Prurit anal (approche clinique)

De Wikimedica
Révision datée du 22 juillet 2021 à 15:50 par Michaël St-Gelais (discussion | contributions) (Révisé par le comité éditorial)
Prurit anal
Approche clinique
Caractéristiques
Examens paracliniques Formule sanguine complète, TSH, Bilan hépatique, Créatininémie, Culture, Urée plasmatique, Sérologie du VIH, Coloscopie, Biopsie au poinçon
Drapeaux rouges
Symptômes B, Ganglions inguinaux, Lésion cutanée à bordure bien délimitée, Lésions anales multiples
Informations
Terme anglais Pruritus ani
Wikidata ID Q1633590
Spécialités Dermatologie, Chirurgie générale

Le prurit anal est une sensation désagréable non douloureuse ou de démangeaison au niveau de l'anus ou de l'anoderme.

Épidémiologie

1 à 5% de la population sera incommodée par du prurit anal pendant leur vie. La moyenne d'âge est de 40 à 70 ans et affecte 4 fois plus les hommes que les femmes. [1][2]

Étiologies

Dans 50 à 90% des cas, le prurit est dit primaire ou idiopathique, mais dans 75% de ces patients il y aurait une étiologie sous-jacente qui ne serait pas identifiée. [1][2]

Outre le prurit anal idiopathique, la 2e cause la plus fréquente est les irritants locaux, suivi des autres classes étiologiques décrites ci-dessous.

Irritants locaux[1][2][3][4][5] Alimentation [2] Pathologies dermatologiques [2][3]
Pathologie systémique[1][3] Médication[3] Processus infectieux [2][3]

Le schéma ci-bas décrit le cercle vicieux qui s'installe. Habituellement, une étiologie spécifique cause d'abord le prurit. Éventuellement, le prurit provoque du grattage qui provoque lui-même du prurit. Il s'agit alors d'un cercle qui s'entretient par lui-même, même lorsque l'étiologie initiale est résolue.

Étiologies du prurit anal


Les vers anaux peuvent provoquer du prurit.

Dans la population pédiatrique, les étiologies demeurent les mêmes, mais en proportion différente. L'irritation locale ainsi que l'alimentation sont des causes communes, mais la plus fréquente est une parasitose digestive d'un ver nématode, l'Enterobius vermicularis, plus communément appelé Oxyure. Ce parasite se transmet de façon fécale-orale et est très fréquent dans les garderies. Il est estimé que 20% des enfants aux États-Unis en seront infectés au cours de leur vie.

Physiopathologie

Les selles contiennent des exotoxines, des lysosymes intestinales, des endopeptidases et de la tyrosine kinase, et l'anoderme est une région particulièrement sensible à ces molécules. [4] Le contact entre les selles et la peau stimule les fibres C nociceptives qui activent à leurs tour le tractus spinothalamique. Le thalamus perçoit ce stimulus comme une démangeaison plutôt que de la douleur, ce qui crée une sensation de prurit. [2] Considérant les voies sensitives impliquées, le geste de grattage ne fera qu'irriter davantage la région et amplifier la sensation de prurit. [5]

La contamination de la région anale peur survenir dans différentes situations, par exemple lors d'incontinence, de diarrhée, de pathologies ano-rectales (hémorroïdes, fissure anale, relâchement réflexe du sphincter anal augmentée) ou d'hygiène insuffisante. Étant donné la sensibilité augmentée de l'anoderme, une quantité occulte de selles peut déclencher du prurit .[4] Un bris de l'anoderme, par exemple lors d'une hygiène excessive sensibilise davantage la région et amplifie la sensation de prurit.[5]

Lorsque la région anale est particulièrement humide, par exemple lors d'activité physique ou de chaleur intense, l'individu aura tendance à assécher la région avec du papier de toilette ou à la nettoyer avec des lingettes humides qui peuvent contenir des produits chimiques (ex: alcool). Ces actions auront pour effet d'irriter la peau, ce qui stimule les fibres C, et même de stimuler le transit intestinal et entrainer une contamination fécale, ce qui amplifie le problème.[5]

Les aliments ainsi que les médicaments énoncés ne sont pas directement des irritants pour la région anale, mais facilitent la relaxation réflexe du sphincter interne ou diminuent la consistance des selles, ce qui favorise la contamination de la région anale par des matières fécales.[1][3]

