ULaval:MED-1219/Justice et santé

De Wikimedica

Concepts de justice en santé

Le lien entre la justice et la médecine peut initialement paraître obscure. Toutefois, dans le contexte du système de santé canadien où l'accès aux soins de santé est gratuit (majoritairement), il faut inévitablement faire des choix sociétaux en ce qui attrait à la répartition de ressources gouvernementales. En effet, les ressources ne sont pas infinies, ce qui fait en sorte que même si la volonté du clinicien est d'offrir à chaque patient tous les soins pouvant améliorer son bien-être total, il est impossible de le faire. Afin de répartir de manière équitable les ressources allouées à la santé, il importe de se baser sur des fondements éthiques.

Il y a quatre piliers de l’éthique en santé : l’autonomie du patient, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice. Dans un contexte de limitation des ressources, il est important de prioriser et d’appliquer des traitements semblables à des situations semblables.

  • L’autonomie du patient, c’est-à-dire que le médecin propose les options possibles et laisse le patient exprimer ses préférences et déterminer ce qui est acceptable du point de vue diagnostique et thérapeutique;
  • La bienfaisance, soit de présenter les options les plus avantageuses pour le patient;
  • La non-malfaisance, il s’agit de s’abstenir de causer préjudice ou, comme le disait Hippocrate, « premièrement ne pas nuire »;
  • La justice: celle-ci impose de contester l’équité et l’impact des choix entre les individus et groupes de la société que nous faisons comme médecins.

Le rôle du médecin

Les responsabilités particulières du médecin

  • Améliorer la qualité des soins;
  • Améliorer l’accès aux soins;
  • Contribuer à la répartition juste des ressources limitées.

Le seul critère décisionnel de traitement devrait être « est-ce que c’est bon pour mon patient ». Le médecin ne peut pas refuser de traiter ou d’examiner un patient, toutefois, il se doit d'être juste envers tous ses patients ainsi qu'envers le reste de la société.

Obligations annexes du médecin

  • Protection de la santé publique;
  • Protection de l’enfance;
  • Prévention d’un acte de violence (incluant protection des tiers en cas de danger imminent).

Le médecin a plusieurs responsabilités à l’égard de la justice dont une gestion intelligente et juste des ressources qui sont limités. Il a le devoir l’éliminer toute discrimination et par ce fait même se voit dans l’impossibilité de refuser de traiter ou d’examiner, de protéger la qualité et l’accès aux services et est imputable par rapport aux patients et à l’état de plusieurs obligations professionnelles : protection de la santé publique, protection de l’enfance et protection des tiers en cas de danger imminent/prévention d’un acte de violence.

Charte du professionnalisme médical de l’AFMC

Principe de justice sociale et le professionnalisme du médecin qui dit que « La profession médicale doit promouvoir la justice dans le système de soin de santé, notamment en assurant la répartition équitable des ressources destinées aux soins de santé. Les médecins doivent d’évertuer à éliminer toute discrimination dans les soins de santé, que celle-ci soit fondée sur la race, le sexe, la situation socio-économique, l’ethnicité, la religion ou tout autre catégorie sociale.»

Selon la Charte du professionnalisme médical de l’Association des facultés de médecine du Canada (AFMC), le professionnalisme est gouverné par trois grands principes:

  1. Le principe de la primauté du bien-être des patients;
  2. Le principe de l’autonomie des patients;
  3. Le principe de la justice sociale

Brève histoire du système de santé canadien

Reconnaître l’influence des intérêts particuliers, politiques ou financiers, dans l’allocation des ressources en recherche et en soins de santé

Ce qui apparaît aujourd’hui comme un des grands déterminants de l’identité canadienne est en fait le produit d’une idée somme toute assez « moderne », pour preuve, le texte fondateur de la Confédération canadienne (la Loi constitutionnelle de 1867) ne faisait même pas mention des soins de santé comme tels. C’est vraiment avec la Deuxième Guerre mondiale – alors qu’il faut livrer des ressources « biologiques » utiles – que l’idée d’une responsabilité d’état au chapitre de la santé des populations prend son essor. C’est ensuite sous la houlette de l’interventionnisme du gouvernement fédéral dans le champ des compétences provinciales que se structure le filet social que l’on connaît aujourd’hui.

Quel a été l’impact des deux guerres mondiales dans le développement du sentiment de responsabilité du gouvernement fédéral à l’égard de la santé?

