ULaval:MED-1217/Antipsychotiques

De Wikimedica
Ce guide d’étude a été élaboré par les volontaires de Wikimedica dans le cadre du cours MED-1217 à l'Université Laval et est basé sur le travail des responsables du cours. Il est fourni comme aide à l'étude et ne constitue pas un document officiel du cours.

Voies dopaminergiques

Les corps cellulaires des neurones dopaminergiques viennent de la substance noire et de l’aire ventrale tegmentale

Voie nigro-striée : vient de la substance noire et projette jusqu’au striatum → affecte les fct motrices ⇒ bloquer le D2 de cette voie cause des réactions extra pyramidales

Voie mésolimbique : vient de l’aire ventrale tegmentale et projette jusqu’au lobe frontal, au corps amygdaloïde et au striatum ventral → impliqué dans les émotions et la récompense ⇒ bloquer le D2 de cette voie permet de diminuer la psychose

Voie mésocorticale : vient de l’aire ventrale tegmentale et projette jusqu’au cortex frontal et ventral → impliqué dans les fct exécutives et la mémoire de travail ⇒ bloquer le D2 de cette voie cause une augmentation des symptômes négatifs, la détérioration des symptômes affectifs (apathie, trouble d’attention) et la détérioration des symptômes cognitifs

Voie tubéro-infundibulaire : implique l’hypophyse et l’hypothalamus → joue un rôle dans la lactation ⇒ bloquer le D2 de cette voie cause une hausse de la prolactine

Les antipsychotiques bloquent les voies dopaminergiques

Antipsychotiques typiques

Bloquent le récepteurs dopaminergiques post-synaptique D2

En fonction des molécules, +/- d’effets sur les récepteurs muscariniques, histaminiques, alpha-1

Les effets extra pyramidaux sont plus ou moins importants selon la capacité de la molécule à bloquer les récepteurs acétylcholines → forte affinité anticholonergique = moins d’effet extra pyramidal (la dopamine peut avoir un effet de frein sur l’acétylcholine, si D2 bloqué il n’y a plus de frein à l’acétylcholine et il y a un excès. Il y a un débalancement entre l’activité cholinergique (en excès) et l’activité dopaminergique (inhibée) ce qui cause les symptômes extra pyramidaux) → un anticholinergique ajouté à l’antipsychotique typique permet de diminuer les symptômes extra pyramidaux (plusieurs antipsychotiques ont dans la même molécule un effet anticholinergique en plus de l’effet antipsychotique, ce sont ces molécules qui créent le moins d’effets extra pyramidaux chez les typiques)

Beaucoup moins utilisés en clinique aujourd’hui car de nouvelles molécules plus efficaces existent

Divisés en 2 classes : les sédatifs et les incisifs

Sédatifs

Amènent une baisse de l’anxiété et une somnolence diurne

  • Affinité pour D2 plus faible que pour les autres récepteurs
  • Pour obtenir l’efficacité antipsychotique (bloquer >60% des D2) : demande une plus haute dose
  • Beaucoup d’effets secondaires anticholinergiques, adrénergiques, antihistaminiques à cause de l’affinité plus forte pour les autres récepteurs
  • Plus sédatif : chlorpromazine

Incisifs

Amènent une baisse de l’agitation et des symptômes positifs de la psychose

  • Affinité pour D2 plus forte, blocage dopamine plus fort
  • Pour bloquer <80% D2 et éviter les réactions extra pyramidal, besoin d’une dose plus faible
  • Plus de réactions extra pyramidales et moins de sédation
  • Plus faible affinité pour les autres récepteurs donc moins d’effets secondaires anticholinergiques, adrénergiques et histaminiques
  • Plus incisif : halopéridol

Antipsychotiques atypiques

Pour un clinicien, un antipsychotique est considéré atypique quand il permet de traiter les symptômes négatifs de la schizophrénie

Antagoniste dopaminergique et sérotoninergique

Les systèmes dopaminergiques et sérotoninergiques ne sont pas isolés l’un de l’autre, ils ont des actions qui vont s’influencer mutuellement. Des projections sérotoninergiques influencent l’action des neurone dopaminergiques; la sérotonine INHIBE l’action dopaminergique. En bloquant l’action de la sérotonine on augmente l’action de la dopamine. La molécule bloque le récepteur D2 (antagoniste dopaminergique) et le récepteur 5HT2 (antagoniste sérotoninergique) ce qui a des effets particuliers. Sur la voie mésolimbique (celle impliquée dans le symptômes de psychose) l’effet du blocage du D2 est plus puissant que l’effet du blocage de la 5HT2 puisque les D2 sont plus nombreux → l’effet antipsychotique est donc conservé

