ULaval:MED-1200/Biochimie et métabolisme/Enzymes

De Wikimedica
Ce guide d’étude a été élaboré par les volontaires de Wikimedica dans le cadre du cours MED-1200 à l'Université Laval et est basé sur le travail des responsables du cours. Il est fourni comme aide à l'étude et ne constitue pas un document officiel du cours.
Le principe de fonctionnement d'une enzyme. a) des substrats approchent les sites actifs de l'enzyme. b) les substrats s'attachent aux sites actifs de l'enzyme, produisant un complexe substrat-enzyme. c) des changements internes au complexe facilitent l'interaction des substrats. d) le produit et libéré et l'enzyme retourne à sa configuration originale, prêt à accepter d'autres substrats pour une autre réaction.

Les enzymes sont à la base des fonctions vitales de l’organisme. Elles permettent entre autres la production d’énergie, la digestion et la formation de nouvelles structures. Ce sont des protéines avec un pouvoir catalytique, ce qui signifie qu’elles abaissent l’énergie nécessaire afin qu’une réaction chimique se produise plus rapidement. Par exemple, elles permettent la production rapide d’énergie par la respiration cellulaire, sans que la température corporelle ait beaucoup à augmenter.

Fonctionnement

En bref

Grossièrement, l’enzyme se lie aux molécules du substrat d’une réaction, abaisse l’énergie d’activation de la réaction et accélère la formation des produits.

Plus précisément, l’enzyme se lie avec le substrat pour crée une orientation productive dans la réaction, favorisant des pressions, des tensions et des échanges électroniques pour transformer les substrats en produits

Une enzyme est spécifique et ne catalyse qu’un seul type de réaction

Pour agir de façon adéquate, une enzyme a besoin d’un milieu à une température et a un pH optimal. L’activité enzymatique diminue si on s’éloigne de ces valeurs efficaces.

En détails

Une enzyme est une protéine, ce qui fait qu’elle est très sensible aux changements de son milieu. En effet, la température, le pH et les autres substances environnantes peuvent modifier la conformation de la protéine – la dénaturer – et ainsi, altérer les capacités catalytiques de l’enzyme. De même, les substances environnantes peuvent interagir avec l’enzyme, ce qui causera son activation ou son inhibition.

Différence d'énergie d'activation selon la présence ou l'absence de catalyseur

Une enzyme a un pouvoir catalytique pour une réaction spécifique. Elle accélère la vitesse d’une réaction chimique en particulier en abaissant l’énergie d’activation nécessaire pour transformer les substrats en produits. De plus, l’enzyme ne se perd pas lors de son utilisation : ce qui était présent au début de la réaction l’est toujours à la fin (et est toujours efficace). Pour que certaines réactions se produisent sans catalyseur, c’est-à-dire pour que les collisions entre les réactifs soient efficaces sans enzyme, il faudrait que les molécules réactives aient une énergie cinétique importante, ce qui se traduirait par une température élevée. Or, cette augmentation de température est bien entendu impossible dans les conditions physiologiques. En se liant aux molécules de substrats, l’enzyme favorise leur transformation en produits, puisqu’elle leur permet d’atteindre l’état de transition et de faire des collisions selon un angle efficace. Il ne faut habituellement que de petites quantités d’enzymes pour que les réactions soient accélérées.

Pour que l’enzyme accélère une réaction, elle doit avoir une très bonne affinité avec le substrat qu’elle utilise. En d’autres termes, l’enzyme doit être spécifique au substrat pour que la structure protéique (et l’interaction entre les atomes) « épouse » le substrat. C’est cet assemblage « parfait » qui permet d’abaisser l’énergie d’activation. Il est fréquent qu’une enzyme ne puisse utiliser qu’un seul isomère d’une molécule. On retrouve trois types de spécificité :

  • La spécificité absolue : une enzyme ne peut utiliser qu’un seul substrat pour ne faire qu’une seule réaction ;
  • La spécificité « moins stricte » : une enzyme peut utiliser différents substrats, mais ne faire qu’une seule réaction ;
  • La spécificité de groupement chimique : une enzyme reconnaît un groupement chimique particulier, ce qui fait qu’elle peut utiliser divers substrats. Par contre, elle ne peut faire qu’un type de réaction.

