ULaval:MED-1208/Volume circulant efficace

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Le VCE est le volume intravasculaire qui perfuse efficacement des tissus. Le VCE n’est pas une entité mesurable ; il réfère au taux de perfusion de la circulation capillaire. En physiologie normale, tout le volume intravasculaire perfuse efficacement les tissus : le VCE est donc égal au volume sanguin ou intravasculaire.

En général, le VCE varie directement avec le volume extracellulaire. Ces deux paramètres sont habituellement proportionnels au contenu corporel de Na+ puisque les sels de Na+ sont les principaux solutés extracellulaires.

En conséquence, la régulation de la balance du Na+ (par les ajustements de l’excrétion urinaire de Na+) et le maintien du VCE sont étroitement liés. Une charge de Na+ a tendance à provoquer une expansion volémique, alors qu’une perte de Na+ entraînera une déplétion volémique.

En situation pathologique, il arrive que le taux de perfusion des tissus soit abaissé. La réaction normale de l’organisme est de provoquer une rétention hydrosodée, ce qui provoque une expansion volémique, dans une tentative d'améliorer la perfusion des tissus auparavant mal perfusés. On peut retrouver ce processus dans la cirrhose hépatique et dans l’insuffisance cardiaque.

En résumé, le VCE est une entité non mesurable qui reflète la perfusion tissulaire et qui peut être indépendant des autres paramètres hémodynamiques.

Le VCE et le sodium

Le rein est le principal régulateur de la balance sodée et volémique, puisque l’excrétion rénale de Na+ s’ajuste de façon appropriée aux changements du VCE. Lorsqu’il y a une augmentation du volume (après une charge Na+, par exemple), l’excrétion du Na+ augmente afin de réduire le volume à la normale. Inversement, le rein retient du Na+ en présence d’une déplétion du VCE.

Lorsque le VCE diminue, certains récepteurs (nous les verrons ultérieurement) vont le percevoir et signaler au tubule rénal d’atténuer la perte rénale de sel et d’eau en augmentant la réabsorption du sodium dans le tubule. Ceci peut provoquer une diminution de la quantité de sodium dans l’urine.

D’ailleurs, le diagnostic de déplétion du VCE se porte habituellement en démontrant une rétention rénale de Na+ via une concentration urinaire faible de Na+ (< 10-20 mmol/L). Cette mesure est valide, en autant que le tubule soit en bonne santé, c’est-à-dire qu’il ne soit ni malade, ni paralysé par un diurétique.

Fichier:Balance de sodium chez un humain normal (graphique).jpg
La balance de Na chez un humain normal

La figure ci-contre illustre une expérience dans une unité métabolique. On donne une diète basse en sel (environ 20 mmol/d) à un individu normal : en état d’équilibre, il aura une excrétion équivalente à l’ingestion. En même temps, son poids est stable à 70 kg, reflétant une stabilité de ses volumes corporels.

Au jour 3, l’ingestion de sel est brusquement augmentée à 150 mmol/d. On assiste ensuite à une augmentation graduelle de l’excrétion de sel pour finalement atteindre le niveau de l’ingestion après environ cinq jours. Il y a donc une balance de sodium positive qui s’est accumulée pendant ce temps et le poids a augmenté graduellement pour se stabiliser de nouveau à 71 kg (nouvel état d’équilibre).

La question est de savoir comment le rein apprend qu’il faut augmenter son excrétion de sodium. Le rein est informé de ceci justement par la variation de volume : lorsque l’ingestion de sodium augmente, ceci stimule la soif et l’individu boit. Il y a donc une augmentation de volume iso-osmotique avec cette augmentation de sodium.Cette augmentation de volume va se retrouver essentiellement dans le liquide extracellulaire : 1/4 dans le liquide intravasculaire et 3/4 dans le liquide interstitiel.

Lorsque le volume intravasculaire augmente, les récepteurs de volume le détectent et un signal va être envoyé aux reins pour indiquer que le système est en train de se remplir : le rein va conséquemment diminuer sa réabsorption tubulaire de sodium. En d’autres mots, le tubule « voit » l’ingestion de sel par les récepteurs de volume à l’intérieur des vaisseaux.

Toutefois, au début, l’augmentation de volume est relativement discret : le signal envoyé au tubule est lui aussi discret et l’augmentation de l’excrétion de sodium n’est que partielle.

Par conséquent, dans les 24 heures qui suivent, l’ingestion est toujours plus élevée que l’excrétion. La balance positive continue et le volume extracellulaire – et donc intravasculaire – continue d’augmenter.

Les récepteurs perçoivent cette augmentation qui s’intensifie, et intensifient leur signal au tubule rénal pour que celui-ci diminue encore davantage sa réabsorption sodée. Le signal s’intensifie jusqu’à temps que l’ingestion et l’excrétion soient égales.

Ce processus continue tant et aussi longtemps que le nouvel état d’équilibre n’est pas atteint et que le volume intravasculaire n’est pas stabilisé à un nouveau niveau correspondant maintenant à l’ingestion sodée.

Lorsque l’ingestion est brusquement ramenée à 20 mmol/d, les signaux au tubule s’ajustent graduellement : il y aura une diminution progressive de la sécrétion du sodium jusqu’à ce que l’excrétion soit égale à l’ingestion. Lorsque le poids redevient stable (70 kg), les signaux de réabsorption de Na+  sont égaux aux signaux de natriurèse.

Noter ici que le volume du liquide extracellulaire normal n’est pas un chiffre précis, mais un certain écart et que, dans l’expérience, le sujet qui oscille entre 70 et 71 kg demeure dans des limites normales.

Par souci de simplicité, l’excrétion de Na+ , chez les sujets normaux, se détermine surtout par les niveaux d’aldostérone et de peptide natriurétique de l’oreillette. Lorsque l’apport de Na+ augmente , il doit y avoir une baisse de la sécrétion d’aldostérone et une augmentation de la sécrétion du peptide natriurétique de l’oreillette pour entraîner la réduction nécessaire dans la réabsorption tubulaire de Na+ .

