ULaval:MED-1208/Kaliémie

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Les rôles du K+

  1. Fonctions intracellulaires
    • Le potassium est crucial pour plusieurs fonctions intracellulaires. En tant que principal cation intracellulaire, il influence beaucoup la fonction protéique et enzymatique.
  2. Dépolarisation des cellules
    • Musculaires
    • Nerveuses

Le ratio du potassium intra/extracellulaire est le reflet d’une polarisation électrique de la membrane : cette polarisation est cruciale pour la fonction musculaire et la fonction nerveuse.

La distribution intracorporelle du K+ et le potentiel de repos

Fichier:Kaliémie - distribution intracorporelle.png
Concentration de potassium dans la cellule

Sur ce schéma, on peut voir le potassium internalisé et le sodium expulsé de la cellule par la Na+-K+-ATPase. La haute concentration de potassium à l’intérieur de la cellule (150 mmol/L), de même qu’une certaine perméabilité de la membrane cellulaire, permet l’afflux d’une partie du potassium. Compte tenu que la pompe est électrogène, c’est-à-dire qu’elle expulse trois cations et en internalise que deux et du fait qu’une partie de ce qui est internalisée ressort à l’extérieur, il en résulte un intérieur de cellule électronégative.

Fichier:Équation de Nernst.png

Ce potentiel électrique (Em) est résumé par cette formule mathématique : l’équation de Nernst. Notez que le potassium intracellulaire est le facteur prépondérant du numérateur et le potassium extracellulaire, du dénominateur.         

         

Fichier:Potentiel électrique en situation physiologique (équation).png
Potentiel électrique en situation physiologique 

En situation physiologique, le K+ intracellulaire est d’environ 150 mmol/L, et le K+ extracellulaire est d’environ 4 mmol/L.


Fichier:Potentiel électrique en situation d'hypokaliémie (équation).png
Potentiel électrique en situation d'hypokaliémie

Si le potassium extracellulaire diminue de 2 mmol/L, la fraction va doubler et le potentiel électrique va être grandement affecté.

Fichier:Potentiel électrique en situation d'hyperkaliémie (équation).png
Potentiel électrique en situation d'hyperkaliémie 

Par contre, si le dénominateur augmente de 4 à 8, le potentiel électrique se retrouve nettement diminué.


On peut donc voir l’importance cruciale du potassium extracellulaire pour gouverner l’état de polarisation électrique de nos cellules. On comprendra que beaucoup des signes et symptômes de l’hypo et de l’hyperkaliémie proviennent de l’altération de la polarisation électrique cellulaire.

Si on le calcule à partir de l’équation de Nernst, le potentiel de repos est tout près de -90 mV.

Fichier:Potentiels de repos et de seuil en fonction de la calcémie et la kaliémie (graphique).png
Potentiels de repos et de seuil en fonction de la calcémie et la kaliémie

Lors d’une dépolarisation, le voltage doit atteindre le potentiel de seuil : lorsqu’il est atteint, la dépolarisation se fait automatiquement : c’est ce qu’on appelle le potentiel d’action. Lorsque le potentiel d’action est atteint, la phase de repolarisation survient et l’intérieur de la cellule revient peu à peu négatif.

Si le potassium extracellulaire s’abaisse, la cellule est hyperpolarisée, c’est-à-dire que la polarisation est plus grande (ex. -100 mV). Il y aura donc une plus grande distance à atteindre avant d’arriver au potentiel de seuil : les cellules auront de la difficulté à se dépolariser. Par contre, s’il y a de l’hyperkaliémie, le potentiel de repos est moins négatif et le potentiel de seuil est d’autant plus facile à atteindre : la cellule se dépolarise trop facilement.

Si on joue sur la calcémie, on va altérer le potentiel de seuil. Une hypercalcémie va rendre le potentiel de seuil moins négatif, alors qu’une hypocalcémie va rendre le potentiel de seuil davantage négatif. Ces différentes relations sont importantes, tant pour la compréhension des signes et symptômes d’hypo/hyperkaliémie que pour le traitement aigu de la toxicité cardiaque.

La redistribution intracellulaire du K+ (shift)

Pour introduire la présente section, posons-nous la question suivante :

Le potassium dans les aliments est rapidement absorbé et l’excrétion de ce K+ par les reins nécessite plusieurs heures.

Lors d’un repas, un individu ingère 65 mEq de K+. Si les mécanismes contrôlant le K+ étaient seulement l’ingestion et l’excrétion, que risquerait-t-il d’arriver à la kaliémie ?

  • La kaliémie va diminuer.
  • La kaliémie ne changera pas.
  • La kaliémie va augmenter.