Par ailleurs, plusieurs types d’enzymes existent :

  • L’enzyme simple : elle est simplement composée d’acides aminés, ces derniers formant une (des) chaîne(s) polypeptidique(s) ;
  • L’holoenzyme : elle est nécessairement composée d’un (des) cofacteur(s) et d’une structure protéique enzymatique pour être active. Le cofacteur se trouve habituellement au site catalytique et peut être un ion métallique, une vitamine ou une autre coenzyme

Notons qu’il existe des complexes multienzymatiques qui consistent en des regroupements de nombreuses enzymes et qui permettent efficacement des réactions en chaîne.

Il est aussi possible de classifier les enzymes selon l’International Union of Biochemistry où l’on se base alors sur le type de réaction chimique :

Classification     Type de réaction Exemples
Oxydoréductase Réaction d’oxydoréduction (transfert d’électron(s)) Lactate déshydrogénase (LDH)

Malate déshydrogénase

Transférase Transfert d’un groupement d’atomes d’une molécule à une autre Aspartate transaminase (AST)

Alanine transaminase (ALT)

Hexokinase 

Hydrolase Ajout d’H2O sous forme hydrolysée (H+ et OH-) après un bris de liaison Lipase

Glucose-6-phosphatase Amylase

Lygase Assemblage de deux molécules Pyruvate carboxylase

Acétyl-CoA carboxylase

Lyase Bris d’une liaison pour la création de liens doubles pour chaque molécule Aldolase

Histidine décarboxylase

Isomérase Restructuration d’une molécule, mais le nombre et la nature des atomes reste la même Ribulose phosphate épimérase

Triose phosphate isomérase

Notons que les “kinases” phosphorylent une molécule.

Facteurs d'influence de la vitesse de réaction

Fichier:Quantité de produits formés selon le temps.png

Plusieurs facteurs viennent influencer l’efficacité d’une enzyme. En d’autres termes, différentes variables modifieront la quantité de produits formés selon le temps et donc, la vitesse de la réaction. En représentant graphiquement une réaction enzymatique de la quantité de « nouveau » produit (ordonnée) en fonction du temps (abscisse), on obtient une courbe qui débute par une droite (ascendante, si l’on forme des produits). Cette droite représente l’intervalle de temps où il y a assez de substrat pour saturer l’enzyme. Après un certain temps, l’on perd la linéarité de la droite et on obtient éventuellement un plateau. Ce plateau correspond à la fin de l’utilisation du substrat ou, dans le cas d’enzymes catalysant une réaction réversible, à l’état d’équilibre entre les réactifs et les produits (lorsque la quantité de produits formés correspond à la quantité qui est retransformée en substrat). Ainsi, la vitesse de la réaction la plus grande peut être mesurée grâce à la droite du 1er degré que l’on obtient avant le déclin vers le plateau.

La température est un des facteurs d’influence de la vitesse d’une réaction enzymatique. Tel que mentionné plus haut, la température est en quelque sorte une mesure du mouvement des molécules. Donc, plus les molécules sont en mouvement, plus elles ont de chances de réagir ; plus la température est élevée, plus la réaction se fera rapidement. À l’inverse, plus elle est basse, moins la vitesse sera grande. Néanmoins, la température, haute ou basse, influence aussi la conformation de l’enzyme. À une faible température, le site catalytique est trop rigide pour accueillir une molécule et à haute température, il y a dénaturation (irréversible) de l’enzyme. La température qui optimise la vitesse de réaction chez l’humain est d’environ 37°C.

Un deuxième facteur d’influence est le pH. D’abord, l’enzyme peut être dénaturée dans des pH trop extrêmes. Ensuite, comme le pH influence l’ionisation des molécules (protéine enzymatique, substrats, cofacteurs, etc.), celles-ci peuvent perdre leur efficacité à bien réagir. Finalement, un changement de pH entraîne une nouvelle conformation de l’enzyme, notamment en raison des changements de charges. Bref, le pH doit se situer dans des limites bien précises pour que les réactions enzymatiques du corps soient optimales.

