ULaval:MED-1230/Obésité et syndrome métabolique

De Wikimedica
Révision datée du 2 juin 2017 à 22:49 par Phfre8 (discussion | contributions) (Mise à jour complète après le cours du 31 mai.)

Obésité

Épidémiologie

Aux USA, le taux d'obésité est très élevé chez les enfants :

  • 8.5 % enfants 2 à 5 ans (1.7 % avec obésité sévère)
  • 18 % enfants de 6 à 11 ans (6.8 % avec obésité sévère)
  • 20.5 % adolescents de 12 à 19 ans (7.7 % avec obésité sévère)

Au Canada, chez les enfants de 2 à 17 ans, l'embonpoint est présent chez 20 % et 'obésité est présente chez 10 %.

Diagnostic

La définition de l'obésité chez l'enfant de plus de 2 ans correspond à un IMC supérieur 95ème percentile pour l'âge et le sexe.

L'IMC est le meilleur test pour évaluer le surplus pondéral chez les 2 ans et plus.

  • La distribution du tissu adipeux se fait différemment selon le sexe :
  • Chez le garçon, il y a une prédominance pour le haut du corps : distribution androïde.
  • Chez la fille, il y a une prédominance pour le bas du corps : distribution gynoide.

L'IMC peut être influencer par une masse musculaire différente du standard.

Interprétation de l'IMC : Poids (kg) / Taille (m2)

Chez l'adulte

Chez l'adulte, voici les critères pour l'IMC :

  • IMC normal : 18.5 à 24.9 kg/m2
  • IMC embonpoint : 25 à 29.9 kg/m2
  • IMC obésité modérée : 30 à 39.9 kg/m2
  • IMC obésité morbide : ≥ 40 kg/m2
Chez l'enfant

Chez l'enfant, voici les critères pour l'IMC

  • IMC sous-poids : < 5e percentile pour l'âge et le sexe
  • IMC normal : 5e au 85e percentile pour l'âge et le sexe
  • IMC embonpoint : 85e au 95e percentile pour l'âge et le sexe
  • IMC obésité : ≥ 95e percentile pour l'âge et le sexe
  • IMC obésité sévère : IMC > 35 kg/m2

Chez l'enfant, il y a une variation de l'IMC avec l'âge :

  • À la naissance : 13 kg/m2
  • À 1 an : 17 kg/m2
  • À 6 ans : 15.5 kg/m2
  • À 20 ans : 21 kg/m2

En effet, le tissu adipeux augmente dans la 1ère année de vie et comptera pour 25 % du poids corporel. Il y a ensuite une diminution progressive du tissu adipeux jusqu'à l'âge de 4-6 ans. Par la suite on observe une augmentation progressive, courbe rebond adipocytaire, vers l'âge de 6-7 ans.

Le rebond adipocytaire correspond au début de la 2e augmentation du tissu adipeux. Plus la courbe de rebond est précoce, plus l'enfant à des chances de devenir et de rester obèse. À l'âge adulte, le tissu adipeux représente 15 à 30 % du poids du corps; chez l'obèse, il peut représenter jusqu'à 70 % du poids corporel.

Il est important de noter que le tissu adipeux chez l'adolescente est plus élevé que chez les adolescents.

Autres paramètres

D'autres mesures régionales de distribution du gras sont mises à contribution.

Chez les enfants < 2 ans, on n'utilise pas l'IMC, mais plutôt le poids pour la taille.

  • Obésité si poids poids taille selon le sexe est ≥ 97,7e percentile

On peut également utiliser dans certains contextes la circonférence de la taille. (peu fiable)

Physiopathologie

L'obésité est modulée par la diminution de la dépense métabolique et l'augmentation des apports caloriques.

Facteurs favorisants

Facteurs favorisant l'obésité chez l'enfant
Facteurs Éléments
Génétiques
  • Programmation métabolique
  • Poids du bébé à la naissance
  • Degré d'adiposité des parents
  • Facteurs ethniques (asiatiques < caucasiens < noirs)
  • Désordres congénitaux
Personnels
  • Enfant > 3 ans dont un des 2 parents est obèse
  • Précocité du rebond d'adiposité
  • Si l'obésité persiste durant l'adolescence, il y a plus de chance qu'elle demeure chez l'adulte
Socio-économiques La prévalence est augmentée dans les populations plus pauves
Environnementaux Faible niveau d'éducation parentale
Psychologiques Négligence ou dépression parentale, immigration difficile, etc.
Médicaments
  • Antipsychotiques
  • Antidépresseurs
  • Anticonvulsivants
  • Antiépileptiques
  • Antidiabétiques
  • Glucocorticoïdes
  • Béta-bloqueurs
  • Anti-histaminiques

Chez l'adolescent ou l'adulte, les facteurs qui favorisent l'obésité sont :

  • Grossesse
  • Dépression
  • Trouble du sommeil
  • Incapacité physique, sensorielle ou mentale
  • Arrêt du tabagisme

La corrélation entre l'obésité :

  • à l'âge préscolaire et à l'âge adulte est de 25 %,
  • à l'âge de 6 ans et à l'âge adulte, elles est de 50 %
  • à 10-14 ans et l'obésité à l'âge adulte est de 80 %.

