Maladie de Crohn périanale
Maladie | |||
![]() Classification des fistules périanales | |||
Caractéristiques | |||
---|---|---|---|
Signes | Macération, Fistule anale, Abcès périanal, Fissure anale, Sténose anale, Ulcères de Crohn, Hémorrhoïdes, Sténose rectale, Pus, Déformation sphinctérienne, Marisques polypoïdes | ||
Symptômes |
Fièvre , Ténesme, Incontinence fécale, Lésion cutanée, Prurit anal , Rectorragies , Douleur périanale, Pertuis à la peau, Douleur à la défécation, Obstruction à la défécation, Calibre des selles, Voussure, Pertes anales | ||
Diagnostic différentiel |
VIH, Tuberculose, Actinomycose, Proctite ulcéreuse, Hydradénite suppurée, Sinus pilonidal, Maladie fistulisante complexe non Crohn, Proctite bactérienne, ITSS, Carcinome anal, Infection suprasphinctérienne, Pathologie du sang | ||
Informations | |||
Terme anglais | Crohn's disease | ||
Wikidata ID | Q1472 | ||
Spécialités | Chirurgie générale, Gastro-entérologie | ||
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La maladie de Crohn (MC) périanale est l'ensemble des affectations qui peuvent toucher la région périanale dans la maladie de Crohn. L'inflammation peut affecter la régon périanale ou du canal anal.[1] La maladie peut s'étendre au niveau cutané à proximité selon l'étendue de la maladie fistulisante sous-jacente.
1 Épidémiologie[modifier | w]
La maladie de Crohn périanale est plus fréquente en Occident, particulièrement en Amérique du Nord, en Europe du Nord, et en Nouvelle-Zélande. Elle survient le plus souvent entre 15 et 30 ans et entre 40 et 60 ans. L'incidence de la MC périanale se situe entre 18 et 43% des patients atteints de la MC. Elle est plus importante en milieu urbain qu'en milieu rural. Cette maladie est présente chez 92% des patients dont la MC affecte le rectum, 12% pour ceux avec une atteinte iléale isolée et 5% pour ceux sans atteinte luminale. [2][3][4]
2 Étiologies[modifier | w]
L'étiologie de la MC périanale est la maladie de Crohn sous-jacente.
Bien que l'étiologie exacte des maladies inflammatoires de l'intestin (MII) ne soit pas connue, il existe des preuves substantielles pour suggérer que la maladie résulte d'une réponse immunitaire inappropriée dans l'intestin à des situations provenant de facteurs environnementaux, tels que des médicaments, des toxines, des infections ou des microbes intestinaux chez un hôte génétiquement sensible. L'inflammation transmurale caractéristique peut inclure l'ensemble du tractus gastro-intestinal, de la bouche à la région périanale ; bien qu'impliquant le plus souvent l'iléon terminal et le côlon droit.[3]
Plus d'une centaine de gènes associés aux MII ont été identifiés. Dans la MC périanale en particulier, il semble y avoir une association avec plusieurs variantes du gène IBD5, dont OCTN et IRGM. Toutefois, leur implication spécifique dans la physiopathologie est inconnue.[1]
3 Physiopathologie[modifier | w]
La réponse à médiation immunitaire dans la maladie de Crohn implique à la fois des mécanismes innés et acquis par les macrophages, les neutrophiles et les lymphocytes T dans l'intestin qui favorisent les médiateurs pro-inflammatoires comme le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-ɑ). Les lésions coliques de Crohn se sont avérées avoir des niveaux élevés de cytokines comme l'interféron-gamma, l'IL-2, l'IL-12 et l'IL-18. La maladie de Crohn est principalement régulée par les processus médiés par les T 1 et 17 auxiliaires.[5][3]
Pour ce qui a trait aux fistules et abcès dans la maladie de Crohn périanale, deux mécanismes ont été identifiés pour expliquer leur origine. En premier lieu, des ulcères ou des fistules superficielles rectales sont causés par l'inflammation. Puis, ils sont modifiés par les selles et/ou la pression défécatoire engendrant ainsi des fistules profondes ou pénétrantes. En second lieu, les fistules et abcès peuvent être le résultat de la pénétration dans l'espace intrasphinctérien de glandes anales infectées par les bactéries de la flore intestinale normale. L'implication seule des bactéries n'est pas suffisante pour expliquer l'atteinte.[1]
4 Présentation clinique[modifier | w]
4.1 Facteurs de risque[modifier | w]
Les facteurs de risque de la MC périanale sont [3] :
- la MC colorectale
- être d'origine africaine ou hispanique
- un début en jeune âge de la MC
- le tabagisme actif.