Un troisième facteur est la concentration du substrat. Plus le substrat est concentré, plus la vitesse de la réaction sera grande, jusqu’à ce que l’on atteigne un plateau. Ce plateau de vitesse est la vitesse maximale (Vmax) et correspond à l’enzyme saturée de substrat. La valeur de concentration de substrat à laquelle on obtient la moitié de Vmax (Vmax/2) correspond à la constante de Michaelis (Km). Plus le Km est faible, plus l’affinité de l’enzyme pour le substrat est grande (et vice-versa). En d’autres mots, plus l’enzyme et le substrat forment un complexe facilement, moins on a besoin de substrat concentré pour avoir une vitesse de réaction élevée.

Un quatrième et dernier facteur d’influence de la vitesse d’une réaction enzymatique est la concentration en enzyme. Comme on peut s’y attendre, plus il y a d’enzyme en réaction (pour une quantité de substrat fixe), plus la vitesse de réaction sera grande. Or, cette relation directement proportionnelle n’est présente qu’au début de la réaction puisque rapidement, si la quantité d’enzyme est trop grande, elle utilisera trop rapidement le substrat. L’enzyme ne sera plus saturée, ce qui fera diminuer sa vitesse de réaction et la différence de vitesse entre l’enzyme très concentrée et celle moins concentrée sera moins évidente.

Principe de saturation

Saturation des sites actifs d'enzymes

Pour mieux comprendre l’effet d’une enzyme sur une réaction et l’influence de la concentration des substrats sur son effet, il faut s’attarder au concept de saturation enzymatique.

Une enzyme agit, en somme, comme un travailleur dans une usine. Plus il y a de travailleur, plus on peut fabriquer d’objet. Il faut voir le principe simple que si ont fourni aux travailleurs une immense quantité de matériaux, la vitesse de production sera uniquement influencée par le nombre de travailleur à la tâche, ou la quantité d’enzyme. À l’inverse, si on a très peu de matériau à fournir aux travailleurs, il y en a qui ne vont rien avoir à faire, et dans ce cas, la vitesse de production est dépendante uniquement de la quantité de matériaux fournies, ou la quantité de substrat. Si on sature les enzymes, on ne peut pas augmenter la vitesse de réaction en ajoutant du substrat.

Évidemment, dans le cas d’une réaction, il faut considérer que le nombre d’enzyme reste stable tout au long de la réaction mais la quantité de substrat varie. On doit donc comprendre que la vitesse de la réaction varie tout au long de la réaction.

Constante de Michaelis et vitesse initiale

La constante de Michaelis

Le Vmax correspond à la vitesse initiale maximale quand toutes les enzymes sont saturées par le substrat. Elle ne varie pas si on augmente la quantité de substrat.

Le Km est une constante qui correspond à la concentration de substrat libre nécessaire pour atteindre la valeur de la moitié du Vmax. Elle est inversement proportionnelle à l’affinité du complexe enzyme/substrat.

Le Km est une propriété de l’enzyme, donc elle ne change pas, peu importe la concentration de l’enzyme.

Types d'inhibition

Il est possible de moduler à la baisse l’activité d’une enzyme, c’est-à-dire de diminuer la vitesse d’une réaction enzymatique. C’est ce que l’on appelle l’inhibition. Nous allons ici nous concentrer sur deux types d’inhibition, soit l’inhibition compétitive et l’inhibition non compétitive. Pour les distinguer, on doit regarder si, en présence d’inhibiteur, une augmentation de la concentration de substrat provoque une augmentation de la vitesse de réaction (et donc vient contre-balancer, « compétitionner », l’inhibiteur) ou n’a aucun effet.

Inhibition compétitive

Inhibition compétitive d'une enzyme. En 1, il n'y a pas d'inhibiteurs. En 2, il y a ajout d'un inhibiteur.