En général, l'obésité sévère à l'adolescence entraine un risque d'obésité sévère à l'âge adulte de 75%, donc l'âge du début de l'obésité est un bon prédicteur de la persistance de l'obésité.

L'allaitement maternel, par contre, joue un rôle protecteur chez les enfants d'âge scolaire dans leurs premières années. Malheureusement, le bénéfice disparaît par la suite. (Nouvelle étude dit le contraire selon la prof)

Étiologies

L'obésité exogène ou primaire compte pour 95 % des cas. Les autres étiologies possibles sont :

  • Génétique (syndromiques)
  • Neuroendocriniennes: hypothyroïdie, syndrome de Cushing, SOPK, obésité hypothalamique

Obésité exogène ou primaire (95%)

Elle est causés par une augmentation des apports caloriques et/ou une diminution des dépenses métaboliques.

La télévision est liée directement à la prévalence de l'obésité et les effets peuvent persister jusqu'à l'âge adulte :

  • Diminution du métabolisme de base
  • Diminution du temps consacré à l'activité physique
  • Effets néfastes sur la qualité de la nutrition
  • Effets secondaires sur la qualité de vie

Causes neuro-endocriniennes

Les causes neuroendocriniennes représentent < 1 % des causes d'obésité.

Les problèmes endocriniens entraînent un grossissement, mais une diminution de la croissance staturale. Alors que l'obésité exogène entraîne une croissance starturo-pondérale exagérer simultané.

  1. Hypothyroïdie acquise: le gain de poids est lié à une diminution de l'activité métabolique.
    • Gain en général modeste et homogène.
    • On retrouvera aussi une diminution de la vélocité de croissance.
    • Le tout sera résolu avec le traitement de l'hypothyroïdie.
  2. Syndrome de Cushing: Augmentation du cortisol
    • on retrouve une obésité centripète; elle touche le bas du corps et n'est pas généralisée.
    • Il y aura une stagnation staturale chez l'enfant.
    • Il faudra rechercher les stigmates suivants :
      • Faciès lunaire
      • Bosse de bison
      • Peau mince
      • Vergetures
      • Faiblesse musculaire
      • Purpura
      • Ulcères
  3. Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK): Excès d'androgènes
    • 50 % des femmes atteintes de SOPK sont obèses.
    • La présentation clinique est généralement marquée par:
      • Morphologie anormale des ovaires (kystes)
      • Anovulation chronique (aménorrhée/oligoménorrhée)
      • Raucité de la voix
      • Hirsutisme
      • Récession temporale des cheveux
      • Acné
      • Peau grasse
  4. Obésité hypothalamique: 2nd à une atteinte ventro-médiale ou paraventriculaire de l'hypothalamus ou de l'amygdale
    • en brnf, il y a une atteinte de senseurs importants pour l'alimentation et le centre de la satiété.
    • En cas d'atteinte du noyau ventromédial, l'enfant ne sentira pas qu'il n'a plus faim et souffrira d'hyperphagie.
    • Les lésions possibles a/n de l'hypothalamus sont : infection, malformation vasculaire, néoplasie, radiothérapie.
  5. Déficit en GH

Causes génétiques

Les causes génétiques sont responsables de 30 à 50 % de la variation de l'adiposité. Deux personnes mangent les mêmes choses et font les mêmes activités physiques, mais l'une grossis plus.

Il est a noter que 80 % des enfants de parents obèses sont obèses.

Il y a un polymorphisme entre plusieurs gènes contrôlant l'appétit et dans certains cas, la génétique est la seule responsable de l'obésité dans seulement 7% des cas, comme dans le cas de la déficience en leptine ou de son récepteur et la mutation du gène MC4R.