La question précédente révèle toute l’importance de la redistribution cellulaire de potassium : elle nous permet de se protéger de façon rapide contre un apport rapide de potassium compte tenu de l’élimination corporelle qui est plus lente.

Fichier:Redistribution intracellulaire des K+.png
Redistribution intracellulaire du potassium

Dans cette figure, nous pouvons voir que le compartiment extracellulaire ne représente que 2 % du potassium corporel. Si un repas apporte brusquement un apport important de potassium, il y a donc un risque d’hyperkaliémie sévère.

Heureusement, les hormones (i.e. l’insuline et les catécholamines) redistribuent rapidement le potassium vers l’intérieur des cellules.

L’élimination, qui est essentiellement rénale, va s’effectuer dans les heures qui suivent, mais c’est un processus beaucoup plus lent que la redistribution intracellulaire.

Mouvement des ions K+ et H+ en fonction des différents troubles métaboliques
Mouvement des ions K+ et H+ en fonction des différents troubles métaboliques

Sur cette figure, on voit le mouvement des ions K+ et H+ en fonction de différents troubles métaboliques.

Remarquez bien que le K+ sort si l’ion H+ entre, et vice versa. La raison pour laquelle c’est ainsi, c’est qu’ils ont la même charge électrique : si un sort, l’autre doit entrer dans la cellule pour qu’il y ait un déplacement vectoriel nul des charges.

S’il y a une alcalose métabolique primaire, les ions H+ ont tendance à sortir de la cellule pour neutraliser l’alcalinité du milieu interstitiel. Pour compenser cette sortie d’ions H+, plus d’ions K+ seront pompés vers l’intérieur de la cellule, ce qui causera une hypokaliémie secondaire.

De façon analogue, s’il y a une hypokaliémie primaire, les ions K+ auront tendance à sortir de la cellule pour pallier à cette situation : les ions H+ se dirigeront vers l’intérieur de la cellule, ce qui causera une alcalose métabolique secondaire.

N.B. On dit d’une maladie qu’elle est primaire lorsque celle-ci est la première à survenir ; on dit d’une maladie qu’elle est secondaire lorsque celle-ci est la conséquence indirecte d’un problème primaire. Dans ce cas-ci, l’alcalose métabolique primaire cause une hypokaliémie secondaire. Habituellement, dans la nomenclature médicale, primaire signifie que c’est l’organe même qui est atteint. Par exemple, dans une hypothyroïdie primaire, c’est la thyroïde elle-même qui a de la difficulté à remplir sa fonction. Dans une hypothyroïdie secondaire, la thyroïde a de la difficulté à remplir sa fonction, mais le problème ne provient pas de la glande elle-même : c’est un problème exogène à la glande.

Les voies d’élimination corporelle de K+

La voie d’élimination principale du potassium est le rein, bien que la sueur et les intestins puissent en éliminer eux aussi.

Fichier:Sécrétion de potassium dans le tubule collecteur (schéma).png
Sécrétion de potassium dans le tubule collecteur

Le potassium est d’abord filtré au glomérule. Puis, le potassium est réabsorbé par le tubule, mais c’est surtout au niveau du tubule collecteur que la sécrétion finale va ajuster le contenu de potassium sanguin via l’action de l’aldostérone.

L’aldostérone stimule l’excrétion de potassium et favorise la réabsorption de sodium.

Fichier:Sécrétion du potassium par la cellule principale (schéma).png
Sécrétion du potassium par la cellule principale 

La figure suivante illustre la cellule principale et sa fonction. Cette cellule a des canaux sodiques sur la membrane luminale ; la cellule réabsorbe le sodium grâce au bas gradient sodique intracellulaire formé par la pompe Na+-K+-ATPase. Le chlore, lui, doit se frayer un chemin entre les cellules, ce qui est plus lent. Cette accumulation relative de chlore dans la lumière tubulaire favorise une électronégativité intratubulaire, ce qui stimule la sécrétion du potassium par la cellule principale. Le K+, c’est la pompe Na+-K+-ATPase qui le fait entrer à l’intérieur de la cellule.

Des facteurs peuvent augmenter la sécrétion de potassium :

  • l’aldostérone, qui augmente le nombre de canaux potassique, sodique et de Na+-K+-ATPase ;
  • l’hyperkaliémie, qui fait entrer plus de potassium dans la cellule principale depuis le liquide intravasculaire ;
  • un flot distal augmenté, comme l’usage de diurétiques ou lors d’une diurèse osmotique comme la glycosurie, en diminuant la concentration de potassium du côté luminale ;
  • la présence d’autres anions non réabsorbables comme le bicarbonate, qui peuvent augmenter l’électronégativité du liquide tubulaire.

