ULaval:MED-1208/Fonction glomérulaire

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Anatomie du glomérule

Fichier:Glomérule rénal (microscope électronique).png
Glomérule au microscope électronique

Le sang circule dans ces capillaires très poreux que sont les capillaires glomérulaires. Au travers de leurs parois s’égoutte le filtrat glomérulaire. Ces micro-gouttelettes sont recueillies dans l’espace de Bowman et acheminées vers le tubule proximal.

Au centre d’un groupe de capillaire, se retrouve le mésangium, qui sert de support aux anses capillaires. La plupart des cellules sont des cellules contractiles qui peuvent contrôler la surface déployée de l’anse capillaire, un peu comme des cordages d’un parachute. Il y a aussi des cellules mésangiales phagocytaires qui font le ménage de certains déchets qui s’accumulent dans le mésangium.

Fichier:Mésangium glomérulaire (schéma).png
Le mésangium
Fichier:Paroi capillaire du glomérule rénal (microscope électronique).png
Paroi capillaire du glomérule rénal

Sur l’image à droite, la paroi capillaire est représentée.  Il y a 3 couches :

  1. la cellule endothéliale fenestrée ;
  2. la membrane basale constituée entre autres de collagène type IV ;
  3. le podocyte (cellule épithéliale viscérale) avec ses pédicelles qui recouvre les anses capillaires.

Sur cette image, notez bien la proximité entre la fin de l’anse de Henle (ici nommé tubule contourné distal) et l’artériole afférente. Cette partie terminale de l’anse de Henle s’appelle la macula densa.

Fichier:Mésangium et podocytes dans le glomérule rénal (dessin).png

Sur cette figure, notez la disposition du mésangium et la manière dont les podocytes étendent leurs « pieds » sur la membrane basale du capillaire. Les pieds des podocytes forment de petites fentes de filtration du côté de l’espace de Bowman.


Voici deux clichés pris en microscopie électronique. Celui de gauche montre les fenestrations de la cellule endothéliale (vue du coté sanguin). Celui de droite montre un podocyte et ses pédicelles qui tapissent les anses capillaires (vue du coté urinaire, dans l’espace de Bowman).

La barrière de filtration glomérulaire

Fichier:Clairance fractionnelle de dextrans selon la charge et le rayon moléculaire (graphique).png
Clairance fractionnelle de dextrans selon la charge et le rayon moléculaire

La paroi capillaire laisse passer librement tous les petits solutés tout en empêchant le passage de plus grosses molécules (protéines et cellules plasmatiques, par exemple). Deux paramètres déterminent si une particule peut traverser la paroi capillaire et sa membrane basale : la taille de la particule et sa charge électrique. L’effet de ces deux paramètres crée une barrière physico-chimique.

Comme nous avons vu précédemment, les cellules endothéliales détiennent des pores. Ceux-ci sont assez gros pour laisser passer les déchets, mais pas assez pour laisser passer les protéines et les cellules qu’il nous faut retenir dans notre corps. Elle forme la barrière physique.

La membrane basale glomérulaire, fabriquée par les podocytes, comporte une charge électronégative, ce qui aide (par électro-répulsion) à garder les protéines dans le corps puisque la majorité de celles-ci sont de charge négative.

Le graphique ci-contre illustre la relation entre la clairance d’une molécule sanguine en fonction de sa charge électrique et de son rayon. Notez bien que les anions sanguins sont très mal filtrés (donc difficilement éliminés) à moins qu’ils ne soient de petits rayons moléculaires (leur charge électrique limite leur diffusion) ; les cations, eux, sont filtrés plus efficacement jusqu’à un rayon de beaucoup supérieur aux autres particules. Ici, l’élément qui limite la diffusion est la taille de la particule.

La filtration glomérulaire et la fonction rénale

Nous définissons la fonction rénale par le débit de filtration glomérulaire (DFG ou GFR en anglais – Glomerular Filtration Rate). Le DFG, c’est le volume de filtrat produit par les glomérules pendant une période de temps. Les unités sont présentement des millilitres/seconde. Anciennement, nous exprimions le DFG en millilitres/minute. Nous voyons couramment les deux unités, alors il est important de maîtriser les deux.

  • Hommes: 2mL/sec ou (120 +-25) mL/min
  • Femmes: 1.6 mL/sec ou (95+-20) mL/min

Les valeurs normales le sont pour des personnes de 20 ans.  Par contre, après cet âge, nous perdons environ 1 ml/min/année de telle sorte qu’à 80 ans, « la normale » est d’environ 60 ml/min ou 1 ml/sec.

