ULaval:MED-1221/Fractures
Principes de base des fractures
Fracture : bris de continuité de l’os métaboliquement actif, impliquant la moelle osseuse, le périoste et les tissus mous adjacents (pas seulement une blessure de l’os).
Important de prendre en considération le traumatisme des tissus mous.
Prise en charge initiale:
- Réaligner (temporairement) afin de protéger les vaisseaux/nerfs
- Couvrir la plaie (si fracture ouverte)
- Immobilisation provisoire
But : réduire la douleur et prévenir les dommages secondaires.
Si fracture ouverte :
- Tétanos + ATB IV
- Urgence orthopédique
- Couvrir/nettoyer
- Débridement, lavage en salle opératoire
- Stabilisation chirurgical
Types de fractures
Fracture traumatique
- Trauma direct : fracture transverse
- Trauma indirect : fracture oblique ou spiralée
- Avulsion osseuse : arrachement ligamento-capsulaire
Fracture de stress : secondaire à micro-traumatisme répété. Athlètes et militaires (souvent métatarses), activité intense +++.
Fracture pathologique : os avec une condition sous-jacente (néoplasie). PQRST: poumon, prostate, rein, sein, thyroïde.
Fracture en bois-vert : incomplète. Chez les enfants. Peu de douleur.
Fracture en torus : gonflement de la zone diaphysaire. Enfants.
Fracture pédiatrique: classification de Salter
Fractures de la plaque épiphysaire/de croissance.
- Atteinte isolée de la plaque de croissance
- Atteinte métaphysaire et de la plaque de croissance
- Atteinte épiphysaire et de la plaque de croissance (intra-articulaire)
- Atteinte métaphysaire, épiphysaire et de la plaque de croissance (intraarticulaire)
- Écrasement de la plaque de croissance
1 → risque faible.
5 → risque élevé (dx tardif, arrêt de la croissance).
Ligaments + fort que la physe → fermeture complète (inégalité) ou partielle (déformation).
Remodelage osseux dépend de : âge, proximité de la physe, activité de la physe (loin du coude et proche du genou), déformation dans le plan du mouvement.
TOUJOURS rechercher abus physique:
- Délai consultation
- Histoire vague/abstraite ou contradictoire
- Trauma multiples
- FDR socio
- Lésions typiques ou multiples d’âge différents
- Discordance entre histoire et lésions
Description radiologique
Anatomie : en fonction de l’os atteint et de la localisation dans l’os.
- Diaphyse : partie médiane de l’os long
- Métaphyse : région intermédiaire entre la diaphyse et l’épiphyse
- Épiphyse : extrémité d’un os long
- Physe : région de la croissance osseuse (enfant)
Extension articulaire : risque d’arthrose et ankylose articulaire.
Déplacement : relation du fragment distal par rapport au proximal.
Angulation : comparer fragment distal par rapport au proximal.
- Valgus : distal dévié en latéral
- Varus : dévié en médial
Rotation : radiologiquement et cliniquement.
Raccourcissement
Fragmentation
- Simple : transverse avec 2 fragments osseux
- Fragment papillon
- Segmentaire
- Comminutive : complexe, + de 2 fragments
Atteinte des tissus : classification de Gustilo. Si sang ou plaie, ouverte jusqu’à preuve du contraire.
Coronal | Sagittal | Axial | |
---|---|---|---|
Angulation | Varus
Valgus |
Flexion
Extension |
Mal rotation |
Translation | Médial
Latéral |
Antérieur
Postérieur |
Raccourcis |
Classification de Gustilo
- Plaie propre ≤ 1 cm. Traumatisme basse énergie
- Plaie non contaminée ≥ 1 cm sans dommage majeur aux tissus mous. Traumatisme basse énergie
- Plaie contaminée ≥ 1 cm avec dommage majeur aux tissus mous. Traumatisme haute énergie, fracture instable. Problème de recouverte. Atteinte vasculaire possible
Guérison des fractures
Guérison primaire
Réparation directe des ostéons et son système haversien par ostéocytes au site fracturaire. Fracture stable et non déplacée, parfois fixées en mode stabilité absolue.
- Canaux haversiens
- Action directe des ostéocytes
- Pas de cal osseux
Certains croient que ce n'est pas guéri, mais oui !
Guérison secondaire
Beaucoup + fréquente, transformation progressive d’un cal osseux vers ossification complète.