Toutefois, sur la voie négro-striée, l’effet 5HT2 est plus puissant que l’effet D2, donc l’effet du blocage des 5HT2 est plus grand que l’effet du blocage du D2 (et en plus, les antipsychotiques se lient en plus petite proportion aux D2 que les typiques, donc l’effet est encore plus faible) → l’effet dopamino-bloquant est limité par ce système dans la voie négro-striée

Pour obtenir un effet antipsychotique, on doit bloquer plus de 60% des récepteurs D2, mais si on bloque 80% et plus des récepteurs on a des effets extra pyramidaux (effets indésirables). Les atypiques se lient à 70-80% des récepteurs D2, ce qui est idéal pour obtenir les effets voulus et éviter les effets indésirables

Les neurones de la voie tubéro-infudibulaire ont à la fois des récepteurs sérotoninergiques et dopaminergiques. En bloquant les deux récepteurs, l’effet est assez neutre sur la prolactine

Sur la voie méso-corticale, il y a beaucoup moins de récepteurs D2 que 5HT2, donc l’effet du blocage 5HT2 est beaucoup plus grand, ce qui donne une balance dopaminergique positive → puisque les symptômes négatifs de la schizophrénie sont causés par un manque de dopamine dans la voie méso-corticale, en bloquant les 5HT2 (donc en augmentant la dopamine dans cette zone) on diminue les symptômes négatifs

Antagoniste dopaminergique D2 à dissociation rapide

Contrairement aux antipsychotiques typiques, la molécule se sépare rapidement du récepteur

Avec une molécule typique, l’ajout de dose cause éventuellement de la dyskinésie tardive car la molécule se lie longtemps et les effets s’accumulent

Lorsque le patient reçoit une molécule atypique, elle agit normalement (effet antipsychotique sans l’effet extra pyramidal car dissociation plus rapide dans la voie négro-striée donc moins d’effets extra pyramidaux). À la deuxième dose, puisque la molécule a commencé à libérer le récepteur, il n’y a pas de dyskinésie tardive car les effets du médicament ont eut le temps de diminuer (sans pour autant perdre l’effet antipsychotique)

Agoniste partiel dopaminergique D2

La molécule se lie à un récepteur D2 et selon la situation environnante elle aura un effet agoniste ou antagoniste. L’activité de cette molécule sur le récepteur D2 est moins forte que la dopamine en tant que telle donc s’il y a excès de dopamine, l’agoniste partiel diminue l’activité de la dopamine en l’empêchant d’être pleinement efficace, mais en cas de manque de dopamine l’effet agoniste partiel stimule l’effet dopaminergique

Agoniste partiel sérotoninergique 5HT1A

Le système au glutamate influence l’activité de la dopamine. Un neurone extra pyramidale part du cortex frontal et projette vers les substances sous corticales. En diminuant l’activité du neurone au glutamate (avec un effet antagoniste 5HT2A) on diminue l’activité du neurone à la dopamine.

Pourquoi l’effet agoniste 5HT1A a un effet antagoniste 5HT2A? Les deux récepteurs ont un effet inverse : l’agoniste 5HT1A a le même effet que l’antagoniste 5HT2A

Pharmacologie

Générations

Il y a trois générations d’antipsychotiques, toutes aussi efficaces à doses équivalentes pour traiter les symptômes positifs de la schizophrénie (sauf la clozapine qui est supérieure)

Première génération

Typique, classique ou traditionnel

  • Antagoniste dopaminergique
  • Plus de réactions extrapyramidales

Médicaments : halopéridol (plus incisif), chlorpromazine (plus sédatif), haldol LA (injection aux 2-4 semaines)

La première génération n’est plus la première ligne de traitement (à cause des effets extra pyramidaux) mais ils peuvent servir dans certains cas

  • symptômes réfractaires
  • Troubles métaboliques (effets secondaires des 2-3 générations)
  • Difficultés financières → nouvelles générations beaucoup plus coûteuses que première
  • Plus de formes injectables disponibles

