ULaval:MED-1208/Insuffisance rénale aiguë

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L’insuffisance rénale aiguë (IRA) survient lorsque le débit de filtration glomérulaire (DFG) chute rapidement sur une période de quelques heures à quelques mois. Je vous invite à découvrir les principales causes d’IRA et leur physiopathologie.

L’IRA pré-rénale

Objectif 3.3.10 -

L’IRA pré-rénale survient en présence d’une diminution du volume circulant efficace (VCE). Les causes de la diminution du VCE sont diverses :

  • Choc
    • Hypovolémique
    • Cardiaque
    • Obstructif
    • Distributif (surrénalien, septique, neurogénique, anaphylactique)
  • Insuffisance hépatique (par une vasoconstriction rénale extrême – le syndrome hépatorénal)
  • Atteinte macrovasculaire[note 1]
  • Médicaments[note 2]
    • Diurétiques
    • Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA)
    • Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA)
    • Anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS)

Plus globalement, tout ce qui peut provoquer une baisse de débit sanguin rénal sera susceptible d’abaisser le débit de filtration glomérulaire, et donc de provoquer une IRA pré-rénale.

Dans l’IRA pré-rénale, il est primordial de comprendre que le rein lui-même et ses néphrons sont intacts[note 3]. Le rein agit de façon appropriée en percevant une hypovolémie : il diminue sa filtration et maximise la réabsorption tubulaire en eau et en sodium afin de rétablir l’équilibre volémique. L’urine sera donc très concentrée (osmolalité et densité urinaire élevée, car l’eau est réabsorbée via la sécrétion d’ADH – un mécanisme pour compenser l’hypovolémie) et pauvre en sodium (tout le sodium est réabsorbé vu l’hypovolémie).

Fichier:Physiopathologie du ration urée sur créatinine.png
Physiopathologie du ratio urée/créatinine

Un autre phénomène survient dans le contexte de l’IRA pré-rénale : l’urée augmente beaucoup plus rapidement que la créatinine[note 4]. Pourtant, autant d’urée que de créatinine est filtré au niveau du glomérule. Cependant, les niveaux élevés d’ADH perméabilisent le tubule collecteur médullaire à l’urée et le flot tubulaire est ralenti, ce qui favorise la réabsorption de l’urée au tubule collecteur. Cette augmentation plus marquée de l’urée par rapport à la créatinine nous permet d’ailleurs de suspecter l’origine pré-rénale de l’insuffisance rénale.

Dans l’IRA pré-rénale, il est important de se rappeler que :

  • les tubules sont normaux ;
  • l’urée sérique augmente de manière disproportionnelle par rapport à la créatinine sérique ;
  • le sodium urinaire est abaissé (< 20 mmol/d) ;
  • l’osmolalité urinaire est élevée (> 500 mOsm/kg)[note 5].

Inversement, il faut penser à une IRA rénale ou post-rénale si :

  • l’urée s’élève proportionnellement à la créatinine ;
  • le sodium urinaire est élevé (> 40 mmol/d) ;
  • l’osmolalité urinaire est plutôt basse (< 400 mOsm/kg).

Voici deux représentations de l'IRA pré-rénale et rénale (NB: BUN est l'abréviation anglophone pour l'urée).

Fichier:Insuffisance rénale pré-rénale.jpg
IRA pré-rénale
Fichier:Insuffisance rénale aiguë rénale.jpg
IRA rénale

L’IRA post-rénale

L’IRA post-rénale survient lorsqu’il y a une obstruction des voies urinaires. En cas d’obstruction, la pression hydrostatique augmente et se répercute d’abord au tubule collecteur, puis à l’ensemble du néphron. Il y aura alors apparition d’hyperkaliémie, d’acidose et ultimement une baisse de la filtration glomérulaire, qui peut aller jusqu’à l’anurie complète.

Il est important de noter que l’IRA post-rénale ne devient habituellement manifeste que lorsqu’il y a une obstruction des voies excrétrices bilatéralement (par une obstruction des deux uretères, de la vessie ou de l’urètre). En effet, un seul rein peut aisément donner 50-60 % de la fonction rénale et la créatinine peut demeurer dans les valeurs normales.