Approche clinique

Le diagnostic repose principalement sur un questionnaire et un examen physique méticuleux. [3]

Questionnaire

Les éléments importants à rechercher au questionnaire sont les éléments suivants :[2][5]

  • les antécédents :
    • de cancer colo-rectal
    • de chimiothérapie et/ou radiothérapie
    • de malformation congénitale
    • de maladie systémique (dermatose, lymphoréticulaire, immunosuppression)
    • d'abcès périanal récidivant ou de fistule péri-anale
    • de traumatisme ano-rectal
    • d'atopie
  • les habitus :
    • les habitudes d'hygiène (l'utilisation de savon, parfums, etc.)
    • les habitudes sexuelles
    • la prise de médicament
  • les habitudes alimentaires (changement, type d'alimentation)[note 1]
  • l'histoire de la maladie actuelle :
    • le contexte d'apparition des symptômes
    • le lien avec des aliments, la météo et le transit intestinal
    • la région atteinte (locale vs systémique)
    • la temporalité (fréquence, début, nocturne/diurne)
    • les symptômes associés (la diarrhée, la constipation, un changement dans les habitudes des selles, l'incontinence fécale, les rectorragies)
    • une revue des systèmes
      • les symptômes B
      • les systèmes pertinents (dermatologique, gastro-intestinal, endocrinien, urinaire).

Examen clinique

À l'examen physique, les éléments suivants sont pertinents à rechercher :

  • l'examen des aires ganglionnaires :
    • la présence d'adénopathies inguinales pourrait indiquer une néoplasie ou une infection transmise sexuellement
  • à l'examen cutané, il convient de rechercher :
    • des modifications cutanées au niveau anal :
      • une plaque périanale bien délimitée pourrait suggérer un psoriasis, un tinea ou une néoplasie
      • un érythème périanal pourrait suggérer une utilisation locale de stéroïdes ou une infection à candida
      • une hyperpigmentation suggère une inflammation chronique
      • une lichénification suggère un grattage chronique ou un lichen cutané
      • de la macération
      • un sinus pilonidal
      • des lésions multiples suggèrent de l'herpès, une ITSS ou une néoplasie
    • des modifications cutanées à distance
  • au toucher rectal, il faut rechercher des pathologies concomitantes telles que :

Drapeaux rouges

Les drapeaux rouges liés a prurit anal sont les suivants: [1]

Examens paracliniques

Les examens paracliniques sont effectués lorsque le traitement de première intention s'avère inefficace ou lorsqu'il y a une suspicion clinique de pathologie sous-jacente[2][3][5].

Examen paraclinique Indication
Formule sanguine complète Suspicion de néoplasie, d'anémie ou de processus infectieux
Bilan hépatique Suspicion de pathologie hépatique
TSH Suspicion d'hypothyroïdie
Créatininémie et urée plasmatique Suspicion d'insuffisance rénale
Sérologie du VIH Suspicion d'infection au VIH
Coloscopie Histoire de rectorragies, facteurs de risque néoplasique ou > 40 ans
Culture Toute lésion cutanée suspecte d'infection
Biopsie au poinçon Toute lésion cutanée suspecte de néoplasie
Recherche d'oxyure Si prurit nocturne prédominant ou si plusieurs membres de la même famille atteint.

Traitement

Traitement initial

Le traitement initial permet de résoudre le prurit anal chez 90% des patients avec une cause idiopathique. [3] L'approche se fait en trois volets. [1][2][5][6]

