ULaval:MED-1208/Équilibre acido-basique

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Rappel de certaines notions de chimie

Fichier:Acides volatils vs acides non-volatils dans le corps humain.jpg
Acides volatils vs acides non-volatils dans le corps humain

On peut diviser les acides en deux types : les acides volatils et les acides non volatils.

Les acides volatils  proviennent du métabolisme des graisses et des carbohydrates  qui produisent du CO2 . Le CO2  hydraté devient de l’acide carbonique. On produit environ 15 mol de ce genre d’acide, qui est ultimement éliminé par le poumon.

D’autres genres d’acides non carboniques (non volatils) sont produits par le métabolisme des protéines. Par exemple, certains acides aminés donnent de l’acide sulfurique lorsqu’ils sont dégradés. Nous produisons 1 mmol/kg/d de ce genre d’acide par jour et ces acides devront être éliminés par le rein.

Fichier:La relation entre le pH et la concentration des ions d'hydrogènes.jpg
La relation entre le pH et la concentration des ions d'hydrogènes.

Au niveau chimique, le pH est défini par le logarithme négatif de la concentration des ions hydrogènes.

On voit ici la relation entre le pH et le pKa. Le Ka est la constante de dissociation de l’acide.

La charge acide journalière

Le pH normal corporel est de 7,4, donc légèrement alcalin d’un point de vue chimique. Pourtant, il y a une très forte production d’acide à l’intérieur du corps.

Le métabolisme intermédiaire produit 70 mmol de H+ , c’est-à-dire 70 000 000 de nmol/d (nmol/jour), alors que le métabolisme des carbohydrates et des graisses produit 15 mol de CO2  par jour, c’est-à-dire 15 000 000 000 de mmol.

Alors comment l’organisme protège-t-il son alcalinité (pH 7,4) malgré une agression acide massive et constante ?

Il y a principalement trois entités qui protègent notre corps de toute cette acidité :

  1. les tampons (la plus rapide) ;
  2. la respiration ;
  3. les reins (la plus lente).

La notion de tampon

Nous savons que les reins et les poumons peuvent modifier le pH corporel, mais ils sont relativement lents pour le faire. Il nous faut donc un moyen plus rapide de moduler le pH dans le cas où nous aurions une charge acidobasique rapide : les tampons comblent ce besoin.

La fonction principale du tampon est de minimiser le changement de pH lors d’une charge rapide acidobasique.

Un tampon agit à la fois comme un acide et une base, dépendamment des circonstances : en milieu acide, le tampon capte des ions hydrogènes (comportement basique) ; en milieu basique, le tampon libère des ions hydrogènes (comportement acide). Conséquemment, les tampons minimisent les changements de pH lors d’une charge rapide acidobasique : si on insère brusquement des acides dans un milieu, le tampon agira comme une base et captera les ions hydrogènes, et vice versa. Cela permettra de faire varier minimalement le pH.

D’ailleurs, notre pH corporel demeure relativement stable à (40 ± 2) nM grâce à l’action des tampons. Cette stabilité est nécessaire, car plusieurs réactions dans notre corps sont finement régulées et une légère variation du pH peut dérégler complètement le fonctionnement de ces réactions biochimiques complexes.

Fichier:L'expérience de Pitts.jpg
L'expérience de Pitts

Ce graphique illustre une expérience classique en médecine : celle de Pitts. Pitts a décidé d’évaluer le pH en fonction de la quantité d’acide ajoutée à un volume précis. Pitts n’a pas utilisé n’importe quel volume : il a utilisé celui du volume d’eau corporel d’un chien. Il a rempli un seau de ce même volume d’eau. Ainsi, il comparait le pH de deux volumes équivalents : le volume corporel d’eau du chien et ce même volume d’eau dans un seau.

Par la suite, il a ajouté du HCl progressivement à ces deux volumes (sous forme d’injection pour le chien) en ajoutant une quantité croissante d’acide. Il a constaté que la concentration d’ions hydrogènes augmente rapidement (le pH s’effondre) lorsqu’on ajoute l’acide au volume dans le contenant, mais lorsqu’on ajoute la même quantité d’acide par voie IV à l’animal lui même, le pH s’abaisse, mais seulement très légèrement. Ce sont les tampons qui ont tamponné cet acide et qui ont donc préservé le pH à son niveau initial.