Objectif 3.3.10 -

Les causes de l’IRA post-rénale sont multiples (ex : tumeur, lithiases, hypertrophie prostatique) et seront abordées en détail dans le cours sur l'urologie.


L’IRA rénale intrinsèque

Objectif 3.3.10 -

On parle d’IRA d’origine rénale intrinsèque (ou parenchymateuse) lorsqu’un des quatre compartiments du rein est en cause dans le mécanisme qui amène l’IRA. Les quatre compartiments sont les suivants : microvasculaire, glomérulaire, tubulaire et interstitiel. Je vous propose d’aborder les causes les plus fréquentes de chacun de ces compartiments.

Microvasculaire

Deux phénomènes principaux peuvent toucher les petits vaisseaux du rein : la maladie athéro-embolique et le groupe des microangiopathies thrombotiques.

La maladie athéro-embolique consiste en une pluie de minuscules cristaux de cholestérol. Ces cristaux proviennent de plaques athéro-sclérotiques instables qui se détachent de la paroi de l'aorte et qui s’embolisent dans les artérioles. Les artérioles ont un calibre trop petit pour que le cristal passe : ceci engendre une réaction inflammatoire importante qui empêche la perfusion rénale, ce qui provoque une insuffisance rénale aiguë ou subaiguë. Cette maladie survient fréquemment après des manipulations intra-artérielles (ex : angiographie), quoique l’on rencontre souvent des cas spontanés. Si l’on suspecte une maladie athéro-embolique, il faut aussi rechercher des signes d’embolisation systémique, notamment au niveau cutané. Par exemple, il faut rechercher des orteils bleutés/noircis, qui pourraient signés une ischémie artérielle.

La microangiopathie thrombotique est une maladie dans laquelle de minuscules caillots se forment dans les artérioles et entraînent une IRA en diminuant la perfusion rénale. L’hypertension maligne peut entraîner cette complication (le rein fait partie des organes cibles de l’HTA). Les autres causes (elles sont multiples) de ce phénomène dépassent votre niveau, mais implique souvent des maladies auto-immunes, les cascades de la coagulation et du complément. Une de ces maladies se nomme le syndrome hémolytique urémique (connu sous l’acronyme SHU), une condition où survient IRA, hémolyse et thrombopénie qui sera étudiée dans votre cours d’hématologie.

Glomérulaire

Les maladies glomérulaires sont un chapitre captivant de la médecine, mais dont la complexité dépasse malheureusement votre niveau d’apprentissage actuel. Retenez que ces maladies sont associées avec de la protéinurie et de l’hématurie. Il y a notamment les maladies que l’on nomme les glomérulonéphrites, en particulier les glomérulonéphrites rapidement progressives. En présence d’IRA avec protéinurie et hématurie, l’avis d’un néphrologue ou d’un interniste est primordial. Je vous réfère au tableau de la section sur l’hématurie et la protéinurie pour une liste non exhaustive des maladies glomérulaires (pour votre intérêt seulement).

Tubulaire

Cette catégorie de maladie implique une dysfonction du tubule : le tubule est incapable d’accomplir sa tâche de réabsorption et d’excrétion.

J’insisterai principalement ici sur deux entités : la nécrose tubulaire aiguë et les obstructions intra-tubulaires.

Certaines molécules (telles que les chaînes légères d’immunoglobulines, certains médicaments, l’acide urique, le phosphate et l’oxalate de calcium) peuvent précipiter dans les tubules. Sachez que le myélome multiple (un cancer des plasmocytes) est l’entité la plus commune de ces néphropathies. On parle de rein myélomateux lorsque les chaînes légères d’immunoglobulines précipitent dans les tubules et entraînent une IRA. Ceci s’accompagne d’une protéinurie sans albuminurie (voir la section sur la protéinurie). En ce qui a trait aux autres entités, elles dépassent le cadre de ce cours.

Dans un but de clarté, nous aborderons la nécrose tubulaire aiguë dans la section suivante.

