Abus de substance et dépendance (approche clinique)
Approche clinique | |
Caractéristiques | |
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Examens paracliniques | Bilan de base, Dépistage de drogues de rue, Recherche d'ITSS, Autres |
Informations | |
Autres noms | Trouble d'usage |
Spécialité | Psychiatrie |
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Troubles de l’usage de substances et troubles de dépendance (103)
L'usage, l'abus et la dépendance sont un continuum de troubles qui ont été regroupés dans le DSM V sous le nom de «troubles de l'usage d'une substance»[1]. La reconnaissance des manifestations cliniques d'intoxication et de sevrage peut aider à orienter rapidement la conduite à tenir. De plus, il faut souvent garder en tête les troubles d'usage de substances dans le diagnostic différentiel d'un vaste éventail de présentations cliniques puisque ceux-ci peuvent mimer plusieurs pathologies psychiatriques.
1 Épidémiologie[modifier | w]
On estime que 10% de la population a des troubles d'usage ou d'abus de substance.[2]
2 Étiologies[modifier | w]
- alcool
- caféine
- cannabis
- hallucinogènes
- inhalants
- opioïdes
- sédatifs, hypnotiques, anxiolytiques
- stimulants
- tabagisme
- autres drogues méconnues
3 Physiopathologie[modifier | w]
La principale notion à retenir est le fait que ces drogues, prises en plus ou moins grande quantité, activent le circuit de la récompense. Les principaux neurotransmetteurs impliqués sont la dopamine, les opioïdes, et le GABA[2]. Ce circuit fait ressentir un grand plaisir à son activation, et une hypoactivité donne une sensation de mal-être. Ainsi, on veut répéter ce comportement pour ressentir le plaisir à nouveau[3].
4 Approche clinique[modifier | w]
4.1 Questionnaire[modifier | w]
Étant donné la dangerosité que peut représenter les patients aux prises avec des troubles d'usage de substances, il faut d'abord s'assurer de sa sécurité avant l'évaluation médicale. L'histoire collatérale peut également être importante pour avoir l'heure juste.
Pour chaque drogue que le patient dit consommer, il est pertinent de recueillir les éléments suivants[2]:
- Âge de début d'utilisation, utilisation courante (quantité, fréquence)
- Modes d'administration (intraveineuse, intranasale, par la bouche, etc.)
- Effet ressentis et présence de sevrage, durée des symptômes
- Usage d'autres substances?
- Affecte le fonctionnement?
Un questionnaire complet doit également rechercher les grands symptômes psychiatriques (anxiété, psychose, dépression, manie, risque suicidaire).
Pour être qualifié d'un trouble d'usage par le DSM V, 2 des manifestations suivantes doivent avoir été remplies pour 12 mois[1].
- Perte de contrôle sur consommation (quantité, durée)
- Désir persistant de diminuer/cesser
- Dépense excessive de temps
- Désir impérieux de consommer (craving)
- Utilisation récurrente qui entrave les obligations majeures
- Persistance malgré problèmes sociaux ou interpersonnels majeurs liés à la prise
- Abandon d’activités
- Utilisation avec conséquences physiques dangereuses
- Persistance malgré conscience de problèmes physiques ou psychologiques
- Tolérance (↑ quantité pour obtention de l’effet/ ↓ effet avec même quantité)
- Sevrage
L'alcool est la seule drogue avec une composante héréditaire.
Le tabagisme est la seule «drogue» qui a une composante de dépendance sociale[3].
Voici un aperçu des manifestations cliniques de quelques drogues.
Substance | Effets cliniques |
---|---|
Alcool | Discours bredouillant
Incoordination motrice Altération de l'attention ou de la mémoire |
Caféine | Fébrilité, nervosité, excitation
Insomnie Faciès vultueux (congestif, bouffi) Troubles gastro-intestinaux Périodes d'infatigabilité |
Cannabis | ↑ appétit
Sécheresse de la bouche |
Hallucinogènes (PCP) | Engourdissement ou hypoalgésie
Rigidité musculaire Crises convulsives ou coma Hyperacousie |
Autres hallucinogènes | Diaphorèse
Palpitations Vision trouble Tremblements, incoordination motrice |
Inhalants | Étourdissements
Discours bredouillant Léthargie Tremblements, incoordination motrice Faiblesse musculaire généralisée Vision trouble ou diplopie Euphorie |
Opioïdes | Troubles du comportement ou modifications psychologiques
Discours bredouillant Altération de l'attention ou de la mémoire |
Sédatifs/hypnotiques/anxiolytiques | Discours bredouillant
Incoordination motrice Altération cognitive |
Stimulants | Transpiration ou frissons
Nausées, vomissements Perte de poids Faiblesse musculaire, dépression respiratoire, douleurs rétro-sternales, arythmies Confusion, crises convulsives Dyskinésie, dystonie |
Tabac | Perte de poids
Odeur de tabac |
4.2 Examen clinique[modifier | w]
Substance | Signes cliniques[1] |
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Alcool | Démarche ébrieuse
Nystagmus Stupeur ou coma |
Caféine | Diurèse ↑
Myoclonies Pensées et discours décousus Tachycardie ou arythmie cardiaque Agitation psychomotrice |
Cannabis | Conjonctives injectées
Tachycardie |
Hallucinogènes (PCP) | Nystagmus horizontal ou vertical
Hypertension ou tachycardie Ataxie, dysarthrie |
Autres hallucinogènes | Mydriase
Tachycardie |
Inhalants | Nystagmus
Démarche ébrieuse ↓ réflexes ostéo-tendineux Ralentissement moteur Stupeur ou coma |
Opioïdes | Myosis
Somnolence ou coma Bradypnée |
Sédatifs/hypnotiques/anxiolytiques | Démarche ébrieuse
Nystagmus Stupeur ou coma |
Stimulants | Tachycardie ou bradycardie
Mydriase ↑ ou ↓ tension artérielle Agitation ou ralentissement psychomoteur Coma |
Tabac | Doigts jaunes |
4.3 Toxidromes[modifier | w]
Une autre façon de classifier et de reconnaître rapidement la catégorie de substances en jeu est de s'intéresser aux toxidromes.