Une inhibition compétitive se reconnaît selon le fait qu’en augmentant la concentration de substrat, on est capable de réaugmenter la vitesse de la réaction. En effet, le substrat et l’inhibiteur peuvent tous deux se lier au site catalytique de l’enzyme. Lorsque l’inhibiteur occupe cet emplacement, le substrat ne peut s’y lier, ce qui empêche la transformation et ralentit la réaction. Toutefois, avec une plus grande concentration de substrat, celui-ci est capable de mieux compétitionner contre l’inhibiteur et de se lier à l’enzyme avant que l’inhibiteur ne le fasse. L’inverse est aussi vrai avec une plus grande quantité d’inhibiteur. Il est à noter que dans ce type d’inhibition, la liaison entre l’enzyme et l’inhibiteur est réversible, ce qui permet la compétition. La vitesse maximale (Vmax) de réaction en présence d’un inhibiteur compétitif reste inchangée, mais la Km apparente sera plus élevée puisqu’il faudra une plus grande quantité de substrat pour atteindre la Vmax/2 et la Vmax. Plusieurs médicaments ont ce type d’inhibition comme mécanisme d’action.

Inhibition non-compétitve

Inhibition non-compétitive d'une enzyme. En 1, il n'y a pas d'inhibiteurs. En 2, il y a présence d'un inhibiteur.

Lors d’une inhibition non compétitive, une augmentation de la concentration de substrat n’augmentera pas la vitesse de la réaction. De plus, la liaison de l’inhibiteur avec l’enzyme est irréversible et peut ne pas se faire au niveau du site catalytique. Les inhibiteurs modifient la structure de l'enzyme, ce qui l'empêche de se lier au subtrat; il y a donc diminution du nombre d'enzymes actives. La liaison est enzyme-inhibiteur est covalente, ce qui entraîne un changement de conformation de l’enzyme et ainsi, une inactivation. Ce mécanisme explique la toxicité de nombreux poisons (exemples : mercure, plomb, cyanure, agents oxydants, etc.). Aussi, certains de ces inhibiteurs sont spécifiques à certaines enzymes et peuvent faire une liaison covalente avec le site catalytique. Leur structure est semblable à celle du substrat. Contrairement à l’inhibition compétitive, dans l’inhibition non compétitive, la Km reste la même, mais c’est la Vmax qui diminue. Donc, la Vmax d’une réaction inhibée de manière non compétitive est inférieure au Vmax de la réaction non inhibée. Lorsqu’une de ses réactions survient dans le corps, le seul moyen de revenir à la vitesse initiale est de synthétiser de nouvelles molécules d’enzyme.

Mécanismes de contrôle des réactions enzymatiques

Pour maintenir l’homéostasie dans le corps, il doit y avoir une régulation de la quantité, de l’efficacité et de la nature des enzymes dans chaque tissu.

La synthèse et la dégradation protéiques sont les deux grands déterminants de la concentration enzymatique dans une cellule. La synthèse dépend de la transcription d’un gène et la dégradation, de la destruction ou du vieillissement de l’enzyme. Les enzymes constitutives, soit les enzymes régissant des réactions cellulaires de base telle la respiration cellulaire, sont synthétisées de manière relativement constante. Par contre, les enzymes dites «inductibles» sont synthétisées en plus grandes quantités à la suite d’un stimulus ; leur synthèse redescend à un niveau faible lorsque le stimulus disparait. Il existe aussi la répression qui est le mécanisme inverse. L’induction ou la répression n’est généralement pas immédiate et peut prendre jusqu’à plusieurs semaines avant d’être apparente.

La modulation de l’efficacité des enzymes est possible grâce aux enzymes allostériques et aux enzymes à régulation par modification covalente. Ce contrôle peut être très rapide et permet une réponse à court terme. Notons que ce sont des mécanismes différents de l’inhibition compétitive et non compétitive et donc, les enzymes décrites ici-bas peuvent aussi être affectées par ces deux derniers phénomènes. Aussi, une même enzyme peut être sujette à l’allostérie et à la modification covalente.

La majorité des enzymes ne sont pas contrôlées, et celles qui le sont se retrouvent dans des réactions métaboliques clés de l'organisme.

