Écoulement mammaire (approche clinique)
Écoulement mammaire (10-2)
L'écoulement mammaire est la production de liquide au niveau du mamelon. Cet écoulement peut être normal (colostrum ou lait), physiologique (ou galactorrhée) ou le signe d'une pathologie sous-jacente s'il n'est pas laiteux.[1]
1 Épidémiologie[modifier | w]
L'écoulement mammaire est une raison de consultation assez fréquente. En effet, on estime que 50 à 80 % des femmes présentent un écoulement mammaire au courant de leur âge reproductif[1].
La majorité des écoulements mammaires sont bénins (97 %). Toutefois, ceux qui se présentent chez les femmes post-ménopausées ou chez les hommes sont d'emblée suspects et méritent des investigations supplémentaires[1]. L'âge est un déterminant clé dans le risque de cancer de sein sous-jacent, comme démontré par les statistiques suivantes.
Âge | Risque |
---|---|
< 40 ans | 3 % |
40 à 60 ans | 10 % |
> 60 ans | 30 % |
2 Étiologies[modifier | w]
L'écoulement mammaire peut être normal s'il survient lors de la période post-partum et de l'allaitement. Il serait alors provoqué par l'effet des hormones stéroïdiennes et par la libération de prolactine (PRL) et d'ocytocine par l'hypophyse[2].
La galactorrhée est la sécrétion de lait en dehors de la période de la grossesse et au-delà de 6 à 12 mois post-partum et peut être expliquée par un état d'hyperprolactinémie. Il s'agit le plus souvent d'un écoulement bilatéral. Il existe plusieurs stimuli déclencheurs dont :
- la stimulation des seins (ex. succion, massage)
- les hormones stéroïdiennes (ex. les fluctuations associées au cycle menstruel, les contraceptifs oraux)
- la thoracotomie et autres traumatismes thoraciques/des seins
- les endocrinopathies (ex. l'hypothyroïdie, l'adénome hypophysaire)
- l'insuffisance rénale chronique
- les médicaments qui inhibent la dopamine (ex. les opioïdes, les antihypertenseurs (méthyldopa, réserpine, vérapamil), les antidépresseurs et les antipsychotiques)[1], puisque la dopamine exerce une rétro-inhibition sur la prolactine.
Les écoulements mammaires non laiteux (ou pathologiques) sont des écoulements sanguins ou séro-sanguins, ou d'autres couleurs, spontanés et persistants. Certaines causes incluent :
- l'infection et l'abcès mammaire
- le papillome intracanalaire
- l'ectasie canalaire
- la néoplasie des seins (in situ ou invasive)[1][2][3].
3 Évaluation clinique[modifier | w]
3.1 Facteurs de risque[modifier | w]
Certains facteurs de risque sont à rechercher à l'histoire :
- les conditions médicales connues (ex. dysthyroïdie, insuffisance rénale, tumeur hypophysaire)
- les antécédents de traumatisme thoracique
- des antécédents de maladie mammaire
- la prise de médicaments (ex. la contraception orale, les diurétiques, les agonistes dopaminergiques les antipsychotiques, les antidépresseurs et les opioïdes, etc.)
- les antécédents gynécologiques (ex. l'âge à la ménarche et à la ménopause, les antécédents de grossesse, le lien avec le cycle menstruel)
- une histoire d'allaitement récente ou ancienne
- des antécédents familiaux de cancer du sein et des ovaires.
3.2 Questionnaire[modifier | w]
Au questionnaire de l'écoulement mammaire, il faut rechercher les caractéristiques suivantes :
- le début des symptômes (spontané vs provoqué)
- la symétrie de l'écoulement mammaire
- un écoulement bilatéral indique le plus souvent une cause bénigne
- un écoulement unilatéral est plus fréquemment associé à un processus malin
- le nombre de canaux atteints :
- un écoulement pluricanalaire implique habituellement une maladie bénigne (ex. maladie fibrokystique, ectasie canalaire) alors qu'un écoulement unicanalaire est plus souvent causé par une lésion endoluminale (ex. papillome)
- la couleur de l'écoulement :
- un écoulement sanguin est le plus fréquemment un papillome (50 %), fibroadénome/une ectasie des canaux (15 à 30 %), néoplasie tel le carcinome in situ (15 %) ou un cancer invasif
- l'écoulement d'un papillome est souvent rosé ou transparent
- un écoulement vert forêt ou brunâtre est davantage suggestif d'une ectasie canalaire ou d'une maladie fibrokystique
- jaune crème
- un écoulement « eau de roche » suggère un papillome ou un cancer canalaire in situ
- la texture de l'écoulement (écoulement liquide vs visqueux/collant)
- la persistance (persistant vs non persistant).