Les senseurs (récepteurs) du VCE

Le maintien d’une perfusion tissulaire adéquate est essentiel pour les cellules, car elle leur permet d’obtenir les substances nécessaires à leur métabolisme et à éliminer leurs déchets. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs senseurs et plusieurs effecteurs participent à cette régulation.

La présence de plusieurs niveaux de contrôle met en relief une différence importante entre la régulation du volume extracellulaire et la régulation de l’osmolalité.

Le maintien d’une concentration peut souvent s’effectuer avec un seul senseur (tels les osmorécepteurs de l’hypothalamus) puisque tous les tissus sont perfusés par le même sang artériel ayant la même osmolalité.

En comparaison, il peut y avoir une variation importante dans la perfusion sanguine régionale, ce qui nécessite la présence de senseurs locaux.

Un exemple simple de ceci est le changement de la position assise à la position debout. À cause de la gravité, l’orthostation a tendance à provoquer une hyperperfusion et une accumulation de liquide dans les jambes et une hypoperfusion du cerveau. Dans une telle situation, l’activation des barorécepteurs du sinus carotidien avec une augmentation subséquente de l’activité sympathique aide à maintenir la perfusion cérébrale.

Les senseurs de volume sont essentiellement :

•  la circulation cardio-pulmonaire ;

•  les sinus carotidiens et la crosse aortique ;

•  les artérioles afférentes.

Les effecteurs du VCE

Plusieurs effecteurs sont impliqués dans le contrôle volémique. Ceux-ci influencent tant l’hémodynamie systémique que l’excrétion urinaire de Na+.

Principaux effecteurs de la régulation volémique
Hémodynamie sytémique Système nerveux sympathique
Angiotensine II
ADH
Excrétion rénale de sodium (DFG)
Angiotensine II
Hémodynamie du capillaire péritubulaire
Aldostérone
Système nerveux sympathique
Peptide natriurétique de l’oreillette

L’hémodynamie systémique se contrôle habituellement par le système nerveux sympathique et l’angiotensine II.

Le système nerveux sympathique  agit tant par ses fibres alpha que ses fibres bêta au niveau du coeur et des vaisseaux pour stimuler la circulation.

L’angiotensine II (AII)  exerce des effets systémiques sur la vasoconstriction artériolaire, la rétention rénale de sodium et augmente la soif. Elle entraîne une rétention rénale de Na+  par une action directe sur le tubule et en augmentant la sécrétion de l’aldostérone. Voir section 1.2.3 pour plus de détails.

Il est bon de noter que les changements hémodynamiques induits par l’angiotensine II et la noradrénaline dans un état d’hypovolémie sont surtout compensatoires et que des changements appropriés de l’excrétion rénale de Na+  sont habituellement requis pour restaurer la normovolémie. Ainsi, une diminution de volume à cause d’une perte de liquide peut être corrigée seulement par l’ingestion et la rétention subséquence par le rein d’un apport hydrosodé exogène. La situation est quelque peu différente toutefois lorsque la diminution du VCE est causée par une insuffisance cardiaque ou une cirrhose hépatique avec ascite. Dans ce genre de situation, l’effet de la rétention liquidienne dépend de la sévérité de la maladie de base et nous verrons ces concepts dans la section sur l’oedème.

Lorsqu’il y a une hypotension plus importante, l’ADH  (vasopressine) va être sécrétée. Cette substance, en plus d’avoir un effet sur le tubule collecteur, a un effet sur les vaisseaux, d’où son nom qui veut littéralement dire « protéine qui augmente la pression dans les vaisseaux » (vasopressine).

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 2.jpg
Les sites d'ajustement du volume circulant efficace

Pour ce qui est de l’excrétion rénale de sodium, le premier site d’ajustement est au niveau du tubule collecteur . À ce niveau, l’aldostérone favorise une réabsorption accrue de sel alors que le peptide natriurétique de l’oreillette favorise une excrétion accrue de sel. Habituellement, notre contrôle de l’excrétion rénale de sodium s’effectue par le tubule collecteur. Toutefois, s’il y a une menace plus importante du VCE, le tubule proximal  va commencer à moduler sa réabsorption : c’est le deuxième site d’ajustement.

L’hémodynamie du capillaire péritubulaire peut favoriser une réabsorption accrue. Si on resserre davantage l’artériole efférente, on va maintenir ou augmenter la filtration glomérulaire tout en augmentant la pression oncotique et en diminuant la pression hydrostatique dans le capillaire péritubulaire (le resserrement de l’artériole efférente causé par l’AII rend le passage du flot sanguin plus difficile, d’où la dissipation de la pression hydrostatique dans cette artériole), ce qui induit une réabsorption accrue au tubule proximal.

Le tubule distal et l’anse de l’Henle ont un pourcentage de réabsorption constant et qui dépend tout simplement du flot.

En résumé, plusieurs facteurs influencent l’excrétion rénale de Na+  et donc la régulation du VCE. Il semble que l’aldostérone et possiblement le peptique natriurétique de l’oreillette sont responsables pour les variations au jour le jour de l’excrétion du sodium par leur habilité respective d’augmenter et de diminuer la réabsorption du Na+  au tubule collecteur. Par exemple, Si l’apport de Na+  est réduit, la diminution du volume va stimuler l’axe SRAA et réduire la sécrétion du peptide natriurétique de l’oreillette. L’effet net est une augmentation de la réabsorption du Na+  au tubule collecteur, ce qui semble expliquer la baisse de

l’excrétion de Na+  dans cette situation. Avec une hypovolémie plus marquée, une diminution du DFG et une augmentation de la réabsorption du Na+  au tubule proximal va également contribuer à la rétention de Na+ . Tant l’angiotensine II que la noradrénaline peuvent contribuer à cette réponse.