Tableau résumé des mécanismes de contrôle
Mécanisme Explication
Induction L’induction est un mécanisme par lequel l’organisme induit la fabrication d’enzyme. On augmente ainsi la concentration d’enzyme, et ainsi la vitesse de réaction.
Répression La répression constitue l’inverse de l’induction. On réduit la synthèse des enzymes, et ainsi diminue la vitesse de réaction.
Allostérie Une enzyme dites allostérique est une enzyme régulée par ce que l’on appelle des molécules modulatrices effectrices. Elles agissent de manière non covalente avec l’enzyme en se liant à un site allostérique positif ou négatif pour activer ou inactiver le site catalytique. Elles changent donc la structure même de l’enzyme.

Le substrat peut parfois agir aussi comme modulateurs en se liant une enzyme

Modification covalente La modification covalente agit sur la structure secondaire ou tertiaire des enzymes. En changeant cette structure, on peut modifier l’activité de l’enzyme et réguler les réactions chimiques. Il y a ainsi des enzymes qui vont ajouter des groupements phosphates, par exemple, sur une chaîne d’acides aminés et ainsi modifier la structure de l’enzyme ce qui joue sur son activité. D’autres enzymes ont comme fonction d’enlever ces groupements pour modifier encore une fois l’activité enzymatique. On parle ici de modification covalente. Il est à noter que cette modification peut activer ou inactiver l’enzyme.

***Beaucoup d’exemple de modifications covalente seront vues plus loin dans le cours

Enzymes allostériques

Régulation allostérique d'une enzyme. En 1, l'enzyme fonctionne normalement. En 2, la présence d'un inhibiteur change la conformation de l'enzyme, la rendant inefficace.

Ce type d’enzyme a généralement une structure assez grosse et complexe et la liaison réversible de son effecteur vient subtilement modifier sa conformation, ce qui rend augmente ou diminue l’efficacité de l’enzyme. De manière générale, l’enzyme est naturellement inactive. D’ailleurs, le substrat peut être l’activateur de l’enzyme, ce qui fait qu’avec une augmentation de la concentration de l’enzyme, on a une augmentation de la vitesse initiale de la réaction puisque plus d’enzymes sont alors activées. Si on ajoute un effecteur allostérique positif, un plus grand nombre d’enzymes sont actives et la réaction sera plus efficace, même avec une plus faible concentration de substrat. À l’inverse, avec un effecteur allostérique négatif, il faudra considérablement augmenter la concentration de substrat pour conserver une grande proportion des enzymes actives. Un exemple intéressant d’enzyme allostérique est la phosphofructokinase (PFK). Un de ses substrats (et de ses effecteurs négatifs) est l’ATP. La PFK est active lorsqu’il y a une faible concentration d’ATP et devient inactive à de fortes concentrations d’ATP. Cela s’explique par le fait que le site catalytique de la PFK a une excellente affinité pour l’ATP, alors que l’affinité du site allostérique négatif pour cette molécule est moins bonne. Donc, plus il y a d’ATP, plus l’ATP a le potentiel de se fixer aux sites de faible affinité.

Rétro-inhibition

Enzymes à modification covalente

Phosphorylation d'une enzyme

Les enzymes à modification covalente se font ajouter une molécule par un lien covalent. Cette modification peut aussi être l’enlèvement d’un groupement de l’enzyme. Cela change donc la conformation de l’enzyme et son activité. Le groupement souvent rencontré est le phosphate. Ainsi, les « kinases » peuvent ajouter un groupement phosphate sur l’enzyme, alors que les « phosphatases » enlèvent ce groupement de l’enzyme. Grâce aux kinases et aux phosphatases, l’ajout (ou retrait) du groupement phosphate est réversible. De plus, si un facteur vient influencer l’activité de la phosphatase ou de la kinase, il y aura des répercussions sur l’enzyme à modification covalente. La modification covalente permet une réponse à rapide face à un stimulus, mais légèrement plus lente que l’allostérie.

Proenzymes

Les proenzymes sont un autre moyen de contrôle des réactions enzymatiques. Les proenzymes n’ont pas d’activité enzymatique lorsqu’elles sont synthétisées. Ce n’est que lorsqu’elles seront « coupées » qu’elles acquerront un pouvoir catalytique. En effet, il y a protéolyse (bris d’un lien peptidique) à un endroit précis dans la chaîne d’acides aminés. Ce raccourcissement spécifique de la chaîne d’acides aminés entraînera un changement de conformation de l’enzyme et lui donnera alors sa forme active. Cette protéolyse est irréversible. Il n’y a donc pas de retour à la proenzyme. Ce mécanisme permet donc une certaine réserve de proenzymes dans les cellules en cas de nécessité immédiate et évite la toxicité de certaines enzymes face aux cellules qui la produisent.