5 étapes :
Fracture et phase inflammatoire
Formation d’un hématome.
Mécanismes d’activation cellulaire (chimiotaxie).
7-21 jours.
Formation du tissu de granulation
Organisation de l’hématome.
Stabilisation fibreuse du site fracturaire.
2 semaines.
Formation du cal osseux
Prolifération cellules à ostéoblastes et chondroblastes.
Synthèse de la matrice organique extracellulaire de l’os immature et du cartilage.
Minéralisation phospho-calcique.
Stabilisation rigide du site fracturaire.
4-16 semaines.
Déposition de l’os lamellaire et remodelage
Ossification endochondrale.
Parallèle au long axe de l’os.
Loi de Wolf: calcification en fonction du stress exercé. 4-16 semaines.
Facteurs de mauvais pronostic :
- > 40 ans
- ATCD médicaux (ex. diabète)
- AINS et corticostéroïdes nécessaires
- Fumeur
- Dénutrition
- Fracture ouverte
- Apport sanguin pauvre
- Polytraumatisé
- Infection
Immobilisations plâtrées
Attelles plâtrées : semi-circulaires. Permettent une certaine expansion du membre (si oedème), rapidement mises en place. Moins résistantes.
- Immobilisations temporaires ou de courte durée.
- Membre hautement à risque d’oedème ou récemment opéré.
Plâtres complets : beaucoup + résistants. Traitement définitif d’une fracture, membre peu à risque d’oedème. Plâtre de Paris ou fibre de verre.
Membre inférieur:
- Cruro-pédieux (tibia)
- Botte plâtrée (tibia distal, cheville, astragale/calcanéum, métatarses)
Membre supérieur
- Antébrachial (radius distal, cubitus distal, os carpe sauf scaphoïde)
- Spica du pouce (scaphoïde, premier métacarpe)
- Brachial-antébrachial (humérus distal, radius/ulna proximal, fracture ou luxation coude)
Principes d’immobilisation plâtrée
- Réalignement du membre avant application d’un plâtre
- Immobiliser articulation proximale et une distale
- Ouate sur toute la région cutanée
- Coussinage des proéminences osseuses et des extrémités
- Couvrir les plaies et incisions avec pansement stérile
Complications : plaies de pression, brûlures, irritation cutanée et syndrome compartimental.
Syndrome compartimental : important de le remarquer. Complication la + sérieuse, retirer tout dans les plus brefs délais.
Traitement chirurgical
Indications : fracture ouverte, non-union, atteinte neurologique et/ou vasculaire, fracture avec déplacement intra-articulaire, Salter type III, IV ou V, polytraumatisé.
But : faire guérir + droit, stabiliser une fracture instable, minimiser les complications, et parfois faire guérir + vite.
Types de fixation osseuse
Fixation interne rigide
Fragments repositionnés en position anatomique.
- Vis et plaque, pas besoin d’immobilisation plâtrée post-opératoire
- Stabilité absolue et guérison directe
- Réadaptation musculo-squelettique rapidement
Fixation interne dynamique
Permet un certain degré de mouvement.
- Réduction indirecte
- Implant permettant compression de la fracture
- Plaque DHS
- Guérison secondaire
Fixation interne par clou intramédullaire
Préserve l’hématome original (meilleur taux d’union par cal osseux).
- Réduction indirecte et imparfaite
- Déplacement résiduel possible
Fixation externe
Ponter le site de fracture de façon extracorporelle. Tiges intraosseuses avec connecteurs externes.
- Réduction indirecte par traction
- Fractures ouvertes et patients instables
- Temporaire souvent
Fracture de la hanche et implications médicales
Problématique → > 90% sont la conséquence directe d’une chute. Hausse avec le vieillissement de la population.
Facteurs de risque : femme, race blanche, ménopausée, > 50 ans (chez les + de 90 ans, 50% de chance).
Récupération difficile :
- 25% auront une récupération complète
- 40% auront besoin d’aller en URFI
- 50% auront besoin d’une aide à la marche ensuite (canne, marchette, etc.)
- 24% des patients de > 50 ans décèdent dans les 12 mois suivants (complications médicales)
Principaux types de fractures de la hanche
Fracture du col fémoral
Entre tête fémorale et ligne intertrochantérienne.
Vascularisation de la tête fémorale interrompue (risque de nécrose d’environ 30%).
Traitement par vis, DHS ou prothèse.
Mal-union ou non-union possibles.