Stade État du rein Filtration glomérulaire
1 Fonction rénale normale >1,5 mL/sec ou >90 mL/min
2 Insuffisance rénale légère 1,0 - 1,5 mL/sec ou 60-89 mL/min
3 Insuffisance rénale modérée 0,5 - 1,0 mL/sec ou 30-59 mL/min
4 Insuffisance rénale sévère 0,3 - 0,5 mL/sec ou 15-29 mL/min
5 Insuffisance rénale terminale <0,3 mL/sec ou <15 mL/min

Le tableau ci-dessus représente la fonction rénale selon le DFG pour une personne d’une surface corporelle de 1,73 m2. Veillez noter qu’une personne avec une fonction rénale « normale » peut tout de même avoir une atteinte rénale. Le stade 1 comporte des maladies rénales qui n’ont pas encore donné de diminution de la filtration glomérulaire : dans certains cas, il peut y avoir une augmentation de la filtration glomérulaire. Par exemple dans certaines maladies glomérulaires ou l’artériole afférente est excessivement dilatée et l’artériole efférente est en constriction, il peut y avoir une augmentation de la pression dans les glomérules causant une hyperfiltration. Nous retrouvons ceci entre autres dans des cas de diabète où la néphropathie diabétique est à son début.

Le tableau ci-dessous estime la prévalence de la maladie rénale chronique (MRC) au Canada.

Estimation conservatrice de la prévalence de la MRC au Canada: de 1.3 millions à 2.5 millions d'adultes[1]
Stade Description Filtration glomérulaire (mL/min/1.73m2) Prévalence 1

Extrapolation directe des données américaines

Prévalence 2

Extrapolation des données américaines et ajustement en fonction de la dialyse au Canada

1 Lésions rénales avec FG normale ou augmentée >90 792 000 478 500
2 Lésions rénales avec diminution légère de la FG 60-89 720 000 435 000
3 Diminution modérée de la FG 30-59 1 032 000 623 500
4 Diminution sévère de la FG 15-29 48 000 29 000
5 Insuffisance rénale terminale < 15 ou dialyse 24 000 14 500

Les différentes mesures du débit de filtration glomérulaire

Pour mesurer la DFG, nous utilisons en clinique la clairance d'une substance précise au niveau du rein. Avant d’aller plus loin, il est important d’introduire ce nouveau concept de clairance.

La clairance d’une molécule, c’est le volume de sang qui est nettoyé (« clairé ») de cette molécule par unité de temps. La clairance d’une substance est donc un bon indicateur de la filtration glomérulaire, si et seulement si cette substance est « clairée » au niveau du rein uniquement.

Quand on parle de fonction rénale, on décrit la capacité du rein à effectuer son travail de « nettoyer » le sang. Il est donc logique d’affirmer que si la fonction rénale est diminuée, le rein aura de la difficulté à clairer le sang de ses substances. Ces substances auront donc tendance à s’accumuler dans le sang et leurs concentrations respectives augmenteront ; la quantité urinaire de ces substances, elle, diminuera.

Une autre façon de se figurer la clairance rénale, c’est de se poser la question suivante : « combien de sang est nettoyé d’une substance X par unité de temps » ? L’unité généralement utilisée est en mL/sec.

Voici comment on calcule une clairance :

C = ( U x V ) / P
  • C = clairance (en mL/sec)
  • U = concentration urinaire du traceur (mmol/L)
  • V = volume urinaire par période de temps (mL/sec)
  • P = concentration plasmatique du traceur (mmol/L)

En utilisant la formule précédente, il est possible de trouver la quantité de sang qui a été épurée par unité de temps, c’est-à-dire la clairance, si nous connaissons les valeurs de U, V et P. En général, l’urine est collectée sur une période de 24h pour avoir un échantillon fiable.

Si une substance est :

  • en concentration stable dans le sang ;
  • est filtrée librement au glomérule (passe à 100 %), i.e. la concentration dans le filtrat glomérulaire est identique au plasma ;
  • n’est ni réabsorbée, ni sécrétée par le tubule (donc son excrétion = quantité filtrée par le glomérule) ;

…alors cette substance est un « traceur » !

Il existe un traceur idéal, l’inuline, qui est un polysaccharide exogène au corps humain, qui correspond à tous les critères mentionnés plus haut. Malheureusement, une injection d’inuline est très dispendieuse et est donc réservée à la recherche. Certains radio-isotopes peuvent également être injectés pour évaluer la filtration glomérulaire, mais ce sont encore une fois des outils habituellement réservés aux chercheurs.

