Dysménorrhée (approche clinique)
Approche clinique | |
Caractéristiques | |
---|---|
Examens paracliniques | IRM, TDM, Échographie pelvienne, Test de Papanicolaou, Pap test, Analyse d'urine, Test de grossesse, Échographie transvaginale, Culture vaginale, Culture cervicale, Dépistage gonorrhée, Dépistage chlamydia, Hystérosalpingographie, Hystérosonographie, Laparoscopie, Hystéroscopie |
Drapeaux rouges |
Douleur nouvelle ou soudaine, Douleur sans rémission, Fièvre, Écoulement vaginal, Péritonite |
Informations | |
Autres noms | Douleurs menstruelles |
Spécialité | Gynécologie |
![]() |
Dysménorrhée (56-2)
La dysménorrhée est définie par la présence de menstruations douloureuses. C'est un problème très répandu et cela peut être très invalidant pour la patiente et pouvant altérer la qualité de vie.[1][2][3] Quand sévère, la dysménorrhée peut même entraîner des problèmes dans les activités quotidiennes.[4]
La douleur pelvienne s'agit d'une douleur crampiforme cyclique. Elle peut se manifester 1 à 3 jours avant les menstruations ou survenir en même temps que celles-ci. Son pic est généralement atteint 24h après le début des règles et diminue après le premier ou deuxième jour. Cette dernière peut irradier au niveau du dos et des jambes.[2]
1 Épidémiologie[modifier | w]
La dysménorrhée est une cause importante d'absentéisme au travail ou à l'école[1][3][5].
- Environ 5 à 15% des femmes ayant de la dysménorrhée primaire ont des douleurs assez importantes pour perturber les activités quotidiennes et/ou entraîner de l'absentéisme.[2]
- Entre 50% et 90% des femmes éprouvent des douleurs menstruelles de manière plus ou moins intense.[6]
- La prévalence de dysménorrhée primaire diminue avec l'âge, mais celle-ci est sous-diagnostiquée et sous-traitée.[4]
- La prévalence de dysménorrhée secondaire survient plus tard dans la vie.
2 Étiologies[modifier | w]
La dysménorrhée peut être d'origine primaire ou secondaire.[1][2][4][5][6]
- dysménorrhée primaire / idiopathique (plus fréquente)
- Définie par la présence de douleurs abdominales basses ou pelviennes récurrentes crampiformes qui surviennent pendant les règles en l'absence de pathologie pouvant expliquer ces symptômes. Ce diagnostic est posé plus souvent chez les adolescentes et les jeunes femmes.
- Elle débute souvent dans l'année qui suit les premières règles et survient presque toujours dans les cycles ovulatoires.
- Les symptômes ont tendance à diminuer avec l'âge et après une grossesse.
- Peut être accompagnée des nausées, de diarrhée, de fatigue, de maux de tête et d'un malaise général.
- dysménorrhée secondaire
- La dysménorrhée secondaire présente les mêmes symptômes de douleur, mais survient chez les femmes atteintes d'un trouble qui pourrait expliquer leurs symptômes. Les femmes atteintes de ces maladies présentent souvent d'autres caractéristiques cliniques qui distingue leur pathologie de la dysménorrhée primaire (un gros utérus, de la dyspareunie, une résistance à aux traitements, etc.).
- Elle débute souvent à l'âge adulte, sauf s'il s'agit d'une malformations congénitale.
- endométriose
- adénomyose
- fibrome utérin (léiomyome)
- maladie inflammatoire pelvienne
- anomalie annexielle (tumeur ovarienne, kyste ovarien)
- malformation congénitale (urétus bicorne, utérus cloisoné, cloison vaginale transversale)
- adhérences intra-utérines
- dispositif intra-utérin / stérilet: ceux relâchant du cuivre surtout
- polype endométrial
3 Physiopathologie[modifier | w]
Dysménorrhée primaire:[2][3][4][5][6]
- L'utérus produit des prostaglandines et des médiateurs inflammatoires lors de la desquamation de l'endomètre au début des règles.
- La prostaglandine F2α tout particulièrement, un stimulant du myomètre et un vasoconstricteur puissant.
- Ces prostaglandines et médiateurs inflammatoires peuvent engendrer des contractions utérines prolongées et une diminution de débit sanguin au niveau du myomètre, pouvant ainsi causer une certaine ischémie utérine et l'accumulation de métabolites anaérobiques.
