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== Étiologies ==
== Étiologies ==
Une insuffisance rénale aiguë s'explique par au moins une des trois composantes suivantes. Elles ne sont en aucun cas mutuellement exclusives; au contraire, il est fréquent de retrouver une IRA les regroupant en partie ou même complètement:<ref name=":0" />[[Fichier:IRA.jpg|800x800px|Étiologies de l'IRA|alt=|centré|sans_cadre]]
Une insuffisance rénale aiguë s'explique par au moins une des trois composantes suivantes. Elles ne sont en aucun cas mutuellement exclusives; au contraire, il est fréquent de retrouver une IRA les regroupant en partie ou même complètement:<ref name=":0" />[[Fichier:IRA.jpg|595x595px|Étiologies de l'IRA|alt=|centré|sans_cadre]]
=== Pré-rénale ===
=== Pré-rénale ===
Résulte d'une hypoperfusion rénale dépassant les capacités d'adaptation physiologique du rein. Se caractérise par une capacité de concentration des urines préservée avec activation du système ∑, du [[SRAA|RAA]] et de l'[[ADH]]. Diverses causes en sont responsables, dont :
Résulte d'une hypoperfusion rénale dépassant les capacités d'adaptation physiologique du rein. Se caractérise par une capacité de concentration des urines préservée avec activation du système ∑, du [[SRAA|RAA]] et de l'[[ADH]]. Diverses causes en sont responsables, dont :

Version du 3 mai 2020 à 12:03

Insuffisance rénale aiguë (IRA)
Maladie

Échographie démontrant une nécrose tubulaire aiguë
Caractéristiques
Signes
Symptômes
Oligurie, Anurie, Asymptomatique , Polyurie
Diagnostic différentiel
Insuffisance rénale chronique
Informations
Wikidata ID Q424337
Spécialités Néphrologie, urologie

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Objectif du CMC
Insuffisance rénale aiguë (anurie ou oligurie) (89-1)

L'insuffisance rénale aiguë (IRA) est une diminution brusque du débit de filtration glomérulaire. De façon concrète, on en retire habituellement trois définitions[1] :

  1. Élévation de la créatinine de ≥ 0,3 mg/dL (26,5 µmol/L) à partir de la valeur de base en-dedans de 48 heures (selon la classification AKIN).
  2. Élévation de la créatinine de ≥ 50% à partir de la valeur de base en-dedans d'une semaine (selon la classification RIFLE).
  3. Oligurie : Débit urinaire < 0,5 cc/kg/h x 6h OU < 400 mL/24h chez l'adulte.


Étiologies

Une insuffisance rénale aiguë s'explique par au moins une des trois composantes suivantes. Elles ne sont en aucun cas mutuellement exclusives; au contraire, il est fréquent de retrouver une IRA les regroupant en partie ou même complètement:[1]

Étiologies de l'IRA

Pré-rénale

Résulte d'une hypoperfusion rénale dépassant les capacités d'adaptation physiologique du rein. Se caractérise par une capacité de concentration des urines préservée avec activation du système ∑, du RAA et de l'ADH. Diverses causes en sont responsables, dont :

Rénale

Se caractérise par une atteinte de la fonction tubulaire avec perte de la capacité de concentration de l'urine. Elle regroupe plusieurs étiologies.

  • nécrose tubulaire aiguë :
    • Ischémie : Hypoperfusion rénale de durée et de sévérité surpassant la composante pré-rénale. En ce sens, l'IRA pré-rénale et l'IRA rénale ischémique sont donc considérés comme étant des extrêmes d'un même spectre. L'atteinte rénale cible principalement la médulla rénale, d'où l'atteinte tubulaire marquée.
    • Néphrotoxines :
      • Endogènes :
        • Hémolyse
        • Rhabdomyolyse : Élévation de myoglobine due à la destruction musculaire
          • Phase pré-rénale : Secondaire à l'oedème musculaire et la relâche de vasoconstricteurs
          • Phase rénale : Toxicité tubulaire directe par la précipitation de myoglobine
      • Exogènes : Voici une liste non-exhaustive
        • Aminosides
        • Produits de contraste iodés
        • Étyhlène glycol
        • Chimiothérapie (i.e. cisplatine)
        • Amphotéricine
  • néphrite interstitielle aiguë : Allergie médicamenteuse, pyélonéphrite aiguë bilatérale, maladies infiltratives
  • Atteintes glomérulaires : glomérulonéphrite aiguë
  • Vasculaire : occlusion artères rénales, atteinte vascularisation intra-rénale (HTA maligne, PTT-SHU, vasculites) et thrombose des veines rénales
  • Atteintes mixtes : myélome multiple, réaction transfusionnelle