4.2 Questionnaire[modifier | w]
Les symptômes de cette maladie isolée sont [3] :
- une douleur périanale, une douleur à la défécation et du ténesme
- des pertes anales mucoïdes et de l'incontinence fécale
- des rectorragies
- des lésions cutanées périanales, des pertuis à la peau et des voussures périanales
- une sensation d'obstruction à la défécation et une diminution du calibre des selles
- de la fièvre
- du prurit anal.
5 Examen clinique[modifier | w]
À l'examen de la région anale, il sera possible d'objectiver les signes suivants :[3]
- des marisques polypoïdes (skin tags)
- des fissures anales
- des ulcères de Crohn
- des abcès périanaux
- des fistules anales (des pertuis à la peau visibles)
- des hémorrhoïdes
- une sténose rectale ou anale
- une macération
- du pus
- une déformation sphinctérienne.
Les signes généraux de la maladie de Crohn sont également à rechercher.
6 Examens paracliniques[modifier | w]
6.1 Imagerie[modifier | w]
Les imageries suivantes peuvent être demandées en cas de suspicion de MC périanale [4][6] :
- une rectoscopie et un examen anal sous anesthésie générale (étalon d'or)
- une imagerie par résonance magnétique du bassin (examen d'imagerie de choix) dans l'optique de :
- définir les caractéristiques anatomiques des abcès et des fistules
- déterminer le plan de traitement et surveiller la réponse aux traitements
- une échographie endorectale (cette technique implique d'évaluer le trajet de la maladie fistulisante en lien avec l'appareil sphinctérien et permet certaines interventions chirurgicales durant la procédure[note 1])
- un bilan d'extension de Crohn :
- une coloscopie longue (évaluation multiétagée du cadre colique, de la valvule et de l'iléon terminal)
- un transit du grêle (avec agent de contraste PO) ou l'entérotomodensitométrie.
6.1.1 Biopsie[modifier | w]
Une biopsie du tissu périanal possède une faible sensibilité et spécificité pour le diagnostic de MC périanale. Une biopsie ou un curettage sont toutefois importants pour exclure une origine néoplasique lorsque le processus de fistulisation est chronique. [4] La biopsie permet aussi de déterminer dans un cas d'hidradénite suppurée s'il s'agit d'un Crohn cutané.
7 Description de l'atteinte[modifier | w]
La description de la maladie de Crohn périanale permet une meilleure prise en charge médico-chirurgicale[1]. Lorsque l'équipe traitante prend en charge cette maladie, elle classifie la maladie de la manière suivante.
- Les fistules sont-elles simples ou complexes ?
- Les fistules sont simples si :
- elle sont transphinctériennes ou intersphinctériennes
- l'ouvertures interne et externe sont proches de la marge anale
- il n'y a pas d'abcès.
- Les fistules sont complexes si :
- elles sont suprasphinctériennes
- il y a de multiples fistules
- il y a une présence d'embranchement avec ou sans abcès
- les fistules impliquent le muscle sphinctérien ou des releveurs.
- Les fistules sont simples si :
- Les fistules sont-elles borgnes ?
- Les ulcères présentent-elles des fissures superficielles ou des cavitations d'ulcère profond ?
- Les sténoses sont-elles réversibles ou irréversibles ?
- Y a-t-il une atteinte d'autres organes pelviens (ex. vagin, urètre, vésicule séminale, etc.) ?
8 Diagnostic différentiel[modifier | w]
Le diagnostic différentiel de la maladie est [3][4] :
- la maladie fistulisante complexe non Crohn
- une proctite ulcéreuse
- une proctite bactérienne par des infections transmises sexuellement et par le sang
- le virus de l'immunodéficience humaine
- l'hydradénite suppurée
- un carcinome anal
- la tuberculose intestinale
- l'actinomycose
- une pathologie du sang (leucémie, myélome multiple, lymphome)
- un sinus pilonidal
- le drainage externe d'une infection suprasphinctérienne (ex. diverticulite compliquée).
9 Traitement[modifier | w]
Les traitements pour la maladie de Crohn périanale dépendent généralement du type de manifestations retrouvées lors des examens.[4]
9.1 Traitements généraux[modifier | w]
Certains conseils généraux s'adressent à tous les patients.
- Éviter les AINS.
- Cesser de fumer.
- Faire des changements dans l'alimentation pour diminuer la diarrhée.
- Avoir une bonne hygiène de la région périanale.
- Appliquer des crèmes barrières pour préserver l'intégrité de la peau proche de l'anus.