Fichier:CO2..jpg
Le principal couple tampon du liquide extracellulaire: HCO3– /CO2 .

Le principal couple tampon du liquide extracellulaire est le HCO3 – /CO2 . Dans l’équation 1, on peut voir l’état d’équilibre de cette réaction chimique, ayant comme intermédiaire de réaction l’acide carbonique. Dans l’équation 1, la grosseur des symboles nous donne un ordre d’importance de chaque substance dans le plasma. La fréquence relative de chaque substance est indiquée juste sous l’équation 1. Remarquez que l’acide carbonique (H2 CO3 ) est quasiment absent dans le plasma : on peut donc le faire disparaître de l’équation chimique, ce qui nous donne l’équation 2. L’équation 3 est l’équation de la constante de dissociation de notre équation 2. Connaissant le Ka, on peut réarranger l’équation 3 pour obtenir l’équation 4. Revoyons plus en détail l’équation 4 :

Équation illustrant la relation entre la concentration d'ions hydrogènes, la PCO2 et le HCO3
  • [H+] se manipule mieux et se comprend mieux que le pH.
  • [HCO3-] représente la composante « métabolique » (ou rénale).
  • PCO2 représente la composante « respiratoire ».
  • Une perte de HCO3- équivaut à un gain de H+.

Le numérateur (CO2) est contrôlé par la ventilation pulmonaire, alors que le HCO3- est contrôlé par l’excrétion rénale d’ions hydrogènes. On va donc parler d’une composante respiratoire pour la CO2 et métabolique pour le HCO3-.

Notons aussi que si le HCO3- diminue au dénominateur, ceci va impliquer que la concentration en ions H+ va augmenter, et vice versa.

Le principe isohydrique

L’équation suivante est celle du principe isohydrique:

Fichier:Le principe isohydrique.jpg
Le principe isohydrique

Le principe isohydrique nous montre que tous les tampons sont en équilibre avec la concentration d’ions hydrogènes dans le corps et donc, pour connaître la situation acido-basique, il suffit de connaître l’état d’équilibre que d’un seul groupe de tampon.

Celui que nous mesurons en clinique est le couple tampon PCO2 - HCO3- .

Les principaux tampons de l’organisme

Les tampons extracellulaires Les tampons intracellulaires
HCO3- +++

HPO4- ++

Protéines plasmatiques (-)

Protéines

Introduction à l'alcalose et à l'acidose

Voyons d’abord quelques définitions :

  • Acidémie : Augmentation de la concentration d’ions H+ dans le sang
  • Alcalémie : Diminution de la concentration d’ions H+ dans le sang
  • Acidose : Processus qui tend à produire une acidémie
  • Alcalose : Processus qui tend à produire une alcalémie

Une acidémie ou une alcalémie est simplement la situation des ions hydrogènes au niveau sanguin. Par contre, l’acidose et l’alcalose sont des processus pathologiques qui ont tendance à produire soit une acidémie ou une alcalémie.

On pourrait avoir une acidose en même temps qu’une alcalose et ceci pourrait résulter en un pH normal. C’est pour ça qu’on fait la distinction entre alcalose/acidose et acidémie/alcalémie.

Revenons quelques instants à la formule suivante que nous connaissons bien :

Fichier:Relation entre la concentration d'ions hydrogènes, la PCO2 et le HCO3 (équation).png

Dans cette équation, la PCO2 est la composante respiratoire et la concentration en bicarbonate est la composante métabolique.

Nous pouvons aussi constater qu’une augmentation des ions H+ peut venir d’une augmentation de la PCO2 ou d’une diminution du bicarbonate. Inversement, une diminution de la concentration en ions H+  peut être causée par une diminution de la  PCO2 ou une augmentation du HCO3-.

Lorsque le problème primaire est un problème ventilatoire (poumons) et agit sur le dioxyde de carbone sanguin, nous parlerons d’un trouble respiratoire (acidose/alcalose respiratoire).

Lorsque le problème primaire est au niveau du HCO3-, nous parlerons d’un trouble métabolique (acidose/alcalose métabolique).

Processus Problème Qui provoque
Acidose respiratoire ↑ PCO2 ↑ [H+] (↓ pH)
Acidose métabolique ↓ [HCO3-] ↑ [H+] (↓ pH)
Alcalose respiratoire ↓ PCO2 ↓ [H+] (pH ↑)
Alcalose métabolique ↑ [HCO3-] ↓ [H+] (pH ↑)

Les quatre processus acido-basiques sont listés dans ce tableau avec le problème principal qu’ils entraînent.

