Polyurie, polydipsie (approche clinique)

De Wikimedica

La polyurie est définie comme un débit urinaire quotidien élevé. Elle peut être objectivement mesurée chez l'adulte comme un débit urinaire de plus de 3 à 3,5L par jour. À distinguer de la pollakiurie (plusieurs mictions par jour), de l'urgenturie (envie urgente d'uriner) et de la nycturie (devoir se lever la nuit pour uriner). Chez les enfants, le débit urinaire diagnostic d'une polyurie est de plus de 2L/m^2 par jour.

Polyurie, polydipsie
Approche clinique
Caractéristiques
Examens paracliniques Glucomètre, Osmolalité plasmatique, Osmolalité urinaire, Électrolytes (Na, K, Cl et Ca), Test de restriction hydrique avec ADH
Drapeaux rouges
Symptômes B, Altération de l'état de conscience (signe clinique), Début rapide des symptômes ou durant les premières semaines de vie, Trouble psychiatrique

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La polydipsie est une soif excessive avec augmentation de l'absorption de liquide.

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Objectif du CMC
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Épidémiologie

La prévalence du diabète sucré (DS) était de 8,5% chez les plus de 18 ans en 2014. Le DS type 2 (DS2) (90-95% des cas de diabète sucré) était historiquement seulement retrouvé chez les adultes, mais sa prévalence augmente dans la population pédiatrique avec la vague d'obésité[1]. L'étiologie exacte du DS de type 1 (DS1) n'est pas encore connue, mais les facteurs de risque sont une histoire familiale de DS1, et bien qu'il puisse se développer à tout âge, les jeunes enfants sont davantage touchés par cette maladie. Les facteurs de risque du DS2 sont un diagnostic de pré-diabète, un surplus de poids, un âge > 45 ans, une histoire familiale de DS2, un sédentarisme, un antécédent personnel de diabète gestationnel et certaines nationalités (Afro-Américain, Latino-Américains et Asio-Américains)[2].

Les patients à risque de souffrir de polydipsie psychogène sont ceux avec des troubles psychiatriques (dépression, trouble bipolaire, schizophrénie). Même que 18% des patients admis en psychiatrie souffrent de polydipsie. Dans le cas de la polydipsie primaire, l'incidence augmente avec la popularité grandissante des programmes de remise en forme, qui touche davantage les femmes. Cette maladie est aussi retrouvée chez les grands buveurs d'alcool, qui touche plus les hommes[3].

Le diabète insipide (DI) est une maladie rare, avec une prévalence de 1/25 000. Elle peut se présenter à tout âge, et la prévalence est la même entre hommes et femmes. Le DI central (DIC) est plus fréquent que le DI néphrogénique (DIN). Les formes héritées dominantes ou récessives comprennent une minorité des cas, soit seulement 10%[4][5].

Étiologies [6]

Il est possible de classifier les causes de polyurie en fonction du type de diurèse, soit une diurèse hydrique ou osmotique.

L'étiologie principale de la polyurie chronique chez les enfants et les adultes est une diurèse osmotique induite par une hyperglycémie sur un diabète sucré mal-contrôlé. Les autres causes principales de polyurie chronique sont toutes de type diurèse hydrique (osmolalité urinaire très basse) urinaires dilués:

  • Diabète insipide central (DIC) hérité ou acquis suite à un traumatisme crânien ou la présence d'une tumeur
  • Diabète insipide néphrogénique (DIN) sur une amyloïdose, un médicament (lithium, cidofovir, foscarnet) ou une hypercalcémie (cancer, hyperparathyroïdie, maladie granulomateuse)
  • Polydipsie primaire ou psychogène

Il existe aussi de nombreuses causes de polyurie aigue:

  • Résolution d'une natrémie et/ou d'une urémie à la suite d'une obstruction urinaire
  • Diurèse osmotique sur du mannitol dans le cadre du traitement d'une hypertension intra-crânienne
  • Diurèse hydrique en cas d'administration excessive de soluté intra-veineuse
  • Diurèse hydrique sur une utilisation de diurétique (traitement de novo d'une surcharge volémique ou utilisation non-indiquée dans le cadre d'une perte de poids)

Physiopathologie

Une polyurie (grand débit urinaire quotidien) peut être secondaire à une diurèse osmotique ou hydrique[6].

Une diurèse osmotique survient lorsqu'une grande quantité de soluté dans les tubules rénaux amène une diurèse osmotique passive -> augmentation du volume urinaire -> polyurie.

Par exemple, en cas de DS mal-contrôlé, la grande quantité de glucose urinaire dépasse la capacité de réabsorption tubulaire -> diurèse osmotique passive -> polyurie.

