Prurit anal (approche clinique)
Approche clinique | |||
Caractéristiques | |||
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Examens paracliniques | Formule sanguine complète, TSH, Bilan hépatique, Créatininémie, Culture, Urée plasmatique, Sérologie du VIH, Coloscopie, Biopsie au poinçon | ||
Drapeaux rouges |
Symptômes B, Ganglions inguinaux, Lésion cutanée à bordure bien délimitée, Lésions anales multiples | ||
Informations | |||
Terme anglais | Pruritus ani | ||
Wikidata ID | Q1633590 | ||
Spécialités | Dermatologie, Chirurgie générale | ||
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Le prurit anal est une sensation désagréable non douloureuse de démangeaison au niveau de l'anus ou de l'anoderme.
Épidémiologie
Environ 1 à 5 % de la population sera incommodée par un prurit anal au cours d'une vie : la moyenne d'âge des personnes atteintes est de 40 à 70 ans et quatre fois plus d'hommes que de femmes en sont incommodés. [1][2]
Étiologies
Le prurit est dit primaire ou idiopathique, dans 50 à 90 % des cas. Cependant, 75 % de ces cas aurait une étiologie sous-jacente qui ne serait pas identifiée. [1][2]
Le prurit anal idiopathique étant au premier rang, on retrouve au deuxième rang le prurit anal causée par des irritations de source locale; d'autres étiologies possibles sont décrites ci-dessous :
Irritations de source locale [1][2][3][4][5] | Alimentation [2] | Pathologies dermatologiques [2][3] |
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Pathologie systémique[1][3] | Médication[3] | Processus infectieux [2][3] |
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Le schéma ci-bas décrit le cercle vicieux qui s'installe. Habituellement, une étiologie spécifique cause d'abord le prurit. Éventuellement, le prurit provoque du grattage qui provoque lui-même du prurit. Il s'agit alors d'un cercle qui s'entretient par lui-même, même lorsque l'étiologie initiale est résolue.
Dans la population pédiatrique, les étiologies demeurent les mêmes, mais en proportion différente. L'irritation locale ainsi que l'alimentation sont des causes communes, mais la plus fréquente est une parasitose digestive d'un ver nématode, l'Enterobius vermicularis, plus communément appelé Oxyure. Ce parasite se transmet de façon fécale-orale et est très fréquent dans les garderies. Il est estimé que 20 % des enfants aux États-Unis en seront infectés au cours de leur vie.
Physiopathologie
Les selles contiennent des exotoxines, des lysosymes intestinales, des endopeptidases et de la tyrosine kinase auxquelles l'anoderme est particulièrement sensible. [4] Le contact entre les selles et la peau stimule les fibres C nociceptives qui activent à leur tour le tractus spinothalamique. Le thalamus perçoit ce stimulus comme une démangeaison plutôt que de la douleur, ce qui crée une sensation de prurit. [2] Considérant les voies sensitives impliquées, le geste de grattage ne fera qu'irriter davantage la région et amplifier la sensation de prurit. [5]
La contamination de la région anale peur survenir dans différentes situations, par exemple lors d'incontinence, de diarrhée, de pathologies ano-rectales (hémorroïdes, fissure anale, relâchement réflexe du sphincter anal augmenté) ou d'hygiène insuffisante. Étant donné la sensibilité augmentée de l'anoderme, une quantité occulte de selles peut déclencher du prurit .[4] Un bris de l'anoderme, par exemple lors d'une hygiène excessive sensibilise davantage la région et amplifie la sensation de prurit.[5]
Lorsque la région anale est particulièrement humide, par exemple lors d'activité physique ou de chaleur intense, l'individu aura tendance à assécher la région avec du papier de toilette ou à la nettoyer avec des lingettes humides qui peuvent contenir des produits chimiques (ex: alcool). Ces actions auront pour effet d'irriter la peau, ce qui stimule les fibres C, et même de stimuler le transit intestinal et entrainer une contamination fécale, ce qui amplifie le problème.[5]
Les aliments ainsi que les médicaments énoncés ne sont pas des causes directes d'irritation de la région anale, mais facilitent la relaxation réflexe du sphincter interne ou diminuent la consistance des selles, ce qui favorise la contamination de la région anale par des matières fécales.[1][3]
Approche clinique
Le diagnostic repose principalement sur un questionnaire et un examen physique méticuleux. [3]
Questionnaire
Les éléments importants à rechercher au questionnaire sont les éléments suivants :[2][5]
- les antécédents :
- de cancer colo-rectal
- de chimiothérapie et/ou radiothérapie
- de malformation congénitale
- de maladie systémique (dermatose, lymphoréticulaire, immunosuppression)
- d'abcès périanal récidivant ou de fistule péri-anale
- de traumatisme ano-rectal
- d'atopie
- les habitus :
- les habitudes d'hygiène (l'utilisation de savon, de parfums, etc.)
- les habitudes sexuelles
- la prise de médicament
- les habitudes alimentaires (changement, type d'alimentation)[note 1]
- l'histoire de la maladie actuelle :
- le contexte d'apparition des symptômes
- le lien avec des aliments, la météo et le transit intestinal
- la région atteinte (locale vs systémique)
- la temporalité (fréquence, début, nocturne/diurne)
- les symptômes associés (la diarrhée, la constipation, un changement dans les habitudes des selles, l'incontinence fécale, les rectorragies)
- une revue des systèmes
- les symptômes B
- les systèmes pertinents (dermatologique, gastro-intestinal, endocrinien, urinaire).