- Ce sont donc les contractions et l'ischémie utérine qui stimulent les neurones douloureux de type C, ce qui engendrent la douleur.
- Certains facteurs sont jugés contributifs: l'élimination de tissu menstruel à travers le col, un orifice cervical étroit, une malposition de l'utérus, le manque d'exercice et le stress.
4 Approche clinique[modifier | w]
4.1 Facteurs de risque[modifier | w]
Dysménorrhée primaire:
- Jeune âge (particulièrement les adolescentes)
- Ménarche précoce (avant 12 ans)
- Menstruations longues ou abondantes
- Tabagisme
- Stress
- Antécédents familiaux de dysménorrhée
- IMC inférieur à 20 ou supérieur à 25
- Nulliparité
4.2 Questionnaire[modifier | w]
Tout d'abord, il faut faire une revue complète des antécédents personnels et familiaux, médications et habitus. Par exemple:[2][3][5][6]
- Médicaments: Contraception ? Stérilet ? Si oui, lequel ?
- Antécédents médicaux: Causes de dysménorrhée secondaires (endométriose, adénomyose, fibromes, etc.)
- Antécédents chirurgicaux: conisation cervicale, ablation de l'endomètre
- Anamnèse sexuelle: antécédents d'abus sexuels, facteurs de risque d'ITSS, comprendre les besoins en matière de contraception, dyspareunie
- Antécédents menstruels:
- Ménarche
- Quantifier le flot menstruel (à quelle fréquence elle change ses serviettes / tampons), nombre de jours de flot abondant
- Durée des menstruations / durée du cycle total, régularité
- Présence de caillots ?
- Saignements utérins anormaux ? (saignement intermenstruel, saignement abondant, irrégulier, etc.)
- Autres antécédents gynécologiques ? infertilité ? (dysménorrhée secondaire)
Histoire de la maladie actuelle[1][2][3]
- Âge de début des symptômes / début des symptômes par rapport à la ménarche
- Dysménorrhée primaire: classiquement après l'établissement des cycles ovulatoires (souvent dans les 5 ans après la ménarche, surtout dans la première année).
- Dysménorrhée secondaire: souvent en corrélation avec la trouvaille d'une autre pathologie (endométriose, adénomyose, or léiomyome...)
- On pense moins à la dysménorrhée primaire si les douleurs se présente dès la ménarche. Dans ce cas, il faut penser davantage à une malformation obstructive.[7]
- Moment de la douleur par rapport aux menstruations
- Surviennent avant, pendant ou après les menstruations?
- Typiquement, début 1 ou 2 jours avant ou en même temps que les menstruations, puis diminuer sur une période de 12 à 72 h.
- Douleur récurrente à presque chaque cycle menstruel
- Y a-t-il de la douleur pelvienne sans lien avec les menstruations ? (oriente moins vers dysménorrhée primaire)
- Surviennent avant, pendant ou après les menstruations?
- Décrire la douleur, son intensité, sa localisation
- Typiquement, la douleur est crampiforme et pulsatile
- Douleur abdominale basse / suspubienne, centrale
- Irradiation aux jambes, au dos
- Ce qui suggère un autre diagnostic:
- Une douleur unilatérale, douleur qui n'est pas centrale
- Douleur constante, qui augmente et diminue tout au long du cycle (la dysménorrhée peut être constante, mais cela est moins caractéristique)
- Douleur en dehors des règles
- Facteurs qui soulagent ou aggravent les symptômes ?
- Traitements antérieurs tentés ?
- Contraceptifs ?
- AINS ?
- Sport ?
- Traitements antérieurs tentés ?
- Degré d'altération du fonctionnement, absentéisme
Revue des systèmes: plusieurs symptômes peuvent être associés à la dysménorrhée primaire[2][3]
- nausées et vomissements (situation clinique)
- ballonnement
- diarrhée
- fatigue
- lombalgie
- céphalée
- pollakiurie
- Dysménorrhée secondaire: dysurie
4.3 Examen clinique[modifier | w]
- Examen qui vise surtout la détection des causes de dysménorrhée secondaire. L'examen ne sera pas fait chez les adolescentes qui ne sont pas actives sexuellement et ayant une anamnèse qui oriente vers la dysménorrhée primaire, n'ayant pas de saignement utérin anormal ni signes d'infection. L'examen sera fait s'il n'y a pas de réponse au traitement.