Interstitiel

L’atteinte interstitielle la plus fréquemment rencontrée est la néphrite tubulo-interstitielle (NTI). Il s’agit d’une réaction inflammatoire qui attaque les tubules et l’espace interstitiel. La NTI peut être secondaire à une réaction allergique médicamenteuse (le plus fréquent), une infection, une maladie auto-immune ou une néoplasie.

Il est bon de noter que les NTI n’entraînent habituellement pas d’oligurie puisque les glomérules sont épargnés. Comme le tubule est atteint, des troubles de réabsorption et de sécrétion tubulaires divers peuvent survenir, tels que des pertes rénales en sodium, potassium, phosphore et glucose.


La nécrose tubulaire aigüe

Objectif 3.3.5 -

La nécrose tubulaire aigüe (NTA) est une entité dans laquelle les cellules du tubule meurent abruptement.

La NTA résulte de deux mécanismes : l’hypoxie et les substances néphrotoxiques.

L’hypoxie est le mécanisme le plus fréquent. Le rein est un grand consommateur d'oxygène et certaines régions sont particulièrement sensibles à l'hypoxie. Les causes qui peuvent précipiter l’ischémie sont nombreuses, mais le principe est toujours le même : l’apport sanguin au niveau du tubule est diminué par une hypoperfusion rénale. La région la plus touchée par l’ischémie est l’anse ascendante de Henle.

Les substances néphrotoxiques sont moins souvent impliquées, mais toujours à considérer. Toute substance néphrotoxique pourra créer d'autant plus de dommages qu'il existe une ischémie surajoutée, aigüe ou chronique. Les substances néphrotoxiques atteignent surtout le tubule proximal.


Objectif 3.3.6 -

Voici un tableau des causes de NTA, ne retenez que les causes en gras.

Causes hypoxiques
  • Toutes causes d’IRA pré-rénales (hypovolémie et hypotension)
  • Chirurgies aortiques ou cardiaques (l’aorte est clampée donc le rein non perfusé)
  • IECA, ARA, AINS[note 6] (souvent combinés à l’hypovolémie)
Substances néphrotoxiques
  • Hémoglobinurie (hémolyse)
    • Réactions transfusionnelles, hémolyse toxique, malaria
  • Myoglobinurie (rhabdomyolyse)
    • Trauma, écrasements musculaires, convulsions, coup de chaleur
  • Certains médicaments (aminoglycosides, amphotéricine-B, cisplatine)
  • Substances de contraste radiologique

Bien qu’un seul mécanisme soit suffisant, il est fréquent de rencontrer les deux mécanismes simultanément. C’est particulièrement le cas dans les causes pigmentaires : l’hémoglobine libre et la myoglobine circulante sont des substances néphrotoxiques, mais elles ne causeront habituellement que peu ou pas de dommage s’il n’y a pas en même temps une réduction du flot tubulaire. Une réduction du flot tubulaire augmente le temps de contact entre ces substances néphrotoxiques et les cellules tubulaires, ce qui augmente leur toxicité.


L’anse ascendante de Henle est la région la plus touchée par l’hypoxie. Mais pourquoi ? Dans la première partie du cours, vous vous souviendrez que nous avons discuté des vasa recta, qui sont des échangeurs à contre-courant. Comme d’autres substances qui circulent dans les vasa recta, l’oxygène est soumis aux mêmes contraintes : à l’état physiologique, la PO2 tissulaire de la médulla est relativement basse. Conséquemment, la médullaire n'a pas beaucoup de réserve pour faire face à une diminution de son apport en oxygène : la « marge de manœuvre » est faible. Or, la région la plus métaboliquement active de la médulla est la branche large de l'anse ascendante de Henle. Puisque c’est la région qui y consomme le plus d’énergie, c’est aussi celle qui est la plus vulnérable à l’hypoxie cellulaire : s’il manque d’oxygène, c’est la première qui aura tendance à nécroser.

Nous avons abordé les mécanismes qui provoquent la NTA. Maintenant, comment se manifeste-t-elle ?


