Insuffisance rénale chronique (programme d'exercices)

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Cette page vise à décrire les effets bénéfiques de l’activité physique (AP) sur la gestion de l'insuffisance rénale chronique (IRC).

Insuffisance rénale chronique (programme d'exercices) (IRC)
Programme d'exercices

Rein à l'échographie chez un patient atteint d'IRC
Programme d'exercices
Système Rénal
Indications
Insuffisance rénale chronique
Contre-indications absolues
Insuffisance cardiaque, Hyperkaliémie, Dysélectrolytémie, Tachyarythmie, Bradyarythmie, Hypokaliémie, Changements à l'ECG
Contre-indications relatives
Dialyse, Diabète sucré, Prise de poids, Titration de médicament, Dysfonctionnement de cathéter veineux, Dysfonctionnement de fistule de dialyse
Complications
Hypoglycémie, Hypotension artérielle (signe clinique)
Informations
Terme anglais Chronic kidney disease, Chronic kidney insufficiency
Wikidata ID Q736715
Spécialités Néphrologie, Kinésiologie, Médecine familiale

Contexte

L'IRC est une détérioration graduelle de la fonction rénale caractérisée par une diminution du nombres de néphrons sains fonctionnels.[1][2] Les fonctions de filtration rénales diminuent jusqu'au point d'incapacité à filtrer correctement les déchets métaboliques du sang dont l'urée et la créatinine.[2] Deux conséquences importantes de l'IRC sont la rétention de liquide qui peut entraîner une congestion circulatoire et une accumulation de composés solubles et insolubles dans les fluides corporels[3] Ces deux accumulations peuvent causer de l'hypertension, une insuffisance cardiaque, des anomalies endocriniennes (ex. le métabolisme de calcium), de l'anémie et une augmentation de stress inflammatoire et oxidative.[3] En raison de ces diverses bouleversements métaboliques, les personnes atteintes d'IRC sont à plus haut risque de maladie cardiovasculaire. athérosclérotique, de cardiomyopathie, d'une perte de masse musculaire et de masse osseuse et d'une grande diminution de la capacité fonctionnelle.[3] Bien qu'il existe différentes formes de traitements comme la dialyse et la greffe rénale, les symptômes comme la fatigue, la dyspnée et un déconditionnement physique général demeurent omniprésents chez cette clientèle.[3] [4]

L'objectif d'une intervention en activité physique pour les personnes atteintes de cette maladie est de maintenir les capacités fonctionnelles et de freiner la détérioration des capacités physiques.

Indications

Toute personne atteinte de l'IRC est encouragée à garder un mode de vie actif et d'éviter la sédentarité pour maintenir une bonne capacité fonctionnelle.[2]

Contre-indications

Il faut porter attention aux conditions suivantes avant de prescrire l'activité physique[4][5].

Absolues

Les contre-indications absolues sont :

Relatives

Les contre-indications relatives sont :

Prescription recommandée

Bien qu'une prescription idéale spécifique en activité physique n'a pas encore été établie chez les personnes atteinte de l'IRC, le modèle FITT pour cette clientèle est semblable à la population en général, où l'objectif serait d'atteindre une intensité légère à modérée d'aérobie selon la tolérance à l'effort de l'individu et compte tenu de son niveau de condition physique actuel.[6]

