ULaval:MED-1225/Éruptions médicamenteuses
Les éruptions médicamenteuses sont le plus souvent rapides et diffuses. Elles sont souvent inflammatoires, généralisées et symétriques. Les plus importantes à identifier sont l’exanthème morbilliforme, l'érythème multiforme, le DRESS, le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et la nécrolyse épidermique toxique (TEN)[note 1]. Le SJS et le TEN constituent des urgences dermatologiques. Le diagnostic est fait par la morphologie, la chronologie de l'apparition de l'atteinte et parfois par une biopsie.
La réaction peut être immédiate (urticaire), associée avec de l’angioedème ou de l’anaphylaxie, ou prendre quelques heures/jours comme dans les conditions énumérées ci-haut (tout dépend du médicament en question!) Généralement, le mécanisme en cause dans une réaction immédiate[note 2] sera la dégranulation des mastocytes tandis que dans les réactions retardées, ce sera l'immunité cellulaire qui sera impliquée[note 3].
Les facteurs de risques pour développer une éruption médicamenteuse sont:
- Sexe féminin
- ATCD d’éruption médicamenteuse
- Exposition antérieure au médicament ou à sa classe[note 4]
- Génétique (HLA)
- Immunosuppression
- Certaines maladies (Mononucléose: Pénicilline, VIH: sulfonamides[note 5])
Exanthème morbilliforme
(morbilliforme = qui ressemble à la rougeole)
C’est une réaction bénigne[note 6] qui représente 90% des éruptions médicamenteuses
- Multiples macules et papules, éparses, diffuses et symétriques
- Débute au tronc, puis touche les membres
- Parfois associé à prurit et fièvre légère
- Pas d’atteinte des muqueuses, dans le cas contraire, il faut penser à un autre diagnostic
Il peut débuter 2 jours après le début de la prise du Rx (souvent 8 à 11 jours), puis disparait 2 à 4 jours après l’arrêt du médicament.
Toutefois, ce n’est pas une indication pour arrêter le médicament responsable; cette réaction ne laisse pas de séquelles. Pour contrôler les symptômes, on peut utiliser des stéroïdes topiques à faible puissance et des anti-histaminiques s'il y a prurit.
Érythème multiforme (polymorphe)
Les lésions caractéristiques de cette maladie sont les papules en forme de cibles. Elles apparaissent rapidement et touchent le visage et les extrémités (distribution acrofaciale). Il faut penser à cette atteinte lorsque l'on soupçonne un exanthème morbiliforme, mais qu'on est en présence d'un angioedème et d'une atteinte de l'état général.
- oedème facial
- éruption morbiliforme
- fièvre
- malaise
L'investigation demandera au minimum:
- FSC: éosinophilie et lymphocytes atypiques[note 7]
- bilan hépatique: enzymes élevées
- créatinine: insuffisance rénale
Classification
Deux types de lésions en cible :
- Typiques = au moins trois zones bien définies
- Atypiques = seulement deux zones et/ou bordures mal définies
On peut séparer l’érythème multiforme (EM) en deux entités : mineure et majeure.
- EM mineur
- Cibles typiques > atypiques
- Pas ou peu d’atteinte muqueuses
- Pas de sx systémiques
- EM majeur
- Cibles typiques > atypiques
- Parfois lésions bulleuses
- Atteinte muqueuses modérée à sévère
- Habituellement fièvre, asthénie, arthralgies
Contrairement aux autres éruptions médicamenteuses, l’érythème multiforme n’est causé que 10% du temps par un Rx. Sa cause principale est l’infection :
- Virale (Herpès Simplex, etc.)
- Bactérienne (Mycoplasma pneumonia, etc.)
- Fongique
Enfin, l’érythème multiforme ne peut PAS progresser vers la nécrolyse épidermique toxique (TEN) polymorphe.
Syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse (DRESS)
Le DRESS («Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms») occasionne une atteinte systémique, comme son nom le dit :
- Peau
- Reins
- Foie
- Cœur (péricardite)
- Thyroïde (effets possibles dans l’année)
Cette réaction débute 1 à 12 semaines après le début du Rx et se présente avec un œdème facial, une éruption morbilliforme, de la fièvre et des malaises. Les critères de sévérité sont les suivants :
- Éosinophilie
- Lymphocytes atypiques
- Enzymes hépatiques élevées
- Insuffisance rénale
Il est donc important de faire une FSC, un bilan hépatique et une urée/créat devant un tableau d’œdème facial + éruption morbilliforme.