- Examen vulve / vagin / col
- Lésions et masses faisant saillie au niveau du col
- Écoulement endocervicale purulent (ex: maladie inflammatoire pelvienne)
- Palpation:
- Polype ou de fibrome prolabés
- Masses annexielles
- Épaississement de la paroi rectovaginale
- Induration des cul-de-sacs
- Nodules ou sensibilité localisée au niveau des ligaments utérosacrés, déplacement latéral du col de l'utérus secondaire à l'atteinte asymétrique d'un ligament utérosacré (ex secondaire à l'endométriose)
- Utérus volumineux (ex: adénomyose, fibromes)
- Signes de péritonite
- Utérus palpable
Dysménorrhée primaire | Dysménorrhée secondaire | |
---|---|---|
Âge de survenue | Adolescente, jeune adulte (6 mois à 2 ans après la ménarche) | Plus tard dans la vie, sauf si la cause est congénitale où les symptômes se présentent dès la ménarche |
Évolution | S'améliore avec l'âge
S'améliore après l'accouchement |
Empire avec le temps
S'améliore avec le traitement de la cause sous-jacente |
Étiologie | Idiopathique | Endométriose
Anomalie annexielles Anomalie congénitale Maladie inflammatoire pelvienne dispositif intra-utérin / stérilet: ceux relâchant du cuivre surtout |
Anamnèse | Présence de nausées, vomissements, diarrhée, maux de dos, céphalées...
Douleur abdominale basse ou suspubienne, centrale |
Moins associée aux nausées, vomissements, etc.
Présence de dyspareunie, dysurie, infertilité, saignement utérin anormal possibles Douleur qui peut aussi être unilatérale et ne pas être centrale |
Examen physique | Normal | Normal ou trouvailles selon la pathologie causale (utérus volumineux, masse annexielle, sensibilité à la palpation, etc.) |
5 Drapeaux rouges[modifier | w]
6 Investigation[modifier | w]
Les examens de laboratoire sont recommandés si on suspecte une dysménorrhée secondaire, selon l'étiologie suspectée. En cas de dysménorrhée primaire, les laboratoires sont normaux. [1][2][3][5]
- Test de Papanicolaou (pap test)
- Culture vaginale / Culture cervicale
- Dépistage gonorrhée / Dépistage chlamydia : si suspecte cervicite ou maladie inflammatoire pelvienne
- Analyse d'urine (SMU-DCA) : si suspecte cystite ou pyélonéphrite
- Test de grossesse (B-HCG): éliminer grossesse utérine et ectopique
L'imagerie est normale chez les patientes avec une dysménorrhée primaire.[1][2][3]
- Échographie transvaginale :
- Si suspecte anomalie anatomique sous-jacente par l'histoire ou l'examen physique. Bon pour les masses annexielles (endométriome, kyste ovarien, abcès, néoplasie ovarienne, hydrosalpinges), les fibromes et autres anomalies utérines. Modérément sensible pour l'adénomyose.
- Femmes obèses si l'examen physique est limité
- Si échec au traitement d'AINS ou au traitement hormonal
- Échographie pelvienne :
- Adolescentes plus jeunes chez qui l'échographie transvaginale et/ou l'examen bimanuel semble peu adéquate ou acceptable, si les antécédents orientent vers la dysménorrhée secondaire ou s'il y a échec au traitement.
- Utilité diagnostique moindre que l'échographie transvaginale, mais tout de même bon pour les masses pelviennes ou une anomalie mullérienne.
- Hystérosalpingographie ou Hystérosonographie
- Identifier des polypes endométriaux, des fibromes sous-muqueux ou des anomalies congénitales.
- Autres (rôle limité) :
- La laparoscopie diagnostique est rarement requise, car, le plus souvent, il est possible de déterminer l'étiologie par l'histoire, l'examen physique et l'imagerie.
- Elle a un rôle diagnostique et thérapeutiques lors d'endométriose ou de douleur pelvienne chronique.