Exemples de proenzymes
Proenzyme Description
Pepsinogène Fabriqué par les cellules pariétales gastriques, c’est le précurseur de la pepsine. Cette dernière permet une digestion des protéines du bol alimentaire, sans qu’il y ait digestion des cellules gastriques lorsque le pepsinogène est en intracellulaire. La transformation du pepsinogène est médiée par le pH acide et par la pepsine qui active elle-même le pepsinogène. L’inactivation de la pepsine se fait dans le milieu basique du duodénum.
Trypsinogène Fabriqué par le pancréas et sécrété dans le duodénum, c’est le précurseur de la trypsine qui sert aussi à la suite de la digestion protéique. La transformation en trypsine se fait grâce à l’entéropeptidase, une enzyme provenant du duodénum. La trypsine alors produite permet elle-même l’activation du trypsinogène. 
Fibrinogène et plasminogène Lors de l’activation de la cascade de coagulation, certaines proenzymes du sang sont activées. Ainsi, le fibrinogène permettra la formation d’un caillot de fibrine. Conséquemment, la fibrine activera le plasminogène qui se transformera en plasmine et entraînera la destruction du caillot.
Complément Le mécanisme des proenzymes est aussi utilisé dans la défense immunitaire face à une bactérie ou à un antigène. L’activation des proenzymes entraîne la cascade du complément.

Utilisation clinique

Quantification des enzymes

Pour quantifier une enzyme, c’est généralement l’activité catalytique qui sera mesurée. Ainsi, en laboratoire, on mélange l’échantillon du patient contenant l’enzyme aux substrats de cette enzyme et on mesure la vitesse d’apparition des produits ou de disparition des substrats. Cela nous donne l’activité spécifique de l’enzyme, soit le nombre d’unités d’enzyme par milligramme de protéine. Cette activité enzymatique donnera au clinicien le profil de l’enzyme chez le patient, ce qui lui permettra ensuite de juger si elle est adéquate ou non et de savoir quels organes sont atteints.

Le dosage enzymatique peut servir à diagnostiquer des maladies génétiques où certaines enzymes sont déficientes. Par contre, la principale utilisation du dosage enzymatique est pour déterminer l’état de certains organes. Ainsi, lorsque l’on a une destruction cellulaire dans un organe, les enzymes spécifiques à cet organe se retrouvent dans le sang, ce qui permet le dosage de l’enzyme et du degré d’atteinte de l’organe. Le clinicien peut alors poser un diagnostic basé sur les résultats de laboratoire. Il peut aussi faire un suivi de la maladie du patient.

Lorsque le clinicien obtient une valeur d’activité enzymatique, il doit pouvoir la comparer aux valeurs dites « normales » pour déterminer s’il y a présence d’un état pathologique. Ainsi, un seuil décisionnel (SD) est déterminé selon la nature de l’enzyme et l’état pathologique recherché. Si l’on dépasse ce seuil décisionnel, alors la probabilité d’un état pathologique est grandement augmentée, alors que si l’on est sous le SD, la probabilité que le patient soit malade est plus faible. Les distributions de l’activité enzymatique pour une population en santé et pour une population malade suivent des courbes normales qui se croisent dans leurs valeurs extrêmes. Donc, les individus dans les valeurs extrêmes peuvent venir fausser les résultats des tests, que ce soit en nous donnant un faux positif (individu réellement sain, mais malade selon le test) ou un faux négatif (individu réellement malade, mais sain selon le test). La pertinence du jugement clinique du médecin est alors primordiale et c’est ce qui peut expliquer la nécessité de tests complémentaires. De plus, il arrive que l’enzyme soit à un niveau anormalement élevé, mais qu’elle n’atteigne pas le SD pour une pathologie donnée. Le médecin doit alors prescrire des investigations supplémentaires pour découvrir ce qui cause cette augmentation anormale.