Une diurèse hydrique est une élimination de grands volumes urinaires dilués. Plusieurs étiologies peuvent être en cause.

Par exemple, en présence d'une polydipsie primaire ou psychogène, boire une grande quantité d'eau augmente notamment le volume intravasculaire (volémie) -> augmentation de la perfusion rénale -> augmentation de la filtration glomérulaire -> augmentation du volume urinaire (polyurie). Parallèlement, un grand volume d'eau libre diminue l'osmolalité plasmatique -> diminution de la sécrétion de l'hormone antidiurétique (ADH). Puisque l'ADH favorise la réabsorption d'eau dans le tubule rénal collecteur, une diminution de cette hormone -> augmentation du volume urinaire.

Donc, en l'absence d'ADH (DI central) ou en présence d'une résistance à cette hormone (DI néphrogénique), il n'y aura pas de réabsorption d'eau au niveau des tubules rénaux collecteurs -> grand volume urinaire -> polyurie.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la polydipsie (soif avec consommation excessive de liquide).

Dans le cas de la polydipsie psychogène, la prise de médicaments avec une action anti-cholinergique peut augmenter la sensation de la soif. Aussi, des anomalies dans les systèmes dopaminergique et cholinergique vont déréguler le sens de la soif et la région de l'hippocampe, et mener à une consommation constante de liquide.

Quant à la polydipsie primaire, tout facteur augmentant la sécrétion d'ADH va augmenter la soif: plus grande osmolalité plasmatique, nausée, vomissement, hypotension artérielle, sepsis, exercice, etc. Les osmorécepteurs du centre de la soif peuvent aussi être altérés, donc augmenter la sensation de soif, par de nombreuses conditions: infiltrative, vasculaire, cancéreuse, héritée, traumatique, etc. Aussi, la simple motivation de boire de l'eau, dans un contexte de mise en forme par exemple, peut mener à une consommation compulsive de liquide[3].

Approche clinique[7]

L'anamnèse suggère souvent la cause, mais des examens complémentaires sont habituellement nécessaires. Une bonne histoire permet de distinguer une polyurie d'une pollakiurie, une collecte urinaire sur 24 heures est rarement nécessaire.

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Exemple:
 

Questionnaire

Histoire de la maladie actuelle

  • Quantité de liquide bue
  • Quantité urinée
  • Âge du début des symptômes
  • Début des symptômes abrupte VS graduel
  • Tout agent précipitant récent (soluté IV, tube nasograstrique, levée d'une obstruction urinaire, AVC, trauma crânien, chirurgie)

Revue des systèmes

  • Symptômes B (perte de poids, anorexie, diaphorèse nocturne, fièvre)

Antécédents

  • DS
  • Trouble psychiatrique (trouble bipolaire, schizophrénie, trouble alimentaire)
  • Maladie infiltrative (sarcoïdose et amyloïdose)
  • Hyperparathyroïdie
  • Antécédent familial de polyurie

Médicaments et habitudes de vie

  • Lithium, cidofovir ou forscarnet (associés au diabète insipide néphrogénique)
  • Diurétique
  • Alcool
  • Boisson caféinées
  • Diète riche en protéine

Examen clinique

  • Apparence générale: obésité, malnutrition ou cachexie
  • Neurologique: déficits neurologiques focaux et statut mental
  • Téguments: ulcères, nodules sous-cutanés, lésions hyper ou hypo-pigmentées

Drapeaux rouges[6]

  • Début rapide ou durant les premières semaines de vie
  • Diaphorèse nocturne, toux et perte de poids (surtout en contexte d'un tabagisme chronique)
  • Trouble psychiatrique
  • Altération de l'état de conscience

Investigation[6]

Le bilan clinique peut suggérer une cause, mais une investigation est souvent nécessaire. Une glycémie capillaire est initialement faite. En cas d'absence d'hyperglycémie, un DS est exclu, et l'investigation doit être poussé davantage. Les tests de laboratoire de base sont alors demandés: électrolytes plasmatiques (Na, K, Cl et Ca) et osmolalités urinaire et plasmatique. Si le diagnostic ne peut être établi, un test de restriction hydrique avec injection d'ADH doit se faire à l'hôpital.