Cette séquence s’inverse avec l’expansion volémique. Dans une telle situation, une sécrétion accrue du peptide natriurétique de l’oreillette et une diminution de la sécrétion de l’aldostérone permet l’excrétion du Na+  excédentaire en diminuant la réabsorption de Na+  au tubule collecteur. Avec une hypervolémie plus importante, la réabsorption proximale peut également diminuer.

La sécrétion hémodynamique de l’ADH

Revenons un peu sur l’ADH. L’ADH est normalement sécrétée lorsque l’osmolalité plasmatique s’élève (sécrétion osmotique). Cependant, en cas de contraction sévère du VCE, l’ADH peut également être sécrétée (sécrétion hémodynamique), et ce, peu importe l’osmolalité plasmatique du moment.

C’est comme si le corps décidait de sacrifier son osmolalité pour tenter de maintenir la volémie. L’ADH va donc aider à retenir le maximum d’eau via son effet sur le tubule collecteur, même si cela entraîne une hypo-osmolalité. L’ADH va également provoquer une vasoconstriction, ce qui va aider à maintenir la TA.

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 3.jpg
La sécrétion hémodynamique d'ADH

Regardons ici notre schéma d’hydratation « amélioré ». C’est sur l’axe vertical qu’est perçue l’osmolalité par les osmorécepteurs. Lorsque celle-ci s’élève, la sécrétion d’ADH s’intensifie. Inversement, si l’osmolalité diminue, la sécrétion d’ADH va s’atténuer pour finalement être entièrement supprimée. C’est ce que signifie la « fourchette » en haut à gauche.

Le VCE est perçu sur la ligne horizontale par les barorécepteurs. Ils travaillent habituellement de concert avec la réabsorption tubulaire de Na (tant au tubule collecteur qu’au tubule proximal). Si le VCE augmente (bouge vers la gauche), ceci entraîne une atténuation de la réabsorption du Na et une natriurèse. Si par contre, le VCE diminue, la réabsorption de Na devient maximale. Finalement, si la contraction volémique s’intensifie malgré une réabsorption tubulaire de Na maximale, vient un temps où l’ampleur de cette contraction volémique va déclencher la sécrétion hémodynamique d’ADH. C’est ce qui est représenté par la grosse flèche blanche verticale.

Dans les figures qui suivent, vous trouverez une situation où il y a déplétion du VCE. Vous comprendrez peut-être mieux, car ce qui a été dit précédemment y est illustré.

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 4.jpg
Déplétion volémique légère
Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 5.jpg
Déplétion volémique modérée
Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 6.jpg
Déplétion volémique sévère
Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 7.jpg
La sécrétion hémodynamique de l’ADH

Cette eau excédentaire (à l’image 83) va tenter de compenser les pertes volémiques du LEC si ces pertes continuent. Si c’est réussi, le LEC va arrêter de diminuer. Sinon, la diminution va se poursuivre, mais à un rythme moindre que s’il n’y avait pas d’ADH aidant à réabsorber l’eau.

Toutefois, compte tenu que l’eau ainsi réabsorbée se distribue deux tiers dans les cellules et seulement un tiers en extracellulaire, on assiste à une accumulation d’eau intracellulaire et à une hypo-osmolalité corporelle progressive qui s’intensifiera tant que notre rein réabsorbera de l’eau. C’est ce qui est illustré sur les images ci-haut et ci-bas.

Fichier:PastedGraphic-2 - copie 2.jpg
Distribution de l'eau suite à la sécrétion hémodynamique ( non-osmotique) d'ADH

La différence entre la régulation volémique et l’osmorégulation

Nous sommes maintenant en mesure de comparer l’osmorégulation (le contrôle de l’osmolalité) à la régulation du VCE, qui est contrôlée essentiellement par la réabsorption de sodium.

Osmorégulation Régulation volémique
Ce qui est perçu Osmolalité plasmatique VCE
Senseurs Osmorécepteurs hypothalamiques 1. Sinus carotidiens

2. Artérioles afférentes

3. Oreillettes

Effecteurs 1. ADH

2. Soif

1. SRAA

2. Syst. nerveux symp.

3. Peptide natriurétique de

l’oreillette

4. ADH

Ce qui est affecté 1. Osmolalité urinaire

2. Ingestion d’eau

1. Excrétion urinaire de sodium

2. Appétit pour le sel

Dans les deux cas, il y a un paramètre qui est surveillé par un ou des senseurs. Lorsque ces senseurs détectent un changement dans le paramètre, ils mettent en branle un certain nombre d’effecteurs qui vont affecter un certain nombre de mécanismes, le tout pour maintenir l’homéostasie.

Dans le cas de l’osmorégulation, l’osmolalité plasmatique est surveillée par les osmorécepteurs hypothalamiques : ces neurones peuvent sécréter de l’ADH et déclencher la soif. Ces deux effecteurs vont faire varier l’osmolalité urinaire et l’ingestion d’eau, le tout pour normaliser l’osmolalité plasmatique.

Du côté de la régulation volémique, le paramètre surveillé est le VCE. Il est surveillé par plusieurs postes d’observation intravasculaires, dont les sinus carotidiens, les artérioles afférentes et les récepteurs au niveau des oreillettes cardiaques. Au niveau des effecteurs, on retrouve le SRAA, le système nerveux sympathique, le peptide natriurétique de l’oreillette et dans des cas d’urgence, l’ADH. Finalement, ces effecteurs vont moduler l’excrétion urinaire de sodium de même que l’appétit pour le sel et ainsi tenter de normaliser le VCE.

Voyons maintenant certaines manoeuvres que l’on peut effectuer (charge en eau, charge en sel) qui peuvent mettre en péril l’osmolalité plasmatique et la volémie ainsi que la réaction de l’organisme à ces manoeuvres.