Certains facteurs viennent influencer la détermination du SD :

  • Précision du test : est-ce que le test donne toujours les mêmes résultats en fonction d’un même échantillon ou il y a une variation entre les différentes mesures ?
  • Collecte et préservation des échantillons : est-ce que l’échantillon a été bien conservé et dosé dans un court laps de temps pour ne pas modifier l’activité enzymatique ?
  • Réactifs utilisés : est-ce que les réactifs utilisés pour le groupe contrôle et le patient sont les mêmes ?
  • Technique : est-ce que la technique est standardisée ou diffère entre les manipulateurs ?

De plus, pour choisir la population de référence (non-malade), on se fie à l’âge, le sexe, le groupe ethnique (génétique), l’état physiologique, les facteurs socio-économiques et les facteurs environnementaux. De cette manière, on peut obtenir des valeurs qui concordent mieux avec le profil du patient.

Enzymes propres à certains tissus

Pour déterminer quel tissu est lésé, il faut doser des enzymes qui ne se retrouvent que dans le tissu lésé ou qui y sont en quantité très importante. Ainsi, une enzyme commune à plusieurs tissus a peu de signification clinique puisqu’on ne pourrait déterminer quel organe est atteint. Aussi, il faut que l’enzyme reste intacte assez longtemps (depuis son déversement dans le sang jusqu’à son dosage). De plus, il peut s’écouler un certain temps entre l’insulte au tissu et l’atteinte d’un niveau d’enzyme sanguine permettant sa détection. Le tableau qui suit présente différentes enzymes d’une grande utilité en clinique que l’on peut doser à partir d’une prise de sang.

Enzyme Lieu Utilité
Lipase Pancréas Pour le diagnostic de la pancréatite aiguë
Amylase Pancréas (et glandes salivaires) Pour le diagnostic de la pancréatite aiguë si elle est en association avec une lipase élevée. L’hyperamylasémie seule peut être présente en insuffisance rénale, néoplasie des bronches, oreillons ou obstruction intestinale.    
Créatine kinase (CK) Surtout dans les muscles, dont le cœur (sous-unité CK-MB) Pour aider au diagnostic d’infarctus du myocarde (rare de nos jours)    
Troponines     Muscles, dont le cœur (sous-unités T et I)     Pour aider au diagnostic de l’infarctus du myocarde
Transaminases (ALT – alanine transaminase, AST – aspartate transaminase)     Plusieurs tissus, dont le foie et les muscles     Détection des situations de cytolyse hépatique (ex. hépatite virale ; peuvent un peu augmenter dans les situations d’atteintes cholestatiques)

AST peut augmenter en infarctus du myocarde ou lors d’atteinte musculaire

Phosphatase alcaline (ALP) Plusieurs tissus, dont le foie et les os     Signifie une atteinte osseuse (augmentation de la formation osseuse – ostéoblastique)[note 1]

ou une atteinte hépatique (de type cholestatique surtout – obstruction des voies biliaires ; elle peut un peu augmenter dans les cas de cytolyse)    

GGT (gamma-glutamyl transferase)     Foie surtout     Signifie une atteinte du foie, surtout de type cholestatique (peut un peu augmenter dans les cas de cytolyse). Contrairement à l’ALP, elle n’est pas touchée lors des troubles osseux, ce qui permet de distinguer les deux types d’augmentation de l’ALP.

Peut être augmentée lors de la consommation chronique d’alcool à cause d’un mécanisme d’induction de l’enzyme