Au cours de la première guerre mondiale, la demande en fournitures de guerre fait en sorte que le rôle des usines devient de plus en plus important. Cela contribue entre autres à accentuer le mouvement des populations vers les centres industrialisés. L'augmentation de la population dans les centres urbains mène à la réalisation que les besoins de la population urbaine en matière de services publiques diffèrent de ceux de la population rurale. C'est entre autres autour de ces enjeux que se rassemblent plusieurs acteurs politiques qui prônent entre autre l'importance de prises de mesures en matière de santé publique et d’amélioration de l’accès aux services curatifs et de développement des activités de prévention. La santé se trouve ainsi lancée dans l’arène politique et les débats autour des mesures de bien-être social et de l'assurance maladie deviennent une préoccupation grandissante.

La grande dépression économique qui caractérise l'entre-guerre fait en sorte que la population canadienne ne peut plus se payer les soins de santé dont elle a besoin. Les médecins sont alors fréquemment rémunérés par leurs patients avec des produits de l'élevage et de la ferme.

Alors que l'économie se porte mieux durant la seconde guerre mondiale, de par la création d'industries d'armement etc. la santé et l'assurance maladie demeurent des débats sociaux présents. Alors que les jeunes hommes se portent volontaires pour aller au front, force est de constater que plusieurs ont des problèmes de santé qui les limitent significativement. De plus, le manque d'effectifs médicaux au pays durant la guerre forcent le gouvernement canadien à se questionner sur son rôle dans la prestation des services de santé. La création d'un régime d'assurance chômage dans les années 1940 contribue par la suite à la réflexion concernant une éventuelle assurance maladie. En 1942, dans un effort de créer un monde meilleur dans l'après-guerre, MacKenzie King obtient l'autorisation de démarrer un comité consultatif sur l'assurance santé. Malgré les efforts déployés entre 1939 et 1948 pour établir un régime d'assurance maladie au niveau fédéral, celui ne voit pas encore le jour et les provinces demeurent sceptiques.

2. Nommer une ou deux raisons pour lesquelles les lobbys des médecins s’opposaient à l’intervention gouvernementale dans le financement des soins de santé?

De 1958 à 1968, partout au pays, Canadiens et Canadiennes discutent des avantages et des inconvénients de l’assurance maladie. Le rôle du gouvernement dans le secteur des soins de santé est au cœur du débat. Devrait-il en être le seul administrateur ? L’unique bailleur de fonds ? Quel rôle le corps médical devrait-il y jouer ? Et celui des compagnies d’assurance ? Et les Trans-Canada Medical Plans ? Dans une société partagée entre ceux qui veulent que le gouvernement étende les avantages de l’État providence à tous les citoyens et ceux qui assimilent le soutien gouvernemental au communisme, le débat sur l’assurance maladie universelle fera la une tout au cours de la décennie. La Saskatchewan mène l’offensive pour un régime d’assurance maladie financé et administré par les pouvoirs publics, tandis que l’Alberta et l’Ontario limitent l’attribution de fonds publics au soutien des indigents et des personnes à faibles revenus. De son côté, le Québec se concentre sur la conception de sa propre approche en matière de santé et de services sociaux, tandis que les provinces atlantiques s’inquiètent de leur capacité à faire face aux coûts (ressources humaines et financières) associés au développement des services de santé. Entre 1962 et 1968, sur la scène politique nationale, une série de gouvernements minoritaires progressistes conservateurs et libéraux, dirigés par John Diefenbaker et Lester Pearson, doivent composer avec la modernisation de la société canadienne. Le débat sur l’assurance maladie universelle est un élément clé de ce processus.

Durant la décennie 1948-1958, on reconnaît clairement les limites des régimes d’assurances privées. Donner un exemple concret de ces limites des régimes expliquant pourquoi ils ne permettaient pas de répondre aux besoins de la population canadienne.

Cependant, ce genre d’unanimité liée à l’élection diminue nettement au cours de la décennie suivante, la population du pays vivant une période de croissance économique et démographique sans précédent. La récession que tous craignaient après la guerre n’a pas eu lieu et, avec le début du baby-boom, en 1946-1947, et une immigration massive dans les années 1950, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent répondre à d’autres besoins, puisque la population passe de 14 à 18 millions d’habitants entre 1951 et 1961.

Pourquoi les médecins de la Saskatchewan ont-ils fait grève en 1962 suite à l’adoption du Saskatchewan Medical Care Insurance Act? Comment cette grève était-elle perçue par la population?

Suite à cet acte, les médecins seront rémunérés à l’acte et les patients paieront un faible coût. Les médecins croient que cette mesure va porter atteinte aux médecins et que la qualité des services va être affectée. Il y a eu une période de négociation mais le lancement du régime est annoncé pour le 1er juillet 1962, date à laquelle les médecins de la Saskatchewan se mettent en grève, réduisant la province à des soins d’urgence limités. Des médecins quittent la province. La population est critique de cette grève et la voit comme une atteinte à la démocratie. The Globe and Mail disait : « Les médecins de la Saskatchewan ont pris une mesure à laquelle aucun individu n’a accès dans une démocratie. Personne n’a le droit de se mettre au-dessus de la loi. Cela ne peut mener qu’à l’anarchie et à la destruction de notre mode de vie démocratique.» Les médecins sont blâmés de ne pas avoir écouté la population.