Post-rénale

Obstruction rénale et/ou du tractus urinaire bilatéral (sauf si rein unique ou en fer à cheval). Elle engendre une élévation rétrograde de la pression hydrostatique, ce qui perturbe la filtration glomérulaire.

  • Haute : Rénale ou obstruction urétérale. Peut être classifiée selon atteintes intra-luminales, au niveau de la paroi ou externe (i.e. phénomène de compression). Nécessite une atteinte bilatérale.
  • Basse : À partir de la vessie, en descendant. Classification similaire aux obstructions hautes.
  • Forme neurogénique avec rétention urinaire sévère et possible incontinence urinaire par trop-plein.

Présentation clinique

Le contexte clinique est particulièrement important lors d'une IRA:[1]

  • Une revue des systèmes, de la médication et un examen physique complets sont essentiels au diagnostic afin de cibler les éléments clés au diagnostic.
  • Les principales manifestations cliniques correspondent généralement à des complications de l'IRA.

Facteurs de risques

Questionnaire

  • Généralement asymptomatique.
  • Ce sont les étiologies particulières ou les complications qui entraîneront des symptômes.

Examen clinique

  • Une baisse de la diurèse peut être observée, allant de l'oligurie à l'anurie (< 50 cc/24h).
  • L'anurie peut, selon les cas, être suggestif d'une composante post-rénale.
  • Toutefois, dans certains cas d'IRA rénale, il est possible d'objectiver une polyurie secondaire à la perte de la fonction tubulaire et donc, de la concentration d'urine. Cela s'applique en particulier dans le contexte d'exposition aux néphrotoxines exogènes ou lors de la résolution de l'IRA (dysfonction tubulaire en résolution).
  • À retenir qu'une myoglobinurie se traduit cliniquement par des urines foncées (à différencier de l'hyperbilirubinémie) et peut être confondue avec de l'hématurie.

Examens paracliniques[1]

Plusieurs investigations sont disponibles et devraient être considérés :

Éléments paracliniques en fonction des étiologies
Pré-rénale Rénale Post-rénale
Débit urinaire Normal/oligurie Oligurie Variable, possible anurie (si obstruction complète)
Sédiment urinaire Normal, possible présence augmenté de cylindres hyalins - Cylindres granuleux (NTA)

- Cylindres érythrocytaires (glomérulonéphrite)

- Cylindres leucocytaires (néphrite intersitielle aiguë)

- Éosinophilurie (néphrite interstitielle aiguë)

- Globules rouges dysmorphiques, hématurie micro-/macroscopique

- Myoglobinurie (NTA)

- Corps gras ovalaire, croix de Malte (syndrome néphrotique)

Variable
Bandelette réactive Normal Variable

- Protéinurie : syndrome néphrotique, syndrome néphritique

- Hématurie : syndrome néphritique

- Leucocyturie : néphrite interstitielle aiguë

Variable
FeNa (%) < 1% : Fonction tubulaire normale > 2% : secondaire à isosthénurie (dysfonction tubulaire avec perte de la capacité à concentrer l'urine) N/A
Na+ urinaire < 20 mmol/L : Fonction tubulaire normale avec activation du RAA > 40 mmol/L : secondaire à isosthénurie N/A
Osmolalité urinaire Variable selon la volémie Isosthénurie (autour de 300 mOsm/L, peu de variations) N/A
Densité urinaire > 1,015 < 1,015 N/A
Rapport urée/créatinine urinaire > 0,1 (20:1) : Augmentation réabsorption de l'urée et de l'eau par l'action de l'ADH, alors que la créatinine n'est pas réabsorbée < 0,05 (15:1) : Action de l'ADH diminuée N/A
Imagerie médicale Utilité limitée Utilité limitée Nécessaire pour confirmer une composante post-rénale

- « Bladder Scan » : Identification d'une rétention urinaire. Peut être complété par un bilan urodynamique complet.

