer le type de traitement. Le critère le plus important afin de déterminer la prise en charge est le statut hémodynamique du patient. La grand majorité des patients pourront être traités non chirurgicalement, mais ceux ayant un trauma de grade IV ou V sont considérablement plus à risque de voir leur condition se détériorer et requérir une chirurgie. Ainsi, il est essentiel de bien surveiller leurs signes vitaux. [5] D'ailleurs, les patients hémodynamiquement instables doivent recevoir un protocole de transfusion massive, tandis que les patients stables avec une anémie sévère peuvent recevoir une transfusion simple. De plus, un traitement à base d'acide tranéxamique peut réduire grandement les pertes sanguines et le taux de mortalité associé.[10]
Les critères pour que l'approche non chirurgicale soit efficace sont [5] :
- une absence de péritonisme
- un niveau de conscience adéquat
- aucun signe de saignement évident à la TDM.
Dans les cas où le patient nécessite une chirurgie, administrer une antibiothérapie pour couvrir les micro-organismes aérobiques et anaérobiques et placer le patient sur une couverte chauffante. L'équipe chirurgicale doit chercher à remplir quatre critères fondamentaux [5] :
- l'hémostase
- une exposition de la blessure adéquate
- le débridement des tissus dévitalisés
- le drainage.
À cette fin, l'hépatotomie (finger-fracture technique) pour disséquer le parenchyme du foie avec une occlusion temporaire de la triade portale semble être la meilleure stratégie (manoeuvre de Pringle). Il est recommandé d'utiliser des écarteurs pariétaux en combinaison avec une incision abdominale médiane pour éviter d'impliquer le thorax. [5]
Statut du patient | Prise en charge | Traitements | |
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Hémodynamiquement stable, absence de péritonisme,
état de conscience normal et pas d'autres organes lésés (grade I à V) |
Non chirurgical |
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Chirurgical (Laparotomie) |
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Hémodynamiquement
instable (grade I à V) ou détérioration physiologique |
Opératoire
(Laparotomie) |
Hémorragie
hépatique mineure |
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Hémorragie
hépatique majeure |
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Lors de la première opération, la résection hépatique majeure est déconseillée et elle devrait plutôt être considérer pour une chirurgie ultérieure. [4]
Type | Classification | Traitement |
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Contondant | Trauma mineure |
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Trauma modéré à sévère |
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Pénétrant | Long trajet profond (parenchyme) |
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Structures extrahépatiques |
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11 Suivi[modifier | w]
Au suivi, il faudra guetter les signes vitaux et l'hématocrite afin de rapidement déceler une complication hémorragique. Les patients victimes de traumatisme hépatique devront tous être admis dans une unité chirurgicale ou aux soins intensifs dans les cas plus sérieux. Les patients peuvent reprendre leurs activités physiques normales après que les lésions hépatiques soit guéries, soit de 3 à 4 mois. Les patients en traumatologie sont à haut risque embolique. Des bas pneumatiques et la déambulation précoce sont recommandées. Idéalement, une thromboprophylaxie médicamenteuse devra être prescrite rapidement. Dans le cas où une résection hépatique significative a été effectuée, on devra s'assurer que la fonction hépatique est préservée et suffisante.
12 Complications[modifier | w]
Les complications de cette maladie sont [1][6][5] :
- une fuite biliaire (21% des patients opérés)
- un choc hémorragique
- une fistule biliaire causant une hémobilie
- une nécrose hépatique (41% des patients ayant subi une embolisation)
- un biliome[note 1]
- un abcès hépatique[note 2]
- un sepsis périhépatique
- des sténoses biliaires
- des thrombose veineuse profonde (système porte, systémique, veine sus-hépatique)
- l'insuffisance hépatique.
L'incidence des complications est d'environ 7%, mais peut aller jusqu'à 15-20% dans les atteintes de haut grades.[6]
13 Évolution[modifier | w]
Le taux de succès pour la prise en charge non chirurgicale avoisine les 92% pour les lésions de grade I à II, 80% pour le grade III, 72% pour celles de grade IV et 62% pour le grade V.[12]
14 Notes[modifier | w]
- ↑ Un biliome est une collection de bile qui devra être traitée par drainage percutané.
- ↑ Les abcès se développeront dans 3 à 5% des cas en raison de l'exposition du tissu hépatique nécrosé à la bile. Ils doivent être évoqués en présence de fièvre, de douleur et de leucocytose en augmentation dans les jours suivant le trauma.
15 Références[modifier | w]
- Cet article a été créé en partie ou en totalité le 2023-03-20 à partir de Chirurgie (application), créée par Dre. Hélène Milot, Dr. Olivier Mailloux et collaborateurs et partagé sous la licence CC-BY-SA 4.0 international
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- ↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4 5,5 5,6 et 5,7 Juan A. Asensio et Donald D. Trunkey, Current therapy of trauma and surgical critical care, Mosby/Elsevier, (ISBN 978-0-323-07086-7 et 0-323-07086-8, OCLC 324993237, lire en ligne)
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