ULaval:MED-1209/Oeil rouge/Guide d'étude

De Wikimedica

L'Oeil rouge

Œil rouge: injection ou hyperémie ou dilatation des vaisseaux superficiels de la conjonctive, de l’épisclère ou de la sclère. Peut être causée par atteinte directe ou de structures avoisinantes.

Diagnostic différentiel: abrasion cornéenne, blépharite, brûlure chimique, chalazion, cellulite orbitaire, conjonctivite, dacryocystite, épisclérite, glaucome à angle fermé, hémorragie sous-conjonctivale, hyphéma, kératite à herpès simplex, kérato-conjonctivite sèche, malposition palpébrale, orgelet, pinguécula, ptérygion, sclérite, ulcère cornée, uvéite antérieure, zona ophtalmique

Évaluation de l'oeil rouge

  • Mesure de l’acuité visuelle (avec les lunettes)
  • Évaluation de l’injection conjonctivale (localiser rougeur)
  • Est-ce qu’il y a des sécrétions conjonctivales (conjonctivite)
  • Évaluation de la transparence cornéenne
    • Infiltration → ulcère, dépôts → uvéite, perte diffuse → œdème cornéen
  • Test à la fluorescéine (pour abrasion et érosion cornéenne)
  • Évaluation de la chambre antérieure (présence de sang, pus)
  • Évaluation des pupilles (taille, forme, synéchies)
  • Mesure de la tension intraoculaire
  • Évaluation des paupières et des orbites (malposition, etc.)
    • Lagophtalmos → kératite d’exposition
  • Évaluation pour proptose
    • Aiguë → infection orbitaire sérieuse, Chronique → Maladie de Graves
  • Palpation des ganglions pré-auriculaires et sous-mandibulaires

Paupières

Blépharite

  • Courante
  • Plainte non spécifique
  • Inflammation du rebord des paupières avec présence de croûtes au niveau des cils, télangiectasies et congestion des glandes de Meibomius.
  • Infection à staphylocoque

Symptômes: paupières collées au réveil, hyperhémie conjonctivale, sensation de corps étranger. Bilatéral. Parfois, ulcération de la cornée périphérique (ulcère d’hypersensibilité à staphylocoque)

  • Pas d’atteinte de la vision, surtout de l’inconfort

Traitement: compresse humides chaudes, onguent antibiotique (érythromycye ou acide fusidique), nettoyage des cils avec du Cil-Net ou blépharoshampoo. Condition chronique (traitement d’entretien à long terme).

  • Si chronique et unilatérale, référer en ophtalmologie pour éliminer néoplasie.

Malposition palpébrale

Une fonction anormale des paupières causent une exposition oculaire excessive → kératite secondaire

Lagophtalmos: fermeture incomplète de l’œil.

Exemple de causes:

  • Ectropion
  • Entropion
  • Trichiasis
  • Paralysie faciale
  • Dysthyroïdie

Chalazion et orgelet

Orgelet: Abcès aigu d’une glande sébacée (Meibomius). Réaction inflammatoire intense.

Chalazion: inflammation sub-aiguë ou chronique d’une glande sébacée. Formation de granulome dans les tissus adjacents. Suite à l’obstruction d’une glande

  • Meibomiums
  • Souvent associé à la blépharite

Traitement: compresses humides chaudes, onguent antibiotique si surinfection (rare)

  • Orgelet → résolution spontanée en quelques jours
  • Chalazion → résolution spontanée ou drainage (faire médical avant)

Conjonctive

Ptérygion et pinguécula

Cause la plus fréquente est l’exposition aux UV.

Pinguécula: dégénerescence élastoïde de la conjonctive bulbaire (surtout nasal)

Ptérygion: membrane vascularisée à départ conjonctival (surtout nasal), croit jusqu’à envahir la cornée. Peut causer astigmatisme.

Traitement: ne pas traiter pinguécula sauf si incommandant. Ptérygion → lubrification avec des larmes artificielles, limiter les causes irritatives, exérèse chirurgicale si nuit à la vision.

Conjonctivite

Plusieurs causes (infectieuse, allergique, toxique, irritative)

Conjonctivite virale

Cause la + fréquente. Très contagieux, associée à IVRS, atteinte unilatérale puis bilatérale après 24-48 heures.

  • Rougeur conjonctivale, inconfort, larmoiement, brûlure
  • Ganglion pré-auriculaires et sous-mandibulaires, follicules
  • Contagieux pendant 2 semaines après début des symptômes
  • Traitement: éviter transmission (hygiène importante), compresses froides, ATB topique (pas tout le monde), larme artificielle
  • Herpès simplex : plus souvent unilatéral, souvent accompagné de lésions palpébrales et de kératite, récurrent, rougeur conjonctivale avec écoulement séreux
Conjonctivite bactérienne
Conjonctivite bactérienne

Moins fréquent que viral. Uni ou bilatéral. Staphylocoques, streptocoques, hemophilus influenzae.