Recommendations chez les patients atteints d'IRC
Aérobie Résistance Flexibilité
Fréquence
  • 3-5 jours/semaine
  • 2-3 jours/semaine
  • 2-3 jours/semaine
Intensité
  • Modérée (40-59% de la réserve de la consommation maximale d'oxygène;
  • 3-5/10 sur l'échelle de perception d'effort)
  • 65%-75% 1-RM
  • Statique: jusqu'au point d'inconfort minime
  • Étirements neuro-proprioceptives: 20%-75% de la contraction maximale volontaire
Temps
  • 20 à 60 min d'exercice continu; si la tolérance est basse, 3 à 5 min d'exercice fractionné jusqu'à 20-60 min/jour
  • Minimum 1 série de 10 à 15 répétitions; 8-10 exercices pour viser plusieurs groupes musculaires
  • 60 s pour chaque articulation en statique (10-30 s durée par étirement); étirements neuro-proprioceptives: 3-6 s de contraction suivi de 10 à 30s d'étirement assistée
Type
  • Activités cycliques avec usage des grands muscles du corps (ex. marche, vélo, natation)
  • Machines, poids libre, bandes élastiques, exercices avec poids du corps
  • Statique ou étirements neuro-proprioceptives
Prescription chez les patients dialysés[4]
Mode Prescription
Aérobie
  • Pendant les deux premières heures de dialyse, 3 fois par semaine
  • Intensité: 55% à 70% de la fréquence cardiaque maximale, ou une perception d'effort modérée de 3-5/10
  • Durée: progression vers 30 à 40 minutes en mode continu
  • Type: ergomètre pédalier
Résistance
  • Fréquence: 2 sessions par semaine
  • Volume: 1 à 2 séries de 12-15 répétitions (60%-70% du 1-RM)
  • Type: poids libre, bandes élastiques, poids lestés
Flexibilité
  • Fréquence: 5 à 7 fois par semaine
  • Durée: 20 à 30 s chaque étirement, total de 10 min en tout pour une séance
Équilibre
  • Exercices d'équilibre statique et dynamique pour la plupart des journées de la semaine pour les patients plus à risque pour les chutes

Il est également recommandé à tous patients d'IRC d'éviter les périodes sédentaires prolongées, surtout pendant les journées entre les traitements de dialyse[2][6]. Ces derniers devraient être encouragés à se lever et bouger à toutes les 30 minutes afin de briser le temps sédentaire.

Exécution

Les personnes en stade 5 avec un historique de débalancement de l'axe phosphocalcique sont à risque plus élevé de ruptures tendineuses et de fractures. Il faut donc éviter les mouvements ballistiques ainsi que les tests 1-RM.

Plusieurs personnes souffrant d'IRC présenteront une diminution de leur tolérance d'effort en raison de la fatigue et du déconditionnement. [3] Avant d'entreprendre un programme d'exercice de façon sécuritaire, il est important d'évaluer les caractéristiques suivantes [4]:

  • l'étiologie de l'IRC et les autres comorbidités
  • les derniers bilans sanguins
  • la médication actuelle
  • l'historique de maladie cardiovasculaire et/ou présence de symptômes
  • la révision de l'horaire et du type de dialyse
  • les mesures des tensions artérielles pré et post-dialyse.

L'American College of Sports Medicine (ACSM) recommande de commencer avec des ratios d'efforts aérobiques fractionnés (ex. 3 minutes d'effort modéré intercallé avec 3 minutes d'intensité faible) pour développer une adhérence initiale chez les patients très déconditionnés, et d'augmenter la durée d'exercice en mode continu tout en diminuant le temps de repos. [6]Typiquement, une séance d'entraînement en aérobie débute par un échauffement de 5 minutes à intensité faible, suivi par une période d'intensité modérée d'au moins 10 minutes en continu et terminant avec un retour au calme à intensité faible de 5 minutes ou moins[7].

Pour la musculation, l'objectif serait d'atteindre un minimum de deux jours non consécutifs pendant la semaine. Inclure 8 à 12 exercices dans un programme de résistance, 10 à 15 répétitions par exercice, ciblant les grands groupes musculaires, avec les modalités mentionnées dans la prescription d'exercice.[5]Pour les hémodialysés, l'entraînement pendant le traitement pourrait se faire selon la tolérance du patient, soit durant la première partie pour éviter une réponse hypotensive ou pendant la dernière heure de dialyse pour contrer l'hypotension[3]. Il n'est pas conseillé d'utiliser le bras avec la fistule pour l'entraînement lors de la dialyse[6]. Pour les personnes sur la dialyse péritonéale, il est possible de s'entraîner avec le dialysat dans l'abdomen, sinon, la personne peut vider le dialysat avant de faire l'entraînement pour moins d'inconfort[6].

Complications

L'exercice est sécuritaire pour une bonne partie des patients atteints de l'IRC pour qui la condition est stable et bien surveillé par leur équipe médicale.