- Uroscan C- (sans contraste) : Pour objectiver les obstructions (i.e. lithiases)

Quelques points saillants :

  • Fraction d'éjection du sodium (FeNa) : (Naurinaire/Naplasmatique) ÷ (Créatinineurinaire/Créatinineplasmatique) x 100
  • La néphrite interstitielle aiguë peut se présenter avec une éosinophilie.
  • La rhabdomyolyse se traduit par une élévation des CK (créatinine kinase) et par une myoglobinurie (hématurie macroscopique, absence de globules rouges à l'analyse microscopique)

Diagnostic différentiel

Traitement

Le traitement est principalement de support. Selon les cas, la correction de la condition sous-jacente permet un retour partiel, voire complet à la fonction rénale de base.

Voici quelques principes généraux clés :[1]

  • Assurer un état volémique adéquat afin de prévenir ou de traiter une composante pré-rénale.
  • Cesser et éviter toute médication pouvant avoir un rôle contributif. Notamment, il est question de :
    • Anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS)
    • Corticostéroïdes
    • Inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA)
    • Bloqueurs des récepteurs de l'aldostérone (BRA)
    • Néphrotoxines exogènes : Les plus fréquents sont les aminosides, et les produits de contraste iodé. À retenir qu'il existe des préparations disponibles si l'utilisation des produits de contraste sont absolument nécessaires.
  • Éliminer une composante post-rénale, typiquement chez les hommes plus âgés dans un contexte d'hypertrophie bénigne de la prostate.
    • Une fois l'obstruction levée, que ce soit par le retrait de l'obstacle ou par néphrostomie, il est possible de se retrouver une diurèse post-obstructive secondaire à une dysfonction tubulaire. La sévérité et de la durée de cette polyurie est variable et peut nécessiter une réplétion volémique et électrolytique.
  • S'il y a rhabdomyolyse, le traitement comprend essentiellement une réplétion volémique agressive et l'administration de bicarbonates de sodium pour alcaliniser les urines et diminuer ainsi la toxicité de la myoglobine.
  • Certains contextes, typiquement lors de surcharge volémique, s'apprêtent à l'utilisation de lasix à haute dose afin de limiter la rétention hydro-sodée.

La dialyse est à utiliser en dernier recours. Les principales indications peuvent être retenues grâce à l'acronyme AEIOU (les voyelles) [2] :

  • « Acidosis »
  • « Electrolyte abnormalities »
  • « Ingestion » : Inclut toutes les intoxications
  • « Overload » : Surchage volémique
  • « Uremic symptoms » : Correspond au syndrome urémique pouvant se manifester de diverses façons, notamment sous forme de péricardite, d'encéphalopathie, de myoclonies et de diathèse hémorragique.