Étapes de l'investigation:

  1. Glycémie capillaire
  2. Tests de laboratoire: électrolytes (Na, K, Cl et Ca) et osmolalité urinaires et plasmatiques
  3. Test de restriction hydrique avec ADH
Tableau #1: Interprétation des investigations
Investigation Interprétation
Glycémie capillaire Normale:
  • À jeun: 4-7 mmol/L
  • Jusqu'à 2h post-repas: 5-10 mmol/L

Permet d'exclure un DS débalancé

Si le diagnostic demeure incertain, pousser l'investigation
Sodium plasmatique Hyponatrémie (< 135 mEq/L): suggère une prise accrue d'eau libre (polydipsie)

Hypernatrémie (> 145 mEq/L): suggère une perte accrue d'eau libre (DI)

Osmolalité urinaire < 300 mOsm/kg en présence d'une diurèse hydrique

> 300 mOsm/kg en présence d'une diurèse osmotique

Potassium Une hypokaliémie (< 3,5 mEq/L) suggère une ingestion de diurétiques
Calcium Une hypercalcémie suggère un hyperparathyroïdisme
SI le diagnostic demeure incertain, pousser l'investigation
Test de restriction hydrique avec ADH* Normale:
  • Osmolalité urinaire maximale après la déshydratation (> 700 mOsm/kg)
  • Osmolalité n'est pas augmentée de plus de 5% post-ADH

DI central:

  • Les urines ne peuvent être concentrées, donc l'osmolalité urinaire demeure à peu près égale à celle plasmatique
  • Augmentation de l'osmolalité urinaire (concentration urinaire) post-ADH de 50-100% en cas de DI central totale VS 15-45% en cas de DI central partiel

DI périphérique:

  • Les urines ne peuvent être concentrées, donc l'osmolalité urinaire demeure à peu près égale à celle plasmatique
  • Aucune réponse à l'injection d'ADH

Polydipsie psychogène:

  • Osmolalité urinaire basale < 100 mOsm/kg
  • Avec la restriction hydrique, il y aura diminution du débit urinaire, correction de l'hyponatrémie plasmatique et concentration des urines.

Test de restriction hydrique: ce test nécessite l'hospitalisation du patient, car une déshydratation sérieuse peut s'en suivre, le patient doit donc être sous supervision serrée. Une autre raison vient du fait qu'en cas de polydipsie psychogène, il faut surveiller le patient pour éviter une prise liquidienne malgré l'interdiction en place. Étapes du test:

  1. Pesée matinale du patient et tests de laboratoire de base (Na, K et Cl plasmatiques et osmolalités plasmatique et urinaire)
  2. Collections des urines à chaque heure avec mesure de son osmolalité
  3. La déshydratation se poursuit jusqu'à
    • Obtention d'une hypotension orthostatique et d'une tachycardie posturale OU
    • >= 5% de perte du poids corporel OU
    • Concentration urinaire n'augmente pas de > 30 mOsm/kg dans deux collectes urinaires subséquentes
  4. Les tests de laboratoire sont alors mesurés à nouveau et 5 unités de vasopressine aqueuse sont données par voie sc.
  5. Une dernière collecte urinaire se fait 60 minute post-injection de vasopressine.

Résumé du diagnostic différentiel

Vous référer au tableau[6] pour un résumé des trouvailles suggestives clés à l'histoire et l'examen physique pour une étiologie précise et son approche diagnostic.

Prise en charge

Le traitement dépend de la cause sous-jacente.

Complications

La complication à craindre en cas de polydipsie est l'hyponatrémie sous-jacente, qui peut amener différents symptômes, dont une altération de l'état de conscience, un coma et la mort[6].


Références

  1. (en) « Diabetes », sur www.who.int (consulté le 3 janvier 2021)
  2. (en-US) CDC, « Diabetes Risk Factors », sur Centers for Disease Control and Prevention, (consulté le 3 janvier 2021)
  3. 3,0 et 3,1 Rajesh Kotagiri et Gurusaravanan Kutti Sridharan, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 32965922, lire en ligne)
  4. Sanjay Kalra, Abdul Hamid Zargar, Sunil M. Jain et Bipin Sethi, « Diabetes insipidus: The other diabetes », Indian Journal of Endocrinology and Metabolism, vol. 20, no 1,‎ , p. 9–21 (ISSN 2230-8210, PMID 26904464, Central PMCID 4743391, DOI 10.4103/2230-8210.172273, lire en ligne)
  5. « Orphanet: Search a disease », sur www.orpha.net (consulté le 30 décembre 2020)
  6. 6,0 6,1 6,2 6,3 6,4 et 6,5 « Polyurie - Troubles génito-urinaires », sur Édition professionnelle du Manuel MSD (consulté le 28 décembre 2020)
  7. (en) Robert S. Porter, The Merck Manual of Patient Symptoms, , 652 p. (ISBN 0911910115), Polyuria pp. 432 - 437
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