Chez les personnes dialysées, la précipitation de l'hypotension artérielle intradialytique est l'un des principaux risques à l'exercice, car les épisodes d'hypotension intradialytique peuvent être associés à de mauvais résultats et à une mortalité accrue[8]. La dialyse peut causer de l'hypotension sévère chez certains patients vers la fin du traitement, donc il serait plus favorable de faire l'exercice dans les deux premières heures du traitement[5].

Une autre complication de l'entraînement intradialytique serait l'exacerbation de l'hypoglycémie, surtout chez les patients diabétiques utilisant du dialysat sans glucose, qui peut engendrer un état catabolique semblable à un état à jeûn[9]. Il serait important pour le patient de surveiller de près son contrôle glycémique ainsi qu'avoir des mesures des pressions artérielles dans les valeurs cibles (< 130/80 mm Hg) pour assurer d'une meilleure sécurité pendant l'exercice[10][2].

Suivi

Généralement, le suivi à l'entraînement de la clientèle en IRC est en fonction de l'état de santé de l'individu et de ses autres comorbidités, son niveau d'énergie, la progression de sa maladie, sa tolérance à l'effort et ses objectifs[3]. Les patients d'IRC qui ne sont pas encore dialysés seront suivis plus de façon sporadique en comparaison avec les patients en stade terminale[10].

Pendant une séance d'exercice intradialytique, il serait important de surveiller de près les paramètres suivants à avant, pendant et après la séance pour s'assurer de la stabilité du patient et de l'efficacité des séances d'entraînement [4]:

  • la fréquence cardiaque
  • la tension artérielle
  • la saturation d'oxygène
  • la glycémie
  • l'échelle de perception d'effort
  • les autres symptômes pouvant nuire la séance (ex. crampe musculaire).

Des évaluations de tests fonctionnels comme le Sit to Stand test, la force de préhension et l'évaluation de l'équilibre au début, à 1 mois et à 6 mois d'un programme peuvent aussi servir pour la recherche, mais surtout comme source de motivation pour ces patients[4].

Bénéfice anticipé

La pratique régulière d'activité physique chez cette population a le potentiel d'améliorer ou de maintenir les capacités fonctionnelles tout en gardant une bonne qualité de vie[3]. L’exercice cardiovasculaire induit des adaptations dans les systèmes cardiorespiratoires et musculo-squelettiques pour augmenter le VO2max et la capacité de l'individu à s'exercer plus longtemps et efficacement. Les patients en insuffisance terminale ont en moyenne un VO2max diminué d’environ 50% en comparaison avec des individus en santé[11], et l’exercice cardiovasculaire peut améliorer cette valeur entre 20% à 40%, compte tenu du déconditionnement parfois sévère qui est commun chez cette clientèle.[11]Des améliorations musculaires sont également notées chez cette population dans des tests de capacité fonctionnelle comme le test de marche de 6 minutes, la vitesse de marche et du levée de chaise[3].

L’exercice cardiovasculaire est aussi suggéré comme traitement non pharmacologique pour l’hypertension artérielle, une condition intimement liée à l’IRC[11]. L'exercice pourrait potentiellement diminuer la prise de médicaments anti-hypertenseurs.[12]

L'efficacité de l'hémodialyse pendant l'exercice intradialytique est un autre bénéfice que la littérature commence à mieux identifier. Le pédalage sur ergomètre pendant la dialyse a comme effet d'augmenter la perfusion sanguine vers les jambes. Ceci permet de déplacer l'urée et d'autres toxines piégées des compartiments musculaires vers la circulation sanguine pour être éliminées pendant l'hémodialyse. Il a été suggéré que 1 heure d'exercice aérobique pourrait être comparable à une durée de dialyse supplémentaire de 20 minutes chez des patients d'IRC non actifs.[4]

L'IRC et la nécessité d'une dialyse chronique peuvent créer des effets psychosociaux délétères sur les patients atteints d'IRC terminale. Le stress est souvent sévère et accablant, et ces patients se présentent avec des niveaux élevés de dépression et d'anxiété.[11] L'exercice diminuerait la détresse émotionnelle, l'amélioration de la qualité de sommeil, les niveaux de fatigue et une réduction sur les taux d'hospitalisation pour les patients dialysés. [4][13]

En résumé, le patient souffrant d’IRC est confronté à de nombreux défis liés à leur santé physique et psychologique. Plusieurs comorbidités associées à cette maladie comme l’anémie, l’hypertension, les maladies cardiaques et le diabète, mènent à une réduction des capacités physiques du patient et vers une fragilité précoce. Ces déficiences physiques sont aussi fortement associées à des risques plus élevés de la mortalité et de la morbidité[14]. Augmenter le niveau d’activité physique du patient en IRC est une solution possible pour la gestion thérapeutique de ces nombreuses problématiques de santé et de maintenir les capacités fonctionnelles. De plus, l’exercice peut aussi optimiser l’efficacité des traitements en dialyse en plus de contrer ses conséquences néfastes dont la fonte musculaire et ses séquelles[4].