Principe Mesure
Mesures générales Hygiène anale
  • Garder la région anale au sec
  • Laver la région avec de l'eau sans savon ou avec savon très doux non parfumé
  • Appliquer une crème hydratante ou de la gelée de pétrole. Les crèmes barrières de type zinc devraient être évitées
  • Éviter les vêtements serrés ne permettant pas à l'humidité de s'échapper (favoriser les sous-vêtements de coton blanc).
Consistence des selles
  • Favoriser des selles solides avec un supplément de fibre.
Élimination des irritants
  • Cesser les médicaments susceptibles d'être en cause
  • Éviter les savons et détergents à lessive parfumés, crèmes, bain moussants, papier de toilette et rincer la région anale si utilisation
  • Éviter les aliments à risque et les réintroduire un à la la fois en portant attention aux symptômes
  • Éviter le grattage de la région.
Traitement
  • Antihistaminiques si symptômes nocturnes
    • Les antihistaminiques topiques ne sont pas recommandés puisque leur potence n'est pas assez élevée pour soulager les symptômes
  • Chez les patients avec symptômes modérés, crème de cortisone 1% en association avec une crème barrière pour 2 semaines
  • Chez les patients réfractaires, crème de cortisone de puissance forte pour un maximum de 8 semaines et favoriser les bains après défécation.

Traitement de deuxième intention

Si les symptômes sont réfractaires, il est important de refaire un questionnaire et examen physique attentif et d'apporter une attention particulière à l'évolution des symptômes ainsi qu'à la compliance du patient au traitement initial. Les examens paracliniques précédemment énoncés sont ensuite effectués. Si aucune cause n'a été mise en évidence, des mesures de deuxième intention peuvent être ajoutées au traitement initial.[2]

Traitement Mode d'action
Capsaïcine topique
  • Agit sur la substance P qui est impliqué dans la douleur[3].
  • Les études actuelles ne sont pas suffisantes et son utilisation n'est pas recommandée pour le moment. [7]
Injection de bleu de

méthylène périanal

  • Vise à détruire les terminaisons nerveuses
  • Peu d'études ont démontré ce succès à long terme avec ce traitement.
Tacrolimus
  • N'a pas démontré de supériorité comparé au placebo [8]
  • Peut être utilisé en dernier recours.

Notes

  1. Voir section étiologie ci-haut pour les aliments à rechercher.

Références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 et 1,6 (en) S Siddiqi, V Vijay, M Ward et R Mahendran, « Pruritus Ani », The Annals of The Royal College of Surgeons of England, vol. 90, no 6,‎ , p. 457–463 (ISSN 0035-8843 et 1478-7083, PMID 18765023, Central PMCID PMC2647235, DOI 10.1308/003588408X317940, lire en ligne)
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 et 2,10 « Prurit anal » (consulté le 14 avril 2021)
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5 3,6 3,7 3,8 et 3,9 « Approach to the patient with anal pruritus », sur www.uptodate.com, (consulté le 9 mai 2021)
  4. 4,0 4,1 et 4,2 R. M. Caplan, « The irritant role of feces in the genesis of perianal itch », Gastroenterology, vol. 50, no 1,‎ , p. 19–23 (ISSN 0016-5085, PMID 5900950, lire en ligne)
  5. 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4 5,5 et 5,6 (en) Parswa Ansari, « Pruritus Ani », Clinics in Colon and Rectal Surgery, vol. 29, no 01,‎ , p. 038–042 (ISSN 1531-0043 et 1530-9681, PMID 26929750, Central PMCID PMC4755774, DOI 10.1055/s-0035-1570391, lire en ligne)
  6. R. Hanno et P. Murphy, « Pruritus ani. Classification and management », Dermatologic Clinics, vol. 5, no 4,‎ , p. 811–816 (ISSN 0733-8635, PMID 3315360, lire en ligne)
  7. Sylvia M. D. Gooding, Peter H. Canter, Helen F. Coelho et Kate Boddy, « Systematic review of topical capsaicin in the treatment of pruritus », International Journal of Dermatology, vol. 49, no 8,‎ , p. 858–865 (ISSN 1365-4632, PMID 21128913, DOI 10.1111/j.1365-4632.2010.04537.x, lire en ligne)
  8. Erwin Suys, « Randomized study of topical tacrolimus ointment as possible treatment for resistant idiopathic pruritus ani », Journal of the American Academy of Dermatology, vol. 66, no 2,‎ , p. 327–328 (ISSN 1097-6787, PMID 22243728, DOI 10.1016/j.jaad.2011.05.024, lire en ligne)
Les sections suivantes sont remplies automatiquement et se peupleront d'éléments à mesure que des pages sont crées sur la plateforme. Pour participer à l'effort, allez sur la page Gestion:Contribuer. Pour comprendre comment fonctionne cette section, voir Aide:Fonctions sémantiques.