Les syndromes génétiques peuvent également entrainer une obésité :

  • Dysmorphie souvent associée
  • Petite taille fréquente
  • Atteinte organique associée
  • Retard mental fréquent
  • Hypogonadisme parfois

Voici quelques exemples de syndrome génétique entrainant une obésité :

  • La trisomie 21
  • Syndrome de Turner
  • Syndrome de Prader Willi
  • Autres : X-fragile, Pseudohypoparathyroïdie, Syndrome de Laurence-Moon Biedl, de Carpenter, de Cohen
Fichier:Complications associées à l'obésité.jpg
Complications associées à l'obésité

Complications

  • Hyperandrogénie
  • SOPK précoce
  • Psychosociales: pauvre estime de soi, dépression, diminution de la qualité de vie
  • Neurologiques: risque d'AVC, Pseudotumeur cérébrale
  • Cardiovasculaires
    • Dyslipidémie
    • HTA
    • Hypertrophie ventriculaire gauche
    • Inflammation chronique
    • Dysfonction endothéliale
    • Risque de maladies coronariennes
  • Pulmonaires:
    • Asthme
    • Apnée du sommeil
    • Intolérance à l'exercice Endocrines
    • Diabète de type II
    • Puberté précoce
    • SOPK
    • Hypogonadisme
  • Gastro-intestinales
    • Stéatose hépatique
    • Fibrose du foie
    • Cholélithiases
    • Risque de cirrhose
    • Risque de cancer colorectal
  • Rénale :
    • Protéinurie
    • Gloméruloslérose
  • Musculosquelettique
    • Fracture de l'avant-bras
    • Luxation de la tête fémoral
    • Pied plat
    • Maladie de Blount (anomalie de croissance osseuse /n du tibia médial)
    • Risque de dégénérescence des articulations

Syndrome métabolique

Le syndrome métabolique est définit par la présence de 3 des 5 symptômes suivants :

  • HTA
  • Hyperglycémie à jeun
  • HyperTAG
  • Diminutiondes HDL-cholestérol
  • Augmentation de la circonférence abdominale (pas de mesure fiable chez les adolescents)

Les critères du syndrome métabolique sont peu clairs chez l'adolescent.

Anamnèse

  • Antécédents familiaux :
    • Obésité, HTA, MCAS, cholélithiase,endocrinopathies
    • Poids et taille des parents
    • Niveau socio-économique
    • Situation familiale
    • Éléments psycho-sociaux
  • Ant personnels :
    • Diabète gestationnel, PN, évolution du poids à la naissance
    • Histoire développemental
    • Maladie
    • Médicaments (cortisone, anti-psychotiques, anti-convulsivants…)
  • Autres symptômes fonctionnels :
    • Céphalées (HTIC,HTA)
    • Toubles respiratoires (SAOS)
    • Symtômes digestifs
    • Polyurie, polydipsie (diabète type 2)
  • Impact psychologique de l’obésité
  • Habitudes de vie
  • Histoire alimentaire :
    • Quantité (portions)
    • Qualité: type de repas (gras, liqueurs, grignotage)
    • Horaire des repas (petit déjeuner pris ou pas)
  • Activités sédentaires
    • Temps jeux vidéos, TV, internet, cellulaire
  • Activités physiques +++

Rechercher symptômes de dysfonction endocrinienne :

  • Aménorrhée, oligoménorrrhée
  • Hirsutisme
  • Sx d’ hypothyroïdie
  • Sx de Cushing

Examen physique

  • Courbe: P,T, IMC, Pression artérielle
    • Je grandis, je grossis= obésité exogène
  • Dysmorphie (syndrome génétique?)
  • Circonférence abdominale
  • Acanthosis nigricans
  • Vergetures (rapide accumulation de gras, parfois Cushing)
  • Hirsutisme (SOPK ou Cushing)
  • Hépatomégalie (foie graisseux)
  • Stade de Tanner
  • Orthopédique (hyperlordose, coxa vara)

Investigation

Voici les investigations que l'on fera chez l'enfant obèse :

  • Bilan lipidique à jeun (hyperlipidémie)
  • Glycémie à jeun:
    • 5.5 à 6.9 = prédiabète
    • ≥ 7 = diabète
  • Hémoglobine glycosylée:
    • HbA1c 5.7 à 6.4 = pré-diabète
    • HbA1c ≥ 6.5 = diabète
  • HGPO (Hyperglycémie orale provoquée) : recommandée si l'enfant est âgé ≥ 10 ans et qu'il a la présence de 2 des critères suivants :
    • Groupe ethnique à risque (noirs, asiatiques, amérindiens, latino-américains)
    • ATCD familiaux de diabète type II (surtout si diabète gestationnel)
    • SOPK
    • Acanthosis nigricans
    • HTA
    • Dyslipidémie
  • Transaminases hépatiques (permet de voir s'il y a une stéatose hépatique)
  • Enregistrement du sommeil avec moniteur d'apnée pour éliminer un syndrome d'apnée du sommeil
  • Radiographie des genoux et membres inférieures si l'enfant se plaint de douleurs (Mx de Blount, Luxation tête fémoral)
  • Échographie abdominale si les transaminases sont élevées ou si douleurs abdominales (calculs biliaires, stéatose hépatique)

Au besoin, on fera également un bilan endocrinien :

  • Fonction thyroïdienne
  • FSH/LH
  • Androstenedione
  • Testostérone
  • Cortisolurie des 24 heures (Dépistage Cushing)

Traitement

Chez les enfants de moins de 2 ans, on vise à maintenir le poids lors de la croissance linéaire.

