ULaval:MED-1208/Contrôle de l'osmolalité

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Les schémas d’hydratation

Dans le présent ouvrage, nous allons utiliser les schémas d’hydratation pour décrire la situation intracorporelle. Nous devrons donc nous familiariser avec ces schémas.

Fichier:Schéma d'hydratation de base (schéma).png
Les différents espaces du schéma d'hydratation

Il y a environ 60 % du poids corporel d’un homme et 50 % du poids corporel d’une femme qui est constitué de liquide.

Un tiers du liquide se retrouve à l’extérieur des cellules : c’est le liquide extracellulaire. Deux tiers du liquide se retrouve à l’intérieur des cellules : c’est le liquide intracellulaire.

Dans le LEC (liquide extracellulaire), le quart est dans l’espace intravasculaire, et le trois quart dans l’espace interstitiel.

Fichier:Axes du schéma d'hydratation (schéma).png
Les axes du schéma d'hydratation

L’axe horizontal représente le volume ; l’axe vertical représente l’osmolalité. Par convention, nous commençons à dessiner le schéma d’hydratation en partant du bonhomme sourire et en se dirigeant vers la gauche.

Fichier:Schéma d'hydratation pathologique (schéma).png
Un schéma d'hydratation pathologique

Voici un schéma d’hydratation pathologique s’il y a une diminution du volume extracellulaire, une baisse de l’osmolalité et une augmentation du volume intracellulaire.

  • Ligne pointillée : distribution actuelle du volume et de l’osmolalité chez un patient (état pathologique)
  • Ligne pleine : distribution normale du volume et de l’osmolalité (état physiologique)

La ligne horizontale pointillée vers la gauche s’arrête avant la ligne verticale pleine, indiquant qu’il y a une diminution du volume extracellulaire.

Puis, la ligne verticale s’arrête en bas de la ligne supérieure pleine : ceci indique qu’il y a une hypo-osmolalité. L’osmolalité est semblable dans les deux compartiments. En situation d’hypo-osmolalité corporelle (on verra la pathophysiologie plus loin), le nombre de molécules d’eau est plus élevée relativement aux nombre de particules d’osmoles. Donc, dans une telle situation hypo-osmolaire, si le nombre de particules osmolaires intracellulaires n’a pas changé, alors le nombre de molécules d’eau aura augmenté (on verra comment plus loin) pour que cette hypo-osmolalité soit également en intra- et en extra-cellulaire.

Voici maintenant de petites questions qui vous ferons intégrer et comprendre la matière précédente.

Question 1

Pourquoi y-a-til deux fois plus de liquide à l'intérieur qu'à l'extérieur des cellules ?

Fichier:Schéma d'hydratation question 1 (schéma).png
  1. Le volume des cellules offre deux fois plus de place.
  2. Les osmoles sont réparties 1/3 - 2/3.
  3. Je donne ma langue au chat.

Il y a deux fois plus de liquide à l’intérieur qu’à l’extérieur des cellules, parce qu’il y a deux fois plus d’osmoles ou de particules à l’intérieur qu’à l’extérieur des cellules. L’eau diffuse librement à travers les membranes cellulaires et donc les molécules d’eau vont se répartir selon les osmoles.

Question 2

Vous buvez trois verres d’eau. Comment l’eau se distribuera-t-elle ?

  1. Deux verres iront dans le LIC et un verre dans le LEC.
  2. L’eau restera dans le LEC.
  3. L’eau se distribuera également entre le LEC et le LIC.
Fichier:Schéma d'hydratation question 2 (schéma).png

Question 3

L’œdème est une manifestation de surcharge du compartiment extracellulaire. Pour le déceler, il faut deux litres de surplus dans le LEC.

Combien de glucosé 5 % doit-on administrer pour voir apparaître un œdème ?

  1. 6 L
  2. 3 L
  3. 2 L

Lequel de ces trois schémas d’hydratation décrit le mieux cette situation ?

1. Fichier:Schémas d'hydratation de la question 3 (schéma).png
2.
3.

Question 4

Combien faut-il administrer de salin isotonique (NaCl 0,9 %, salin physiologique) pour observer un œdème ?

  1. 6 L
  2. 3 L
  3. 2 L

Lequel de ces trois schémas d’hydratation décrit le mieux cette situation ?

1. Fichier:Schémas d'hydratation de la question 4 (schéma).png
2.
3.

Question 5

Combien faudrait-il administrer de demi-salin (NaCl 0,45 %) pour observer un œdème ?