Veuillez noter encore une fois que le problème principal dans les troubles de type respiratoire est une modification de la PCO2, alors que le problème principal dans les troubles de type métabolique est une modification dans la concentration plasmatique en bicarbonate.

Valeurs normales:

  • pH 7,40
  • [H+] 40nM
  • PCO2 40 mm Hg
  • [HCO3-] 24 mM

Le rôle du poumon dans le maintien du pH

Le contrôle de la ventilation, qui module l’élimination du dioxyde de carbone, est à la fois sous le contrôle de la PO2 et de la concentration locale des ions hydrogènes au niveau du système nerveux central. Cette concentration des ions hydrogènes au niveau du SNC varie en fonction de la PCO2 et de la concentration en bicarbonate.

  • Hypoventilation → ↑ CO2 → ↑ H+ Acidémie (acidose respiratoire)
  • Hyperventilation → ↓ CO2 → ↓ H+ Alcalémie (alcalose respiratoire)

*** Une hypoventilation augmente le dioxyde de carbone sanguin, ce qui diminue le pH et stimule la ventilation. L’hyperventilation diminue le dioxyde de carbone sanguin, ce qui augmente le pH et ralentit la respiration. ***

Les mécanismes rénaux d’élimination d’acide

Nous allons maintenant voir comment le rein contrôle l’excrétion des ions H+, ce qui va par le fait même contrôler la concentration de HCO3- au niveau sanguin. Mais comment le rein contrôle-t-il [HCO3-] ?

Fichier:Contrôle de la concentration de bicarbonate au niveau du néphron (schéma).png
Contrôle de la concentration de bicarbonate au niveau du néphron

Tout en haut de la figure, nous pouvons voir +70 mmol de H+, ce qui correspond à la charge corporelle en ions hydrogènes qui provient du métabolisme intermédiaire. Pour 70 mmol d’ions hydrogène produit, il y a une perte de 70 mmol de HCO3- qui aura été utilisée pour tamponner ces H+. 70 mmol de bicarbonate est donc le déficit corporel de bicarbonate qui doit être régénéré à tous les jours par le tubule rénal pour tamponner l’assaut continu de l’organisme par l’acidité.

Toutefois, avant de régénérer ces 70 mmol de bicarbonate perdus dans le tamponnement des H+, on constate qu’aux glomérules se filtrent 4300 mmol de bicarbonate (24 mmol/L X 180 L/d). Cette filtration très abondante de bicarbonate représente une perte potentielle s’ils « passaient tout droit » et étaient excrétés. Ceci n’est pas le cas : ils sont réabsorbés au tubule proximal.

Ensuite, le tubule collecteur peut sécréter des ions hydrogènes. Pour chaque ion hydrogène sécrété dans le liquide tubulaire puis excrété, un bicarbonate est produit et retourné dans le sang par la cellule intercalaire du tubule collecteur. On retrouve donc dans l’urine 70 mmol de H+ par jour (1 mmol/kg/d)  ; cela correspond à la production journalière de 70 mmol de bicarbonate par le tubule collecteur, ce qui en fait était le déficit corporel de bicarbonate encouru lors du tamponnement de l’acide produit par le métabolisme.

Fichier:Sécrétion d'hydrogène par le tubule collecteur et le tubule proximal (schéma).png
Sécrétion d'hydrogène par le tubule collecteur et le tubule proximal

Le rein doit éliminer environ 70 mmol/d d’acide pour pouvoir régénérer le bicarbonate. Ceci correspond à 1 mmol/kg/d de production d’acide. Nous verrons qu’au tubule proximal, les H+ sont sécrétés par l’antiporteur Na+-H+ et que ceux-ci servent à la réabsorption des bicarbonates.

D’autre part, au tubule collecteur les H+ sont sécrétés par des cellules intercalaires avec le H+-ATPase. Les ions hydrogènes sont donc sécrétés dans le liquide tubulaire par la cellule intercalaire du tubule collecteur et sont immédiatement captés par des tampons urinaires qui servent à excréter les H+ sécrétés.

Nous verrons tout cela plus en détail dans les sections suivantes.