Chez les enfants de 2 à 4 ans, on vise à diminuer l'IMC ou à maintenir le poids lors de la croissance linéaire.

  • Si même poids et augmentation taille --> diminution de l'IMC

Chez les adolescents, on vise une perte de poids graduelle (1-2 kg par mois).

S'il y a présence de comorbidités, on vise un IMC santé.

L'approche nutritionnelle doit se baser sur le Guide alimentaire canadien :

  • Alimentation équilibrée
  • 5 à 10 portions de fuits/légumes par jour
  • Limiter sauces, mayonnaise, ketchup, boissons sucrées et jus
  • 3 repas par jour et une à deux collations
  • Ne pas sauter le petit déjeuner
  • Il ne faut pas forcer un enfant à finir son assiette
  • Manger lentement et éviter de se resservir

Voici les recommandations à faire pour l'activité physique :

  • Combattre et identifier les causes de la sédentarité
  • Limiter l'usage de la poussette dès que l'enfant sait marcher
  • Bouger plus de 60 minutes par jour chez les 5 à 17 ans. (ou minimum 20 min/j pour au moins 5 jours)
    • Intensité modérée 3X par semaine
    • Intensité élevée 3X par semaine
    • Bouger 180 minutes par jour chez les enfants d'âge préscolaire

Limiter le temps d'écran à 1h par jour chez les enfants de 2 à 4 ans et à 2h00 par semaine chez les enfants plus âgés.

Approche médicamenteuse

Si un diabète est mis sous traitement, on vise une hémoglobine glycosylé inférieure à 7. Consulter en endrocrinologie au besoin

  • Insulinosensibilisateur : Metformine

Orlistat (Xenical) est l'unique médicament approuvé en pédiatrie. Il est réserver aux cas sévères avec comorbidités après un échec d'un programme intensif de modification des habitudes de vie.

Il peut être prescrit chez l'adolescents avec un stade de Tanner ≥ 4 et > 16 ans.

Il s'agit d'une anti-lipoprotéinelipase intestinale qui altère la digestion des graisses.

La perte de poids est d'environ 7 kg/an, mais celle-ci est peu soutenue.

Plusieurs effets indésirables non négligeables peuvent se présenter :

  • Ballonnement
  • Crampes abdominales
  • Diminution de l'absorption des vitamines A, D, E et K

L'Orlistat est dispendieux, non remboursé par la RAMQ et son efficacité est très discutable.

Approche chirurgicale

Les chirurgies bariatriques sont efficaces, mais leurs indications sont extrêmement limitées en pédiatrie. On en dénombre deux types:

  • By-pass gastrique
  • Sleeve gastrectomy

On fait une chirurgie dans les cas d'obésité morbide avec complications métaboliques importantes malgré les modifications des habitudes de vie. L'opération a lieu lorsque la puberté est bien avancée (Tanner ≥ 4) et son but est de limiter les apports caloriques.

Les avantages de la chirurgie sont :

  • Satiété précoce
  • Diminution de la prise alimentaire
  • Diminution subjective de l'appétit
  • Diminution du poids d'environ 50 %
  • Amélioration immédiate de la résistance à l'insuline et du diabète

Les complications possibles de la chirurgie sont :

  • Risque de reprise de poids
  • Fuite anastomotique
  • Plaie opératoire
  • Sténose gastrojéjunale
  • Obstruction du grêle
  • Fistule gastro-gastrique
  • Cholélithiase
  • Déficiences nutitionnelles (fer, vitamine B12, D et thiamine)
  • Hypoglycémie post-prandiale

Conclusion

  • > 95% des cas d’obésité sont d’origine exogène ou primaire
  • 2 axes principaux d’intervention, simplistes mais difficiles à réaliser:
    • Nutritionnels
    • Activités physiques
  • Approche médicamenteuse (si obésité sévère): succès mitigé
  • Chirurgie bariatrique (si obésité morbide, compliquée):
    • efficace mais indications extrêmement limitées en pédiatrie.
    • réservée aux cas extrêmes avec comorbidités importantes et après échec combiné des modifications du mode de vie (activités physiques et réduction calorique).

Notes

  1. L'acanthosis nigricans est une peau plus rugueuse et pigmentée au niveau des plis. Il est causé par un excès de poids qui entraîne une résistance à l’insuline. En effet, l’insuline et l’IGF1, le facteur de croissance, partagent le même récepteur, alors s’il y a beaucoup d’insuline, l'effet de l'IGF1 débordera en manifestations cutanées.