Deuxième génération

Atypique

  • Antagoniste dopaminergique et antagoniste récepteur 5HT2
  • Moins de réactions extrapyramidales
  • Plus de troubles métaboliques : prise de poids, cholestérol, glycémie

Médicaments : rispéridone (format po et injectable), olanzapine, quétiapine, clozapine

Troisième génération

  • Agoniste dopaminergique partiel (D2-D3) et antagonistes 5HT2 et effet sur la sérotonine

Aucun antipsychotique est efficace sur les symptômes négatifs de la schizophrénie mais on préfère les 2 ou 3e générations car elles n’empirent pas les symptômes. Les 2-3 générations pourraient diminuer les symptômes cognitifs de la schizophrénie

Quand il y a un haut taux d’inobservance au traitement, la formulation dépôt (injection IM aux 2-4 semaines) est utile

Utilisation

  • Schizophrénie
  • Trouble schizo-affectif
  • Trouble psychotique
  • Agitation
  • Trouble bipolaire
  • Traitement adjuvant de la dépression
  • Trouble de la personnalité (quand il y a impulsivité ou épisodes psychotiques)
  • Trouble du comportement (dans les démences, la schizophrénie ou les troubles envahissants du développement)
  • TOC
  • Syndrome de la Tourette/tics
  • Alternative à l’insomnie réfractaire aux médicaments normalement utilisés
  • Rares situations d’anorexie sévère
  • Nausées, vomissements et hocquets réfractaires

Contre-indications et précautions

Contre indications

  • Hypersensibilité
  • Syndrome du QT long (ECG)

Précautions

Pharmacocinétique

Tous les antipsychotiques (peu importe la génération) sont métabolisés au foie (cytochromes) donc la dose doit être diminuée en cas d’insuffisance hépatique

L’absorption est généralement bonne et rapide

Formulation

Injectable courte action : maîtriser l’agitation, la dangerosité du patient → le pic plasmatique est atteint plus tôt que l’oral

Injectable moyenne action : aussi pour les situations d’urgence (dangerosité) mais l'effet dure 2-3 jours

Injectable dépôt

  • Pour favoriser l’observance et la constance des concentration
  • 2-4 semaines selon le médicament
  • Améliorent la biodisponibilité
  • Niveaux sanguins plus constants
    • Moins de rechute
    • Maladie progresse moins
    • Moins de réhospitalisation

Effets secondaires

Physiques

Sédation : peut être intéressante au besoin ou en aigu, plus embêtant en chronique (l’effet le plus rapporté par les patients qui arrêtent le traitement, puisqu’ils ne tolèrent pas l’effet)

Effets autonomiques (de types anticholinergiques) : bouche sèche, constipation, vision embrouillée, ralentissement cognitif, confusion, pire avec les types sédatifs (génération 1), plus chez les personnes âgés, quand utilisés avec d’autres médicaments ou quand le patient a d’autres pathologies à l’axe III

Effet antagoniste alpha-1 : diminution TA, étourdissement, sédation

Neurologiques

Dystonie

  • En aigu, au début du traitement
  • Contraction musculaire rapide, soutenue d’un muscle, douloureuse
  • Touche plus la langue et le cou, l’opisthotonos (postérieur, dos et cou), crise oculogyre (contraction muscles permettant l’élévation de l’oeil)
  • Surtout chez les jeunes patients qui sont à leurs premiers antipsychotiques
  • Surtout avec des vieilles générations, plus incisifs
  • Traitement : anticholinergique (mais puisque c’est très désagréable, le patient est souvent peu enthousiaste à l’idée de continuer le traitement antipsychotique à long terme)

Parkinsonisme secondaire

  • Installation plus insidieuse et sub aiguë
  • Tremblements, rigidité, bradykinésie
  • Roues dentées, micrographie,
  • Bradypsychie (fait partie du diagnostic différentiel des symptômes négatifs de la schizophrénie)

Akathisie

  • Sentiment subjectif d’impatience motrice → rapporté par le patient
  • En clinique, on remarque de l’agitation (faire attention, si cette agitation est confondue avec une psychose mal contrôlée et qu’on augmente la dose d’antipsychotique, on empire la situation)
  • Peut être aigu mais plus souvent insidieux
  • Touche surtout les jeunes hommes, les vieilles dames
  • Plus avec les types incisifs (génération 1)
  • Traitement : benzodiazépines ou β-bloqueur