Structure actuelle du système de santé

Pour davantage d'information sur la structure du système de santé actuel, consulter MED-1219/Santé publique.

Le fédéral n’a pas de compétence en santé, mais a le «pouvoir de dépenser». La santé est vue comme un droit donc la population demande des soins accessibles et universels. Le fédéral adopte en 1966 une loi permettant aux provinces d’avoir du financement en échange du respect des principes. Il y a 12 systèmes de santé distincts qui répondent à ces principes. En 1984, le gouvernement fédéral décide de rendre accessible le système de santé avec la loi canadienne sur la santé (LCS) mais les coûts du système la fragilise. En 70 ans le système de santé est devenu un déterminant central de l’identité canadienne.

Loi sur les soins médicaux : 4 principes essentiels que les provinces doivent respecter afin de bénéficier du financement alloué par le gouvernement fédéral.

  • Universalité : tous les résidents ont droit aux services financés par l’État (mais ce principe ne signifie pas que tout est gratuit et ne limite pas l’accès aux services privés).
  • Gestion publique : l’autorité qui finance le système de santé doit être à but non lucratif, elle est responsable devant le gouvernement provincial et elle doit être prête à faire vérifier ses comptes.
  • L’intégralité : tous les services médicalement nécessaires sont couverts par l’assurance publique. Chaque province détermine les services couverts. Il n’y a pas d’harmonisation entre les provinces, le manque de transparence et décroissance des soins hospitaliers en raison des changements technologiques sont d’ailleurs des problèmes rencontrés. Seuls les soins offerts à l’hôpital ou par un médecin doivent se conformer à la Loi canadienne sur la santé.
  • Transférabilité : tous les canadiens sont couverts par l’assurance santé publique, qu’ils soient à l’extérieur de leur province d’attache ou à l’extérieur du Canada.

La loi canadienne sur la santé (encore en application aujourd’hui) ajoute un cinquième principe en 1984 : l’accessibilité. Ce principe a dû être ajouté parce que les médecins facturaient trop cher pour leurs actes et les hôpitaux se sont mis à exiger des frais modérateurs.

  • Accessibilité : l’accès satisfaisant n’est pas un concept défini mais il est à la base de l’accessibilité. L’accessibilité est le fondement de l’interdiction de surfacturation.

La couverture sanitaire universelle

Le terme '' Universelle'' signifie que tout le monde peut utiliser les services de santé nécessaires sans se mettre en difficulté pour les payer.

La couverture sanitaire universelle inclue :

  • La promotion de la santé
  • La prévention
  • Le traitement
  • La réadaptation 
  • Les soins palliatifs

L'un des objectifs de la couverture est de s’assurer de la qualité des soins et d’améliorer la santé des personnes qui les utilisent.

Quand il n’y a pas de couverture sanitaire universelle, les pauvres ne peuvent pas bénéficier des services dont ils ont besoin et même les plus riches peuvent se mettre en difficulté (maladie grave/longue). Au contraire, la couverture sanitaire permet d’améliorer et de préserver la santé. Des enfants en bonne santé peuvent apprendre et des adultes en bonne santé peuvent gagner leur vie. Un système de santé bien structuré et accessible permet donc de se sortir de la pauvreté et d’assurer un développement économique à long terme.

Le meilleur moyen de financer une couverture sanitaire, c’est de mutualiser les fonds (impôts, prime d’assurances…) pour répartir dans la population les risques financiers de la maladie (les riches financent les pauvres, les personnes saines financent les personnes malades).

Facteurs à considérés dans la détermination des services à implanter dans la couverture sanitaire :

  • Contexte épidémiologique
  • Systèmes de santé
  • Niveau de développement socio-économique
  • Attentes de la population

La couverture ne doit pas seulement offrir les services minimums, elle doit étendre peu à peu ses services offerts à mesure que les ressources disponibles augmentent. Le système de santé doit être basé sur les besoins et les attentes de la population en vue de la santé globale à long terme et pour aider la population à comprendre ses besoins en santé (importance de la prévention et de la promotion de la santé).

L’Organisation Mondiale de la Santé a fait ressortir trois indicateurs généraux pour suivre la progression de la couverture dans les pays

  • La couverture des services de santé
  • La protection contre le risque financier
  • L’équité de la couverture pour l’ensemble de la population

Avec ces indicateurs, les pays peuvent vérifier si les objectifs de la couverture sanitaire sont atteints et améliorer les besoins les plus pressants.