4A (Médicaments pouvant être impliqués dans le DRESS)
- Allopurinol
- Antibiotiques (Sulfonamide, Pénicilline, Minocycline, Métronidazole)
- Anticonvulsivants (Phénytoïne, Carbamazépine, Lamotrigine)
- AINS
Les médicaments pouvant être incriminés («4A»):
- Allopurinol
- Antibiotiques (Sulfonamide, Pénicilline, Minocycline, Métronidazole)
- Anticonvulsivants (Phénytoïne, Carbamazépine, Lamotrigine)
- AINS
Il est nécessaire de cesser les médicaments douteux ou facultatifs devant un tel tableau, sachant que la mortalité est de 10%. Le patient est aussi référé à un dermatologue.
Syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et nécrolyse épidermique toxique (TEN)
Ces deux réactions sont en fait le continuum d’une seule et même condition. Elle touche à la fois les muqueuses et la peau et entraîne une nécrose de l’épiderme. L'une ou l'autre de ces réactions constitue une urgence dermatologique.
L’appellation dépend du % de la surface corporelle où il y a détachement de l’épiderme :
- SJS si < 10%
- TEN si > 30%
Les Rx pouvant être responsables (SATAN) :
SATAN (Médicaments pouvant causer un SJS ou TEN)
- Sulfas
- Allopurinol
- Tétracyclines
- Anticonvulsivants
- NSAIDS (=AINS)
Présentation clinique
L’éruption se manifeste 1 à 8 semaines après le début du médicament et est précédée 1 à 3 jours avant par fièvre, céphalées, rhinite et myalgies.
L’atteinte muqueuse peut précéder celle de la peau. Il y a douleur buccale, oculaire et génitale.
Morphologie de l’atteinte cutanée :
- Pseudocibles (2 cercles) rouge foncé et non palpables
- Aspect grisâtre et mat au centre (nécrose kératinocytes donne cet aspect)
- Distribution plutôt diffuse, touchant le tronc, le visage et le cou
- Signe de Nikolsky
- Plus l’atteinte se diffuse et devient sévère, plus on notera une confluence des lésions
C’est une condition pouvant amener son lot de complications :
- Dommage cornéen (séquelles possibles, consultation en ophtalmo)
- Atteinte génitale
- Désordres électrolytiques/volémiques
- Dénutrition
- Bactériémie/sepsis (via surinfection)[note 8]
- Séquelles psychologiques[note 9]
- Dysthermie
Cette maladie est une urgence dermatologique; le taux de mortalité pour le SJS est de 10%, alors qu’il est de >20% pour le TEN.
Devant une telle situation, il faut cesser les Rx douteux ou facultatifs et référer le patient à un dermatologue et à l’unité des grands brûlés.
Référence en dermatologie
Un patient présentant les maladies suivantes doit être référé en dermatologie :
- DRESS
- SJS et TEN
Voici les drapeaux rouges à considérer devant une éruption médicamenteuse :
- Éosinophilie
- Peau douloureuse (prurit OK)
- Atteinte muqueuses
- Œdème facial
- Signe de Nicholsky
- Atteinte rénale ou hépatique
- Adénopathies
Notes
- ↑ Le SJS et le TEN sont en fait la même maladie, c'est seulement la superficie de peau atteinte qui diffère entre les deux.
- ↑ Par une réaction de type 1, c'est à dire une réaction humorale déclenchée par la fixation de l'allergène aux IgE (eux-mêmes attachés aux récepteurs Fcε des mastocytes), préalablement produits par les lymphocytes B lors d'une exposition antérieure.
- ↑ Lors d'une réaction de type 4, où il y aura prolifération de lymphocytes T CD4+, sécrétion de médiateurs et activation des lymphocytes T CD8+ et des macrophages qui produiront des enzymes hydolytiques.
- ↑ Pour faire une réaction allergique à un médicament, il faut préalablement y avoir été exposé et sensibilisé.
- ↑ Comme le TMP-SMX.
- ↑ Réaction immunitaire de type 4 retardée (médiée par des lymphocytes).
- ↑ Aussi présents dans le DRESS.
- ↑ C'est la première cause de décès dans le SJS et le TEN.
- ↑ Le patient ne voudra plus prendre de médicaments.