ULaval:MED-1208/Insuffisance rénale

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Objectif 3.3.1 -

On parle d’insuffisance rénale lorsque le DFG (Débit de filtration glomérulaire) chute en bas de 90 mL/min en présence d’évidences de maladie rénale (ex : protéinurie, hématurie ou baisse rapide du DFG). Ceci se traduit par une élévation de la créatinine.

Fichier:Créatininémie selon la fonction rénale.png
Créatininémie selon la fonction rénale

Il faut se rappeler que la relation entre la créatininémie et la clairance de la créatinine (qui est une façon d’estimer la fonction rénale) est hyperbolique, et qu'une créatininémie qui parait seulement légèrement élevée peut en fait témoigner d'une filtration glomérulaire déjà significativement diminuée (voir graphique).

Il y a une raison pour laquelle il y a une faible corrélation entre la créatininémie et la fonction rénale à des valeurs basses de la créatininémie (aux environs de 100) : lorsque la fonction rénale diminue, il y a diminution de la filtration glomérulaire de la créatinine, mais il subsiste une sécrétion tubulaire qui compense par les néphrons intacts et qui normalise la valeur de la créatininémie.

À l’inverse, lorsque la filtration glomé­rulaire est très diminuée, une diminution supplémen­taire de filtration glomérulaire qui ne parait pas très importante (par exemple : passer de 10 mL/min à 8 mL/min) se traduira par une augmentation importante de la créatininémie.

Lorsque la créatininémie dépasse les valeurs supérieures à la normale, il y a déjà 50 % des néphrons qui ne sont plus fonctionnels ; les néphrons restants s’adaptent et filtrent davantage.

N.B. Ce qu’il faut retenir du graphique ci-haut, c’est la tendance générale : une faible variation de la créatininémie près des valeurs normales indique une plus grande diminution de la fonction rénale qu’une petite variation à des valeurs élevées de créatinine. Ne pas tenter de mémoriser les chiffres (ce serait inutile de toute façon, car il y a beaucoup de variation interindividuelle en fonction du poids et de la masse musculaire).

Distinguer insuffisance rénale aiguë et chronique

Objectif 3.3.2 -

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) peut survenir très rapidement ou très lentement. On parle en général d’IRA si la détérioration de fonction rénale survient sur une période de moins de 3 mois et d’insuffisance rénale chronique (IRC) si elle survient sur plus de 3 mois. Cependant, la définition d’IRA varie selon les sources consultées : il est possible d’entendre certains médecins utiliser l’appellation « insuffisance rénale subaiguë » si elle survient sur une période de 1 à 3 mois.


Il faut également savoir qu’un patient avec une IRC est plus vulnérable à développer une IRA lors d’une insulte rénale puisque sa « réserve » est diminuée. On parle alors d’IRA sur IRC.

Finalement, il est bon de noter que même si l’IRA comporte davantage de risques pour la santé du patient à court terme, son pronostic de récupération est beaucoup meilleur que celui de l’IRC.

Comment évaluer la sévérité de l’insuffisance rénale ?

Les stades de l’IRA

(ne pas apprendre les chiffres du tableau)

En présence d’une insuffisance rénale aiguë, deux critères sont utilisés pour qualifier le stade de l’IRA : la diurèse horaire et la créatinine sérique. En effet, le DFG est inutile dans les cas d’IRA puisque la fonction rénale n’est pas stable et, conséquemment, le DFGe n’est pas une estimation adéquate du DFG véritable. Voici donc le tableau des stades de l’IRA[1] :

Stade Créatinine sérique Diurèse horaire
1 Augmentation légère

1.5-1.99 fois la valeur de base du patient

Environ < 30 mL/h (< 0.5 mL/kg/h) pour 6 h
2 Augmentation modérée

2-2.99 la valeur de base

Environ < 30 mL/h (< 0.5 mL/kg/h) pour 12 h
3 Augmentation sévère

(≥3 fois la valeur de base)

OU

Initiation d’une suppléance rénale (dialyse)

Environ < 15 mL/h (< 0.3 mL/kg/h) pour 24 h

OU

Anurie pour ≥ 12 h

N.B. Pour la créatinine sérique, il faut se fier à la valeur de base du patient. Si le patient a une IRC avec une créatininémie de tous les jours à 140, il faut une créatininémie à 210-280 pour une IRA de stade I.

À l’hôpital, les patients avec des pathologies aiguës ou en post-opératoire de chirurgie majeure ont des contrôles de créatinines tous les jours, mais également une surveillance de leur diurèse horaire. En effet, si l’on veut prévenir l’IRA, on doit intervenir tôt et le premier paramètre qui permettra d’identifier l’IRA est la diurèse horaire. On parle d'oligurie lorsque la diurèse est inférieure à 400 mL/j ou 30 mL/h et d'anurie lorsque la diurèse est inférieure à 100 mL/j ou 5 mL/h.

Les stades de l’IRC

Objectif 3.3.9 -

Dans le passé, on parlait d’insuffisance rénale chronique légère, modérée et sévère, mais sans qu’il n’y ait une définition commune pour tous. Il est toujours possible d’utiliser de qualifier une IRC de cette manière (léger à sévère), mais il est possible d’être plus précis pour grader la maladie.