Toxidrome | Pupilles | Peau | Symptômes | Signes | Agents toxiques |
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Anticholinergique | Mydriase | Sèche
+ flushing |
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Atropine, antihistaminiques, antiparkinsoniens, antipsychotiques, antidépresseurs, antispasmodiques, Datura, amanite tue-mouche, carbamazépine |
Cholinergique | Myosis | Moite |
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Inhibiteurs de l'acétylcholinestérase
Insecticides (organophosphates) Gaz (nerve gases) |
Sérotoninergique | Mydriase | Moite
+ flushing |
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Antidépresseurs: ISRS, ISRN, IMAO, tricycliques, bupropion, trazodone, mirtazapine
Opioïdes: fentanyl, mépéridine, oxycodone, tramadol Amphétamines Cocaïne Méthylphénidate LSD Produits en vente libre ou produits de santé naturel: dextrométhorphan (sirop anti-tussif), Millepertuis, Gingko biloba |
Sympathomimétique | Mydriase | Moite |
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Amphétamines, cocaïne, phencyclidine (PCP), sels de bain, caféine, éphédrine, LSD, méthylphénidate, pseudoéphédrine (ex : décongestionnant)
théophylline |
Sympatholytique | Myosis (opioïdes) | Sèche |
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Sédatifs, opioïdes, benzodiazépines, alcool |
5 Investigation[modifier | w]
- Dépistage de drogues de rue: dans le sérum et l'urine
- Recherche d'ITSS: hépatite, syphilis, VIH, etc.
- Bilan de base: selon suspicion clinique, FSC, électrolytes, fonction rénale et hépatique, TSH, glycémie, bilan lipidique (avant début d'anti-psychotique à long terme)
- Autres: pour recherche d'anomalies du cerveau, ECG, EEG, CT tête, IRM au besoin
6 Prise en charge[modifier | w]
En cas de doute, toujours s'adresser au centre anti-poison.
De plus, une référence à un centre régional en dépendance, à des psychothérapeutes ou organismes communautaires sont aidants.
Substances | Principes de traitement |
---|---|
Alcool | Surveiller glycémie (hypoglycémie)
Thiamine avec glucose pour prévenir encéphalopathie de Wernicke Ne pas donner glucose avant thiamine si possible (peut empirer l'encéphalopathie de Wernicke) |
Opioïdes | Naloxone avec bolus initial de 2 mg divisé en 0.4 mg → 0.6 mg → 1 mg
Dose de maintien à 2/3 de la dose initiale utilisée/heure La méthadone est également un médicament utile pour les patients avec dépendance aux opioïdes. |
Autres
(Cannabis, stimulants, hallucinogènes, caféine, inhalants, sédatifs, hypnotiques, anxiolytiques) |
Traitement de support principalement.
Charbon activé pour la plupart des drogues PO Flumazénil pour intoxication aux benzodiazépines (s'assurer l'absence d'intoxication concomitante) Bêta-bloqueurs pour hypertension Vasopresseurs si hypotension Antiarythmiques si arythmies Antipsychotiques si symptômes psychotiques Benzodiazépine pour convulsions ou agitation |
7 Références[modifier | w]
- ↑ 1,0 1,1 1,2 et 1,3 (en) American psychiatric association., Guelfi, Julien-Daniel., Boyer, Patrice, (1948- ...). et Pull, Charles-Bernard., Mini DSM-5® : critères diagnostiques, Elsevier Masson, dl 2016, cop. 2016 (ISBN 978-2-294-73963-7 et 2-294-73963-9, OCLC 935242899), p. 205-250
- ↑ 2,0 2,1 2,2 et 2,3 (en) Chowdhury, Sheehan H. et Chowdhury, Jeeshan., Essentials for the Canadian medical licensing exam : review and prep for MCCQE, part I, Philadelphie (ISBN 978-1-4511-8688-8 et 1-4511-8688-6, OCLC 932066339), p. 595-598
- ↑ 3,0 et 3,1 Rouillard C., Notes de cours pour «Psychisme: fondements et problèmes cliniques (MED-1217)», 1er décembre 2016, Université Laval.
- ↑ Chowdhury, Sheehan H. et Chowdhury, Jeeshan., Essentials for the Canadian medical licensing exam : review and prep for MCCQE, part I (ISBN 978-1-4511-8688-8 et 1-4511-8688-6, OCLC 932066339), p. 597
- ↑ (en) Binesh-Marvasti, Tina,, McQueen, Sydney,, Ahmed, Waleed S., et Frankfurter, Claudia,, Toronto Notes 2018 : comprehensive medical reference and review for the Medical Council of Canada Qualifying Exam (MCCQE) Part 1 and the United States Medical Licensing Exam (USMLE) Step 2 (ISBN 978-1-927363-40-9, 1-927363-40-3 et 978-1-927363-41-6, OCLC 1022761837), ER49-ER55