  • Rougeur conjonctivale, inconfort, sécrétions jaunes et vertes abondantes
  • Contagieux par inoculation direct
  • Traitement: résolution spontanée possible, culture rarement nécessaire. ATB topique x 7-10 jours (onguent ou goutte), irrigation si matériel purulent

Conjonctivite allergique: rhume des foins ou atopie

  • Larmoiement, prurit (pique plus que brule), rougeur, chemosis, écoulement séreux.
  • Traitement: anti-allergiques topique, stéroïdes topiques, antihistaminiques systémiques, éviter contact avec allergène.

Hémorragie sous-conjonctivale

Accumulation de sang dans l’espace potentiel entre la conjonctive et la sclère.

  • Spontané ou traumatique
  • Patients avec dyscrasie sanguine, anticoagulés ou avec hémophilie (dans les cas spontanés)
  • Peut être causé par HTA ou valsalva
  • Grande majorité sont sans conséquence (pas dangereux)

Présentation clinique: patient inquiet, accumulation de sang dense, souvent sectorielle, dans l’espace sous-conjonctival.

Traitement: aucun, résolution spontanée avec le temps, en 1-2 semaines.

Cornée

Kérato-conjonctive sèche

Insuffisance lacrymale (Oeil sec)

  • Problème fréquent. Souvent femmes âgées.
  • Cause conjonctivite et kératite chronique
  • ↑ avec l’âge, maladie systémique, chimiothérapie ou radiothérapie

Si PAR + xérostomie → penser à maladie de Sjögren

Traitement: lubrifiants en gouttes, gel ou onguent, anti-inflammatoires.

Abrasion cornéenne ou corps étranger cornéen

Toute atteinte peut causer hyperhémie des vaisseaux.

Causes fréquentes: abrasions traumatiques, corps étrangers

  • Sidérose: rouille autour du corps étranger (corps étranger ferreux)

Symptômes: sensation de corps étranger, larmoiement, photophobie, douleur.

Présentation clinique: rougeur conjonctivale, œdème palpébral, déficit épithélial à la fluorescéine.

Traitement: onguent ATB, pansement oculaire, cycloplégique (↓ spasme de l’œil, donc soulage), exérèse corps étranger.

Kératites

Atteinte cornéenne non spécifique

Causes: sécheresse, toxique, infectieuse, traumatique, inflammatoire, blépharite, malposition palpébrale, verre de contact

Kératites bactériennes

Ulcère cornéen

Suite à abrasion, infiltration du stroma cornéen. Surtout bactérien.

Pathologie la plus redoutée chez les porteurs de verres de contact: ulcère cornéen bactérien à Pseudomonas.

Facteurs de risque:

  • Verres de contact (plus important)
  • Pathologie cornéenne préexistante (blépharite, trichiasis, déficience lacrymale, érosion ou corps étranger)
  • Maladie systémique (diabète, néoplasie, maladies auto-immunes)

Agents: staph, strep, pseudomonas (redoutable), serratia

Signes:

  • Infiltrat cornéen blanc dense avec une injection de la conjonctive typiquement au limbe.
  • Captation à la fluorescéine
  • Hypopion possible

Présentation clinique:

  • Rougeur plus marquée près de l’ulcère
  • Sensation de corps étranger
  • Infiltrat cornéen avec déficit épithélial fluo +
  • Uvéite secondaire avec hypopion possible
  • Douleur modéré à sévère
  • Larmoiement, sécrétions, rougeurs, photophobie
  • Baisse visuelle légère à sévère

Traitement:

  • Prélèvement si > 1 mm ou sévère et central
  • Fluoroquinolone topique q heure
  • Couverture pour gram + (érythromycine),
  • Gouttes fortifiées si ulcère rebelles,
  • Référer dans les 24 heures (potentiel de s’aggraver)
  • Si perforé → colle, greffe de cornée d’urgence, éviscération (cas extrême)

Kératites virales

Kératite herpétique

Clinique:

  • Histoire d'herpès labial ou palpébral
  • Conjonctivite folliculaire (primo-infection), rougeur
  • Ganglions pré-auriculaires,
  • Kératite épithéliale dendritique ou géographique,
  • Baisse de la sensibilité cornéenne
  • Souvent unilatéral
  • Récidives fréquentes (atteintes stromales, endothéliales, uvéites)

Présentation clinique:

  • Baisse visuelle légère à sévère
  • Douleur légère à modérée, photophobie, larmoiement
  • Sensation de corps étranger,
  • Kératite dendritique classique

Traitement: référer en ophtalmologie 48-72 heures, donner des antiviraux. PAS de stéroïdes!

Zona ophtalmique

Réactivation de la varicelle. Réactivation spontanée avec l’âge et la diminution du système immunitaire.

  • Éruption de vésicules dans le territoire cutané du nerf trijumeau
  • Fièvre modérée, nausées. 48 heures après, très vive douleur d’un côté seulement, impression de brûlure cutanée. Lésions vésiculaires, arrêt très net
  • Guérison de 3-4 semaines, douleurs fantômes possibles durant 1 an

Traitement :

  1. Antiviraux ORAUX (acyclovir, valacyclovir, famciclovir) dès l'apparition des symptômes
  2. ATB topiques sur les lésions si surinfections
  3. Support analgésique, éviter une détérioration du patient (s'assurer qu'il boit et mange bien)
  • PAS de corticostéroïdes!

