ULaval:Médecine/Ressources/Santé autochtone/Santé métabolique des Inuits

De Wikimedica

Voici trois articles scientifiques en lien avec la santé métabolique des Inuits. Ces articles ont été recensés dans le cadre d'un projet de transfert de connaissances de la Chaire de recherche Nasivvik[1]. Une synthèse des articles est retranscrite ci-bas avec l'autorisation des auteurs du texte (Vincent Paquin, Gentiane Perrault-Sullivan, Mathilde Lavigne-Robichaud et l'équipe de la chaire Nasivvik).

Obésité

Is severe obesity a cardiovascular health concern in the Inuit population?

  • Auteurs: Kellett S, Poirier P, Dewailly E, Sampasa H, Chateau-Degat M-L.
  • Journal: American journal of human biology, 2012

L’obésité sévère est définie par un indice de masse corporelle (IMC) de > 40 ou de > 35 en présence de comorbidité. Deux études populationnelles espacées de 12 ans ont permis d’évaluer l’évolution de l’obésité sévère chez les adultes inuit du Nunavik. Les données utilisées proviennent de l’Enquête Santé Québec (1992) et de l’enquête de santé Qanuippitaa? Comment allons-nous? (2004). Les marqueurs étudiés dans les deux études sont les suivants: glycémie, insulinémie, HDL-C, LDL-C, triglycérides sanguins, cholestérol total, pression artérielle, indice de masse corporelle (IMC), tour de taille, ainsi que le rapport taille/hanches.

Les résultats montrent que la prévalence de l’obésité sévère a presque quadruplé en passant de 1,5% en 1992 à 5,5% en 2004. La pression artérielle a augmenté légèrement chez les Inuit adultes ayant une obésité sévère. La circonférence de taille a augmenté significativement, mais seulement chez les femmes après une analyse séparée selon le sexe. Étonnamment, les autres marqueurs cardio-métaboliques n’ont pas changé de manière significative. De plus, toujours parmi les participants vivant avec une obésité sévère, le pourcentage de fumeurs auto-rapportés a chuté de 85% à 41% (p < 0.01).

En résumé, les marqueurs cardio-métaboliques sont demeurés stables chez les Inuit adultes vivant avec une obésité sévère, malgré que la prévalence de cette condition ait quadruplé. Bien que ces tendances suggèrent que le risque cardio-métabolique lié à l’obésité soit stable dans la population inuite, les auteurs soulignent l’importance de surveiller l’augmentation de l’obésité dans un contexte de transition nutritionnelle au Nunavik.

Overweight and obesity prevalence among school-aged Nunavik Inuit children according to three body mass index classification systems

  • Auteurs: Medehouenou TCM, Ayotte P, St-Jean A, Meziou S, Roy C, Muckle G, Lucas, M.
  • Journal: Journal of adolescent health, 2015

Considérant que les Inuit ont des paramètres anthropométriques différents de ceux de d’autres populations, il est incertain que les systèmes actuels de classification de l’IMC soient adéquats pour ce groupe. À partir des données de l’Étude du Nunavik sur le développement des enfants (2005-2010), Medehouenou et al. ont évalué trois systèmes de classification de l’IMC chez les enfants inuit d’âge scolaire. Ces systèmes étaient ceux de l’International Obesity Task Force (IOTF), du Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les auteurs ont aussi investigué l’association de ces systèmes avec des marqueurs inflammatoires et métaboliques incluant l’insuline, le glucose, l’adiponectine, la ferritine, la protéine C-réactive, l’interleukine-6 et le facteur de nécrose tumorale alpha.

L’échantillon contenait 290 enfants âgés de 8 à 14 ans (51% de filles). La prévalence combinée du surpoids et de l’obésité était de 26,9% (incluant 6,6% d’obésité) selon le système de l’IOTF, 24,1% (11,0% d’obésité) selon celui du CDC et 40,4% (12,8% d’obésité) selon celui de l’OMS. Le coefficient de Kappa pondéré a montré un accord fort (0,69-0,87; un accord parfait étant 1,0) entre les systèmes de classification de l’IMC. Les participants évalués comme ayant une obésité selon l’IOTF présentaient des concentrations d’insuline plus élevées. En comparant ces résultats avec ceux du CDC et de l’OMS, les critères de l’IOTF semblent plus spécifiques pour identifier l’obésité chez les enfants participants. Les auteurs suggèrent d’utiliser le système de classification de l’IMC de l’IOTF pour identifier l’obésité ou le surpoids avec plus de précision chez les jeunes Inuit d’âge scolaire.

Santé auto-rapportée

Poor self-reported health and its association with biomarkers among Canadian Inuit

  • Auteurs: Saudny H, Cao Z, Egeland GM.
  • Journal: International journal of circumpolar health, 2012

Saudny et al. ont étudié les liens entre la mauvaise santé auto-rapportée (SAR), les caractéristiques démographiques et certains marqueurs cliniques et biologiques chez des Inuit répartis dans 36 communautés de l’Arctique canadien. Cette étude transversale faisait partie de l’Enquête de santé des Inuit de l’Année polaire internationale (2007-2008), un projet de recherche à modèle participatif.

La prévalence de la mauvaise SAR (c’est-à-dire la santé rapportée comme passable ou mauvaise par les participants) était de 27,8%. La mauvaise SAR doublait en prévalence chez les adultes de ≥ 50 ans lorsque comparée au groupe de 18-29 ans. Les participants avec une mauvaise SAR étaient 2,5 fois plus susceptibles d’avoir une glycémie à jeun à risque (≥ 6,1 mmol/L) ou de prendre des hypoglycémiants. Ils étaient également significativement plus à risque d’avoir une élévation de l’inflammation (protéine C-réactive > 3,0 mmol/L), ainsi qu’une obésité (IMC ≥ 30). Une circonférence de taille à risque (≥ 102 cm chez les hommes et ≥ 88 cm chez les femmes) combinée à une élévation des triglycérides sanguins (≥ 1,7 mmol/L) était également associée avec une mauvaise SAR. L’analyse des données a tenu compte de l’âge, du sexe et de l’IMC lorsque approprié. À l’inverse, les individus mariés avaient une meilleure SAR. En conclusion, les auteurs encouragent les professionnels de la santé d’inclure une question sur la SAR dans leurs entrevues, comme par exemple : «En général, considérez-vous que votre santé est très bonne, bonne, passable ou mauvaise?».

Références

  1. « Articles incontournables sur la santé des Inuits », sur Chaire de recherche Nasivvik (consulté le 7 novembre 2018)