Créatine kinase

Réaction catalysée par la créatine kinase

Cette enzyme permet de mettre en réserve de l’énergie sous forme de groupement phosphate à haut potentiel énergétique. Elle phosphoryle la créatine à partir de l’ATP pour produire de la créatine phosphate et de l’ADP. Au repos, la réaction directe est favorisée, alors qu’à l’exercice ou en hypoxie, c’est la reformation d’ATP à partir d’ADP et de créatine phosphate. La CK possède deux sous-unités protéiques qui se déclinent en deux types : la B (brain) et la M (muscle). La combinaison de ces sous-unités permet trois types de CK : la CK-BB, la CK-MB et la CK-MM. Ce sont trois isoenzymes, ce qui signifie que leur structure contient quelques différences et que les sous-unités sont séparables. La proportion de chaque type de CK diffère selon le tissu. Ainsi, dans le cerveau, 90% sont de type CK-BB et 10%, CK-MM. Dans les muscles squelettiques, 3-5% sont de type CK-MB et 95-97%, CK-MM. Finalement, dans le cœur, 60-75% sont de forme CK-MM et 25-40%, CK-MB. Donc, lors d’une atteinte cardiaque, il y aura une augmentation de la CK-MB par rapport à la CK totale. Lors d’une atteinte musculaire, il y aura une augmentation de la CK-MM par rapport à la CK totale. Il est à noter que la CK-MB n’est pas spécifique au cœur et qu’il peut prendre 2-3 jours avant d’avoir une augmentation des taux enzymatiques. C’est pourquoi cette enzyme est beaucoup moins utilisée pour le diagnostic d’infarctus du myocarde de nos jours.

Troponines

Changements dans la concentration de troponines et de CK-MB après un infarctus cardiaque

Ce sont des protéines participant à la contraction musculaire. Elles sont formées des sous-unités C, I et T. Dans le cœur, les sous-unités T et I ont une forme qui est propre au myocarde. Il est à noter que ces sous-unités ne sont pas des enzymes, mais qu’elles peuvent être mesurées en laboratoire pour aider au diagnostic d’infarctus du myocarde. Encore une fois, il peut prendre 2-3 jours après l’incident cardiaque avant d’avoir une augmentation des taux de troponines, mais cette augmentation durera plus longtemps qu’avec la CK-MB (7-10 jours) et elle est plus spécifique au cœur. La mesure des troponines et l’électrocardiogramme permettront dans bien des cas de conclure à l’infarctus du myocarde.

Pour terminer, les enzymes peuvent aussi être utilisées en laboratoire de biochimie pour doser certaines substances de manière indirecte. Par exemple, on peut mesurer la glycémie en faisant réagir un échantillon de sérum (contenant du glucose) avec différentes enzymes qui donneront un produit final coloré qui pourra être mesuré. Ce produit final, étant proportionnel à la quantité de glucose dans l’échantillon après réaction complète, permet donc de calculer la glycémie de l’échantillon.

Rôles enzymatiques dans la digestion

Enzymes pancréatiques

Cascade d'activation des proenzymes pancréatiques

Le suc pancréatique, déversé dans le duodénum, contient les enzymes digestives du pancréas exocrine ainsi que du bicarbonate de soude et du potassium pour neutraliser l’acidité de l’estomac. Il existe de nombreuses enzymes pancréatiques :

  • Pour hydrolyser les liaisons peptidiques : Trypsine, Chymotrypsine, Élastase, Carboxypeptidase A et B
  • Pour hydrolyser les triacylglycérols : Lipase
  • Pour hydrolyser les liaisons alpha de l’amidon : Amylase

Les enzymes du pancréas sont sécrétés sous forme inactive (proenzyme), pour empêcher une digestion à l’intérieur du pancréas. Elles sont ensuite activées dans l’intestin :

  • Trypsinogène en Trypsine
  • Chymotrypsinogène en Chymotrypsine
  • Proélastase en Élastase
  • Procarboxypeptidase en carboxypeptidase

Enzymes de l’intestin

Activité de la saccharase

Il existe 2 enzymes sécrétés par l’intestin qui agissent pour la digestion des glucides. Il s’agit de la saccharase et de la lactase. La saccharase se compose de 3 sous-unités qui ont chacune une activité enzymatique bien précise sur la digestion des glucides

  • Activité saccharasique : saccharose+eau→glucose + fructose + eau
  • Activité isomaltasique : eau+dextrines→maltose+maltriose
  • Activité maltasique : eau+maltose+maltriose→glucose
Activité de la lactase

La lactase agit quant à elle d’une seule manière pour la digestion des sucres:

  • Activité de la lactase : lactose+eau→galcatose+glucose

Notes

  1. Il peut y avoir une augmentation physiologique à l’adolescence lors de la poussée de croissance.