Références

  1. Paul Jungers et al., L'insuffisance rénale chronique: prévention et traitement, France, Lavoisier
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 et 2,4 « Fondation du rein », sur rein.ca (consulté le 15 février 2022)
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5 3,6 3,7 et 3,8 (en) Geoffrey E. Moore et al., ACSM's exercise management for persons with chronic diseases and disabilities, États-Unis, Human Kinetics (ISBN 978-1-4504-3414-0)
  4. 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 4,6 4,7 et 4,8 (en) Kristen Parker, « Intradialytic Exercise is Medicine for Hemodialysis Patients », Current Sports Medicine Reports,‎ , p. 269-275 ([www.acsm-csmr.org lire en ligne])
  5. 5,0 5,1 et 5,2 (en) Neil A. Smart, Andrew D. Williams, Itamar Levinger, Steve Selig, Erin Howden, Jeff S. Coombes, Robert G. Fassett, « Exercise & Sports Science Australia (ESSA) position statement on exercise and chronic kidney disease », Journal of Science and Medicine in Sport,‎ , p. 6 (lire en ligne)
  6. 6,0 6,1 6,2 6,3 et 6,4 (en) ASCM, ACSM's guidelines for exercise testing and prescription, eleventh edition, Wolters Kluwer, 513 p.
  7. (en) Patricia Painter, « Exercise: a guide for the people on dialysis », Medical Education Institute, Inc.,‎
  8. (en) Kuipers J, Verboom LM, Ipema KJ, Paans W, Krijnen WP, Gaillard CA, et al, « The prevalence of intradialytic hypotension in patients on conventional hemodialysis: A systematic review with meta-analysis. », American journal of nephrology,‎ 2019;49(6):, p. 497-506
  9. (en) Masanori Abe, Kamyar Kalantar-Zadeh., « Haemodialysis-induced hypoglycaemia and glycaemic disarrays », Nature reviews. Nephrology vol. 11,5,‎ , p. 302-13 ([doi:10.1038/nrneph.2015.38 lire en ligne])
  10. 10,0 et 10,1 (en) Luke A. Baker, Daniel S. March, Thomas J. Wilkinsion et al., « Clinical Practice Guideline: Exercise and Lifestyle in Chronic Kidney Disease », The Renal Association,‎
  11. 11,0 11,1 11,2 et 11,3 (en) Claude Bouchard, Roy J. Shepherd, Thomas Stephens, Physical Activity, Fitness and Health: International Proceedings and Consensus Statement, États-Unis, Human Kinetics Publishers, 1055 p.
  12. (en) Brent W Miller, Cheryl L Cress, Mary E Johnson, Darlene H Nichols, Mark A Schnitzler, « Exercise during hemodialysis decreases the use of antihypertensive medications », American Journal of Kidney Diseases,‎ avril 2002;39(4), p. 828-33 ([DOI:%2010.1053/ajkd.2002.32004 lire en ligne])
  13. (en) Kouidi E, Karagiannis V, Grekas D, Iakovides A, Kaprinis G, Tourkantonis A, Deligiannis A., « Depression, heart rate variability, and exercise training in dialysis patients », European Journal of Preventive Cardiology,‎ avril 2010;17(2):, p. 160-7 ([DOI:%2010.1097/HJR.0b013e32833188c4 lire en ligne])
  14. (en) Janaudis-Ferreira T, Mathur S, Deliva R, et al, « Exercise for Solid Organ Transplant Candidates and Recipients: A Joint Position Statement of the Canadian Society of Transplantation and CAN-RESTORE. », Transplantation,‎ , e220-e238
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