ULaval:MED-1223/Aménorrhée

De Wikimedica
Ce guide d’étude a été élaboré par les volontaires de Wikimedica dans le cadre du cours MED-1223 à l'Université Laval et est basé sur le travail des responsables du cours. Il est fourni comme aide à l'étude et ne constitue pas un document officiel du cours.

Définition

Aménorrhée primaire

  • 15 ans + présence caractères sexuels secondaires normaux
  • 13 ans + absence caractères sexuels secondaires
  • ≥3 ans depuis thélarche
  • 14 + signes d’hirsutisme OU suspicion anomalie/obstruction tractus génital OU suspicion trouble alimentaire/exercice excessif

Aménorrhée secondaire

Chez une patiente ayant débuté ses règles

  • 3 cycles consécutifs si réguliers
  • 6 mois si oligoménorrhée (intervalle de 35 jours et plus - cycle irrégulier)

Causes

Aménorrhée primaire

  • Anomalies chromosomiques causant dysgénésie gonadique
  • Hypogonadisme hypothalamique
  • Agénésie mullérienne
  • Maladie hypophysaire
  • Autres (syndrome d’insensibilité aux androgènes, hyperplasie congénitale des surrénales, SOPK)

Aménorrhée secondaire

  • Anomalie ovarienne
  • Dysfonction hypothalamique
  • Anomalie hypophysaire
  • Anomalie utérine
  • Autre

Causes physiologiques

Grossesse, allaitement, ménopause, retard pubertaire constitutionnel (dx d’exclusion).

Investiguer post-contraception : > 6 mois après arrêt CO ou > 12 mois après dépoprovera.

Anomalies tractus génital inférieur

Endocrino: anomalies mullériennes (hymen imperforé, agénésie Mullérienne, septum vaginal transverse, agénésie/dysgénésie cervicale), syndrome d’insensibilité aux androgènes, syndrome d’Asherman, déficit en 5-a-réductase (rare).

Obstruction tractus génital inférieur

Histoire de douleur cyclique, hémotocolpos, hématométrie, hémopéritoine, examen clinique et IRM.

Traitement : ouverture et drainage chirurgical par voie basse.

Hymen imperforé

Habituellement diagnostiqué durant l’enfance. Peut se présenter à l’adolescence avec douleurs abdominales, aménorrhée, hymen bleuté et bombé à l’E/P.

Traitement : ouverture au bistouri et drainage.

Agénésie mullérienne

Malformation congénitale du tractus génital: absence d’utérus et du 1/3 supérieur du vagin (qui proviennent normalement des canaux de Müller) + ovaires normaux.

Note: on peut voir un "dimple", soit une petite faussette a/n de l'entrée du vagin, car le 2/3 inférieur du vagin provient du sinus urogénital. Hymen présent aussi pour la même raison.

Phénotype féminin.

Cause exacte inconnue.

Syndrome d’insensibilité aux androgènes

Caryotype 46 XY, phénotype féminin.

Absence d’OGI féminins, descente des testicules vers les canaux inguinaux.

Mais insensibilité des récepteurs donc féminisation des OGE et absence de poils.

Syndrome d’Asherman

Synéchies intra-utérines suite à manipulations intra-utérines. Secondaire à destruction de l’endomètre.

Critères diagnostiques

  • ≥ 1 de : aménorrhée, hypoménorrhée, infertilité, avortements spontanés répétés, placentation anormale
  • Synéchies intra-utérines à l’HSC ou fibrose IU à l’histologie

Traitement : lyse d’adhérences par HSC.

70-80% succès de grossesse.

Anomalies de l’ovaire

Dysgénésie gonadique

Malformations des gonades durant le développement embryonnaire → atrophie des ovaires. Aménorrhée primaire ou secondaire.

Syndrome de Turner (50%), mosaïques ou 47 XXX.

Syndrome de Turner

Caryotype 45 XO.

Phénotype féminin, stigmates physiques.

Insuffisance ovarienne précoce

1% des femmes. Avant 40 ans. Causes génétique (X fragile), auto-immune, infectieuse, galactosémie ou iatrogénique (RadioTx, ChimioTx).

Radiothérapie : peut causer ménopause précoce. Ovaires jeunes sont + résistants.

Penser à suspension des ovaires en dehors du champ irradié (laparoscopie) ou congélation ovules avant le traitement.