La réabsorption du HCO3- au tubule proximal

Fichier:Réabsorption du bicarbonate au tubule proximal (schéma).png
Réabsorption du bicarbonate au tubule proximal 

Vers la gauche de cette cellule proximale, nous voyons l’antiporteur Na+-H+. Le Na+ entre et le H+ sort de la cellule et est propulsé dans le liquide tubulaire.

À ce niveau, l’ion hydrogène capte un bicarbonate : une molécule d’acide carbonique est produite. L’anhydrase carbonique (AC), une enzyme liée à la bordure en brosse et qui est en contact avec le liquide tubulaire, catalyse une réaction qui produit de l’eau et du CO2.

L’eau et le CO2 diffusent librement et entrent dans la cellule proximale : c’est là qu’ils rencontrent à nouveau une autre AC qui produit de l’acide carbonique. Cet acide carbonique se dissocie spontanément en H+ et en bicarbonate. L’ion hydrogène est sécrété de nouveau par l’antiport Na+-H+ et produit en même temps une molécule de bicarbonate qui est retournée au sang.

Conséquemment, une molécule de bicarbonate disparaît du liquide tubulaire, puis une autre molécule apparaît dans la cellule et est retournée dans le sang : ceci équivaut à une réabsorption du bicarbonate.

La sécrétion de H+ au tubule collecteur

Nous voyons ici la cellule intercalaire (le rectangle gris) et le tubule (le cylindre).

Fichier:Sécrétion de H+ au niveau du tubule collecteur (schéma).png
Sécrétion de H+ au niveau du tubule collecteur 

La cellule intercalaire transforme le CO2 et l’eau grâce à une anhydrase carbonique (AC) en un H+ et un HCO3-. Le H+ est sécrété dans le liquide tubulaire par une H+-ATPase. Immédiatement, ce H+ est capté par les tampons urinaires puis est excrété dans l’urine.

De façon concomitante, le HCO3- produit dans les cellules par l’AC est transporté par la membrane basolatérale vers le capillaire péritubulaire, puis réabsorbé dans le sang.

Nous pouvons donc voir que la sécrétion d’un ion hydrogène provoque la réabsorption ou plutôt l’apparition d’un nouveau bicarbonate au niveau sanguin : c’est le processus de régénération des bicarbonates corporels.

Les tampons urinaires

Fichier:Tampons urinaires au niveau du tubule collecteur (schéma).png
Tampons urinaires au niveau du tubule collecteur

Nous pouvons voir à droite les cellules intercalaires et principales. Les H+ sont sécrétés par la H+-ATPase des cellules intercalaires. Ce processus peut être plus ou moins intense. Parmi les facteurs qui contrôlent ce processus, on retrouve évidemment la concentration des ions hydrogènes dans le sang et l’aldostérone, qui stimule autant la cellule intercalaire à sécréter des ions hydrogènes que la cellule principale à réabsorber du sodium et sécréter du potassium.

Les H+ sécrétés dans l’urine doivent être tamponnés pour que l’acidité de l’urine elle-même ne soit pas trop intense.

Le premier tampon est le phosphate sous sa forme HPO42-, qui capte un H+ pour faire un H2PO4-. L’hydrogénophosphate se retrouve initialement dans le liquide tubulaire par la filtration glomérulaire.

L’autre tampon est l’ammoniac. L’ammoniac est produit à partir du métabolisme d’un acide aminé, la glutamine, par les cellules du tubule proximal. Cette production de NH3 par la cellule proximale permet à ce gaz de se diffuser dans tout le cortex rénal et de se retrouver dans le liquide tubulaire plus loin au tubule collecteur. C’est alors qu’il peut capter un H+ et devenir le cation ammonium qui ne peut pas être réabsorbé. Le H+ est en quelque sorte prisonnier dans ce cation ammonium pour être excrété dans l’urine.

L’autre tampon est le bicarbonate, mais il en reste bien peu au tubule collecteur. C’est surtout au niveau du tubule proximal que le bicarbonate tamponne l’acidité tubulaire, avant d’être réabsorbé.

Fichier:Excrétion journalière d'acide par les différents tampons vs absorption (graphique).png

On peut voir que lorsque l’apport d’acide augmente chez un individu, il est capable d’excréter plus d’acide (tant mieux), mais ceci va se faire surtout grâce à l’augmentation de la production d’ammoniac par les cellules du tubule proximal fournissant ainsi plus d’ammoniac pour le tamponnement au tubule collecteur sous forme d’ammonium.