Complications

  • Troubles électrolytiques : classiquement, présence d'une hyperkaliémie, d'une hyperphosphatémie (avec hypocalcémie secondaire au produit phospho-calcique) et d'une hyponatrémie.
  • Troubles acido-basiques (surtout acidose métabolique avec écart anionique élevé)
  • syndrome urémique : signes et symptômes divers incluant un malaise gastro-intestinal (anorexie, nausée et vomissement), prurit, péricardite urémique, haleine urémique (odeur d'urine), encéphalopathie urémique, convulsions et « uremic frost »[note 2]. Les neuropathies urémiques sont peu fréquentes en aigu.
  • Surcharge volémique : Spectre de manifestations cliniques variables, recoupant l'oedème aigu du poumon (OAP) et l'anasarque. Une hypotension peut être retrouvée selon les facteurs causaux (i.e. composante pré-rénale) et dans des contextes de polyurie avec apports inadéquats.
  • diathèse hémorragique : Attribuable en partie au syndrome urémique et en partie aux étiologies sous-jacentes, caractérisée par une dysfonction plaquettaire.
  • anémie : Présence d'une composante inflammatoire associée à une diminution de l'érythropoïèse secondaire au syndrome urémique. L'anémie en aigu demeure moins marquée et fréquente que dans les contextes d'insuffisance rénale chronique (IRC).
  • Susceptibilité aux infections (immunodépression) : Présente dans les cas sévères, souvent avec IRC sous-jacente.
  • malnutrition (risque augmenté) : Associé au contexte catabolique et inflammatoire souvent concomitant.

Évolution

Le pronostic est variable:[1]

  • La forte majorité des causes est réversible.
  • Certaines résulteront à une insuffisance rénale chronique, tout particulièrement dans un contexte de récurrence et/ou de sévérité marquée. Un exemple typique est les glomérulonéphrites rapidement progressives.

Classification

RIFLE

Classification RIFLE[3]
Débit de filtration glomérulaire (DFG) Débit urinaire Caractéristiques
« Risk » ↑ créatinine sérique de 1,5x

OU

↓ DFG > 25%

< 0,5 cc/kg/h x 6h
« Injury » ↑ créatinine sérique de 2x

OU

↓ DFG > 50%

< 0,5 cc/kg/h x 12h
« Failure » ↑ créatinine sérique de 3x

OU

↓ DFG > 75%

OU

↑ créatinine sérique > 44,2 µmol/L (> 0,5mg/dL) si valeur de base de > 353,6 µmol/L (≥ 4 mg/dL)

< 0,3 cc/kg/h x 24h OU anurie x 12h
« Loss of kidney function » Perte complète de fonction rénale x > 4 semaines
« End-stage kidney disease » Perte complète de fonction rénale x > 3 mois

AKIN

Stadification AKIN[3]
Débit de filtration glomérulaire (DFG) Débit urinaire
Stade I ↑ créatinine sérique ≥ 26,5 μmol/L (≥ 0,3 mg/dL)

OU

↑créatinine sérique ≥150 à 200% (1,5 à 2×)

< 0,5 cc/kg/h x 6h
Stade II ↑créatinine sérique ≥ 200 à 300% (2 à 3×) < 0,5 cc/kg/h x 12h
Stade III ↑ créatinine sérique > 300% (3x)

OU

↑ créatinine sérique > 44,2 µmol/L (> 0,5mg/dL) si valeur de base

de > 353,6 µmol/L (≥ 4 mg/dL)

< 0,3 cc/kg/h x 24h OU anurie x 12h

Notes

  1. Cyclosporine et tacrolimus par exemple
  2. Très rare, surtout dans des contextes de grande sévérité et typiquement de chronicité.

Références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 et 1,5 (en) Dennis L. Kasper, Anthony S. Fauci, Stephen L. Hauser, Dan L. Longo, J. Larry Jameson, Joseph Loscalzo, Harrison's : Principles of Internal Medicine, 19th Edition, New York, McGraw-Hill Education, , 3985 p., p. 1799-1811
  2. (en) Tao Le, Vikas Bhushan, Maniver Deol, Gabriel Reyes, First Aid for the USMLE Step 2 CK : Clinical Knowledge, New York, McGraw-Hill, , 657 p., p. 510
  3. 3,0 et 3,1 (en) José António Lopes et Sofia Jorge, « The RIFLE and AKIN classifications for acute kidney injury: a critical and comprehensive review », Clinical Kidney Journal, vol. 6, no 1,‎ , p. 8–14 (ISSN 2048-8505 et 2048-8513, PMID 27818745, Central PMCID PMC5094385, DOI 10.1093/ckj/sfs160, lire en ligne)