  1. 6 L
  2. 3 L
  3. 2 L

Lequel de ces trois schémas d’hydratation décrit le mieux cette situation ?

1. Fichier:Schémas d'hydratation de la question 5 (schéma).png
2.
3.

Question 6

Un fervent disciple de Bacchus, 40 ans, cirrhotique, a gagné le gros lot à la loterie, a fêté pendant trois semaines et se présente avec faiblesse, étourdissements et œdème.

À l’examen, les jugulaires sont aplaties, le pouls est à 120/min. La TA est à 95/50. Il est très œdématié et présente de l’ascite.

  • La faiblesse témoigne d'un (e):
    1. Déficit intravasculaire
    2. Surcharge interstitielle
    3. Aucun des deux
  • Les étrourdissements témoigne d'un (e):
    1. Déficit intravasculaire
    2. Surcharge interstitielle
    3. Aucun des deux
  • Les jugulaires aplatiques témoignent d'un (e):
    1. Déficit intravasculaire
    2. Surcharge interstitielle
    3. Aucun des deux
  • Le pouls à 120/min témoigne d'un (e):
    1. Déficit intravasculaire
    2. Surcharge interstitielle
    3. Aucun des deux
  • La TA à 95/50 témoigne d'un(e):
    1. Déficit intravasculaire
    2. Surcharge interstitielle
    3. Aucun des deux
  • L'oedème témoigne d'un(e):
    1. Déficit intravasculaire
    2. Surcharge interstitielle
    3. Aucun des deux
  • Lascite témoigne d'un(e):
    1. Déficit intravasculaire
    2. Surcharge interstitielle
    3. Aucun des deux

Question 7

Votre belle-mère souffre d’une gastro-entérite. Elle a une diarrhée profuse, n’ingère que des liquides. Ses jugulaires sont aplaties. Son RC est rapide (tachycardie). Sa TA est à 90/60. Elle présente un pli cutané généralisé. Sa natrémie est à 110 mmol/L (N : 135-145).

Dessinons son schéma d’hydratation.

La dame est en contraction volémique (déshydratation) = diminution du LEC.

Elle est hyponatrémique, donc hypoosmolaire.

Fichier:Schéma d'hydratation vide (schéma).png

Ouvrons une petite parenthèse. Le terme « contraction volémique » est plus précis que le terme « déshydration ». Au niveau sémantique, « déshydration » veut dire une perte d’eau. Or, il y a habituellement une perte d’eau et d’osmoles. Il peut s’agir d’une perte isotonique ou d’une perte hypotonique (la perte hypertonique n’existe essentiellement pas). Quoi qu’il en soit, le résultat est une contraction volémique et lorsque nous détectons ceci à l’examen physique, nous sommes en train d’évaluer le liquide extracellulaire.

Dans presque tous les cas (sauf pour l’hyperglycémie), une hyponatrémie indique une hypo-osmolalité corporelle. C’est donc un indicateur de l’osmolalité tant du liquide extra que du liquide intracellulaire.

Question 8

Une hyponatrémie témoigne toujours d'un (e):

  1. perte corporelle absolue de Na+
  2. gain corporel absolu d'eau
  3. excès d'eau relatif (à la quantité de Na+)

Question 9

Un patient pourrait être hyponatrémique parce qu'il a un:

  1. déficit corporel de Na+
  2. excès corporel d'eau
  3. excès de Na+ ET un excès d'eau encore plus important

IMPORTANT : On peut être hyponatrémique, eunatrémique ou hypernatrémique peu importe notre quantité absolue de sodium dans l’organisme. Je m’explique…

Supposons qu’être eunatrémique signifie que l’on a 100 g de sodium dans notre corps contenant normalement 10 L de liquide physiologique. Cela veut dire qu’on a une concentration moyenne de 10 g/L de liquide physiologique. En passant, ce ne sont pas de vraies valeurs, ce sont seulement de beaux chiffres ronds qui font mon affaire !

Si on a que 80 g de sodium dans l’organisme, on peut être hyponatrémique (80 g/10 L = 8 g/L), eunatrémique (par exemple, si on a perdu 2 litres de liquide physiologique → 80 g/8 L = 10 g/L) et hypernatrémique (si on a perdu beaucoup beaucoup de liquide physiologique → 80 g/4L = 20 g/L). CQFD. Relire prn.