Hystéroscopie[2]: Si les autres examens ne sont pas concluants
7 Prise en charge[modifier | w]
Il est suggéré de ne pas attendre le diagnostic final avant d'entamer le traitement, puisque celui-ci peut être efficace qu'il s'agisse de dysménorrhée primaire ou secondaire. Lorsque le diagnostic est connu, le traitement pourra être ajusté en fonction de l'étiologie sous-jacente s'il s'agit de dysménorrhée secondaire. Le traitement sera choisi selon l'intensité des symptômes, le désir ou non de grossesse, les antécédents de la patiente ainsi que les possibles contre-indications aux traitements. [2][5][6][7][8]
L'objectif du traitement est de pouvoir soulager adéquatement la douleur. Au minimum, le soulagement devrait permettre à la femme d'effectuer ses activités de tous les jours. En général, on commence avec les traitements non-pharmacologiques (activité physique, chaleur locale), puis on passe aux médicaments au besoin. Chaque traitement devrait avoir un essai de 2 à 3 mois avant de réévaluer son efficacité.[4]
7.1 Médicaments[modifier | w]
Options de première ligne
- Traitement non hormonal
- AINS:
- Inhibent la production périphérique de prostaglandines.
- Diminuent le flot et la durée des menstruations et soulagent la douleur.
- À débuter un ou deux jours avant le début des menstruations et à poursuivre pendant les premiers 1 ou 2 jours du cycle.
- Acétaminophène: bonne tolérance gastro-intestinale.
- AINS:
- Traitement hormonal
- Contraceptifs oraux combinés:
- Suppriment l'ovulation induisent une atrophie endométriale, diminuant ainsi le flot menstruel et le relâchement de prostaglandines.
- Selon une revue Cochrane, leur utilisation en continu serait plus efficace que l'utilisation cyclique pour le soulagement de la douleur[7]. Les deux méthodes sont tout de même efficaces.
- Voie orale, cutanée (timbre Evra), intravaginale (anneau vaginal Nuvaring)...
- Traitements progestatifs:
- Suppriment l'ovulation et induisent de l'atrophie endométriale.
- Dispositif intra-utérin au Levonorgestrel (Mirena, Jaydess, Kyleena), injection de Medroxy progestérone acétate (Depo-provera).
- Contraceptifs oraux combinés:
Autres traitements médicaux:
- Dienogest (Visanne)
- Agonistes de la GnRH (Depot Lupron)
- Androgènes : Cyclomen (Danazol)
7.2 Traitements ou thérapies complémentaires[modifier | w]
- Sommeil et repos adéquats
- Activité physique
- Chaleur locale
- Régime pauvre en graisses, suppléments nutritionnels d'acides gras ω-3, des graines de lin, du magnésium, de la vitamine E, du zinc et de la vitamine B1
- Acupuncture, acupression
- Chiropratique
- Stimulation nerveuse électrique transcutanée
- Hypnose
8 Complications[modifier | w]
Les complications surviendraient plutôt en cas en dysménorrhée secondaire. Celles-ci seraient les complications de la pathologie sous-jacente.
9 Références[modifier | w]
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 et 1,6 « 56-2 Dysménorrhée | Le Conseil médical du Canada », sur mcc.ca (consulté le 21 avril 2020)
- ↑ 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 2,11 2,12 2,13 2,14 2,15 et 2,16 JoAnn V. Pinkerton, « Dysménorrhée », sur Édition professionnelle du Manuel de Merck, (consulté le 21 avril 2020)
- ↑ 3,00 3,01 3,02 3,03 3,04 3,05 3,06 3,07 3,08 3,09 3,10 et 3,11 (en) « Dysmenorrhea in adult women: Clinical features and diagnosis », sur www.uptodate.com, (consulté le 21 avril 2020)
- ↑ 4,0 4,1 4,2 4,3 et 4,4 (en) « Dysmenorrhea in adult women: Clinical features and diagnosis », sur UpToDate (consulté le 6 mai 2020)
- ↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4 5,5 et 5,6 (en) Sheehan H. Chowdhury, Adrian I. Cozma et Jeeshan H. Chowdhury, Essentials for the Canadian Medical Licensing Exam, Wolters Kluwer, , p. 239-244
- ↑ 6,0 6,1 6,2 6,3 et 6,4 Marleen Daris, Système reproducteur, notes de cours gynécologie, Douleur pelvienne (158-161)
- ↑ 7,0 7,1 et 7,2 (en) Margaret Burnett et Madeleine Lemyre, « No. 345-Primary Dysmenorrhea Consensus Guideline », SOGS clinical practice guideline, (DOI https://doi.org/10.1016/j.jogc.2016.12.023, lire en ligne)
- ↑ (en) « Dysmenorrhea in adult women : Treatment », sur www.uptodate.com, (consulté le 24 avril 2020)