On résume ici la fonction de la cellule principale avec les canaux de sodium, les canaux de potassium et la Na+-K+-ATPase.

Fichier:Effet de l'aldostérone sur le tubule collecteur (schéma).png
Effet de l'aldostérone sur le tubule collecteur 

La fonction de la cellule principale va être augmenté par l’effet de l’aldostérone : il y aura une réabsorption accrue de sodium et une réabsorption paracellulaire accrue de chlore, mais celle-ci est retardée par rapport à la réabsorption du sodium. Ce retard rend davantage électronégatif le liquide tubulaire et cela a comme conséquence d’augmenter la sécrétion de potassium par la cellule principale et d’ions H+ par la cellule intercalaire.

De plus, si on retrouve des anions non réabsorbables (par exemple : bicarbonate, ce qui n’est habituellement pas le cas, mais pourrait survenir dans certains états d’alcalose métabolique), ceci peut aussi intensifier la sécrétion de potassium et d’ions hydrogènes.

Il ne faut pas oublier que l’aldostérone stimule tant la cellule principale que la cellule intercalaire. La stimulation de la cellule intercalaire mène à l’insertion de davantage de pompes H+-ATPase dans la membrane luminale. Ces H+ sont captés soit par les phosphates urinaires, ce qu’on appelle l’acidité titrable, ou l’ammoniac, qui vient du métabolisme de la glutamine. Cette production d’ammonium urinaire peut augmenter de 30 jusqu’à 300 mmol/d en condition d’acidose.

Les mécanismes de compensation acido-basique

Il y a trois étapes suivant un dérèglement acido-basique :

  1. l’action des tampons ;
  2. la compensation ;
  3. la correction.

Lorsqu’il y a un dérèglement acido-basique, la première étape est une phase de tamponnement suivie par la compensation, puis survient la correction.

Caractéristiques des troubles acido-basiques primaires

Problème pH [H+] Trouble Compensation Correction
Acidose métabolique Métab.

(↓ HCO3-)

Resp.

(↓ PCO2)

Métab.

(↑ HCO3-)

Alcalose métabolique Métab.

(↑ HCO3-)

Resp.

(↑ PCO2)

Métab.

(↓ HCO3-)

Acidose respiratoire Resp.

(↑ PCO2)

Métab.

(↑ HCO3-)

Resp.

(↓ PCO2)

Alcalose respiratoire Resp.

(↓ PCO2)

Métab.

(↓ HCO3-)

Resp.

(↑ PCO2)

Nous pouvons voir ici les quatre troubles. Regardons uniquement le premier : l’acidose métabolique par l’augmentation des ions hydrogènes. Il y a donc une baisse du pH. Le trouble primaire est une baisse de bicarbonate qui a servi à tamponner les H+ produits par le métabolisme. Lorsque le trouble est métabolique, la compensation est respiratoire, c’est-à-dire que dans le couple tampon, si le HCO3- baisse en premier, il faut que la PCO2 baisse pour compenser. Finalement, la correction devra se faire selon le trouble primaire, c’est-à-dire ici par le rein pour régénérer les bicarbonates perdus.

Pour savoir si un trouble acido-basique est compensé, il faut identifier l’origine du trouble, puis il faut regarder si le CO2 a bougé dans la même direction que le HCO3- : si c’est le cas, le trouble est compensé. Si le HCO3- et la PCO2 ont bougé dans des directions inverses, c’est qu’il y a deux troubles acido-basiques concomitants. S’il y a un trouble acido-basique, mais que la compensation n’est pas observée, c’est-à-dire par exemple la PCO2 est demeurée à 40, ceci est aussi anormal et on va parler d’un trouble acido-basique non compensé.

Le trou anionique : son application clinique

Le trou anionique a comme utilité de déceler des anions non mesurés dans le sang (trace d’une production anormale d’un acide).

Veuillez noter qu’il faut TOUJOURS calculer le trou anionique en acidose métabolique !

Fichier:Trou anionique (schéma).png
Calcul du trou anionique

Le principe est basé sur l’électroneutralité des liquides corporels, c’est-à-dire que la quantité de cations est égale à la quantité d’anions.

Du côté des cations, nous retrouvons surtout le sodium au niveau du liquide extracellulaire. Compte tenu que la quantité des autres cations (K, Ca et Mg) est à la fois relativement faible et surtout assez constante, nous pourrons les ignorer dans notre formule arithmétique.