Les principales étiologies d’hypokaliémie

  1.  Apport diminué
    1. Per os
      1. Diète pauvre en K
      2. Géophagie
    2. Intraveineux
  2. Redistribution intracellulaire
    1. Alcalose métabolique
    2. Augmentation de l’insuline
    3. Augmentation des catécholamines (stress, ischémie coronarienne, délirium tremens, agoniste adrénergique pour l’asthme)
    4. Anabolisme galopant
  3. Élimination corporelle augmentée
    1. Digestives
      1. Diarrhée
      2. Iléus
      3. Fistule ou drainage intestinal
      4. Vomissement ou drainage naso-gastrique (la perte corporelle de potassium lors de vomissements s’effectue surtout par voie rénale à cause de la bicarbonaturie)
    2. b.     Rénale
      1. Diurétiques
      2. Excès de minéralocorticoïdes
      3. Flot tubulaire augmenté
      4. Dommage tubulaire (amphotéricine B, cis-platinum)
      5. Hypomagnésémie
    3. c.     Cutané (sueur)

L’algorithme diagnostic de l’hypokaliémie

Fichier:Diagnostic de l'hypokaliémie (algorithme).png
Algorithme de diagnostic de l'hypokaliémie

Les différentes catégories d’étiologies sont décrites dans la section précédente. S’y référer pour plus de détails.

Les manifestations cliniques de l’hypokaliémie

Les manifestations d’hypokaliémie reflètent à nouveau des problèmes de dépolarisation cellulaire. Certaines manifestations sont causées par les altérations du métabolisme intracellulaire (4 à 6).

  1. Faiblesse musculaire
  2. Arythmies cardiaques
  3. Hypomotilité digestive (iléus)
  4. Rhabdomyolyse
  5. Hyperglycémie
  6. Dysfonction rénale
    1. Diabète insipide
    2. Augmentation de la production d’ammoniac
    3. Néphropathie hypokaliémique

Les manifestations cliniques de l’hyperkaliémie

Fichier:Effet de l'hyperkaliémie sur le potentiel de repos (graphique).png
Effet de l'hyperkaliémie sur le potentiel de repos 

Si l’hyperkaliémie est légère à modérée, le potentiel de repos va être de moins en moins négatif. En se rapprochant du potentiel de seuil où la dépolarisation se fera automatiquement, la cellule se dépolarisera plus facilement, ce qui donnera par exemple des paresthésies (cellules nerveuses sensitives se dépolarisant).

Si l’hyperkaliémie est particulièrement sévère, le potentiel de repos sera au-dessus du potentiel de seuil. Cette cellule ne pourra pas se repolariser, elle ne pourra donc pas se dépolariser une seconde fois : c’est la faiblesse, voire la paralysie.

Voici les deux principales conséquences de l’hyperkaliémie :

  1. l’arythmie cardiaque ;
  2. la faiblesse musculaire.

On remarque également des changements à l’ECG. Plus la kaliémie est augmentée, plus le QRS est large.

Les principales étiologies d’hyperkaliémie

  1. Apport augmenté
    1. Endogène
    2. Brûlure
    3. Hémolyse
    4. Lyse cellulaire
    5. Exogène
    6. Diète
    7. Soluté riche en potassium
  2. Redistribution extracellulaire
    1. Catabolisme tissulaire (rhabdomyolyse, lyse tumorale, nécrose tissulaire)
    2. Manque d’insuline ou de catécholamine
    3. Acidose métabolique
    4. Dépolarisation cellulaire
    5. Bêtabloquants
    6. Intoxication digitalique
    7. Autres causes rares
  3. Élimination corporelle diminuée
    1. Hypoaldostéronisme
    2. Résistance à l’aldostérone
    3. Flot distal diminué
    4. Insuffisance rénale

L’algorithme diagnostic de l’hyperkaliémie

Fichier:Diagnostic de l'hyperkaliémie (algorithme).png
Algorithme diagnostic de l'hyperkaliémie

Ici, on retrouve un algorithme afin d’évaluer l’hyperkaliémie.

On questionne sur la lyse des cellules sanguines puisqu’il arrive parfois que les cellules se lysent dans leur transport en éprouvette : c’est ce qu’on appelle une pseudo-hyperkaliémie.

On questionne la quantité de potassium dans l’urine pour savoir si elle est appropriée ou pas. Dans le cas de l’hyperkaliémie, elle est appropriée lorsqu’elle est haute. Si elle est basse, cela signe un problème d’élimination du potassium.