Question 10

Votre cousin souffre d’une anomalie aux valvules cardiaques. Il consulte en raison d’un œdème progressif (gain de poids de 20 kg depuis trois mois). À l’examen physique, vous remarquez un œdème considérable. À la prise de sang, vous découvrez une hyponatrémie (110 mmol/L).

Lequel des énoncés est vrai:

  1. L'hyponatrémie indique qu'il manque de sel
  2. Il a trop de sel dans son corps en quantité absolue

Dessinons son schéma d’hydratation.

Fichier:Schéma d'hydratation vide (schéma).png

Question 11

Comparons maintenant les schémas d’hydratation de votre belle-mère et de votre cousin.

Fichier:Schéma d'hydratation vide (schéma).png
Fichier:Schéma d'hydratation vide (schéma).png
Belle-mère, diarrhée, Na+ 110 Cousin, oedème, Na+ 110

L’algorithme diagnostique pour les cas d’hyponatrémie

Un patient aux soins intensif a une natrémie à 125 mmol/L. Ce patient a-t-il trop peu de sodium dans son sang  ou trop d’eau en circulation ?

Il nous est impossible de nous prononcer sur la natrémie avec aussi peu d’information, car la natrémie représente une proportion entre la quantité de sodium et la quantité d’eau. La natrémie ne nous informe pas sur la quantité absolue du sodium dans le corps. Ainsi, on peut être hyponatrémique en ayant trop peu de sodium ou trop d’eau (ou un mélange de ces différentes possibilités).

Le même principe s’applique pour l’hypernatrémie : il est impossible de déterminer seulement par la natrémie si le patient a trop de sodium circulant ou s’il est deshydraté.

La natrémie reflète donc l’osmolalité et les patients hyponatrémiques ou hypernatrémiques sont des patients qui ont des problèmes d’osmolalité corporelle.

Répondez individuellement à ces questions. Les réponses seront données en cours.

Si on abaisse la natrémie d’une personne normale en lui administrant une importante quantité d’eau brusquement, on prédit que son osmolalité urinaire :

  • a) Va s’abaisser < 100 mOsm/kg
  • b) Ne changera pas vraiment
  • c) Va augmenter progressivement

Si on administre une importante charge en sel avec très peu d’eau, on prédit que l’osmolalité urinaire :

  • a) Va s’abaisser à < 100 mOsm/kg
  • b) Ne changera pas vraiment
  • c) Va augmenter progressivement

Si on administre une charge en sel avec une quantité iso-osmolaire d’eau, on prédit que :

  • a) UNa va diminuer et UOsm inchangée
  • b) UNa va augmenter et UOsm augmentée
  • c) UNa va augmenter et UOsm inchangée

Nous abordons maintenant un exercice important pour nous pratiquer à découvrir les causes d’hyponatrémie.

Si mon patient a une natrémie à 125 mmol/L :

1) A-t-il un problème d’osmolalité corporelle ?

Si le plasma est iso-osmolaire, il s’agit habituellement d’une hyperlipidémie ou d’une hyperprotéinémie sévère. Ces désordres sont qualifiés de « pseudohyponatrémies ».

Si le patient est hyperosmolaire, il faut suspecter une hyperglycémie, condition fréquemment retrouvée dans le diabète. En effet, les molécules de glucose, ne pouvant pénétrer la cellule par absence ou carence relative d’insuline, vont devenir des osmoles efficaces extracellulaires. Ces molécules de glucose, osmotiquement actives, attirent l’eau en provenance de l’espace intracellulaire : l’eau sort des cellules et dilue le sodium plasmatique. Noter que la natrémie va s’abaisser de 1 mmol/L pour chaque augmentation de la glycémie de 4 mmol/L. Chez le patient hyperosmolaire, il faut aussi suspecter la présence d’autres osmoles plasmatiques qui agiraient de la même façon que le glucose (mannitol, glycine, glycérol, sorbitol, éthanol, méthanol, produits de contraste radiologiques)

Si le patient ne correspond aux deux catégories précédentes, il est hypo-osmolaire et on doit continuer de chercher.

2) Pourquoi le rein n’urine-t-il pas l’excès d’eau ?

Pour corriger l’hypo-osmolalité corporelle, il faut excréter l’excès (relatif) d’eau en urinant une urine diluée (hypotonique). Pourquoi le rein n’arrive-t-il pas à se débarrasser de son surplus d’eau ?