Lorsque nous infusons du salin isotonique, il y a une augmentation du VCE, mais sans changement d’osmolalité. Conséquemment, il y a une augmentation de la quantité de sodium et d’eau dans l’urine : cette urine est iso-osmotique, compte tenu qu’il n’y a pas de changements d’osmolalité corporelle. Ceci va donc entraîner une restauration du volume corporel iso-osmotique. La figure suivante schématise cette situation.

Fichier:PastedGraphic-6-1 - copie.jpg
L'effet de l'infusion de Salin isotonique sur le VCE

Si nous faisons de l’exercice, nous perdrons de l’eau et du sel dans la sueur, mais de façon asymétrique : la sueur est un liquide hypotonique (plus d’eau que de sel).

Durant l’exercice, il y aura donc une perte modérée de sodium, ce qui va entraîner une baisse du volume extracellulaire et une baisse du VCE. Conséquemment, la quantité de sodium dans l’urine va diminuer, car le tubule en réabsorbera davantage.

En même temps, l’importante perte d’eau entraîne une augmentation de l’osmolalité plasmatique, ce qui va entraîner une augmentation de la soif et de la sécrétion d’ADH. Une urine hyper-osmolaire en résultera.

Si toutes ces étapes sont respectées, nous conservons un volume corporel iso-osmotique.

La figure suivante résume le processus décrit plus haut:

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 10.jpg
Manoeuvre menaçant l'homéostasie et les systèmes de réajustements

Le tableau suivant est un résumé schématique des senseurs et des effecteurs de l’eau, du sodium et des ions H+ :

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 11.jpg
Ce qui est surveillé et ajustement pour maintenir l'homéostasie

Exercices sur le VCE

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Les diurétiques

Les diurétiques sont des médicaments largement utilisés en médecine. Il est important de bien les connaître, peu importe la pratique que vous envisagez.

Plusieurs conditions, illustrées dans le tableau ci-contre, peuvent provoquer une surcharge hydrosodée et un état d’oedème. Dans certaines circonstances, il devient important de paralyser le tubule rénal afin d’induire une perte de cet excès corporel d’eau salée. C’est là où les diurétiques sont utiles.

Conditions pouvant causer une surcharge hydrosodée

On pourrait penser qu’un diurétique est n’importe quelle substance qui augmente la diurèse. Toutefois, cette définition est trop large, puisqu’un verre d’eau augmente la diurèse et serait donc un diurétique.

Nous allons donc définir un diurétique à partir de la natriurèse. Toute substance qui augmente la natriurèse, c’est-à-dire l’excrétion d’eau salée, est un diurétique. Un diurétique est une substance qui induit une balance sodée négative en inhibant directement la réabsorption tubulaire de sodium.

Les substances qui augmentent l’excrétion d’eau s’appelleront les aquarétiques. Ceux-ci sont maintenant sur le marché. Ce sont des antagonistes des récepteurs de l’ADH au niveau du tubule collecteur : ils induisent une perte d’eau.

Les différentes classes de diurétiques et leurs sites d’action:

Les diurétiques peuvent agir à un des quatre sites correspondant aux différentes parties du tubule.

Sites d’action des diurétiques
Sites d’action Classe de diurétiques
Site I – Tubule proximal Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique

Les diurétiques osmotique

Site II – Anse de Henle Les diurétiques de l’anse
Site III – Tubule distal Les diurétiques thiazidiques
Site IV – Tubule collecteur Les diurétiques épargneurs de potassium

Les modes d’action des diurétiques

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 20.jpg
Fonction d'une cellule tubulaire

Si on regarde la fonction d’une cellule tubulaire, on peut voir qu’il y a un transport vectoriel du sodium, de la lumière tubulaire vers la partie basolatérale. C’est généralement l’entrée du sodium dans les différentes cellules tubulaires qui sera la cible des diurétiques.


Nous pouvons voir que le sodium entre par la membrane luminale en utilisant des transporteurs qui diffèrent selon les quatre sites tubulaires. Nous aurons donc quatre catégories de diurétiques.

I. Le tubule proximal sera inhibé soit par un inhibiteur de l’anhydrase carbonique – une enzyme sur la bordure en brosse – ou encore par un diurétique osmotique (mannitol). Les diurétiques du tubule proximal sont rarement utilisés : ils sont faibles et n’induisent pas une importante diurèse. En outre, notons que l’acétazolamide y induit de la bicarbonaturie en inhibant la réabsorption du bicarbonate à cause de son inhibition de l’enzyme anhydrase carbonique sur la bordure en brosse.

II. L’anse de Henle sera inhibée par les diurétiques de l’anse qui agiront sur le transporteur Na-K-2Cl.

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 22.jpg
Cellule de l'anse ascendante large: site d'action des diurétiques de l'anse

III. Le tubule distal sera inhibé par les diurétiques thiazidiques qui agissent sur le co-transport NaCl.

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 23.jpg
Cellule tubulaire distale: site d'action des diurétiques thiazidiques

IV. Au niveau de la cellule principale du tubule collecteur , les diurétiques épargneurs de potassium agissent de la façon suivante : soit ils bloquent le canal luminal de sodium (amiloride et triamtérène), soit ils bloquent la liaison de l’aldostérone à son récepteur (spironolactone). Le spironolactone est d’ailleurs le seul diurétique qui agit via la membrane basolatérale.

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 25.jpg
Cellule principale de tubule collecteur: site d'action des diurétiques épargneurs de potassium

Le schéma suivant résume les différents modes d’action des diurétiques en fonction du site du tubule.

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 26.jpg
Différents modes d’action des diurétiques en fonction du site du tubule

Veuillez noter que tous les diurétiques, sauf la spironolactone, agissent du côté de la lumière tubulaire. Ils atteignent cette destination grâce à la sécrétion tubulaire (a/n du tubule proximal), puisque ces diurétiques ne sont à peu près pas éliminés par filtration glomérulaire.