Objectif 3.3.7 -

L’oligurie et l’anurie sont très fréquentes chez les patients atteints de NTA. La diminution du débit urinaire est une conséquence de la diminution du DFG, qui est provoqué par quatre mécanismes principaux :

  1. L’œdème, secondaire à l’inflammation qui accompagne la nécrose, diminue la perfusion rénale.
  2. Les tubules peuvent s'obstruer de débris cellulaires et de cylindres formés par la précipitation des protéines de Tamm-Horsfall (on les appelle les cylindres granuleux).
  3. L'épithélium tubulaire endommagé laisse fuir le liquide tubulaire, sans sélection, qui sera réabsorbé dans l'interstitium.
  4. Le liquide tubulaire qui arrive à la macula densa est riche en chlorure de sodium (par malfonctionnement des pompes Na-K-2Cl) : cela donne le signal à l’artériole afférente de se contracter pour diminuer la filtration que le tubule perçoit comme excessive. Ce phénomène se nomme le rétro-action (ou feedback) tubulo-glomérulaire. À l’état physiologique, ce mécanisme permet au tubule d’assurer une concentration tubulaire à peu près stable en chlorure de sodium.

Par contre, il est possible que le patient soit polyurique. En effet, un débit de filtration faible de 10 mL/min peut quand même engendrer une diurèse de 600 mL/h, soit près de 15 L/j, si aucune réabsorption ne survient. Ceci survient lorsque les tubules sont malades et donc incapable d'effectuer la réabsorption, mais qu'ils ne sont pas obstrués et que le feedback tubulo-glomérulaire est peu important.


Lorsque les tubules sont malades, l’analyse d’urine est souvent affectée : on peut y retrouver un peu de sang, des protéines, des cylindres granuleux et des débris cellulaires (formés de cellules tubulaires). Ces trouvailles suggèrent une NTA, mais ne sont pas spécifiques à cette entité.

Fichier:Cylindres granuleux.jpg
Cylindres granuleux
Fichier:Oligurie.jpg
Représentation schématique des mécanismes 2 et 3 à l’origine d’oligurie
Fichier:Cascade de la nécrose tubulaire aiguë.jpg
Une représentation de la cascade qui mène à la NTA

La NTA est habituellement réversible. La durée avant d’observer une récupération de la fonction rénale est assez variable et dépend beaucoup de la condition générale du patient et, dans une certaine mesure, de la cause de la nécrose tubulaire. Le début de la récupération peut débuter de 5-6 jours à 2 mois après l’insulte initiale (moyenne : 2-3 semaines). Il peut cependant persister une IRC.

Le pronostic de cette condition est réservé, car la cause de la NTA est souvent une maladie assez sévère (états de choc, syndrome de détresse respiratoire aigu (ARDS), insuffisance hépatique, insuffisance cardiaque, etc.). L'IRA diminue plusieurs fonctions physiologiques du corps humain, mais ce n’est pas la NTA elle-même qui est mortelle habituellement (avec la disponibilité de la suppléance rénale moderne) : c’est la cause de la NTA qui l’est bien davantage !

Conséquences de l’IRA

La perte de la fonction rénale lors de l’IRA étant souvent rapide et sévère, les perturbations métaboliques vont habituellement survenir rapidement. En plus des déchets azotés, les principaux éléments que les reins ont à excréter sont l’eau, le sodium, le potassium et les acides non volatils.

On peut retrouver chez ces patients une acidose métabolique (le trou anionique est souvent augmenté), une hypervolémie avec hypertension artérielle, œdème périphérique et pulmonaire, une hyperkaliémie et des perturbations de la natrémie. L’hypocalcémie (par diminution de la 1,25-OH-Vit. D) et l’hyperphosphatémie (par diminution d’excrétion) sont habituellement moins marquées qu’en IRC, mais sont souvent présentes (nous en reparlerons au cours 5).

L’accumulation de déchets dits « urémiques » (habituellement éliminés par le rein) peut aussi entraîner un ensemble de symptômes que l’on appelle l’état urémique ou, plus simplement, l’urémie. L’urémie se présente par les atteintes suivantes :

  • Inappétence ;
  • Nausées et vomissements ;
  • Somnolence et fatigue ;
  • Confusion et atteinte de l’état de conscience ;
  • « Flapping » ou astérixis (fins mouvements anarchiques des membres supérieurs) ;
  • Crampes musculaires ;
  • Péricardite dite « urémique ».

