Exérèse d'un kyste thyréoglosse

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Exérèse d'un kyste thyréoglosse
Procédure
Procédure
Informations
Terme anglais Sistrunk Procedure, Modified Sistrunk Procedure, Central Neck Dissection
Autres noms Procédure de Sistrunk, procédure modifiée de Sistrunk, dissection cervicale centrale
Spécialités ORL, chirurgie générale

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L'exérèse du kyste thyréoglosse consiste le plus souvent en une procédure modifiée de Sistrunk, soit une exérèse du kyste et du canal thyréoglosse tout en retirant la partie centrale de l'os hyoïde. Cette procédure fut initialement décrite dans les années 1920 par Dr Sistrunk. [1]

Indications

Les indications de chirurgie d'exérèse des kystes thyréoglosses sont les suivantes : [2]

Contre-indications

Les contre-indications sont les suivantes : [2][3]

Absolues : la seule contre-indication absolue est la présence de comorbidités sévères empêchant de subir une procédure sous anesthésie générale. [2]

Relatives : [2]

L'absence de tissu thyroïdien sain (signifiant le plus souvent une thyroïde ectopique le long du canal thyréoglosse) n'est pas considéré comme une contre-indication à la chirurgie. Cependant, les risques et bénéfices de la chirurgie sont à soupeser et une thérapie de susbtitution à la lévothyroxine devra cependant être envisagée pour toute la vie du patient. [1][3]

Évaluation

En plus de l'évaluation anesthésique usuelle, l'évaluation en vue de l'exérèse du kyste thyréoglosse repose principalement sur l'imagerie démontrant les trouvailles typiques menant au diagnostic de kyste du canal thyréoglosse. Souvent, l'échographie seule suffit à l'évaluation pré-opératoire, particulièrement chez la population pédiatrique. Au besoin, une tomodensitométrie (effectuée relativement fréquemment) ou encore une IRM peuvent permettre de mieux étudier le trajet profond de l'anomalie. Tous ces examens permettent aussi d'évaluer la présence de tissu thyroïdien sain en position normale. Dans les rares occasions où aucun tissu thyroïdien n'est localisé à la base du cou, des examens de médecine nucléaire (scintigraphie) et un bilan thyroïdien sont à envisager. Cette situation n'empêche toutefois pas la tenue de la chirurgie si les bénéfices anticipés sont significatifs. [1][2][4]

Anatomie

Muscles cervicaux qui contribuent aux mouvements linguaux (anglais)
TDM et ultrason d'un kyste thyréoglosse

Pour mener à bien cette procédure, les principaux repères anatomiques sont notamment le foramen cecum, situé sur la ligne médiale à la jonction entre le tiers postérieur et les deux tiers antérieurs de la langue. Par la suite, l'identification des cartilages thyroïdiens et cricoïdiens permet de bien délimiter la ligne médiale cervicale et la position attendue de l'os hyoïde qui est supérieur aux structures précédemment énumérées. Concernant l'os hyoïde, il est important de bien identifier sa portion centrale, délimité par les petites cornes de l'os hyoïde. Selon l'âge du patient, il s'agit d'un segment osseux entre 1 et 2 cm. Parfois, il est plutôt indiqué d'identifier la portion cartilagineuse entre les grandes et les petites cornes de l'os hyoïde. [4][2]

Pour éviter toute lésion neurovasculaire, une attention particulières aux gros vaisseaux doit être portée. Le nerf hypoglosse est particulièrement à risque lors de cette procédure en raison de sa localisation latérale au muscle hypoglosse et médiale au muscle stylohyoïdien et au nerf lingual près de la partie latérale de l'os hyoïde. Il est important de pratiquer la résection de l'os hyoïde médialement par rapport à la petite corne de l'hyoïde pour éviter une lésion de ce nerf. [5]

Vue antérieure de la musculature du cou (anglais)

Préparation

La procédure se déroule sous anesthésie générale avec positionnement du tube endotrachéal via la voie nasale, idéalement, afin d'améliorer l'accessibilité à la base de la langue. Le patient est positionné en décubitus dorsal et avec soulèvement des épaules permettant une position du cou en extension. En cas d'utilisation d'un monitoring électrophysiologique, les curares doivent être évités. Pour faciliter l'hémostase, une solution d'anesthésiques locaux et d'épinéphrine est souvent utilisée de façon concomitante de même d'un électrocautère bipolaire. [2]

Il s'agit d'une technique propre-contaminée. Une antibiothérapie prophylactique est nécessaire lors de l'induction de l'anesthésie. Certaines sources recommandent de poursuivre l'antibiothérapie pour une durée de 24 heures. [2]

  • P.ex. céphazoline 2g IV x 1 dose (à répéter q 4h pour chirurgies prolongées) +/- métronidazole 500mg IV x 1 dose < 60 minutes avant le début de la chirurgie. [6]

Technique

Bien que certaines procédures endoscopiques ou par chirurgies robotiques sont en émergence, les procédures les plus couramment exécutées restent la procédure modifiée de Sistrunk et quelques-unes de ses variantes. [4]

Procédure modifiée de Sistrunk

Voici les grandes étapes de la procédure modifiée de Sistunk : [2][4][7]

