ULaval:MED-1208/Hématurie

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L’hématurie est la présence de sang dans l’urine. Une hématurie est définie comme la présence de 3 globules rouges ou plus/champ (à 400x de grossissement) lors de l’analyse microscopique de l’urine. Il est normal de retrouver 0-2 globules rouges/champ (certaines sources parlent de 0-3 comme normale) dans l’urine d’un être humain sain. Les érythrocytes ne devraient pas (ou très peu) passer la paroi glomérulaire, c’est pourquoi leur présence dans l’urine est jugée comme anormale.

Identification de l’hématurie

La détection de l’hématurie peut se faire visuellement. Elle sera également identifiée à l’aide d’un bâtonnet de détection pour réaction colorimétrique (comme pour la protéinurie) qui réagira avec le pigment de l’hème (présent dans l’hémoglobine et dans la myoglobine). Il s’agit d’une mesure qualitative : il y a présence ou absence d’hème dans l’urine.

L’examen microscopique est quantitatif : un technicien effectue le décompte moyen d’érythrocytes à fort grossissement (400X) dans l’urine.

Caractérisation de l’hématurie

L’hématurie est un problème :

  • fréquent;
  • important, car beaucoup de maladies sous-jacentes sont traitables;
  • qui peut être macroscopique ou microscopique.
    Fichier:Hématurie.jpg
    Hématurie macroscopique et urine normale

L’hématurie macroscopique, c’est lorsque l’urine est visiblement rouge ou brune foncée (couleur Coca-Cola) à l’œil nu.

Lorsque l’on décèle la présence de sang seulement à l'examen d'urine (SMU pour examen Sommaire et Microscopique des Urines), on parle alors d’hématurie microscopique.

Parfois, les urines sont rouges, mais ce n’est pas de l’hématurie : on parle alors de fausse (ou pseudo-) hématurie.

Hématurie macroscopique et urine normale

Fichier:Schéma pour Dx hématurie.png
Fausse et vrai hématurie

Le schéma suivant nous aide à distinguer les fausses hématuries des vraies. Veuillez noter que l’on utilise pour distinguer les deux types le test du bâtonnet et l’examen microscopique des urines (pour voir les hématies). À noter que les causes que vous devriez savoir sont en gras.

Types d'hématurie et fausses hématuries

Objectif 3.2.1 -
Hématurie Présentation clinique Causes
Pseudohématurie
  • Urine rouge
  • Bâtonnet -
  • Hématie - (en microscopie)
  • Colorants alimentaires
  • Betteraves
  • Certains médicaments
  • Porphyrie (maladie métabolique rare)
  • Urine rouge ou claire
  • Bâtonnet +
  • Hématie - (en microscopie)
  • Myoglobinurie (ex. rhabdomyolyse, soit une nécrose des muscles)
  • Hémoglobinurie (ex. hémolyse, soit la destruction des érythrocytes intravasculaire)
Hématurie

non uro-néphrologique

  • Urine rouge ou claire
  • Bâtonnet +
  • Hématies + (en microscopie)
  • Menstruations
  • Saignements gynécologiques
Hématuries vraies
  • Urine rouge ou claire
  • Bâtonnet +
  • Hématies + (en microscopie)
  • Origine glomérulaire (rénale)
  • Origine urologique (voies urinaires)


Hématurie glomérulaire vs urologique

En présence d’une hématurie confirmée, la première distinction à faire est la suivante : est-ce que le sang vient des glomérules ou vient-il d’autres structures ? Certains indices peuvent nous orienter, mais ils sont rarement complètement discriminants.

Les hématuries glomérulaires sont : Les hématuries non glomérulaires sont :
  • macroscopiques ou microscopiques ;
  • plus souvent couleur « coke » ;
  • associées à une protéinurie dans plus de 90 % des cas ;
  • souvent associées à une cylindrurie (les cylindres sont des éléments à l’examen microscopique qui proviennent des tubules rénaux) ;
  • les érythrocytes dans l’urine sont parfois dysmorphiques (acanthocytes) ;
  • plus souvent persistantes qu'intermittentes ;
  • habituellement asymptomatiques.
  • macroscopiques ou microscopiques ;
  • plus souvent rouge ;
  • parfois accompagnées de caillots ;
  • sans protéinurie, sauf si atteinte rénale tubulo-interstitielle ;
  • sans cylindrurie, sauf si atteinte rénale tubulo-interstitielle ;
  • les érythrocytes sont en général isomorphes (allure normale) ;
  • plus souvent intermittentes que persistantes ;
  • parfois symptomatiques.


Objectif 3.2.2 -

Quelques éléments orientent de façon marquée vers l’origine de l’hématurie.