Intertrochantérienne
Extra-capsulaire, entre les 2 trochanters.
Vascularisation intacte.
Traitement par clou céphalo-médullaire (standard) ou DHS.
Sous-trochantérienne
Entièrement distale aux petit et grands trochanters.
Aucun risque vasculaire.
Traitement standard par clou céphalo-médullaire.
Complications aiguës des fractures
Atteinte nerveuse
Neurapraxie : nerf toujours continu, déficit de conduction focale. Bon pronostic.
Axonotmèse : déchirure partielle. Pronostic faible/modéré.
Neurotmèse : section complète du nerf. Pronostic de récupération nulle, anastomoses nerveuses avec greffe possibles.
Nerfs: radial, médian, cubital, tibial, péronier superficiel/profond, saphène, sural
Atteinte vasculaire
Catégorie 3 des fractures ouvertes.
Délabrement tissulaire majeur.
Choc hypovolémique
Fracture fermée du fémur peut provoquer hématome de 1L.
Si patients précaires ou autres fractures et/ou hémorragie extériorisée à défaillance possible.
Thrombophlébite
Très fréquente.
Retirer immobilisation plâtrée pour faire Doppler.
Warfarine 3 mois.
Embolie pulmonaire
Provient d’un thrombus des MI.
Embolie graisseuse
Migration des graisses à partir du foyer de fracture.
Rare (surtout fémur ou bassin).
Symptômes peuvent survenir avant, pendant ou après chirurgie.
Phase initiale : fièvre élevée, agitation, troubles comportement, polypnée, pétéchies.
Phase tardive : syndrome cutanéo-muqueux avec hémorragie sous conjonctivale et purpura, détresse respiratoire, troubles de la conscience et trouble végétatif, syndrome oculaire.
Fond d’oeil → taches blanches cotonneuses, hémorragies rétiniennes et oedème maculaire.
Support ventilatoire et réanimation liquidienne.
Pronostic variable (si pas de symptômes, mort brutale).
Prévention à remplissage vasculaire, immobilisation fracture, antalgiques, chirurgie 24-72 heures (ne pas le mobiliser sur longue distance).
Gangrène gazeuse
Complication grave provoquée par clostridium welchii.
Plaie souillée, délai d’incubation de quelques heures à 6 jours.
Crépitation gazeues sous cutanée perçue à la palpation.
Tétanos
Plaie souillée, clostridium tetani (matières végétales).
Contractions musculaires intenses (trismus) fatale.
Vacciner patients avec fractures ouvertes contaminées.
Syndrome compartimental
Ischémie musculaire par interruption de la circulation capillaire par augmentation de la pression intra-compartimentale dans loge musculaire inextensible.
Surtout jambes (60-80%).
Ischémie de stase OU diminution apport sanguin.
Oedème cellulaire → auto-aggravation.
Douleur, symptômes sensitifs et moteurs.
Mesure de la pression intra-compartimentale.
PA diastolique – P intracompartimentale < 30 mm Hg ou P intracompartimentale isolée > 30 mm Hg.
Fasciotomie de décompression en urgence dès que suspecté.
Complications tardives des fractures
Non-union (pseudoarthrose)
Pas de consolidation osseuse après au moins 2x durée normale.
RX sériées avec suivi de la progression du cal osseux.
Fixation rigide de la fracture et greffe osseuse (stock osseux de la crête iliaque souvent).
Mal union
Consolidation osseuse en position vicieuse d’une fracture.
Séquelles fonctionnelles et esthétiques.
Ostéomiser le foyer, réaligner les structures osseuses.
Ankylose articulaire
Fractures intra-articulaires surtout.
Adhérence intra-articulaire et incongruence articulaire → ankylose.
Réhabilitation agressive pour préserver amplitude.
Nécrose avasculaire
Fracture déplacée du col fémoral, dôme de l’astragale, tiers proximal du scaphoïde.
Signes radiologiques peuvent prendre jusqu’à 18 mois → IRM.
Algodystrophie sympathique réflexe
Syndrome clinique secondaire à un dysfonctionnement du SNA causé par trauma.
Oedème important, douleur, raideur, ostéopénie, changements trophiques.
Préserver amplitude, cortisone PO, blocs sympathiques répétés.
Ostéomyélite
Infection osseuse d’origine bactérienne.
Surtout fractures ouvertes.
ATB prolongée, drainage chirurgical.