ULaval:MED-1222/Néoplasies d'origine myéloïde

De Wikimedica
Ce guide d’étude a été élaboré par les volontaires de Wikimedica dans le cadre du cours MED-1222 à l'Université Laval et est basé sur le travail des responsables du cours. Il est fourni comme aide à l'étude et ne constitue pas un document officiel du cours.

Leucémies aiguës myéloïdes

Leucémie aiguë : problème dans la maturation et la différenciation des cellules HMP, les cellules restent immatures (totalement ou partiellement) donc non fonctionnelles et elles se multiplient sans arrêt, donc elle s’accumulent (en inhibant la prolifération de l’HMP normale)

Étiologie

Virus, radiations ionisantes, benzène, autres cancérigènes amenant des anomalies génétiques

Variétés

Deux grandes classes : lymphoïde (lymphoblastique, LAL), myéloïdes (myéloblastique, LAM)

Classification de l’OMS

  • LAM avec anomalies génétiques récurrentes
    • Bon px : t(8-21), inv(16), PML-RARA
    • Px intermédiaire : t(9-11)
    • Pauvre px : t(6:9), inv(3)
    • Px incertain : t(1:22)
  • LAM avec changements liés à la myélodysplasie
    • Définition d’une LAM (minimum 20% de blastes) sans chimiotx antérieure ET au moins un critère
      • Myélodysplasie documentée auparavant
      • Changements cytogénétiques associés à la myélodysplasie
      • Dysplasie chez minimalement 50% des cellules d’au moins 2 lignées HMP en morphologie
  • LAM liée au tx
    • Chez un pt avec un tx cytotoxique (chimiotx ou autre) dans le passé
  • LAM non classée ailleurs
    • Quand inclassable, se fier à l’ancienne classification
  • Sarcome myéloïde
    • Masse extramédullaire de blastes myéloïdes
    • Présentation atypique de n’importe quelle classe de LAM
  • Prolifération myéloïde liée au syndrome de Down
    • 2 entités retrouvées seulement chez les T21

Incidence comparée

Adulte : 80% LAM, 20% LAL

Enfant : 80% LAL, 20% LAM

Enfant <5 ans : leucémie, 40% des cancers

Adulte >30 ans : 2% des cancers

Symptômes

Par insuffisance médullaire

  • Anémie
  • Thrombopénie
    • Hémorragie cutaéno-muqueuse (purpura, épistaxis)
    • Hémorragie digestive
    • Hémorragie neuro-méningée
  • Neutropénie : fièvre et infections
    • Bactéries gram - : E. coli, pseudonomas, klebsiella
    • Mycose : candidose buccale, candidose systémique, aspergillose pulmonaire
    • Virus (souvent en rémission) : herpès, zona, varicelle, hépatite, CMV
    • Parasite : toxoplasmose, pneumocystis jirovecii

Par prolifération

Syndrome tumoral : infiltration de la peau et des gencives (surtout dans les variantes myélo-monocytaires)

Dlr osseuses et arthralgies

Infiltration méningée : dx par pct lombaire, présence de cellules leucémiques dans le LCR

Biologie hématologique

Par les deux mêmes mécanismes que les sx : IM et prolifération maligne

Sang

  • Anémie
  • Thrombopénie
  • Leucocytose variable avec cellules leucémiques (si absentes du sang, on parle de leucémie aleucémique
  • Possibles anomalies de la coagulation (donc augmentation du risque hémorragique) : surtout dans LAM hyperleucocytaires et leucémie aiguë promyélocytaire

Moelle osseuse

Moelle plus riche mais précurseurs immatures en surnombre, envahissement blastique d’au moins 20%

Pronostic et traitement

Pronostic

Divers facteurs

  • Âge
  • Sous-type
  • Présence/absence d’hyperleucocytose au dx
  • Anomalies cytogénétiques et moléculaires spécifiques

Traitement

Chimiotx combinées administrées séquentiellement

Premier tx d’induction : pour induire une rémission complète apparente avec disparition des cellules blastiques visibles dans la moelle et la normalisation de la FSC mais même si rémission complète, possibilité que des cellules leucémiques survivent en nb non détectables, donc tx de consolidation (1-4, selon le pt) pour avoir une guérison réelle (dans 70% des cas)

Ceux qui n’ont pas de rémission complète ont un sombre px

Si rechute, chance d’avoir une rémission complète avec 2e chimio assez bonne, mais survie à long terme peu probable ⇒ transplantation de CS allogénique (mais seulement 30% de chance de trouver un donneur)

Leucémie promyélocytaire aigue

Présentation clinique

  • Sx normaux de LAM
  • Coagulopathie complexe avec CIVD (fort risque de décès de cette complication avant le dx)

Tx : ATRA (all-trans retinoic acid) et trioxyde d’arsenic permet une guérison de 90-95% (QUAND LE TX EST DÉBUTÉ)

⇒ Commencer immédiatement un tx à l’acide rétinoïque chez une nouvelle leucémie avec hémorragies ou anomalies de coagulation (dx sera confirmé plus tard par analyse de la translocation 15:17)