En 2001, la Kidney Foundation aux États-Unis a proposé une classification de la maladie rénale chronique (plutôt que de l’insuffisance rénale chronique)[2].  Cette classification a l’avantage d’inclure une catégorie où il y a des lésions rénales sans diminution de filtration glomérulaire (ne pas apprendre les valeurs du tableau).

Stade Description

Filtration glomérulaire en mL/min/1,73m2

1 Lésions rénales avec FG normale ou ­-FG > 90
2 ↓ légère FG (IR légère) 60-89
3 ↓ modérée FG (IR modérée) 30-59
4 ↓ importante FG (IR sévère) 15-29
5 Insuffisance rénale (IR terminale) < 15 ou dialyse
  • Atteinte légère (stade 1) : présence d’atteinte rénale (protéinurie ou hématurie) sans insuffisance rénale
  • Atteinte modérée (stade 2-3) : élévation légère ou modérée de la créatinine et de l'urée, troubles de concentration urinaire, anémie légère parfois, habituellement peu ou pas de symptômes.
  • Atteinte sévère (stade 4) : insuffisance rénale avancée avec toute la gamme de perturbations métaboliques (anémie, acidose, hyperphosphatémie, hypocalcémie, etc.).
  • Atteinte très sévère (stade 5) : « urémie », ou phase terminale ; manifestations cardio-vasculaires, digestives, hématologiques, neurologiques et décès éventuel à court terme si on n'entreprend pas de suppléance rénale (dialyse).

Il y a deux termes en anglais pour décrire l’insuffisance : « insufficiency » (qui s’appliquerait aux stades 2, 3 et 4) et « failure » (qui s’appliquerait au stade 5). Cette classification a été largement adoptée dans le monde de la néphrologie.

Il est aussi utile d’ajouter la protéinurie pour mieux classifier le pronostic de ces patients. En effet, la protéinurie est un facteur pronostique important pour le risque d’IRC terminale d’un patient, puisqu’elle indique un dommage rénal.

Concrètement, une diminution du DFG signe une atteinte de la fonction et une protéinurie signe la présence d’un dommage. Le risque d’IRC terminale est donc maximal en présence d’un DFG bas avec une protéinurie élevée.

Voici un tableau illustrant cette classification[3]. Notez que A1 représente une albuminurie normale, A2 correspond à une microalbuminurie et A3 à une macroalbuminurie. (Ne pas apprendre les valeurs du tableau.)

Fichier:Tableau de classification de l'insuffisance rénale chronique.png


L’approche générale d’un problème d’insuffisance rénale

Objectif 3.3.13 -

Une structure est nécessaire afin de bien comprendre comment une insuffisance rénale peut survenir. Plusieurs causes peuvent entraîner cette insuffisance et une approche systématique est donc indiquée. Je vous propose donc d’aborder ce problème de santé en quatre grandes étapes.

1. Distinguer IRA et IRC

Cette étape est primordiale puisque les causes d’IRA et d’IRC sont fort différentes. La chronologie des symptômes et analyses de laboratoires de même que la présence de complications qui apparaissent seulement en IRC sont utiles pour déterminer le caractère aigu ou chronique d’une insuffisance rénale (nous reparlerons de ces indices plus tard).

2. Pré-rénale, rénale ou post-rénale

Objectif 3.3.4 -

On parle d’insuffisance pré-rénale lorsque le problème se situe avant le rein lui-même, c’est-à-dire au niveau de l’artère rénale ou proximalement. On peut percevoir l’insuffisance pré-rénale comme une diminution du volume circulant efficace qui peut être de diverses natures (ex. sténose de l’artère rénale, insuffisance cardiaque, déshydratation).

On parle d’insuffisance post-rénale lorsque le problème se situe au niveau du système collecteur urinaire ou plus distalement. Il s’agit d’une obstruction des voies urinaires. Ces problèmes relèvent du domaine de l’urologie et seront abordés  par le Dr Yves Caumartin dans sa section.

On dit que l’insuffisance rénale est de type rénal lorsque le problème est intrinsèque au rein. De multiples causes peuvent occasionner un problème intrinsèque rénal.

3. Identifier le compartiment malade

Afin de simplifier la compréhension des causes de l’insuffisance rénale, il est utile de diviser le rein en quatre compartiments;

  1. Les micro-vaisseaux (artérioles et capillaires)
  2. Les glomérules
  3. Les tubules
  4. L’interstice

Les causes les plus fréquentes associées à ces différents compartiments seront discutées ultérieurement.

4. Identifier les conséquences de l’insuffisance rénale

La perte de fonction d’un organe vital entraîne la rupture de l’homéostasie du volume corporel, de plusieurs électrolytes et de la production des globules rouges. Nous en reparlerons ultérieurement.

Références

  1. D’après KDIGO, 2012
  2. Am J Kidney Dis 2000; 39 (2 Suppl. 1): S46-S75
  3. Ruiz-Hurtado G, Ruilope L M, Nature Reviews Cardiology  11, 742–746 (2014)