L’état d’équilibre au niveau du contrôle volémique

Pendant les premiers jours d’une prise régulière d’un diurétique, la diurèse hydrosodée entraîne une balance sodée négative et une baisse du poids. Après quelques jours, un nouvel état d’équilibre est atteint : l’excrétion hydrosodée y est égale à l’ingestion.

Toutefois, il y a une contraction soutenue du liquide extracellulaire. Celle-ci continuera jusqu’à temps qu’on arrête les diurétiques, et à ce moment-là, il y aura une balance hydrosodée positive, pour revenir au point de départ.

Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 27.jpg
L’état d’équilibre au niveau du contrôle volémique

Schématisons tout cela pour les plus visuels d’entre nous.

Nous voyons à gauche une jeune femme qui ingère une certaine quantité de sodium par la bouche ; la même quantité est excrétée dans l’urine (les deux symboles chimiques du Na ont la même taille de police ). Lorsque le sodium urinaire correspond à l’ingestion de sodium, on parle donc d’un état d’équilibre.

Comme nous l’avons vu précédemment, il y a quatre sites où il y a réabsorption du sodium au niveau du rein : au tubule proximal, à l’anse de Henle, au tubule distal et au tubule collecteur. Ces différents sites de réabsorption sont schématisés par de petites flèches courbées pointant le Na+  dans la partie du bas de la figure. De gauche à droite, les flèches représentent tous ces sites dans l’ordre énuméré ci-haut.


Fichier:Thèmes 1 et 2 (2017) 28.jpg
L’état d’équilibre au niveau du contrôle volémique

Supposons que cette jeune femme commence à prendre du furosémide (bloque la réabsorption de sodium à l’Anse de Henle) au jour 2. Ce même jour, il y a une natriurèse marquée, un sodium urinaire beaucoup plus important que le sodium ingéré et le poids diminue à 68,8 kg.

Cette balance hydrosodée négative implique évidemment une diminution du VCE : cette diminution est perçue par les barorécepteurs, et ceux-ci envoient un message au tubule rénal pour intensifier la réabsorption de sodium. Dès le jour 3, la réabsorption aux trois sites non bloqués s’intensifie, alors que l’anse de Henle, elle, demeure bloquée (remarquez la taille des flèches !).

Puisqu’il y a une réabsorption de sodium accrue aux trois autres sites, la natriurèse est donc un peu moindre au jour 3, et le poids s’abaisse un peu moins. Néanmoins, il s’abaisse quand même un peu : cette baisse supplémentaire du poids correspond à une baisse supplémentaire du VCE, qui sera perçue par les barorécepteurs et qui intensifieront leurs signaux au tubule rénal. La réabsorption de sodium s’intensifie donc à nouveau aux trois sites non bloqués, jusqu’à temps que les trois autres sites (tubule proximal, tubule distal et tubule collecteur) compensent pour le blocage à l’anse de Henle et qu’un nouvel état d’équilibre soit atteint.

Si on arrête le diurétique, la logique inverse s’applique et à l’intérieur de quelques jours, on revient à notre poids initial.

En résumé, lors de la prise régulière d’un diurétique, on observe une excrétion sodée égale à l’ingestion à l’état d’équilibre, mais avec une contraction soutenue du liquide extracellulaire.

Les indications des diurétiques

Les diurétiques sont toujours utilisés dans les cas d’oedème généralisé , notamment dans les maladies cardiaques (insuffisance cardiaque), les maladies hépatiques (cirrhose) ou les maladies rénales (insuffisance rénale, syndrome néphrotique). Pour les cas d’oedème généralisé important, on va favoriser les diurétiques de l’anse, notamment le furosémide.

Les diurétiques sont très utiles dans le traitement de l’hypertension : ce sont les diurétiques thiazidiques qui agissent le mieux. En plus de la diminution du volume intravasculaire via la diurèse, ces molécules agissent, semble-t-il, directement sur les parois artériolaires comme vasodilatateur.

Enfin, il y a des indications spécifiques pour certains diurétiques dans diverses pathologies, mais cela dépasse le cadre de ce cours.

Les combinaisons de diurétiques

Nous pouvons, à l’occasion, combiner les diurétiques, soit pour augmenter la force diurétique ou pour prévenir l’hypokaliémie.

Les combinaisons 1 et 2 dans le tableau suivant évitent l’hypokaliémie et la combinaison 3 augmente l’effet diurétique.

Combinaisons possibles
* Diurétiques thiazidiques (site III) + Épargneurs de potassium (site IV)
* Diurétiques de l’anse (site II) + Épargneurs de potassium (site IV)
* * Diurétiques de l’anse (site II) + Diurétiques thiazidiques (site III)
* = Effet additif ! Complications additives
** = Effet synergique ! Complications synergiques

Les effets secondaires des diurétiques et les complications

Voici les grandes catégories d’effets secondaires et de complications liés à l’emploi de diurétiques :

I. Hydroélectrolytiques et acidobasiques

Plusieurs des complications hydroélectrolytiques et acido-basiques viennent d’une diurèse trop intense induite par les diurétiques. Il faut se souvenir que les diurétiques agissent sur le compartiment sanguin, plus particulièrement le compartiment plasmatique qui ne contient que trois litres de liquide. Les états d’oedème se situent surtout au niveau interstitiel. Il faut donc drainer à travers un compartiment plasmatique relativement petit pour induire une redistribution du liquide interstitiel vers l’intravasculaire.

a) La déplétion volémique

La déplétion volémique peut être causée par une dose trop importante de diurétiques combinés, dans certains cas, à une restriction sévère de sel dans la diète.

b) L’azotémie/urémie

L’azotémie (augmentation sanguine de l’urée) reflète un état de contraction volémique.