Syndromes myélodysplasiques

Maladie clonale de la cellule souche HMP caractérisée par

  1. Une ou plusieurs cytopénie chronique causée par une HMP médullaire inefficace
  2. Évolution à court/moyen terme vers une LAM franche

Dx difficile (altérations parfois discrètes)

Classification

  • Syndrome myélodysplasique avec dysplasie unilignée
  • Syndrome myélodysplasique avec dysplasie multilignée
  • Syndrome myélodysplasique avec sidéroblastes
  • Syndrome myélodysplasique avec del(5q) isolée
  • Syndrome myélodysplasique avec excès de blastes
  • Syndrome myélodysplasique inclassable
  • Cytopénie réfractaire de l’enfance

Symptômes et traitement

Plus souvent chez >60 ans et souvent avec anémie/pancytopénie macrocytaire ⇒ tjrs éliminer une carence en B12

Principe général de tx

  • Établir le degré de risque de la mx pour le pt
  • Selon le risque et les comorbidités, tx de support (transfusions, G-CSF, EPO)
  • Parfois, agents hypométhylants (azacitidine, décitabine)
  • Si jeune pt, sans comorbidité : chimiotx comme LMA ou greffe de CS

Néoplasies myéloprolifératives

Généralités

Néoplasie maligne de la CSMH d’évolution chronique

4 principales

  • Leucémie myéloïde chronique (LMC)
  • Myélofibrose primaire (MP)
  • Thrombocytopénie essentielle (TE)
  • Polycythemia vera (polyglobulie de Vaquez) (PV)

Caractéristiques communes

  • Contrairement aux leucémies aiguës, pas de blocage de la maturation morphologique et pas de blocage de leur différenciation DONC les cellules néoplasiques sont assez fonctionnelles pour que plusieurs pts restent asx ⇒ augmentation importante du nb de cellules dans le sang
  • Fréquemment atteinte de 2-3 lignées HMP (on parle alors de polycythémie)
  • Évolution très variable
    • LMC et MP évoluent normalement en 2 phases : phase chronique (1-10 ans, assez bénigne), phase terminale (décès en qq mois)
    • TE et PV ont des évolutions plus bénignes, avec une transformation vers une forme agressive très rare (mais problèmes de thrombose et hémorragies fréquents chez TE)
  • Stade initial : souvent asx, découverte par hasard
  • Phase terminale : apparition d’une leucémie aiguë ‘’inexorable’’, IM grave avec pancytopénie et parfois fibrose médullaire

Leucémie myéloïde chronique

Hyperplasie maligne de la lignée granulocytaire, souvent accompagnée de splénomégalie importante, d’hyperleucocytose (50-100) et d’anomalie chromosomique spécifique (chromosome de Philadelphie, permet de porter le dx dans >90% des cas)

Chromosome de Philadelphie : t(9;22), entraîne la formation d’un bcr-ABL → ↑ activité tyrosine kinase du gène Abl (impliqué dans les signaux de prolifération cellulaire)

15-20% des leucémies chez l’adulte, manifestations entre 40-70 ans

Facteurs étiologiques : virus, radiations ionisantes, produits chimiques

Circonstances du dx et symptomatologie

Dx souvent par hasard

Si sx

  • Malaises généraux : asthénie, sudations nocturnes/diurnes, pâleur
  • Malaise à l’HG par splénomégalie : pesanteur, satiété précoce, gêne mécanique, dlr par infarctus splénique
  • Dlr osseuses 2nd à la prolifération granulocytaire ou arthralgie par goutte 2nd

E/P : splénomégalie importante souvent isolée

Biologie

Hémogramme

  • Hyperleucocytose (>50) avec prédominance cellules granuleuses et passage de granulocytes immatures (myélocytes/métamyélocytes, on parle alors de myélémie)
  • Qq promyélocytes et myéloblastes possibles
  • Éosinophilie ou basocytose fréquente
  • Parfois anémie normo arégénérative
  • Plaquettes normales ou augmentées

Myélogramme

  • Moelle très riche (80-95% de cellules granulocytaires à des stades variés de développement)
  • Si myéloblastes <10% du total, phase chronique, si 10-19% phase accélérée et si >20%, phase blastique

Caryotype

  • Chromosome de Philadelphie
  • Cherche du gène bcr-Abl par PCR, test dx le plus sensible et le plus spécifique

Uricémie souvent ↑ à cause du renouvellement cellulaire ↑ (donc catabolisme des purines ↑ ) ⇒ goutte 2nd, néphrolithiase, IR

Ddx

Autres néoplasies myéloprolifératives, réaction leucémoïde

Principes de tx

Phase chronique

  • Imatinib, nilotinib, dasatinib : inhibiteurs sélectifs de la tyrosine kinase de la protéine mutante du bcr-Abl
    • Très efficaces, permettent une espérance de vie normale
  • Seul tx curatif : greffe de CS allogènes
    • Mais plusieurs effets 2nd donc conseillé seulement si phase avancée ou réfractaire aux ITK SI l’âge/comorbidité/état général le permet et un donneur est trouvé