On doit savoir si le patient a augmenté son apport en potassium par son alimentation (apport exogène). Si oui, on vient de trouver notre problème. Sinon, il faut continuer à chercher.

On doit aussi se demander s’il y a une nécrose cellulaire à quelque part dans l’organisme, ce qui augmenterait la kaliémie de façon endogène.

La pathogénèse de l’hypokaliémie par perte de liquide gastrique

L’hypokaliémie par perte de liquide gastrique est une entité clinique importante. C’est pourquoi nous nous y attarderons particulièrement. Avant d’aller plus loin, voici la composition du liquide gastrique : Na+ 130 mmol/L, K+ 10 mmol/L et H+ 90 mmol/L.

Le liquide gastrique est riche en Na+ et en H+, mais pauvre en K+. Ainsi, on comprendra qu’un patient qui a vomi et qui se présente avec de l’hypokaliémie est devenu hypokaliémique non pas par la perte gastrique de potassium, mais par un autre processus.

La perte de liquide gastrique provoque une perte de sel et d’eau, donc une contraction volémique. De plus, la perte d’HCl provoque une alcalose métabolique avec une augmentation de la bicarbonatémie. Au niveau de l’estomac, chaque H+ sécrété correspond à un HCO3- de plus en circulation. En temps normal, l’acide secrété par les cellules de l’estomac serait réabsorbé plus loin dans le tube digestif, neutralisant ainsi le bicarbonate sanguin produit lors de la sécrétion gastrique d’acide. Toutefois, si on vomit cet acide, l’alcalose métabolique survient par accumulation de bicarbonate.

La contraction volémique stimule le SRAA et l’aldostéronémie augmente graduellement, ce qui va stimuler la cellule principale du tubule collecteur à sécréter du potassium. En même temps, le liquide tubulaire s’enrichit en bicarbonate en raison de l’augmentation de la bicarbonatémie : cela augmente l’électronégativité du liquide tubulaire et attire le potassium vers le liquide tubulaire. Ces deux facteurs vont favoriser une importante perte rénale de potassium, d’où l’hypokaliémie.

Fichier:Facteurs favorisant la sécrétion de potassium dans la cellule principale (schéma).png
Facteurs favorisant la sécrétion de potassium dans la cellule principale 

Cette diapo illustre les deux facteurs favorisant la sécrétion du potassium, c’est-à-dire l’augmentation de l’aldostérone et l’arrivée au tubule collecteur d’un excès de bicarbonate. Ces deux facteurs sont suivis d’un astérisque.

On peut distinguer deux phases dans l’ajustement aux vomissements :

  1. Durant la phase 1 (2 à 3 premiers jours), nous assistons à une augmentation de l’aldostérone et à une tentative par le tubule d’éliminer l’excès de bicarbonate qui commence à s’accumuler dans le sang. C’est durant cette période qu’il y a une sécrétion intense de potassium.
  2. Toutefois, durant la phase 2 (après 2 à 3 jours), alors que la contraction volémique s’accentue, le tubule va se mettre à réabsorber tout le sodium et le bicarbonate possible. Ainsi, il n’y aura plus de bicarbonate au tubule collecteur et le flot au tubule collecteur va être très diminué à cause de la réabsorption avide au tubule proximal. Conséquemment, il n’y aura à peu près plus d’hypersécrétion de potassium comme il y en avait eu dans les premiers jours des vomissements.

N.B. Dans une alcalose métabolique, on peut observer un shift intracellulaire de potassium et la sortie d’un ion H+ pour réduire l’effet de l’alcalose (voir section 2.4.3). Malgré cela, le shift intracellulaire a peu d’effet sur la physiopathologie de l’hypokaliémie dans le cas d’un vomissement. C’est la physiopathologie que l’on vient de décrire précédemment qui prédomine.

Résumé

  • Le K+ est un cation intracellulaire crucial pour le bon fonctionnement des cellules.
  • Le ratio Kintracellulaire/Kextracellulaire est crucial pour le potentiel électrique des cellules, leur polarisation et dépolarisation.
  • Un dérèglement du potassium peut devenir rapidement… MORTEL !!!
  • La redistribution intra/extracellulaire est un système de défense (d’équilibration) rapide et est hormono-dépendant.
  • L’élimination corporelle du potassium est rénale et s’effectue par le tubule collecteur. Elle dépend, entre autres, de l’aldostérone et du flot tubulaire à ce niveau.

Pour une série d'exercices sur la kaliémie, voir ULaval:MED-1208/Kaliémie/Exercices