Nausées et vomissements physiologiques de la grossesse
Approche clinique | |
Caractéristiques | |
---|---|
Examens paracliniques | TSH, Bilan hépatique, Échographie obstétricale, Culture d'urine, Créatininémie, Lipase, Analyse d'urine, Bilan électrolytique, Échographie abdomino-pelvienne, B-HCG sérique quantitatif, ... [+] |
Informations | |
Wikidata ID | Q391556 |
Spécialité | Obstétrique |
|
Les nausées et vomissements sont parmi les symptômes physiologiques les plus fréquents de la grossesse. Ces symptômes sont d'intensité variable, allant de légers à très sévères. La forme la plus sévère se nomme l'hyperemesis gravidarum, qui fait référence à des vomissements incoercibles pendant la grossesse.[1] Ces nausées et vomissements peuvent avoir un impact significatif sur la qualité de vie des femmes et le déroulement de leur grossesse.[2]
Épidémiologie
La prévalence des nausées et vomissements durant la grossesse est variable dans la littérature. Ces symptômes touchent 50 à 80% des femmes enceintes. Ce sont 0,3 à 2% qui nécessiteront une hospitalisation pour de l’hyperemesis gravidarum. Dans la majorité des cas, les nausées et vomissements physiologiques débutent avant 9 semaines de gestation et sont résolus vers la 12e semaine gestationnelle.[3][4][5][6]
Physiopathologie
Le mécanisme des nausées et vomissements chez la femme enceinte est peu compris et l'origine est probablement multifactorielle[1]. Certains facteurs ont toutefois été observés comme causants ou aggravants ces symptômes, notamment les haut niveaux sériques de β-hCG, le ralentissement de la vidange gastrique par les œstrogènes et les prostaglandines placentaires, l'hypotonie du sphincter oesophagien inférieur et l'augmentation de la pression intra-abdominale par l'utérus.[4][7]
Évaluation clinique
Avant d'évaluer les nausées et vomissements, il est pertinent d'avoir un portrait de la grossesse actuelle, c'est-à-dire l'âge gestationnel, le déroulement de la grossesse, les antécédents médicaux et obstétricaux, les habitudes de vie ainsi que la prise de médicaments. [3] [5]
Facteurs de risque
Les principaux facteurs de risque à identifier sont :[1][4]
- la grossesse gemellaire
- les antécédents de môle hydatiforme
- les antécédents d'hyperémèse gravidarum
- le foetus de sexe féminin.
Questionnaire
S'inspirant du questionnaire PUQE (Pregnancy-Unique Quantification of Emesis) qui évalue l'intensité des symptômes sur une journée, il est possible de questionner : (1) la fréquence des vomissements, (2) la fréquence des haut-le-coeur et (3) le nombre d'heures de nausées quotidiennement.[3][8]
Ensuite, au questionnaire, les éléments suivants sont à recherchés et pourraient impacter la prise en charge :
- la douleur abdominale
- la fièvre
- les symptômes de dysthyroïdie
- les symptômes de prééclampsie
- les changements au niveau des mictions et des selles
- le suivi du poids
- la perte de sang ou la perte de liquide
- les symptômes de reflux gastro-œsophagien, incluant le pyrosis.
Examen clinique
À l'examen clinique, on pourrait objectiver :
- les signes vitaux, dont la fièvre, l'hypotension et la tachycardie, ainsi que l'évolution du poids
- un ictère
- des signes de déshydratation
- une sensibilité ou une douleur abdominale, notamment au niveau du creux épigastrique
- des signes de péritonisme.
Drapeaux rouges
En présence de drapeaux rouges, il faut évoquer un diagnostic autre que celui des nausées et vomissements physiologiques de la grossesse. Voici les drapeaux rouges à rechercher :[3][6]
Examens paracliniques
Les examens paracliniques ne sont pas toujours nécessaires, ils sont à prescrire en présence d'hyperemesis gravidarum ou selon la suspicion clinique d'un diagnostic expliquant les nausées et vomissements (voir Tableau des principales causes de nausées et vomissements en cours de grossesse) :[2][5]
- le bilan électrolytique
- la créatinine
- le bilan hépatique
- la lipase
- la TSH
- le niveau de b-HCG (quantitatif)
- l'analyse et la culture d'urine
- le monitoring foetal ou l'échographie obstétricale
Pour l'hyperemesis gravidarum particulièrement, l'évaluation de la cétonurie peut donner un indice de la gravité de la dénutrition associée.