Du côté des anions, nous retrouvons le chlore et le bicarbonate de même qu’une série d’anions en moins grande quantité : c’est ce que nous appellerons le trou anionique. Le trou anionique est constitué surtout de protéines (albumine), mais un peu de phosphate, de sulfate et quelques anions organiques comme le lactate, certains céto-acides, etc.

Mathématiquement, le trou anionique correspond à Na – (Cl + bicarbonate). La normale du trou anionique est de 10-12 mmol/L ± 2.

Le trou anionique va nous aider à catégoriser les acidoses métaboliques.

Fichier:Acidose métabolique à trou anionique augmenté (schéma).png
Acidose métabolique à trou anionique augmenté 

S’il y a une accumulation d’acide (par exemple), l’acide va se dissocier en H+ et en un anion. Le H+ va être tamponné par un bicarbonate qui va disparaître pour produire du CO2 et de l’eau. La quantité de HCO3- va donc diminuer, le chlore va rester identique et le trou anionique va augmenter par l’ajout de cet anion (A-). La figure précédente illustre une acidose métabolique à trou anionique augmenté.

Fichier:Acidose métabolique à trou anionique normal (schéma).png
Acidose métabolique à trou anionique normal 

Si toutefois l’acidose métabolique a été provoquée non pas par une accumulation d’acide, mais plutôt par une perte de bicarbonate (comme on pourrait le voir dans une diarrhée), alors on aura une baisse des bicarbonates et un trou anionique qui demeure normal puisque de façon compensatoire, il y aura une augmentation de la quantité de chlore par une réabsorption accrue de chlore avec le sodium au tubule rénale.

Une acidose métabolique à trou anionique normal est quelquefois appelée acidose métabolique hyperchlorémique.

Le trou osmolaire : son application clinique

Un alcoolique est retrouvé inconscient et est amené à l’urgence.

Il respire profondément à 32/min, TA 130/80.

Labo :

pH 6,80 ([H+] = 160nM) Na+ 140 mM Créat. 100

PCO2 14 mmHg (N = 40) Cl- 102 mM Posm 340

HCO3- 2 mM (N = 24) Céto-acides (N)

Gly. 5 mM Urée 5 mM

Quelques minutes après son arrivée, il subit un arrêt cardiaque !

La réanimation fut inefficace et le patient décéda !

Cette histoire de cas illustre une acidose métabolique sévère avec une compensation respiratoire (voilà pourquoi il respire vite et profondément). Ce patient est mort d’acidose. Pour en trouver la cause, il convient de regarder l’osmolalité plasmatique qui est mesurée à 340. Si on calcule nous-même son osmolalité plasmatique, on utilise la formule suivante :

Posm = (2 X Na+) + glycémie + urée

Dans notre cas, nous obtenons une osmolalité plasmatique calculée de 290 mOsm/kg.

L’osmolalité plasmatique mesurée est à 340 : il y a une différence entre les deux de 50 mOsm/kg. Il y a donc une substance osmolairement active qui n’est pas détectée. Dans ce cas-ci, il s’agit d’une intoxication au méthanol.

L’utilité du trou osmolaire est de déceler des osmoles non ioniques dans le sang.

On parle d’osmoles non ioniques, car les substances ioniques sont déjà tenues en compte dans la formule lorsqu’on multiplie par deux le sodium, ce qui correspond au sodium et ses anions accompagnateurs. Normalement, l’osmolalité plasmatique calculée devrait correspondre à ~ 10 mOsm/kg de l’osmolalité mesurée. Si la différence excède ce chiffre (comme dans le cas précédent), il y a une osmole supplémentaire, et c’est presque toujours de petits alcools.

L’algorithme diagnostique de l’acidose métabolique

Fichier:Diagnostic de l'acidose métabolique (algorithme).png
Algorithme de diagnostic de l'acidose métabolique

L’acidose métabolique est caractérisée par une baisse de la concentration sanguine de bicarbonate.

Ceci peut provenir d’une perte corporelle de bicarbonate (comme nous pouvons le voir à la droite), soit par une perte digestive telle une diarrhée (liquide riche en bicarbonate) ou plus rarement par une perte rénale (une dysfonction tubulaire qui laisserait passer des bicarbonates dans l’urine ou qui ne parviendrait pas à régénérer adéquatement le bicarbonate, par exemple). Ce genre d’acidose métabolique va être caractérisé par un trou anionique normal.