Dyskinésie tardive

  • Mouvements choréiformes ou athétosiques
  • Plus tardifs, pas au début du traitement (avec une utilisation de plus de 6 mois généralement)
  • Touche la langue, les doigts, les muscles du visage, le tronc, les épaules, les mouvements respiratoires
  • Disparaît pendant le sommeil
  • S’installent à long terme, incidence de 2-4% pour les 7 premières années
  • Chez 20 à 40% des psychotiques chroniques
  • Touche plus les patients avec des dommages neurologiques déjà présents, les patients de >55 ans, ceux qui ont des maladies affectives (bipolaires et autres)
  • Plus avec les antipsychotiques typiques (mais pas uniquement)
  • Peut survenir à la baisse de la médication, mais revient à la normale éventuellement (dyskinésie de retrait)
  • La clozapine serait moins à risque de causer de la dyskinésie tardive (pourrait même être un traitement)
  • Les patients avec des psychoses peuvent développer de la dyskinésie tardive même s’ils ne sont pas traités par des antipsychotiques
  • Pathologie : le bloquage chronique des récepteurs cause une up regulation des récepteurs et le neurone devient hypersensible à l’activité dopaminergique
  • Peu d’alternatives thérapeutiques et de traitement

Syndrome neuroleptique malin

  • Potentiellement mortel
  • Assez rare, mais peut expliquer un patient confus, désorganisé
  • Critères reconnus
    • Hyperthermie
    • Réaction extra pyramidales sévères
    • Dysfonctionnement autonomique (HTA, tachycardie, diaphorèse, incontinence)
  • symptômes accessoires
    • Altération de l’état de conscience
    • Augmentation globules blancs
    • Augmentation CK (à cause de la rigidité sévère, voire de la rhabdomyolyse menant à de l’IR
  • Tous les neuroleptiques sont à risque
  • Pas lié à la dose ou à la voie d’administration
  • Apparition habituellement rapide
  • Traitement : arrêter le traitement en urgence, traiter les symptômes autonomiques (particulièrement l’hyperthermie, qui peut être fatale) → urgence médicale
  • On peut reprendre le même neuroleptique en post syndrome, mais plus risqué

Oculaires

Peu de pertinence clinique

  • Pigmentation lenticulaire
    • Dépôt granulaire, pas d’atteinte visuelle, en utilisation à long terme
  • Rétinopathie pigmentaire
    • Rare, sévère, irréversible (avec la tioridazine, qui n’est plus commercialisée au Canada)

Autres

  • Photosensibilité (être plus prudent dans l’exposition au soleil)
  • Hausse de la prolactine → demander un dosage de prolactine avant de commencer le traitement
  • Agranulocytose (1/5000 cas, mais effet secondaire grave) (la clozapine donne de l’agranulocytose assez fréquemment pour demander des formules sanguines sériées pour évaluer le niveau de globule blanc)
  • Convulsions (particulièrement avec les typiques sédatifs ou ceux avec des propriétés anticholinergiques fortes)
  • Complications cardiaques (QT allongé, torsade de pointe) (assez rare et en monothérapie, rarement cliniquement significatif)

Syndrome métabolique

  • Plus avec les atypiques
  • Augmentation de l’appétit et du poids → obésité
    • Surtout attribuable à l’action sur les récepteurs antihistaminiques et 5HT2C, particulièrement quand la molécule combine ces actions
  • Augmentation de la dyslipidémie, diabète II, risque cardiovasculaire, mort prématuré → indépendamment de la prise de poids, liés à certaines molécules
  • Effet antagoniste sur les récepteurs M3 → baisse de la production d’insuline, pré-diabète ou diabète

⇒ Effets insidieux et importants, une surveillance s’impose, particulièrement quand l’utilisation est chronique

Faire un bon questionnaire de départ, vérifier les habitudes de vie. Des évaluations plus fréquentes peuvent être faites en fonction de l’état du patient

Peu importe la génération d’antipsychotique utilisée, on suggère de suivre le poids, l’IMC et l’ECG

Interactions

Métabolisés au foie, important de vérifier s’il y a des interactions avec d’autres médicaments (particulièrement s’il y a inhibition des cytochromes)

Quand il y a combinaison d’antipsychotiques, faire attention

  • Risque de syndrome neuroleptique malin
  • Allongement de l’intervalle QT → peut mener en torsade de pointe et au décès