Finalement, l’IRA peut entraîner une anémie par manque de sécrétion d’érythropoïétine, bien que ceci s’installe souvent sur plusieurs semaines (à moins d’une autre cause concomitante d’anémie), des troubles de l’agrégation plaquettaire (augmentation du risque de saignements) et une immunodépression relative (augmentation du risque infectieux).

Démarche diagnostique de l’IRA

Objectif 3.3.12 -

En clinique, l’IRA peut être abordée en utilisant une démarche diagnostique en quatre étapes.

1. Distinguer IRA et IRC

L’historique chronologique des créatinines est l’élément le plus utile pour déterminer le caractère aigu ou chronique d’une insuffisance rénale. On se rappelle que L’IRA survient habituellement sur une période de moins de trois mois.

En l’absence d’un bon historique des créatinines, l’histoire (épisode récent de maladie ou encore symptômes urémiques ou urinaires de longue date) et les laboratoires peuvent être utiles (par exemple, une anémie ou une hyperphosphatémie sévère sont des éléments en faveur d’une IRC – quoique ce ne soit pas toujours vrai).

Une échographie rénale peut également démontrer une atrophie rénale, ce qui est suggestif d’une IRC : il faut plusieurs mois aux reins pour devenir atrophiques après un dommage.

2. Pré-rénale, rénale ou post-rénale

Lorsqu’on recherche une cause pré-rénale, il faut porter une attention particulière aux médicaments hypovolémiants et hypotenseurs du patient (ex. IECA, ARA, AINS, diurétiques, etc.). Au questionnaire, il faut être à la recherche d’une cause de choc et d’insuffisance hépatique. À l’examen physique, il faut rechercher des signes de diminution du VCE (et porter une attention particulière à l’examen cardiopulmonaire). Au niveau des examens de laboratoire, l’urée qui augmente plus rapidement que la créatinine, un sodium urinaire abaissé et une densité urinaire élevée sont suggestifs d’une IRA pré-rénale.

En ce qui a trait à l’IRA post-rénale, une imagerie rénale (ex. échographie) s’avère un excellent choix. S’il y a une obstruction de l’arbre urinaire, une dilatation des uretères et des bassinets (hydronéphrose) est habituellement visible à l’échographie. Par contre, en présence d’une haute suspicion clinique, d’autres techniques d’imagerie seront indiqués (sera rediscuté plus en détail dans le thème 4).

Si l’IRA ne semble ni pré-rénale, ni post-rénale, on approchera l’IRA rénale par compartiments. Attention ! Même en présence d’une IRA extra-rénale évidente, il faut toujours éliminer l’IRA rénale à proprement dite, car le fait de manquer ce diagnostic peut amener des conséquences importantes pour le patient. Qui plus est, l’IRA est souvent multi-factorielle !

3. Identifier le compartiment malade

Il faut passer les quatre compartiments en revue.

Les micro-vaisseaux

Il faut rechercher des signes de maladie athéro-embolique (ex. orteils bleutés) ou de microangiopathie thrombotique (sera vu dans votre cours d’hématologie).

Les glomérules

Dans les maladies glomérulaires, on recherche particulièrement une protéinurie et une hématurie à l’analyse d’urine.

Les tubules

Une histoire compatible avec une NTA ischémique sera recherchée (infection, saignement, hypotension, déshydratation, prise d’IECA/ARA/AINS). L’exposition à des médicaments néphrotoxiques ou aux produits de contraste radiologiques sera également questionnée. L’analyse urinaire est utile pour voir s’il y a présence de sang sur la bandelette sans présence d’érythrocytes à l’examen microscopique, ce qui évoquerait une hémoglobinurie ou une myoglobinurie.

L’interstice

L’histoire médicamenteuse est probablement la plus utile ici (souvent en cause dans les NTI). Une attention particulière sera portée à l’analyse urinaire (glycosurie sans hyperglycémie) et aux électrolytes sériques.