Heureusement, il nous reste la créatinine. C’est une substance endogène qui est un déchet du métabolisme musculaire (sa quantité dans le sang dépend donc de la masse musculaire). La créatinine est produite en quantité constante à chaque jour et est filtrée à 100 % au glomérule, n’est pas réabsorbée, mais est hélas un peu sécrétée (10-20 %) par le tubule. Conséquemment, la clairance de la créatinine surestime le DFG de 10-20 %. Malgré tout, c’est notre traceur habituel en clinique : on évalue la filtration glomérulaire en mesurant la clairance de la créatinine. La créatinine sérique nous donne un bon indice, surtout lorsque la valeur est extrême : si la créatinémie est à 800 μmol/L alors que la normale se situe environ à 100 μmol/L, on se doute que quelque chose ne tourne pas rond au niveau du rein.

La créatininémie dépend essentiellement de deux facteurs :

  1. la fonction rénale (élimination de créatinine) ;
  2. la masse musculaire (production de créatinine).

La concentration sanguine de créatinine dépend donc de la fonction rénale, mais également de la masse musculaire.

Créatininémie: 130 μmol/L Créatininémie: 130 μmol/L
Clairance de la créatinine: 120 cc/min Clairance de la créatinine: 50 cc/min

Illustrons maintenant l’importance de la masse musculaire. Ces deux personnes ci-haut ont la même créatininémie, mais la clairance de la créatinine est fort différente.

L’homme a une créatinine sérique légèrement augmentée à cause d’une imposante masse musculaire, ce qui produit beaucoup de créatinine (beaucoup de muscle = beaucoup de déchets du métabolisme musculaire). Sa créatinémie est donc normale en fonction du contexte.

La vieille dame a une créatinine légèrement augmentée en raison d’une insuffisance rénale modérée. On se serait attendu à une créatinine probablement plus élevée au niveau sanguin, mais sa faible masse musculaire masque en quelque sorte la gravité de son insuffisance rénale, la résultante n’étant qu’une augmentation légère de la créatinine sérique.

Les valeurs normales sont de 55 à 105 µmol/L chez la femme et de 65 à 115 µmol/L chez l'homme. Ces valeurs représentent la normale pour une population ; les écarts représentent la différence entre les personnes de petite masse musculaire et celles ayant une masse musculaire importante. Toutefois, pour une personne donnée, si au fil des années sa créatinine sérique est 60 μM de façon assez constante, alors une élévation à 95 μM suggère la survenue d’une diminution de sa filtration glomérulaire (à moins que cette personne soit devenue haltérophile et ait augmenté sa masse musculaire de 30-50 % !!!)

Jusqu’à présent, nous avons vu des méthodes pour MESURER la DFG. Maintenant, intéressons-nous davantage aux méthodes d’ESTIMATION de la DFG. [note 1]

Mais comment estimer le DFG ? Avec une formule d’estimation. Il en existe deux principales, qui ont été élaborées grâce à deux études scientifiques portant sur la fonction rénale :

  • la formule de Cockcroft et Gault ;
  • la formule MDRD (ou CKD-EPI).
  • La formule de Cockcroft et Gault
    • Clairance = ( [140 - âge] x Poids [kg] ) / 49 x créatininémie
    • Elle estime la clairance de la créatinine, et donc surestimera la DFG de 10-20 %.
    • La DFG pour la ♀ correspond à 85% de ce chiffre puisque la femme a une masse musculaire plus petite que l’homme pour le même poids. Moins de muscle = créatinémie plus basse physiologique.
    • On obtient une DFG en mL/sec.
    • Que faire en cas d’obésité ? La masse adipeuse ne produit pas de créatinine et cela augmente la DFG calculée par cette formule. Idéalement, il faut la mesurer.
    • Rappelez-vous que pour utiliser la formule de Cockcroft et Gault, il faut une créatinémie stable sur plusieurs jours.
  • La formule MDRD
    • DFGe = 175 x [Créatininémie x 0,0113]-1,154 x Âge(années)-0,202
    • Ne pas apprendre la précédente formule par cœur (ouff !).
    • On doit multiplier le résultat par 0.742 pour une femme ou par 1.21 si de race noire (ne pas mémoriser les nombres non plus, mais savoir qu’on doit ajuster pour la race et le sexe).
    • Elle estime la filtration glomérulaire (et non la clairance de la créatinine).
    • Il y a quatre paramètres qui modifient le résultat : l’âge, le sexe, la race et la créatinémie.
    • La créatinémie doit être stable pour que la formule soit fiable.
    • Elle se calcule à l’ordinateur (ou par les labos).
    • Le résultat est en mL/sec/1,73 m2 (donc normalisé selon surface corporelle standard).
    • Elle est plus précise que Cockcroft et Gault.