Également, lorsque l'étiologie est imprécise l'échographie abdomino-pelvienne complète peut être demandée comme examen de première ligne.
Diagnostic différentiel
Bien que les nausées et vomissements en grossesse soient le plus souvent secondaire aux effets physiologiques de la grossesse, le diagnostic différentiel regroupe les causes de nausées et de vomissements fréquemment rencontrées chez l'adulte.
Système impliqué | Causes fréquentes [2][9][1][7] |
---|---|
Associés à la grossesse | Nausées et vomissements de la grossesse |
Troubles gastro-intestinaux | Appendicite
Hépatites (virales, métaboliques) |
Troubles génitaux-urinaires | Pyélonéphrite |
Troubles neurologiques | Migraine |
Troubles métaboliques | Acidocétose diabétiqueHyperglycémie hyperosmolaire |
Traitement
En présence de nausées et vomissements physiologiques de la grossesse, on peut rassurer les patientes quant au caractère bénin et auto-résolutif de ces symptômes. De plus, plusieurs mesures peuvent être proposées pour soulager ces symptômes.
Mesures non pharmacologiques[1][4][7][8][5]
En première ligne de traitement, on retrouve les interventions non pharmacologiques suivantes :
- l'arrêt des multivitamines contenants du fer et leur remplacement par l’acide folique ou des vitamines faibles en fer
- l'acupuncture
- l'acupression par stimulation du point Neiguan (P6)
- Il existe des bracelets qui stimulent ce point.
- la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience
- les changements alimentaires :
- Fractionner les repas en privilégiant des petits repas avec des collations plus fréquentes.
- Favoriser les produits frais et les plats froids.
- Éviter les aliments trop acides, riches en graisse/sucre et aux goûts prononcés.
- Consommer du gingembre, via l'ajout de gingembre alimentaire ou par la prise de 250 mg QID.
- Boire au moins 2 litres d'eau par jour.
Mesures pharmacologiques[1][3][7][5]
Le choix du contexte clinique pour la prise en charge des nausées et vomissements de la grossesse dépendra notamment du statut hémodynamique de la patiente, des signes de déshydratation et, s'ils ont été demandés, des résultats paracliniques.
En contexte de stabilité hémodynamique et d'absence de signes de déshydratation
Dans ce contexte, le traitement prendra place en milieu extra-hospitalier et la patiente pourra être congédiée avec les conseils de sécurité d'usage.
1e ligne
- Si léger : pyridoxine (vitamine B6)10mg PO QID et augmenter PRN
- Doses usuelles de 10 à 25 mg TID à QID
- Maximum 200 mg/jour
- Si modéré : doxylamine 10 mg + pyridoxine 10 mg PO TID (1co AM, 1co midi, 2co HS) Diclectin©
- Maximum 8 comprimés/jour
2e ligne : ajouter un des agents suivants (en ordre d'innocuité démontrée)
- dimenhydrinate 50 mg PO q4-6h ou 100 mg IR q4-6h PRN Gravol©
- Maximum 200 mg/jour
- métoclopramide 5-10mg PO ou IM q8h Maxeran©
- prochlorpérazine 5-10 mg IR ou IM q6-8h Stemetil©
- ondansétron 4mg PO q8h OU 8mg PO q12h PRN Zofran©
En contexte d'instabilité hémodynamique et de déshydratation
Le traitement devra être prodigué en milieu hospitalier ou à la salle d'urgence, notamment pour s'assurer de la réplétion volumique adéquate de la patiente.