Complications oculaires :

  • Conjonctivite
  • Kératite pseudo-dendritique
  • Ulcère neuroparalytique
  • Uvéite
  • Glaucome
  • Sclérite
  • Nécrose rétinienne
  • Névrite optique, etc.

Risques de complication pire si signe de Hutchinson (si lésions atteignent l'aile du nez).

Angle irido-cornéen

Crise de glaucome aigu

Présentation clinique: œil rouge unilatéral, douleurs, céphalées, No/Vo, mydriase.

  • ↑ tension intraoculaire ≈ 50 mm Hg
  • Occlusion de l’angle irido-cornéen par l’iris à la gonioscopie
  • Hypertonie oculaire fixe

Facteurs de risque:

  • 40 ans
  • Hypermétropie
  • Cataracte non opérée
  • Obscurité prolongée
  • ATCD familiaux
  • Anti-cholinergiques, sympatomimétiques, mydriatiques

Traitement b-bloquant topique, pilocarpine, dorzolamide, brimonidine ou iopidine, antiémétique et analgésie PRN, référer en ophtalmologie (urgence).

Traitement (ophtalmologue): Iridotomie au laser.

Uvée

Uvéite

Inflammation de l’uvée (iris, corps ciliaire, choroïde).

  • 70% idiopathique
  • 30 % associé à maladies systémiques (HLA B-27, sarcoïdose, MII, ARJ)
  • Spondylite ankylosante: pathologie la plus souvent associée à l'uvéite
  • Récidives fréquentes

Présentation clinique:

  • Douleur
  • Vision embrouillée, photophobie, spasmes ciliaire.
  • Rougeur ciliaire, miosis
  • Cellules dans la chambres antérieur, hypopion
  • Précipités kératiques
  • Si synéchies postérieurs: déformation de la pupille

Traitement:

  • Stéroïdes topiques aux heures pour quelques jours
  • Cycloplégique
  • Référer en ophtalmologie dans les 48-72h du début de traitement

Complications:

  • Synéchies postérieures
  • Cataractes
  • Glaucome
  • Oedème maculaire

Sclère

Épisclérite

Inflammation de l’épisclère (couche entre conjonctive et sclère)

  • Généralement idiopathique

Présentation clinique: peu symptomatique. Rougeur sectorielle avec léger inconfort, absence de sécrétions et souvent récidivante.

Traitement: larmes artificielles, AINS, stéroïdes rarement nécessaires.

Sclérite

Inflammation de la sclère (localisée ou diffuse)

  • Maladie inhabituelle et souvent chronique
  • Souvent (50%) reliée à d'autres maladie systémiques, surtout connectivités.
  • Antérieur ou postérieur, nécrosante ou non
  • Ne blanchit pas avec vasoconstricteur topique

Présentation clinique: Douleur intense qui peut réveiller la nuit, douleur à la motilité, vision normale ou diminuée, photophobie. Rougeur localisée ou étendue, nodulaire ou diffuse.

Traitement: stéroïdes topiques ou systémiques, AINS systémiques.

  • Si pas traiter: perforation possible si forme nécrosante.

Voie lacrymale

Dacryocystite

Infection du sac lacrymal.

  • Pas l’œil qui est rouge, c’est les tissus autour
  • Danger d’extension au sinus caverneux par la veine angulaire
  • Staphylocoque, streptocoque, diphtéroïdes
  • Secondaire à obstruction des voies lacrymales
  • Plus souvent acquis, mais possible d’être congénital

Présentation clinique:

  • Rougeur du canthus interne
  • Douleur
  • Sécrétions augmentées lors de la palpation du sac lacrymal

Traitement:

  • Massage du sac lacrymal et compresse d'eau chaude pour essayer de drainer.
  • ATB systémique (IV si sévère, hospitalisation).
  • chirurgie (drainage) si besoin, dacryocystorhinostomie si voies lacrymales restent bloquées.

Orbite

Cellulite orbitaire

Infection de l’orbite postérieure au septum.

  • + dangereux que préseptale.
  • Secondaire à sinusite frontale ou ethmoïdale, piqure d’insecte ou trauma orbitaire.
  • Danger si proptose, limitation de la motilité, diminution vision, leucocytose élevée, hémocultures positives.
  • Urgence médicale (menace sérieuse pour la vision et pour la vie)

Étiologies

  • Nouveaux-nés : Staph aureus, bacille gram –
  • 6 mois à 5 ans : H. influenzae, Strepto pneumoniae
  • 5 ans à adulte : Staph aureus, Strep pyogénèse, Strep pneumoniae

Présentation clinique:

  • Rougeur oculaire et chemosis,
  • Rougeur et œdème palpébral important
  • Proptose
  • Douleur à la mobilisation de l’œil
  • Limitation de la motilité oculaire
  • Léthargie, fièvre

Traitement:

  • Hospitalisation STAT
  • TDM sinus, orbite et cérébral
  • Cultures naso-pharynx et hémoculture
  • ATB IV

Complications: perte visuelle irréversible, extension méningée, thrombose sinus caverneux.