Chimiothérapie : agents alkylants et chimiothérapie combinée sont très toxiques pour les ovaires. Peut prédisposer à ménopause précoce.

Penser à cryopréservation des ovules ou du tissu ovarien avant tx.

Suppression ovarienne par aGnRH n’a pas démontré d’effet protecteur, ni CO.

Les signes et symptômes du syndrome des ovaires polykystiques sont: oligo ou aménorrhée, hyperandrogénisme et kystes au niveau des ovaires.

Syndrome des ovaires polykystiques

Se manifeste de différentes façons (infertilité, SUA, aménorrhée, hirsutisme). À long terme, diabète, syndrome métabolique, hyperplasie endomètre, MCAS.

Diagnostic : 2 sur 3 critères de Rotterdam

  • Oligo ou anovulation
  • Hyperandrogénisme clinique ou biochimique
  • Ovaires polykystiques à l’échographie (≥ 12 follicules 2-9 mm diamètre/ovaire et/ou volumes ovariens > 10ml/ovaire)

Anovulation chronique

Condition nécessitant traitement car risque accru de néoplasie endomètre (estrogènes non opposés).

Biopsie endomètre.

Traitement : si pas désir de grossesse, provera ou COC. Si désir de grossesse, inducteur de l’ovulation.

Poursuivre investigation si pas de réponse aux progestatifs.

Autres ddx

Maladie chronique débilitante, chimiotx ou radiotx, hormones exogènes, Rx.

Anomalies de l’hypophyse

Hyperprolactinémie, adénome hypophysaire, déficit isolé en gonadotropine, syndrome de Sheehan.

Hyperprolactinémie : PRL inhibe GnRH. TRH stimule production de PRL. Dopamine inhibe PRL.

Prolactinome ou hypothyroïdie.

Anomalies de l’hypothalamus

Aménorrhée hypothalamique fonctionnelle, syndrome de Kallman, tumeurs cérébrales, maladies chroniques.

Syndrome de Kallman : hypogonadisme hypogonadotrophique congénital. Déficit isolé en GnRH. Anosmie.

Aménorrhée hypothalamique fonctionnelle : diagnostic d’exclusion. Symptômes variables selon la suppression de la GnRH.

Troubles alimentaires, exercice physique, stress.

Anorexie/boulimie : perte poids 25% ou poids 15% < normale, image corporelle perturbée, déni, gestion nourriture inhabituelle, lanugo, bradycardie, hyperactivité, vomissements, aménorrhée, pas de patho médicale, pas d’autres troubles psychiatriques, constipation, hypotension, diabète insipide, hypercaroténémie.

Causes surrénaliennes

Hyperplasie congénitale des surrénales

Autosomale-récessive.

Déficit d’une enzyme (21-Hydroxylase) nécessaire à la synthèse surrénalienne du cortisol.

Hypophyse produit plus d’ACTH pour stimuler la surrénale.

Entraîne hyperproduction d’androgènes par surrénale et hyperandrogénisme chez filles.

Syndrome de Cushing

Secondaire à une cortisolémie augmentée (ex. prise de corticostéroïdes exogènes).

Visage lunaire, bosse de bison, vergetures, alopécie.

Investigation

Étape 1

Questionnaire, E/P, b-hCG, TSH, PRL (> 100 ng/ml), FSH, LH, IRM (si sx neuro ou galactorrhée).

Investiguer si aménorrhée + de 6 mois suivant arrêt CO ou 12 mois après injection depo-provera.

Questionnaire : ATCD familiaux d’anomalies génétiques, ATCD médicaux (ITSS, endométrite, PID…), ATCD obstétricaux, Rx (hormones, cortico, PSN, chimio ou radio), développement pubertaire, croissance ou développement anormal, cycles menstruels, DDM, habitus, pilosité.

  • Symptômes psy, symptômes neuro
  • Troubles surrénaliens ou thyroïdiens
  • Galactorrhée, hirsutisme, troubles visuels, céphalée
  • Symptômes de grossesse
  • Symptômes vasomoteurs
  • Acné, peau grasse, perte cheveux
  • Activité sexuelle, contraception
  • Grosse maladie chronique (parfois, tellement malade que le corps arrête d’ovuler par protection)

E/P : SV, apparence générale et stigmates, taille, poids, IMC, état nutritionnel, développement pubertaire, thyroïde, galactorrhée, pilosité, peau, tractus génital inférieur.