1e ligne
- réplétion hydrique : au moyen d'un soluté IV de D5%NS à 250 ml/h x 4h, puis à 150 ml/h
- Si potassium (K) < 4 mmol/L : ajouter au soluté KCl 20 mEq/L
- Multivitamines 10 ml dans 1L de soluté DIE
- Dimenhydrinate 50-100 mg IV q4-6h Gravol©
2e ligne : ajouter un des suivants (en ordre d'innocuité démontrée)
- Métoclopramide 5-10mg IV q8h Maxeran©
- Porchlorpérazine 5-10 mg IV ou IM q6-8h Stemetil©
3e ligne
- Ondansétron 4mg IV q8h OU 8mg IV q12h (sur 15 min) Zofran©
4e ligne
- méthylprednisolone 15-20mg IV q8h OU 1 mg/h en perfusion ad 24h Solu-medrol©
Innocuité de ces médicaments en grossesse et les effets secondaires associés
- Aucun incident thérapeutique avec une dose moyenne de 130 mg par jour avec pyridoxine ou doxylamine + pyridoxine. Les effets secondaires communs rapportés sont : céphalée, somnolence.
- Diverses méta-analyses considèrent les antihistaminiques comme sécuritaires durant la grossesse, ayant principalement des effets secondaires anticholinergiques : soif, étourdissement, fatigue et céphalée
- Aucun lien entre le métoclopramide et des issues non favorables de la grossesse n'a été établi. Il est recommandé d'éviter une durée de traitement prolongée au-delà de 12 semaines.
- Certaines études rapportent un lien entre l’ondansétron et le risque accru de fissure labio-palatine et de malformation cardiaque chez l'enfant. L’occlusion intestinale et la prolongation de l’intervalle QTc sont également des effets indésirables rapportés chez la mère.
- Il est important d’être prudent avec les stéroïdes avant la 10e semaine de grossesse, le risque de fissure labio-palatine étant augmenté.[1][5][7]
Références
- Cette page a été modifiée ou créée le 2021/11/06 à partir de Hyperemesis Gravidarum (StatPearls / Hyperemesis Gravidarum (2021/08/25)), écrite par les contributeurs de StatPearls et partagée sous la licence CC-BY 4.0 international (jusqu'au 2022-12-08). Le contenu original est disponible à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30422512 (livre).
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 et 1,6 Kim Campbell, Hilary Rowe, Hussam Azzam et Carolyn A. Lane, « Prise en charge des nausées et vomissements de la grossesse », Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada, vol. 38, no 12, , p. 1138–1149 (ISSN 1701-2163, DOI 10.1016/j.jogc.2016.11.003, lire en ligne)
- ↑ 2,0 2,1 et 2,2 Hyperemesis Gravidarum, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30422512
- ↑ 3,0 3,1 3,2 3,3 et 3,4 (en) Noel M. Lee et Sumona Saha, « Nausea and Vomiting of Pregnancy », Gastroenterology Clinics of North America, vol. 40, no 2, , p. 309–334 (PMID 21601782, Central PMCID PMC3676933, DOI 10.1016/j.gtc.2011.03.009, lire en ligne)
- ↑ 4,0 4,1 4,2 et 4,3 Caroline Battu, « Troubles digestifs et grossesse », Actualités Pharmaceutiques, vol. 54, no 550, , p. 19–22 (ISSN 0515-3700, DOI 10.1016/j.actpha.2015.09.005, lire en ligne)
- ↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4 et 5,5 Céline Leclerc, Mémo-périnatalité : guide pratique : période prénatale, travail et accouchement, période post-partum, nouveau-né, (ISBN 978-2-9810350-2-8 et 2-9810350-2-9, OCLC 1262568796, lire en ligne)
- ↑ 6,0 et 6,1 « Les nausées et les vomissements durant la grossesse », sur naitreetgrandir.com (consulté le 6 janvier 2022)
- ↑ 7,0 7,1 7,2 7,3 et 7,4 Kelly Smith MD, FACP1, Blair Reece, MD2 et Clint Smith, BS1, « A patient with dysphagia and muscle weakness », International Journal of Case Reports, (ISSN 2572-8776, DOI 10.28933/ijcr-2019-11-2506, lire en ligne)
- ↑ 8,0 et 8,1 Brian Bond, Ashley Peterson, David Chelmow et Christine R. Isaacs, Acute Care and Emergency Gynecology, Cambridge University Press (lire en ligne), p. 159–161
- ↑ https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29266076