Examen clinique
À l'examen physique, les éléments suivants sont pertinents à rechercher :
- l'examen des aires ganglionnaires :
- la présence d'adénopathies inguinales pourrait indiquer une néoplasie ou une infection transmise sexuellement
- à l'examen cutané, il convient de rechercher :
- des modifications cutanées au niveau anal :
- une plaque périanale bien délimitée pourrait suggérer un psoriasis, un tinea ou une néoplasie
- un érythème périanal pourrait suggérer une utilisation locale de stéroïdes ou une infection à candida
- une hyperpigmentation suggère une inflammation chronique
- une lichénification suggère un grattage chronique ou un lichen cutané
- de la macération
- un sinus pilonidal
- des lésions multiples suggèrent de l'herpès, une ITSS ou une néoplasie
- des modifications cutanées à distance
- des modifications cutanées au niveau anal :
- au toucher rectal, il faut rechercher des pathologies concomitantes telles que :
- la diminution du tonus
- une masse
- des hémorroïdes
- des fissures
- un abcès
- un orifice fistuleux.
Drapeaux rouges
Les drapeaux rouges liés au prurit anal sont les suivants: [1]
- des ganglions inguinaux
- une lésion cutanée à bordure bien délimitée
- des lésions anales multiples
- des symptômes B.
Examens paracliniques
Les examens paracliniques sont effectués lorsque le traitement de première intention s'avère inefficace ou lorsqu'il y a une suspicion clinique de pathologie sous-jacente[2][3][5].
Examen paraclinique | Indication |
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Formule sanguine complète | Suspicion de néoplasie, d'anémie ou de processus infectieux |
Bilan hépatique | Suspicion de pathologie hépatique |
TSH | Suspicion d'hypothyroïdie |
Créatininémie et urée plasmatique | Suspicion d'insuffisance rénale |
Sérologie du VIH | Suspicion d'infection au VIH |
Coloscopie | Histoire de rectorragies, facteurs de risque néoplasique ou > 40 ans |
Culture | Toute lésion cutanée suspecte d'infection |
Biopsie au poinçon | Toute lésion cutanée suspecte de néoplasie |
Recherche d'oxyure | Si prurit nocturne prédominant ou si plusieurs membres de la même famille atteint. |
Traitement
Traitement initial
Le traitement initial permet de résoudre le prurit anal idiopathique chez 90 % des patients. [3] L'approche se fait en trois volets. [1][2][5][6]
Principe | Mesure | |
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Mesures générales | Hygiène anale |
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Consistence des selles |
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Élimination des causes d'irritations |
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Traitement |
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Traitement de deuxième intention
Si les symptômes sont réfractaires, il est important de refaire un questionnaire et un examen physique attentif, puis de porter une attention particulière à l'évolution des symptômes ainsi qu'à la compliance du patient au traitement initial. Les examens paracliniques précédemment énoncés sont ensuite effectués. Si aucune cause n'a été mise en évidence, des mesures de deuxième intention peuvent être ajoutées au traitement initial.[2]
Traitement | Mode d'action |
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Capsaïcine topique | |
Injection de bleu de
méthylène périanal |
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Tacrolimus |
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Notes
- ↑ Voir section étiologie ci-haut pour les aliments à rechercher.
Références
- Cet article a été créé en partie ou en totalité le 2021/06/22 à partir de Chirurgie (application), créée par Dre Hélène Milot, Dr Olivier Mailloux et collaborateurs et partagé sous la licence CC-BY-SA 4.0 international
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 et 1,6 (en) S Siddiqi, V Vijay, M Ward et R Mahendran, « Pruritus Ani », The Annals of The Royal College of Surgeons of England, vol. 90, no 6, , p. 457–463 (ISSN 0035-8843 et 1478-7083, PMID 18765023, Central PMCID PMC2647235, DOI 10.1308/003588408X317940, lire en ligne)
- ↑ 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 et 2,10 « Prurit anal » (consulté le 14 avril 2021)
- ↑ 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5 3,6 3,7 3,8 et 3,9 « Approach to the patient with anal pruritus », sur www.uptodate.com, (consulté le 9 mai 2021)
- ↑ 4,0 4,1 et 4,2 R. M. Caplan, « The irritant role of feces in the genesis of perianal itch », Gastroenterology, vol. 50, no 1, , p. 19–23 (ISSN 0016-5085, PMID 5900950, lire en ligne)
- ↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4 5,5 et 5,6 (en) Parswa Ansari, « Pruritus Ani », Clinics in Colon and Rectal Surgery, vol. 29, no 01, , p. 038–042 (ISSN 1531-0043 et 1530-9681, PMID 26929750, Central PMCID PMC4755774, DOI 10.1055/s-0035-1570391, lire en ligne)
- ↑ R. Hanno et P. Murphy, « Pruritus ani. Classification and management », Dermatologic Clinics, vol. 5, no 4, , p. 811–816 (ISSN 0733-8635, PMID 3315360, lire en ligne)
- ↑ Sylvia M. D. Gooding, Peter H. Canter, Helen F. Coelho et Kate Boddy, « Systematic review of topical capsaicin in the treatment of pruritus », International Journal of Dermatology, vol. 49, no 8, , p. 858–865 (ISSN 1365-4632, PMID 21128913, DOI 10.1111/j.1365-4632.2010.04537.x, lire en ligne)
- ↑ Erwin Suys, « Randomized study of topical tacrolimus ointment as possible treatment for resistant idiopathic pruritus ani », Journal of the American Academy of Dermatology, vol. 66, no 2, , p. 327–328 (ISSN 1097-6787, PMID 22243728, DOI 10.1016/j.jaad.2011.05.024, lire en ligne)