Étape 2

Afin de vérifier niveau œstrogène endogène et intégrité du tractus génital inférieur

Challenge au Provera (progestérone) "règle des 10" : 10 mg PO x 10 jours, saignement dans les 10 jours (2-14).

  • Si positif (sang) : présence d’estrogènes endogènes et tractus génital normal.

Anovulation chronique (SOPK, hyperplasie congénitale surrénales: pour différencier doser 17-OH-progestérone).

Si pas de galactorrhée et TSH + PRL normales → arrêt investigation.

Traitement : CO ou induction ovulation.

  • Si négatif : soit le tractus génital inférieur est non fonctionnel, soit il n’y a pas de stimulation estrogénique de l’endomètre → étape 3.

Étape 3

Test avec estrogènes + progestatif : estradiol 2 mg DIE ou estrogènes conjuguées 1.25 mg DIE x 21 jours + Provera 10 mg jours 12 à 21 ou CO 1-2 cycles.

Faire 2e mois par prudence si négatif.

  • Si négatif : incompétence du tractus génital inférieur

Hymen imperforé, anomalies mullériennes, syndrome d’Asherman, syndrome d’insensibilité aux androgènes.

  • Si positif : Tractus génital inférieur fonctionnel. Absence de stimulation ostrogéniques de l’endomètre

Insuffisance ovariennes (↑ FSH-LH) ou causes hypothalamohypophysaire (↓ FSH-LH) à étape 4.

Étape 4

Dosage FSH/LH

Si élevés : incapacité ovarienne de production: dysgénésie gonadique ou insuffisance ovarienne précoce.

Si normales ou basses : stimulation insuffisante des ovaires: anomalie hypophysaire ou hypothalamique.

Normale : FSH 5-20 UI/L (2x en pic ovulatoire) et LH 5-20 UI/L (3x en pic ovulatoire).

Molécules biologiquement inactives → insuffisance hypothalamo-hypophysaire.

Hypogonadotropique : FSH et LH < 5 UI//L

Anorexie, large tumeur hypophysaire, tumeur cérébrale, perte poids importante, stress majeur.

IRM ou TDM cérébral avec Gadolinium (hypophysaire vs hypothalamique).

Hypergonadotropique : FSH > 30 UI/L et LH > 40 UI/L

Si < 30 ans à faire caryotype.

Mosaïque avec Y à gonadectomie (risque élevé de tumeurs malignes; gonadoblastome, dysgerminome, choriocarcinome,tumeur sinus endodermique).

10-20% vont retrouver fonction ovarienne normale.

Étape 5

Imagerie de la selle turcique.

IRM : préférable au TDM car + précis pour évaluer extension et syndrome de la selle turcique vide.

Avantage: évite radiations.

Inconvénients: + coûteux, souvent moins accessible.

Anormal avec lésion : prolactinome, tumeur compressive.

Normal : hyperPRL, maladie chronique, Sheehan, Kallman, aménorrhée hypothalamique fonctionnelle.

Hyperprolactinémie

Galactorrhée, cycle menstruel normal possible ou saignement prémenstruel, oligoménorrhée ou aménorrhée.

  • 1/3 patientes aménorrhée secondaire = adénome hypophysaire
  • ½ galactorrhée + aménorrhée secondaire = adénome hypophysaire

Adénome à prolactine : prise en charge conservatrice (tumeurs stables).

Traitement avec agonistes de la dopamine

  • Bromocriptine (somnolence, trouble contrôle pulsions, OMI, douleur lombaire, sx pulmonaires, HTO)
  • Cabergoline (céphalée, diarrhée, constipation, étourdissements, fatigue, No/Vo)

Traitement chirurgical si pas de réponse au médical ou > 10 mm ne répondant pas aux Rx.

Traitement x 2 ans avec la + petite dose normalisant la PRL. Après, si diminution de l’adénome à arrêt et suivi annuel après (car récidive).

Certains médicaments causent galactorrhée (narcotiques, psychiatriques, anti HTA, hormones, anti émétiques, héroïne, anti épileptiques).

Conséquences de l’aménorrhée

Ostéoporose, fractures de stress, hyperplasie/cancer endomètre (anovulation chronique).

Traitement : hormonothérapie, calcium + vitamine D, exercices avec mise en charge.