Les symptômes extra-mammaires suivants sont également à rechercher [1][2]:
- les indices d'hypogonadisme (oligoménorrhée, aménorrhée)
- les symptômes d'hypothyroïdie (ex. fatigue, sensibilité au froid, prise de poids, peau sèche)
- les symptômes systémiques (ex. fièvre, perte de poids)
- une céphalée et des troubles de la vision s'il y a une suspicion d'adénome hypophysaire.
3.3 Examen clinique[modifier | w]
Les éléments clés de l'examen physique comprennent[1] :
- un examen des seins bilatéral à la recherche :
- d'un écoulement unicanalaire ou pluricanalaire[note 1]
- d'une masse mammaire palpable (habituellement, pour causer un écoulement, la lésion se situe à moins de 3 cm de l'extrémité du canal)
- d'une lésion cutanée pouvant provoquer des sécrétions (ex. eczéma, maladie de Paget, infections)
- un examen des aires ganglionnaires (zones axillaires et supra et infra-claviculaires) à la recherche d'adénopathies
- un examen neurologique à la recherche d'une hémianopsie bitemporale si le prolactinome est suspecté.
4 Examens paracliniques[modifier | w]
Dans le bilan de base de la galactorrhée, il faut doser :
- la BHCG sérique
- la TSH
- la PRL.
Pour un écoulement bilatéral, il est également possible de recourir à des imageries mammaires, soit la mammographie et l'échographie mammaire qui permettent d'évaluer la dilatation des canaux et possiblement de voir une lésion endoluminale.
En présence d'un écoulement unilatéral, certains examens paracliniques peuvent être prescrits :
- la mammographie et l'échographie mammaire chez les femmes de > 30 ans si l'écoulement est spontané ou s'il y a une masse au sein concomitante
- la ductoscopie est un examen par fibre optique intracanalaire qui permet de voir les lésions endoluminales, comme un papillome, un carcinome canalaire in situ ou un cancer invasif
- l'IRM du sein peut être utile si un écoulement pathologique est suspecté, mais que les résultats de la mammographie et l'échographie sont normaux (avant de prescrire l'IRM, il faut tenir compte de son coût et des risques de la surinvestigation subséquente)[4]
- la cytologie est rarement utilisée, car elle cause fréquemment des faux positifs[note 2]
- la ductographie ou galactographie, mais cet examen est douloureux et moins accessible
- la biopsie excisionnelle du canal fautif permet d'éliminer hors de tout doute une pathologie maligne ou précancéreuse.
5 Approche clinique[modifier | w]
Lorsque l'écoulement mammaire est d'ordre physiologique, il faut initialement procéder à un test de grossesse en présence d'une femme en âge de procréer. Si ce test se révèle négatif, il faut procéder au bilan de la galactorrhée, soit doser la TSH, la PRL et faire une revue complète de la médication. Si ce bilan est négatif, on peut s'en tenir à observer l'évolution de l'écoulement mammaire et programmer un suivi dans les prochains mois.
Toutefois, si l'écoulement mammaire s'apparente plutôt à une nature pathologique, il faut procéder aux imageries mammaires, soit à l'échographie et à la mammographie. Selon les résultats, on peut poursuivre les investigations avec d'autres modalités (voir la section Examens paracliniques ci-dessus) ou diriger la patiente en chirurgie générale[5].
6 Drapeaux rouges[modifier | w]
Les drapeaux rouges sont[5] :
- un écoulement spontané, unilatéral, unicanalaire, sanguin, collant, visqueux ou persistant
- une masse mammaire
- l'âge > 40 ans
- des signes systémiques, tels que la perte de poids, la fièvre et la fatigue
- des signes d'inflammation locale (mastalgie, érythème).
À contrario, les écoulements bénins sont habituellement provoqués, bilatéral, pluricanalaire, non sanguin et liquide.
7 Traitement[modifier | w]
Bien évidemment, le traitement de l'écoulement mammaire dépend de l'étiologie sous-jacente.