De l’autre côté, une accumulation corporelle des ions hydrogènes peut mener à une baisse des bicarbonates. Ceci peut être dû à une surproduction d’acide, soit d’acide lactique dans des cas d’hypoxie tissulaire ou encore des céto-acides dans des cas de diabète ou de céto-acidose alcoolique ou de jeûne plus rarement, soit par des acides organiques comme nous pouvons le voir dans certains empoisonnements avec les salicylates, le méthanol, l’éthylène glycol ou encore par un défaut d’élimination d’acide par une insuffisance rénale.

On remarque que l’insuffisance rénale peut se retrouver à gauche ou à droite. On la retrouve à gauche par l’accumulation corporelle de H+ dans les cas d’insuffisance rénale plus sévère ; dans les cas d’insuffisance modérée, c’est du côté droit avec une perte corporelle de HCO3-. On peut voir que la mesure du trou anionique est très utile pour trouver la cause de l’acidose métabolique.

Les répercussions de l’acidose métabolique

1. Pulmonaire Dyspnée
2. Cardiovasculaire
  • ↓TA
  • Arythmies
3. Neurologique
  • Léthargie
  • Coma
4. Osseux (chronique) Déminéralisation (tamponnement H+)

Traitement de l’acidose métabolique

  1. Traiter la cause.
  2. Donner NaHCO3 IV pour maintenir le pH ≥ 7,20 ou HCO3- ≥ 10.
  3. Surveiller le K+ (hyperkaliémie).

L’algorithme diagnostique pour l’alcalose métabolique

Fichier:Diagnostic de l'alcalose métabolique (algorithme).png
Algorithme diagnostic de l'alcalose métabolique

Les répercussions de l’alcalose métabolique

Les différents symptômes sont reliés à :

  1. une diminution du VCE ;
  2. une diminution du K+.

Les symptômes que l’on retrouve dans l’alcalose métabolique sont surtout ceux reliés à une baisse du VCE.

On peut également avoir des problèmes reliés à une hypokaliémie sévère concomitante ; sinon, l’alcalose métabolique est asymptomatique.

Toutefois, lorsqu’une alcalose métabolique perdure, il faut se poser la question suivante :

Pourquoi le rein n’urine-t-il pas l’excès de HCO3- ?

La cause la plus fréquente est une augmentation de la réabsorption tubulaire de bicarbonate. En effet, si le VCE est fortement diminué, le tubule rénal va réabsorber tout le sodium qu’il peut, incluant le sodium qui doit être réabsorbé avec du bicarbonate.

Plus rarement, une baisse de filtration glomérulaire peut également contribuer à la difficulté pour le rein d’éliminer le bicarbonate excédentaire.

En résumé, voici les grandes catégories de causes qui empêchent une excrétion accrue de bicarbonate :

  1. ↓ de la filtration glomérulaire
    1. ↓ VCE
    2. Insuffisance rénale
  2. ↑ Réabsorption tubulaire de HCO3-
    1. ↓ VCE
    2. ↓ Cl-
    3. ↓ K+
    4. ↑ Aldostérone

Les principes de traitement de l’alcalose métabolique

Pour ce qui est du traitement, il faut corriger la cause qui génère le bicarbonate et ensuite permettre aux reins d’uriner le bicarbonate qui s’est accumulé dans le corps, habituellement en corrigeant la diminution du VCE.

  1. Traiter la cause qui génère HCO3-.
    • Ex. Vomissements, diurétiques, sténose de l’artère rénale…
  2. Corriger les facteurs qui empêchent le rein d’uriner le bicarbonate excédentaire.
    • Ex. Corriger VCE (salin, etc.), corriger hypokaliémie, etc.

L’analyse d’un trouble acido-basique

Pour analyser un trouble acido-basique, nous adopterons une méthode systématique. Voici la séquence la plus logique :

  1. pH (ou H+) : acidose ou alcalose
  2. Métabolique ou respiratoire ?
  3. Trou anionique (si acidose métabolique)
  4. Compensation prévue
  5. Cause clinique

Exercice

  • pH: 6.80 ([H+] = 160 nM)
  • PCO2: 14 mmHg (N=40)
  • HCO3-: 2mM (N=24)

Le trouble acido-basique est?

  1. Acidose métabolique
  2. Acidose respiratoire
  3. Alcalose respiratoire