c) L’hypokaliémie et l’alcalose métabolique

L’hypokaliémie et l’alcalose métabolique sont des reflets d’un tubule collecteur trop actif. Lorsqu’on utilise le furosémide ou les thiazides, le flot augmente au tubule collecteur en même temps qu’une certaine contraction volémique stimule l’aldostérone. L’aldostérone active les cellules principales. Le flot dans la lumière du tubule collecteur favorise l’excrétion de potassium, par les cellules principales, et d’ions hydrogènes, par les cellules intercalaires.

d) L’hyperkaliémie et l’acidose métabolique

L’hyperkaliémie et l’acidose métabolique sont des complications des diurétiques qui bloquent la cellule principale du tubule collecteur et qui entravent la sécrétion de potassium et d’ions hydrogènes par le tubule collecteur. On parle ici des diurétiques épargneurs de potassium.

e) L’hyponatrémie

L’hyponatrémie peut être occasionnée par une contraction volémique trop importante qui mène à une sécrétion non osmotique d’ADH (sécrétion hémodynamique – mécanisme d’urgence). Cette ADH en circulation va entraîner une rétention d’eau avec peu de sel et donc une hyponatrémie.

f) L’hypomagnésémie

L’hypomagnésémie peut être causée par la perte de magnésium au niveau de l’anse de Henle en raison du flot tubulaire augmenté.

II. Métaboliques

a) L’hyperuricémie

L’hyperuricémie est causée par une augmentation de la réabsorption de l’acide urique au tubule proximal (l’urate est un déchet provenant du métabolisme des acides nucléiques).

L’image de gauche représente une crise de goutte (difficile à percevoir sur l’image). L’image de droite représente des cristaux d’acide urique qui se sont précipités puisque l’acide urique est relativement peu soluble. Ces cristaux ont tendance à se cristalliser dans les articulations, donnant naissance à une douleur articulaire intense caractéristique de la crise de goutte. La peau et le rein peuvent aussi être atteints.

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L’hyperuricémie

b) L’hyperlipidémie

C’est un effet secondaire des diurétiques thiazidiques.

c) L’hyperglycémie

C’est un effet secondaire des diurétiques thiazidiques.

III. Endocriniennes (spironolactone)

Les complications endocriniennes sont vues avec la spironolactone qui est une molécule ressemblant aux stéroïdes sexuels.

  • La gynécomastie
  • Les irrégularités menstruelles

IV. Divers

  • Ototoxicité (surtout observée avec les diurétiques de l’anse)
  • Autres

Les contre-indications sont liées aux effets secondaires de chacun. Par exemple, on essaie de ne pas donner un diurétique thiazidique à quelqu’un qui présente des problèmes de glycémie ou d’hyperlipémie. On essaie de ne pas donner non plus du furosémide ou des thiazides à un patient qui présente déjà de l’hypokaliémie : on privilégiera un épargneur de potassium.

Les déterminants de la réponse diurétique

Voici les quatre déterminants de la réponse diurétique :

  1. la présence de diurétique dans le sang (biodisponibilité) ;
  2. la présence de transporteur sanguin (albumine) ;
  3. l’intégrité de la sécrétion tubulaire (pompe et inhibiteurs) ;
  4. le diurétique est libre dans la lumière (non lié à l’albumine).
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Les déterminants de la réponse diurétique

Pour qu’un diurétique soit efficace, il faut que le diurétique soit présent dans le sang, c’est-à-dire qu’il soit absorbé. Une muqueuse intestinale trop oedématiée peut entraver l’absorption du médicament. Il faut aussi qu’il y ait un transporteur sanguin pour l’amener au néphron. L’albumine lie le diurétique : dans des cas d’hypoalbuminémie, il peut y avoir une difficulté à transporter le diurétique jusqu’à son site d’action. Arrivé près du tubule où il y a la sécrétion, il faut que le diurétique soit sécrété dans le liquide tubulaire pour pouvoir rejoindre son site d’action (sauf spironolactone).

Si une maladie rénale fait en sorte que le mécanisme sécrétoire (les pompes) est défectueux ou qu’il y a des inhibiteurs qui compétitionnent pour ses pompes sécrétoires, par exemple les sels biliaires, il pourrait y avoir un défaut de sécrétion du diurétique dans le liquide tubulaire. Il faut aussi que le diurétique soit libre dans le liquide tubulaire. S’il y a de l’albumine dans le liquide tubulaire, par exemple dans des cas de maladies glomérulaires avec protéinurie, ces protéines peuvent lier le diurétique à ce niveau et l’empêcher d’agir sur les transporteurs luminaux

Exercices sur les diurétiques

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Les états d’oedème généralisé

La physiopathologie de l’oedème

L’oedème est une accumulation anormale et excessive de liquide dans le milieu interstitiel. Lorsqu’il y a oedème, il y a translocation de liquide de l’intravasculaire vers le milieu interstitiel.

Il faut au moins deux litres d’accumulation dans le milieu interstitiel pour détecter un oedème généralisé.

Il faut distinguer deux types d’oedème : l’oedème généralisé et localisé.

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Oedème généralisé

On peut voir ici l’avant-bras d’un jeune patient avec un syndrome néphrotique comme cause d’oedème. L’oedème à godet est la résultante d’une pression avec les doigts de la main sur cet avant-bras. Ce patient souffrait d’un syndrome néphrotique provoquant un oedème généralisé qui impliquait tout son corps.


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Oedème localisé

Cette patiente a un lymphoedème du bras droit ; il s’agit donc d’un oedème localisé. Cette dame avait été opérée pour un néo du sein droit avec évidement ganglionnaire, ce qui a endommagé les chaînes lymphatiques drainant le bras droit. Notez par ailleurs la maigreur au niveau du bras gauche, causée par un état cachexique dû au cancer qui s’est généralisé.


Il y a deux conditions nécessaires à la formation d’oedème généralisé :

  1. il doit y avoir des perturbations des forces de Starling au niveau capillaire favorisant l’accumulation de liquide interstitiel ;
  2. il doit y avoir une rétention anormale hydrosodée par le rein.