Pour être en mesure de générer une urine hypotonique, il faut :

  • I. filtrer suffisamment de liquide au glomérule (points a et b) ;
  • II. avoir la capacité de générer de l’eau libre dans le tubule (point c) ;
  • III. inhiber la sécrétion d’ADH (point d).

a) Le patient boit-il trop d’eau ?

Les patients polydipsiques ou potomanes boivent de grande quantité d’eau. Leur osmolalité urinaire est effectivement inférieure à 100 mOsm/L (ce qui est approprié !), mais les reins sont malheureusement incapables d’uriner toute l’eau ingérée.

Si l’osmolalité urinaire est > 100, nous devons donc passer à la question suivante.

b) La filtration glomérulaire est-elle insuffisante (insuffisance rénale) ?

En effet, si le patient est en insuffisance rénale sévère et filtre peu de liquide, il ne pourra pas générer d’urine hypotonique. Pour répondre à cette question, il faut évaluer la fonction rénale. Une hyponatrémie hypo-osmolaire secondaire à une insuffisance rénale survient typiquement lorsque la filtration glomérulaire est < 30 mL/min.

c) Le tubule génère-t-il assez d’eau libre ?

Les cellules de l’anse de Henle et du tubule distal réabsorbent le NaCl du liquide tubulaire sans eau ; le liquide tubulaire devient alors progressivement hypotonique.

Conséquemment, si on paralyse l’anse de Henle ou le tubule distal (par l’usage d’un diurétique ou par un tubule malade), on empêche le liquide tubulaire de devenir hypotonique : l’urine obtenue est plus concentrée et se débarasse plus difficilement de l’excès d’eau corporel. De plus, si le problème est un manque d’osmole plasmatique, une inactivité de la réabsorption de l’anse ou du tubule dital

d) L’eau libre est-elle réabsorbée au tubule collecteur ?

En condition physiologique, la sécrétion d’ADH est inhibée pour que le liquide hypotonique généré par l’anse de Henle et le tubule distal puisse être uriné tel quel, sans équilibration osmotique avec la médullaire hypertonique. Or, il arrive que l’ADH soit sécrétée malgré une faible osmolalité plasmatique : c’est le cas lors de la sécrétion hémodynamique d’ADH ou de la sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH).

Il convient maintenant de déterminer s’il y a une sécrétion hémodynamique non osmotique ou bien une sécrétion inappropriée non osmotique et non hémodynamique.

Pour ce faire, il faut évaluer le VCE. Ceci peut se faire à l’examen physique si le patient a des signes évidents de contraction volémique : hypotension, pli cutané, tachycardie, etc. Sinon, on peut le faire en demandant l’opinion du rein. Si on demande au rein quelle est son opinion du VCE, il va nous répondre par le sodium urinaire. Si le sodium urinaire est très bas, par exemple, < 10 mmol/d, ceci indique que le rein est en réabsorption très intense de sodium, car il perçoit un VCE diminué. Si par contre le sodium urinaire est au-dessus de 10 mmol/d, alors cela suggère la perception du rein d’un VCE relativement normal.

Parmi les causes de baisse du VCE, il y a la déshydratation et les états d’œdème sévère (insuffisance cardiaque, cirrhose et syndrome néphrotique). Nous verrons ceci plus en détail dans la section sur les œdèmes.

Si le VCE est normal, la sécrétion inappropriée non osmotique non hémodynamique d’ADH peut être causée par un SIADH (causes : maladies du SNC, maladies pulmonaires, certains cancers, prise de certains médicaments, nausée et douleur). L’insuffisance surrénalienne (hypocorticisme ou hypoaldostéonisme) est également associé à une hypersécrétion d’ADH, de même que l’hypothyroïdie.

Le schéma suivant résume cet algorithme, qu’il est utile de connaître par cœur, tant pour votre pratique que pour l’examen !

Fichier:Diagnostic de l'hyponatrémie (algorithme).png
Algorithme de diagnostic de la cause d'une hyponatrémie

Pour une série d'exercices sur l'hyponatrémie, voir ULaval:MED-1208/Contrôle de l'osmolalité/Exercices.

Valeurs normales
Sang Urine
Urée: 3-8 mM

Créat: 60-110

Na: 135-145

K: 3.5-5.3

Cl: 100-108

HCO3: 24 (22-26)

Glycémie: 3-6 mM

Posm: 280-295 mOsm/kg

UNa: 0-1000+

Uosm: 50-1200