4. Les conséquences de l’insuffisance rénale

Le questionnaire et l’examen physique permettront d’évaluer l’œdème périphérique et pulmonaire. Une radiographie pulmonaire sera également utile.

Les signes et symptômes d’urémie seront recherchés également au questionnaire (voir section « Conséquences de l’IRA »). Un frottement péricardique sera recherché et un ECG sera effectué pour éliminer la péricardite (dans les cas d’IRA sévère).

Finalement, un gaz capillaire, une formule sanguine complète, un dosage de l’urée, de la créatinine, les ions Na, K, Cl, Ca, Mg, Ph doivent être dosés pour évaluer les troubles acido-basiques, l’anémie et les désordres métaboliques.


Survol des traitements

Objectif 3.3.13 -

Puisque les causes d’IRA sont multiples, les traitements de ces causes le sont tout autant.

L’IRA pré-rénale se traite en corrigeant la cause de la diminution du VCE (souvent en réhydratant le patient).

L’IRA post-rénale se traite en levant l’obstruction (Dr Caumartin vous en reparlera dans la section urologie).

Le traitement des causes spécifiques d’IRA rénale dépasse le cadre de ce cours.

Pour ce qui est du traitement général, on tentera d’éviter la surcharge volémique, notamment par l’usage de diurétiques. Les déséquilibres métaboliques seront également traités. Advenant un échec des thérapies médicamenteuses, on se tournera vers la suppléance rénale. Dans les cas d’IRA, étant donné la vitesse d’apparition de la maladie, l’hémodialyse sera habituellement l’option privilégiée. L’hémodialyse consiste en une machine qui filtre le sang en utilisant la diffusion à travers une membrane semi-perméable un peu à l’image de la membrane basale glomérulaire.


Notes

  1. Une thrombose subite des artères ou des veines rénales est une cause d’IRA pré-rénale. Certains patients peuvent également présenter une sténose unilatérale ou bilatérale des artères rénales en raison de plaques d’athérosclérose, par exemple. Les sténoses sont alors à la fois un facteur de risque et une cause d’IRA. Un patient qui présente des sténoses des artères rénales est plus à risque d’IRA qu’un patient dont les deux artères sont saines : une diminution moins importante du VCE suffira pour provoquer l’IRA chez le patient dont les artères rénales sont malades. C’est logique ! Cependant, il est possible que des sténoses s’accentuent sur une courte période de temps : c’est alors une cause d’IRA. Ceci dit, les sténoses rénales sont plus fréquemment une cause d’IRA subaigu ou chronique que de façon franchement aiguë.
  2. Les diurétiques entraînent une hypovolémie, ce qui peut diminuer le DFG. Les IECA et ARA inhibent l’action de l’angiotensine II, ce qui provoque une vasodilatation de l’artériole efférente : si l’artère qui quitte le glomérule a un plus gros calibre, il y a moins de liquide qui a tendance à y être filtré. Les AINS sont des inhibiteurs de la sécrétion des prostaglandines. La résultante de l’inhibition des prostaglandines est une vasoconstriction relative de l’artériole afférente : si le vaisseau qui amène le sang au glomérule est plus petit, le débit de filtration glomérulaire s’abaisse.
  3. Si on redonne un apport sanguin adéquat à un rein intact, celui-ci se remettra à fonctionner normalement. L’IRA pré-rénale est réversible.
  4. Par exemple, l’urée pourrait augmenter jusqu’à trois fois sa valeur de base, tandis que la créatinine pourrait augmenter seulement par un facteur deux. 
  5. La densité urinaire est un test rapide sur le bâtonnet qui permet d’estimer l’osmolalité. Une densité à 1.015 correspond environ à une osmolalité urinaire de 500 mOsm/kg. Une osmolalité > 1,015 (N : 1.002 à 1.032) est un signe de l’IRA pré-rénale.
  6. Pour votre intérêt seulement, les AINS peuvent donner une IRA pré-rénale (expliquée plus haut), une NTA hypoxique (prédisposition) et une NTI allergique.