En résumé :

DFG
Mesuré Estimé
  • Inuline
  • Radio-isotopes
  • Créatinine
  • Cockcroft (estime C Créat.)
  • MDRD (estime DFG et meilleur que Cockcroft)

L’importance d’un débit de filtration glomérulaire abondant

Pourquoi une filtration glomérulaire aussi forte?

La filtration glomérulaire est très forte, environ 180 L/d (litres/jour), afin de garder le niveau sanguin des déchets très bas et donc un milieu intérieur « propre ». La différence quantitative entre la filtration glomérulaire chez l’homme et chez la femme s’explique par des différences de taille.

Les mécanismes de contrôle de la filtration glomérulaire

Pour mieux comprendre les mécanismes de contrôle de la filtration glomérulaire, nous nous intéresserons d’abord aux capillaires systémiques, puisqu’il y a certains liens à faire.

Voici la représentation d’un capillaire systémique :

Fichier:Capillaire sanguin systémique (schéma).png

À son bout artériolaire, ce capillaire va filtrer grâce à une pression hydrostatique élevée venant de l’artériole. Par contre, on veut réabsorber ce liquide du côté veinulaire du capillaire. À ce niveau-là, la pression hydrostatique est basse puisque le système veineux est un système à basse pression. L’excédent est récupéré par les lymphatiques.

Le capillaire systémique a donc une double fonction : filtration, à son bout artériolaire, et réabsorption, à son bout de la veinule.

Voici maintenant la représentation d’un capillaire glomérulaire :

Fichier:Capillaire glomérulaire (schéma).png

Le capillaire glomérulaire est un capillaire qui doit filtrer d’un bout à l’autre. Du côté de l’artériole afférente, la pression hydrostatique est haute, mais compte tenu qu’il y a une artériole à l’autre bout, la pression hydrostatique est encore assez haute à la fin de ce capillaire. Il pourra donc « ultrafiltrer » d’un bout à l’autre, sans qu’il n’y ait de réabsorption.

Voici une représentation d’un capillaire péritubulaire :

Fichier:Capillaire péritubulaire (schéma).png

Après être passé par le capillaire glomérulaire, le sang doit franchir l’artériole efférente avant d’arriver au capillaire péritubulaire. Une artériole est un vaisseau de résistance et de l’énergie hydrostatique est dissipée pour franchir ce genre de vaisseaux. Voilà pourquoi la pression hydrostatique est plutôt basse du côté artériolaire de ce capillaire péritubulaire. En même temps, la pression oncotique est élevée au début de ce capillaire puisqu’il y a eu beaucoup de filtration dans le capillaire glomérulaire et que la concentration des protéines s’est donc élevée pendant ce processus de filtration. Conséquemment, les forces de Starling favorisent la réabsorption d’un bout à l’autre du capillaire péritubulaire.

Nous pouvons voir que les deux fonctions d’un capillaire, la filtration et la réabsorption, ont été séparées à l’intérieur du rein par cette artériole efférente, qui a ainsi permis au capillaire glomérulaire de fonctionner en mode de filtration d’un bout à l’autre et permis également au capillaire péritubulaire d’être dans un mode de réabsorption.

On peut voir que le capillaire glomérulaire est en mode filtration où la pression hydrostatique excède la pression oncotique ; alors qu’au capillaire péritubulaire la pression oncotique est plus élevée que la pression hydrostatique. Ce capillaire fonctionne donc en mode de réabsorption.

Fichier:Relation entre les pressions oncotique et hydrostatique dans le système vasculaire rénal (graphique).png
Relation entre les pressions oncotique et hydrostatique dans le système vasculaire rénal

Le graphique ci-contre illustre la relation entre la pression hydrostatique, la pression oncotique et la progression dans le système vasculaire rénal.

Notes

  1. Habituellement, on est mieux de mesurer la clairance plutôt que de l’estimer lorsqu’on est en présence d’une personne avec un anthropomorphisme atypique, par exemple un amputé ou d’une personne obèse.

Références

  1. D'après Am J Kidney Dis 2002; 39 (2 Suppl. 1): S17-S31 et utilisation de RCITO et des données population