D’abord, il faut que le liquide sorte de l’intravasculaire vers l’interstitiel pour que les 2 L de liquide s’accumulent. Ensuite, s’il n’y avait pas simultanément une rétention hydrosodée continue par le rein, ceci serait incompatible avec la vie. Ainsi, ces deux conditions doivent toujours être présentes simultanément. De plus, vous devez savoir que dans certaines circonstances, la condition II apparaît en premier et que la condition I apparaît de manière compensatrice, et vice-versa. Ces deux types de chronologie nous permettent de distinguer deux physiopathologies différentes. Il s’agit d’ailleurs du sujet des deux sections suivantes.

Il faut aussi savoir qu’en cas d’oedème généralisé, une diète riche en sel a tendance à empirer l’oedème. C’est pourquoi une diète réduite en sel est toujours prescrite conjointement à un diurétique pour l’oedème généralisé.

Physiopathologie du sous-remplissage (condition I, puis ensuite condition II)

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Physiopathologie du sous-remplissage

Dans la figure suivante, on peut voir que le petit baril représente le volume intravasculaire et que le plus gros baril le volume interstitiel, chacun avec un certain niveau normal de liquide.

Remarquez bien que le petit baril a un trou à sa base et que par ce fait même, il y a un déversement du petit baril (espace intravasculaire) vers le gros baril (espace interstitiel), ce qui provoque l’apparition d’oedème. C’est ce qu’on appelle la pathophysiologie du sous-remplissage.

De façon compensatrice, il y a une rétention hydrosodée par les reins, pour tenter d’éviter que le petit baril ne se vide excessivement. Les deux conditions énumérées à la section précédente sont donc remplies.

En d’autres mots, le mouvement initial de liquide de l’espace intravasculaire vers l’interstitium réduit le volume plasmatique, et conséquemment, la perfusion tissulaire. Pour compenser, le rein retient du sodium et de l’eau. Une partie de ce liquide reste dans l’espace vasculaire, ce qui a tendance à corriger le volume plasmatique. Toutefois, l’altération de l’hémodynamie capillaire permet à la plupart du liquide retenu par le rein de fuir vers l’interstitium et de devenir de l’oedème. L’effet net est une expansion importante du LEC avec le maintien du volume plasmatique près de la normale.

Cet exemple illustre un point important : la rétention rénale de sodium et d’eau dans plusieurs états d’oedème est une compensation appropriée , car elle restore la perfusion tissulaire, bien qu’elle augmente également le degré d’oedème.

Conséquemment, si nous traitons un tel patient avec des diurétiques, ceci va améliorer les symptômes d’oedème, mais peut diminuer la perfusion tissulaire avec des conséquences cliniques fâcheuses dans certains cas.

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Physiopathologie du sur-remplissage

Physiopathologie du sur-remplissage (condition II, puis ensuite condition I)

Remarquez bien qu’initialement, nous avons un niveau normal dans les deux barils et qu’il n’y a pas de fuite à la base du petit baril.

Dans ce cas-ci, l’anomalie primaire est une rétention hydrosodée anormale par le rein.

En premier lieu, nous constaterons un surremplissage du petit baril, puis un déversement par trop plein dans le baril interstitiel avec l’apparition d’oedème.

Si nous utilisons un diurétique, les effets sont un peu différents de la section précédente. En effet, si l’anomalie primaire est une rétention inappropriée par le rein, tant le volume plasmatique que le volume interstitiel seront anormalement élevés et il n’y aura pas d’effet hémodynamique délétère de retirer le volume excédentaire.

Les forces de Starling au niveau capillaire dans les cas d’oedème

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Les forces de Starling au niveau du capillaire

Dans les cas d’oedème, les cinq phénomènes suivants peuvent être la cause de l’accumulation de liquide à l’extérieur des capillaires :

  • une augmentation de la pression capillaire hydrostatique ;
  • une diminution de la pression oncotique plasmatique ;
  • une augmentation de la perméabilité capillaire ;
  • une obstruction lymphatique ;
  • une augmentation de la pression oncotique interstitielle.

Les principales étiologies et leurs principes généraux de traitement

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Oedème aigu du poumon

Il y a trois organes qui peuvent causer des états d’oedème généralisé lorsqu’ils sont atteints

  • le coeur ;
  • le foie ;
  • le rein.

Voyons tout cela plus en détail.

L’insuffisance cardiaque

L’image de droite est une radiographie pulmonaire d’un insuffisant cardiaque en oedème aigu du poumon. L’oedème pulmonaire est la seule situation où il est URGENT  de traiter un état d’oedème généralisé. Toutes les autres situations (ascite, anasarque, oedème des membres inférieurs…) ne sont pas urgentes et doivent être traitées progressivement.

Les deux figures suivantes schématisent la physiopathologie de l’oedème dans l’ICG et l’ICD.

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Insuffisance cardiaque droite vs insuffisance cardiaque gauche

Pour les traitements de l’insuffisance cardiaque, référez-vous à vos notes de votre cours de Système cardiovasculaire .

La cirrhose

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Patient présentant de l'ascite

On voit ici plusieurs signes de la cirrhose hépatique avec la distension de l’abdomen à cause de la présence de liquide intrapéritonéal appelé ascite, l’augmentation de cette pression causant une éversion de l’ombilic.

Par ailleurs, on note de l’atrophie musculaire, puisque la cirrhose est un état cachexique, et de l’atrophie testiculaire, qui est un effet hormonal de la cirrhose.

L’oedème en cirrhose hépatique peut survenir par un mécanisme de sousremplissage ou un mécanisme de sur-remplissage.

Le mécanisme de sur remplissage semble survenir au début de la maladie hépatique, alors que le mécanisme de sous-remplissage le remplace dans les phases plus tardives de la maladie.