Il est à noter que certains écoulements ne nécessitent aucun traitement. Par exemple, la galactorrhée peut être traitée selon la cause endocrinienne sous-jacente (ex. prescrire de la lévothyroxine dans le contexte d'une hypothyroïdie), comme par un changement ou un arrêt d'un médicament ou par l'essai de bromocriptine ou d'agonistes dopaminergiques. D'autre part, un écoulement purulent se traite par antibiotiques. S'il y a un abcès, la prise en charge inclut une incision et un drainage, parfois accompagné d'une biopsie[1][6][7].
7.1 Chirurgie[modifier | w]
Parmi les patientes qui nécessitent une chirurgie, 85 % présentent une pathologie bénigne[7].
Les indications chirurgicales sont les suivantes :
- un écoulement unicanalaire accompagné :
- d'un écoulement sanguinolent ou eau de roche
- d'une masse palpable
- d'une lésion (ex. papillome)
- d'un canal irrégulier à la ductographie
- des symptômes persistants
- un écoulement multicanalaire et très symptomatique.
Parmi les techniques chirurgicales, l'excision simple d'un canal permet de préserver la fonction de l'allaitement et peut être utilisée en présence d'une lésion clairement identifiée. Également, l'excision complète des canaux est possible lorsqu'il n'y a pas de lésion identifiée.
8 Pronostic[modifier | w]
Lorsque l'examen clinique et les investigations sont négatifs, on estime que 75% des écoulements mammaires se résolvent spontanément, et ce, en moins de 5 ans. Il faut également souligner qu'ils ne seraient pas associés à une augmentation du risque de cancer.
9 Références[modifier | w]
- Cette page a été modifiée ou créée le 2019/12/19 à partir de Nipple discharge (686052), écrite par les contributeurs de WikiDoc et partagée sous la licence CC-BY-SA 3.0. Le contenu original est disponible à https://www.wikidoc.org/index.php/Nipple_discharge.
- Cette page a été modifiée ou créée le 2021/12/21 à partir de Breast Nipple Discharge (StatPearls / Breast Nipple Discharge (2021/06/30)), écrite par les contributeurs de StatPearls et partagée sous la licence CC-BY 4.0 international (jusqu'au 2022-12-08). Le contenu original est disponible à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28613688 (livre).
- Cet article a été créé en partie ou en totalité le 2022-01-16 à partir de Chirurgie (application), créée par Dre. Hélène Milot, Dr. Olivier Mailloux et collaborateurs et partagé sous la licence CC-BY-SA 4.0 international
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 et 1,7 Karima R. Sajadi-Ernazarova, Kavin Sugumar et Rotimi Adigun, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 28613688, lire en ligne)
- ↑ 2,0 2,1 et 2,2 Arielle P. Stafford, Lucy M. De La Cruz et Shawna C. Willey, « Workup and treatment of nipple discharge—a practical review », Annals of Breast Surgery, vol. 5, , p. 22–22 (ISSN 2616-2776, DOI 10.21037/abs-21-23, lire en ligne)
- ↑ (en) By Neville F. Hacker, MD, Joseph C. Gambone, DO, MPH, Executive Editor and Calvin J. Hobel, MD. Hacker & Moore's Essentials of Obstetrics and Gynecology, 6th Edition, Hacker & Moore's Essentials of Obstetrics and Gynecology, 6th Edition
- ↑ Ivie Braga de Paula et Adriene Moraes Campos, « Breast imaging in patients with nipple discharge », Radiologia Brasileira, vol. 50, no 6, , p. 383–388 (ISSN 0100-3984, PMID 29307929, Central PMCID 5746883, DOI 10.1590/0100-3984.2016.0103, lire en ligne)
- ↑ 5,0 et 5,1 Brooke Salzman, Stephenie Fleegle et Amber S. Tully, « Common Breast Problems », American Family Physician, vol. 86, no 4, , p. 343–349 (ISSN 0002-838X et 1532-0650, lire en ligne)
- ↑ H. P. Leis, « Management of nipple discharge », World Journal of Surgery, vol. 13, no 6, , p. 736–742 (ISSN 0364-2313, PMID 2696228, lire en ligne)
- ↑ 7,0 et 7,1 C. Markopoulos, D. Mantas, E. Kouskos et Z. Antonopoulou, « Surgical management of nipple discharge », European Journal of Gynaecological Oncology, vol. 27, no 3, , p. 275–278 (ISSN 0392-2936, PMID 16800258, lire en ligne)
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