Phase accélérée

  • ITK de 2e génération (dasatinib, nilotinib) pour une rémission à court terme (en attendant une greffe si possible)

Myélofibrose primaire

Métaplasie érythroïde et myéloïde de la rate, évolution vers une fibrose médullaire graduelle et massive pouvant mener à une IM profonde

Peut avoir évolution vers LAM dans 10% des cas

Circonstances du dx et symptomatologie

Découverte par hasard plus rare que LMC car plus de sx

Splénomégalie fréquente ± hépatomégalie

Souvent fréquente (par anémie 2nd)

Biologie

Hémogramme

  • Leucocytose modérée (rarement plus que 50)
  • Dominance lignée granulocytaire neutrophile (surtout polynucléaires, métamyélocytes et myélocytes)
  • Souvent association d’une érythroblastémie et anémie avec poïkilocytose et anisocytose, hématies en larme
  • Polyglobulie au début
  • Thrombocytémie possible mais plus rare

Myélogramme

  • Ponction : peu utile, la fibrose amène une ponction sèche (peu d’éléments)
  • Bx : cellularité augmentée, excès de mégacaryocytes, fibrose médullaire

Génétique

  • Absence du chromosome de Philadelphie
  • Mutation du JAK2 chez 60-65% des pts, sinon mutation CARL (20-25% des pt) ou MPL (7%)

Traitement

Variable

  • Tx de support (transfusion prn)
  • Monochimiotx à l’hydroxyurée
  • Splénectomie
  • Irradiation splénique
  • Greffe de CS
  • Ruxolitinib (inhibiteur Jak-2)

Thrombocytémie essentielle

Élévation persistante du nb de plaquettes (>700) avec habituellement splénomégalie

Découverte par hasard ou pour consultation pour purpura ou thrombose

Biologie et diagnostic

Hémogramme

  • Hyperplaquettose supérieure à 450 avec des fois des signes importants de dystrophie thrombocytaire
  • Anémie et neutrocytose possibles

Myélogramme

  • Hyperplasie mégacaryocytaire ± hyperplasie des autres lignées

Génétique

  • Cherche de JAK2 + dans 60-65% des cas (permet d’éliminer le dx de thrombocytose réactionnelle)
  • Mutation CARL 20-25%
  • Mutation MPL 7%

Évolution et tx

Peut être bénin pendant des années mais peut aussi avoir des complications graves (thromboses, hémorragies, IM, infarctus splénique)

Rarement transformation en leucémie aiguë

Tx pour réduire le taux de plaquettes sous 400 : hydroxyurée ou anagrélide (possible contribution de l’ASA 81mg)

Polyglobulie de Vaquez

Hyperplasie autonome de la lignée érythropoïétique, surproduction de GR matures et augmentation de la masse érythrocytaire circulant

Mutation JAK2 dans 95+% des cas, pas d’hypersécrétion d’EPO (contrairement aux érythrocytose réactionnelles bénignes), le JAK2 donne une sensibilité anormale du récepteur d’EPO

Souvent, les 3 lignées sont hyperplasiques (on parle de polycythémie ou de panmyélose)

Deux phases

  • Chronique : ~ 15 ans (mais possibles complications thrombotiques/hémorragiques pouvant amener décès/morbidité)
  • Terminale

Symptomatologie

Atteinte EG : asthénie, amaigrissement

Manifestation de l’augmentation de la masse érythrocytaire totale

  • Sx de pléthore : érythrose faciale, érythrose des paumes et plantes, engorgement des vaisseaux des conjonctives/muqueuses/rétine
  • Sx d’hyperviscosité : signes neuro fctnels (céphalées, vertiges, acouphène, paresthésies), ischémie cérébrale (hémiplégie, monoplégie, troubles psychiques), signes cardio (IC, thrombose artérielle/veineuse, insuffisance artérielle ou coronarienne)

Manifestation de l’éventuelle thrombocytémie : thrombose, hémorragie

Augmentation basophiles circulant : prurit à l’eau chaude

Signes gastro : ulcère gastroduodénal ± hémorragie

Splénomégalie ± infarctus splénique

Complications

Thromboses artérielles ou veineuses : AVC, IDM, thrombose artérielle périphérique, thrombose splénique, thrombose mésentérique, TPP ± EP)

Hémorragies : plus souvent mineures MAIS intracérébrales ou gastroduodénales graves assez fréquentes

Traitement

Si érythrocytose importante, risque de thrombose important donc phlébotomies répétées pour ramener Ht sous 0.45

Saignées périodiques : peut être le seul tx d’une PV modérée

Formes plus rebelles : réduire la production de GR par myélosuppression avec hydroxyurée ± ASA si pas de CI

Évolution et px

Phase chronique très longue sauf si thrombo-embolies mortelles, successions de poussées donc besoin de reprise de chimiotx

Phase chronique devient aiguë (environ 12 ans), soit leucémie aiguë rebelle ou IM grave avec pancytopénie et myélofibrose 2nd

⇒ Durée de survie moyenne 12 ans donc souvent, pts âgés au dx meurent d’autre chose