  • La présence de cylindres hématiques est toujours signe d’une pathologie glomérulaire.
  • La présence de globules rouges dysmorphiques, qu’on appelle aussi acanthocytes, s’explique par leur passage à travers la paroi glomérulaire. Ils se retrouvent ainsi déformés et leur présence indique donc une maladie glomérulaire.
  • Acanthocytes
    Voici une photo d'acanthocytes, signe de maladie glomérulaire. Remarquez les globules rouges déformés en « oreilles de Mickey Mouse » (les globules rouges normaux sont parfaitement ronds).
    La présence de caillots oriente toujours vers une origine non-glomérulaire. En effet, les caillots nécessitent des facteurs de coagulation pour leur formation qui ne sont pas présents dans l’urine. Il doit donc obligatoirement y avoir un saignement comme source de l’hématurie.

Il faut comprendre ici que l’hématurie glomérulaire n’est pas un saignement, il ne passe que des globules rouges dans l’urine, alors que l’hématurie d’origine urologique est habituellement liée à un saignement véritable.

Causes de l’hématurie

Tel que mentionné précédemment, l’origine de l’hématurie peut être glomérulaire. À ce moment, on doit envisager une série de diagnostics relativement rares qu’on regroupe souvent sous le terme des glomérulonéphrites (voir tableau de la section 3.1.6). Leur apprentissage dépasse le cadre de ce cours et leur investigation sera effectuée par un interniste ou un néphrologue.

Vous devez connaître l’existence d’une entité relativement bénigne qui cause une hématurie glomérulaire souvent isolée (sans protéinurie ou insuffisance rénale) : la maladie des membranes basales minces. Il s’agit d’une entité habituellement héréditaire dans laquelle les membranes basales glomérulaires sont amincies et laissent passer des globules rouges dans l’urine. Le degré de l’hématurie sera ici habituellement plutôt léger. Cette maladie affecte un peu plus d’1 % de la population et n’amène que très rarement des complications telles que l’insuffisance rénale. Il s’agit souvent d’un diagnostic d’exclusion, c’est-à-dire qu’on conclut à ce diagnostic après avoir éliminé les autres diagnostics fréquents ou graves.

Les causes non glomérulaires regroupent des causes tubulo-interstitielles (dont on reparlera dans les chapitres sur l’insuffisance rénale) et des causes urologiques (qui seront abordées par Dr Yves Caumartin dans le dernier bloc de cours).

La liste des étiologies est longue pour les hématuries non glomérulaires. Le tableau suivant en contient un échantillon (pour votre information seulement).

Objectif 3.2.4 -
Hématuries non glomérulaires du parenchyme rénal Hématuries non glomérulaires des voies urinaires
  • Maladie rénale polykystique*
  • Nécrose tubulaire aigüe*
  • Néphrocalcinose*
  • Néoplasies*
  • Néphrites interstitielles aigües*
  • Kyste simple
  • Nécrose corticale
  • Infarctus rénal
  • Embolies rénales
  • Nécrose papillaire
  • Hypercalciurie
  • Traumatismes
  • Malformations artério-veineuses
  • Maladie kystique médullaire (néphronophtisie)
  • Néphrites interstitielles chroniques
  • Infections rénales (tuberculose, pyélonéphrites)
  • Anticoagulation
  • Calculs*
  • Néoplasies, vésicales surtout*
  • Infections*
  • Cystites*
  • Prostatites*
  • Traumatismes
  • Cystites non-microbiennes (médicamenteuses, chroniques, allergiques, corps étrangers)

(*étiologies les plus importantes, soit par leur fréquence, soit par leur gravité).


L’investigation de base de l’hématurie

Objectif 3.2.5 -


Analyse d'urine

Si l’on suspecte une hématurie, une analyse sommaire et microscopique des urines (SMU) sera l’examen de choix pour débuter l’investigation. Le bâtonnet informera sur la présence d’hème et la microscopie sur celle de globules rouges et leur nombre. S’il y a le moindre doute sur une infection urinaire, une culture d’urine sera également demandée.

Questionnaire et examen physique

Le questionnaire doit comprendre une revue complète des antécédents personnels et familiaux du patient, son histoire médicamenteuse et la recherche des symptômes associés aux infections, cancers et lithiases des voies urinaires (qui seront couverts dans la section urologie) et du syndrome néphritique. Un questionnaire plus poussé permettra d’identifier des causes potentielles.

L’examen physique doit comprendre un examen abdominal, un examen des organes génitaux (et de la prostate chez l’homme) et la recherche d’œdèmes. La prise de la tension artérielle est primordiale.

L’examen clinique sera approfondi dans la série de cours démarche clinique.

Autres examens

Demander les tests sanguins qui vont nous informer sur la fonction rénale, la protéinurie, la coagulation, ainsi qu’une formule sanguine complète (pour le niveau d’hémoglobine et des plaquettes dans le sang).

L’investigation de l’hématurie d’origine urologique sera abordée par Dr Caumartin. Une biopsie rénale peut également être effectuée pour préciser le diagnostic. Nous en rediscuterons d’ici quelques cours.