9.2 Traitements spécifiques[modifier | w]
Manifestations | Types | Indications |
---|---|---|
Fissures anales | Médical | Le traitement médical est le traitement en première ligne (succès de 80% ) :
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Chirugical |
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Marisques | Chirurgical |
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Sténose | Chirurgical |
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Ulcères de Crohn | Médical | Les traitements médicaux suggérés sont :
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Chirurgical |
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Hémorroïdes | Chirurgical |
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Abcès | Médical |
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Chirurgical |
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Fistules Périanales | Médical |
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Chirurgical | Une rémission endoscopique mandatoire de la rectite est essentielle pour le succès et la diminution de la morbidité du traitement chirurgical. Plusieurs procédures chirurgicales sont possibles :
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Fistules recto-vaginales | Médical |
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Chirurgical |
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10 Suivi[modifier | w]
Une fois qu'un patient a subi une intervention chirurgicale, une endoscopie de surveillance est recommandée dans les 6 à 12 mois. Idéalement, on veut atteindre des résolutions macroscopique et microscopique (biopsie) de la maladie pour diminuer les complications à long terme. À partir de 8 ans suivants le diagnostic, on doit procéder à une coloscopie longue avec biopsies multiétagées ou chromoendoscopie pour éliminer la présence de dysplasie.[3] Le toucher rectal avec un chirurgien ou gastro-entérologue est recommandé pour évaluer les stigmates de Crohn périanal tel que les sténoses qui peuvent s'installer au long cours.
11 Complications[modifier | w]
Les complications de cette maladie sont reliées à l'exacerbation des atteintes systémiques engendrée par la maladie de Crohn. Une fois celle-ci contrôlée, les manifestations systémiques tendent à s'estomper.[note 5] [3][4] Il peut également y avoir des complications locorégionales lors d'un sepsis important, tel qu'une gangrène de Fournier. Finalement, il peut avoir perte de l'appareil sphinctérien avec incontinence si plusieurs fistules sont non traitées ou contrôlées. Finalement, une cancer de l'anus ou un cancer du rectum peut se développer dans ce tissu inflammatoire chronique.
12 Évolution[modifier | w]
La MC périanale est une maladie inflammatoire chronique incurable. Malgré une thérapie optimale, la plupart des patients ont une mauvaise qualité de vie. Dans l'ensemble, les patients atteints de la maladie proximale ont une mortalité plus élevée que ceux atteints de la maladie distale.[3]
Les facteurs de mauvais pronostic pour cette maladie sont [3][4] :
- plus de manifestations extra-intestinales
- la cortico-dépendance
- une atteinte rectale
- des fistules compliquées
- des fistules rectovaginales
- des uclères profonds (cavitation)
- des sténoses
- une incontinence grave
- la progression de la maladie réfractaire aux traitements médicaux et chirurgicaux
- le tabagisme actif.
13 Prévention[modifier | w]
L'éducation des patients sur la nature de la maladie est très importante. Les patients doivent subir un dépistage des cancers de la peau, indépendamment de la thérapie biologique. Chez les patients traités avec corticothérapie à long terme, la densité osseuse doit être évaluée régulièrement afin que l'ostéoporose, si elle survient, soit diagnostiquée tôt et traitée en temps opportun. La vaccination contre le pneumocoque, Haemophilus influenzae et le vaccin contre la grippe doivent être effectués. Le dépistage par coloscopie aux deux ans à partir de 8 ans suivant le diagnostic doit être conseillé pour détecter précocement la dysplasie et le cancer du côlon.[3]
14 Notes[modifier | w]
- ↑ Des injections de peroxyde d'hydrogène dilué augmente le succès diagnostique et permet de décrire les fistules compliquées.
- ↑ Les ulcères sont rarement isolés, ils sont fréquemment associés avec une maladie fistulisante complexe.
- ↑ Une étude prospective indique 39% de fermeture à 2 ans vs 13% avec un placebo.
- ↑ 44.8% de fermeture de fistules rectovaginales à 14 semaines (dose recus à 0, 2 et 6 semaines).
- ↑ Les complications de cette maladie sont une sténose, des fistules et des abcès, un carcinome colorectal, un sepsis périanal (ex. : gangrène de Fournier) et des plaies chroniques.
15 Références[modifier | w]
- Cette page a été modifiée ou créée le 2023/01/10 à partir de Crohn Disease (StatPearls / Crohn Disease (2022/05/15)), écrite par les contributeurs de StatPearls et partagée sous la licence CC-BY 4.0 international (jusqu'au 2022-12-08). Le contenu original est disponible à https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28613792 (livre).
- Cet article a été créé en partie ou en totalité le 2022-12-30 à partir de Chirurgie (application), créée par Dre. Hélène Milot, Dr. Olivier Mailloux et collaborateurs et partagé sous la licence CC-BY-SA 4.0 international
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