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Mécanismes de formation de l'ascite

On peut voir ici un schéma des deux différents mécanismes de formation d’ascite.

La maladie hépatique cause de l’hypoalbuminémie par un défaut de synthèse de l’albumine. Cette hypoalbuminémie diminue le VCE, ce qui mène à une rétention rénale hydrosodée et à de l’ascite. Il y a aussi une vasodilatation périphérique chez les patients cirrhotiques, ce qui mène également à une baisse du VCE, une rétention rénale hydrosodée, puis à de l’ascite. De plus, il y a une augmentation de pression dans les sinusoïdes hépatiques, ce qui mène à une accumulation splanchnique de sang et consécutivement à une baisse du VCE et ultimement à de l’ascite. L’augmentation de la pression sinusoïdale provoque directement de l’ascite, ce qui contribue à diminuer le VCE.

Tout ce qui précède est la pathophysiologie de sous-remplissage que l’on observe dans les stades tardifs de la maladie. Au début, toutefois, on peut avoir une rétention rénale hydrosodée primaire qui causera une augmentation du volume plasmatique et éventuellement de l’ascite : c’est la physiopathologie du surremplissage. Le mécanisme exact reste encore inconnu.

L’insuffisance rénale

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Oedème palpébral secondaire à une insuffisance rénale

On voit ici un patient fortement oedématié avec un oedème palpébral : il est impossible d’ouvrir les paupières. Il s’agit ici d’un patient avec une rupture d’anévrisme de l’aorte avec une insuffisance rénale aiguë. Il est en bilan positif d’environ 40 L de solutés qui lui ont été administrés, dans une tentative de maintenir sa tension artérielle. C’est un exemple d’oedème par insuffisance rénale.

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Vu au microscope: sclérose des glomérules, fibrose de l’interstitium et tubules dilatés avec des cylindres à l’intérieur

Au microscope, on observe la sclérose des glomérules, la fibrose de l’interstitium et des tubules qui sont dilatés avec des cylindres à l’intérieur.

Fichier:Rein rendu atrophique par l'insuffisance rénale chronique (spécimen).jpg
Rein rendu atrophique par l'insuffisance rénale chronique

Voici un rein à la surface granuleuse. C'est un petit rein rendu atrophique par l'insuffisance rénale chronique.

Dans un cas d’insuffisance rénale, l’oedème survient par une incapacité rénale d’uriner le sel et l’eau que le patient ingère. On observe donc une augmentation du volume plasmatique puis une augmentation de la pression hydrostatique dans les capillaires et finalement un oedème.

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Oedème secondaire à une incapacité d'uriner

Traitement de l’oedème par insuffisance rénale (rétention rénale primaire de sodium):

  1. Restriction de sodium ;
  2. Diurétiques (furosémide) ;
  3. Dialyse, éventuellement.

Le syndrome néphrotique

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Syndrome néphrotique chez un enfant

L’image ci-contre témoigne d’un syndrome néphrotique chez l’enfant avec de l’oedème et de l’ascite.

On définit le syndrome néphrotique les cinq critères suivants, dont obligatoirement les trois premiers :

  1. Protéinurie massive (>3,5 g/d) ;
  2. Hypoalbuminémie ;
  3. OEdème ;
  4. Lipidurie ;
  5. Hyperlipidémie.

Les syndromes néphrotiques sont causés par des maladies glomérulaires. Dans ces maladies, les glomérules perdent la capacité de garder les protéines à l’intérieur de la circulation. Conséquemment, on observe une protéinurie massive.

Cette protéinurie massive entraîne de l’hypoalbuminémie par albuminurie et de l’oedème par des mécanismes que nous allons voir.

De plus, lorsque le foie tente de fabriquer de l’albumine, il fabrique également des lipoprotéines, c’est pourquoi on observe une hyperlipidémie qui déborde dans l’urine pour donner des gouttelettes de lipides qu’on appelle de la lipidurie.

Ces patients peuvent toutefois avoir une filtration glomérulaire normale pour ce qui est des plus petites molécules, telle que la créatinine.

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Mécanisme de l'oedème suite à une glomérulonéphrite

La glomérulonéphrite peut provoquer de l’oedème par deux mécanismes :

  1. Une perte urinaire d’albumine mène à une hypoalbuminémie, puis à une fuite de liquide intravasculaire vers le compartiment interstitiel par la diminution de la pression oncotique (phénomène de sous-remplissage). Consécutivement, il y a une rétention hydrosodée par le rein, ce qui mène à l’oedème. Ceci s’observe habituellement avec les syndromes néphrotiques sévères ayant une albuminémie de 20 g/L ou moins et démontrant des signes de baisse du VCE à l’histoire et à l’examen physique.
  2. Il y a une rétention tubulaire anormale de sodium et une augmentation de la pression hydrostatique dans les capillaires (sur-remplissage), ce qui mènera à l’oedème. Ceci s’observe habituellement avec les syndromes néphrotiques légers ou modérés ayant une albuminémie supérieure à 20 g/L.

Traitement de l’oedème du syndrome néphrotique

  1. Traitement de la maladie glomérulaire ;
  2. Restriction de NaCl ;
  3. Diurétique (furosémide) ;
  4. Repos (résorption de l’oedème, utile dans tous les états d’oedème).

L’oedème cyclique idiopathique

L’oedème cyclique idiopathique est un syndrome observé uniquement chez les femmes. C’est un syndrome assez fréquent qui est plus incommodant que dangereux.

La pathophysiologie est inconnue, mais on pense qu’il s’agit peut-être d’une accentuation de la perméabilité capillaire : souvent, ces femmes ont une réactivité vasculaire augmentée. Comme traitement, on conseille le repos et il faut éviter tant qu’on peut les diurétiques, qui règlent le problème à court terme, mais provoquent une rétention hydrosodée rebond lorsqu’ils sont arrêtés.