  • incision et identification du kyste de la ligne médiale
    • Incision transverse de la peau du cou juste sous le corps de l'os hyoïde, suivant les plis cutanés.
    • Rétraction supérieure et inférieure des lambeaux myo-cutanés (comprenant le platysma).
    • Division des bandelettes musculaires avec dissection de la capsule kystique superficiellement.
    • Selon l'apparence du kyste visualisé, le chirurgien devra continuer la procédure de Sistrunk (s'il contient du contenu mucoïde ou purulent).
      • Rarement, le chirurgien peut s'en tenir à une simple excision du kyste s'il contient du contenu blanchâtre à texture fromagée et sans antécédents d'infection du kyste, orientant vers un simple kyste dermoïde.
      • Dans ce contexte, l'hémostase, l'irrigation et la fermeture des plans superficiels peuvent alors être effectuées sans continuer la procédure de Sistrunk.
  • portion inféro-hyoïdienne de la chirurgie (si la procédure modifiée de Sistrunk est poursuivie)
    • Dissection progressive et méticuleuse du kyste en suivant ses plans antérieur, inférieur, latéraux et postérieur. Le kyste reste donc pédiculé à l'os hyoïde.
    • Rétraction supérieur du kyste et dissection des tissus postérieurs au corps de l'os hyoïde.
    • Dissection subséquente des tissus cutanés superficiels à l'os hyoïde sur la ligne médiane du cou sur une distance de 1-1,5 cm de largeur, avec préservation du muscle géno-hyoïde sur cette distance (attache supérieure de la portion centrale de l'os hyoïde contenant le canal thyréoglosse résiduel).
    • Utilisation d'un ciseau à hyoïde ou à d'un ciseau à os pour sectionner l'os hyoïde médialement aux petites cornes.
      • Utilisation possible d'un électrocautère chez les patients, principalement les jeunes enfants, avec non-ossification des cartilages unissant l'anneau hyoïdien. On pratique alors la section des fibres cartilagineuse entre les grandes et les petites cornes de l'hyoïde.
  • portion supéro-hyoïdienne de la chirurgie
    Excision du kyste
    • Le kyste, ainsi que la portion libre de l'os hyoïde sont ainsi rétractés inférieurement et antérieurement. Utilisation d'un électrocautère avec pointe en aiguille (isolée) afin de créer un cylindre de tissus jusque dans la base de la langue
      • En cas de perforation au niveau du pharynx, l'ouverture créée est refermée au moyen de points simples.
    • Dans la version modifiée de la procédure de Sistrunk, le cylindre de tissu réséqué se prolonge jusqu'au muscle génoglosse, sans toutefois toucher la muqueuse linguale, ni le foramen cecum.
  • fermeture et fin de la chirurgie
    • Fermeture des plans profonds et superficiels selon la préférence du chirurgien en prenant soin d'obtenir une hémostase adéquate. Pose d'un drain selon la préférence du chirurgien.

À ce jour, il s'agit encore de l'étalon d'or, bien que certains spécialistes favorisent des approches plus incisives, particulièrement en contexte de récidives. [7]

Autres procédures

Ajout d'une suture de traction via pharyngotomie transhyoïde

Il s'agit d'une procédure de Sistrunk à laquelle on ajoute un fil de suture entre la portion supérieure de l'os hyoïde à l'endroit présumé du foramen cecum au niveau de la base de la langue. Cette suture de traction sert ensuite de guide tout au long de la dissection en supéro-hyoïdien. [2]

  • Surtout utile en cas de récidive où l'on veut retirer tout le trajet du canal thyréoglosse ou en présence d'un patient au cou volumineux.
  • Utilisation d'une aiguille spinale 18-G qui est introduite en début de procédure après une désinfection simple de la région cervicale centrale. Le point d'entrée est juste au-dessus de l'os hyoïde, puis l'aiguille poursuit son cours jusqu'à percer la muqueuse linguale à l'endroit du foramen cecum. Un fil est finalement introduit au travers de l'aiguille pour être saisi à l'intérieur de la bouche et fixé à un butoir.
  • La stérilisation et le drapage usuels ont ensuite lieu avant le début de la chirurgie.
  • Pendant la procédure, la portion du fil sortant au niveau cutané est utilisée pour rétracter de façon inféro-antérieure lors de la résection, facilitant grandement celle-ci.

Dissection cervicale centrale

Cette approche consiste à disséquer en bloc les tissus en-dessous et au-dessus de l'os hyoïde. La rationnelle de cette approche est que les trouvailles histologiques ont démontré une arborisation du canal thyréoglosse, et qu'il vaudrait donc mieux retirer les tissus "en bloc" plutôt que d'identifier un unique trajet.. Elle est parfois indiquée lorsque le risque de récidive est considérée élevé (p.ex. infections répétées, histoire d'incision et de drainage, récidive à la suite d'une procédure modifiée de Sistrunk).

La dissection infra-hyoïdienne s'étend donc : [7]

  • en postérieur jusqu'au fascia pré-trachéal
  • en latéral jusqu'aux bordures antérieures des muscles sternocleidomastoïdien (SCM)
  • en inférieur jusqu'au fascia pré-épiglottique
  • en supérieur jusqu'à l'os hyoïde.

Puis, suivant le retrait de la portion centrale de l'os hyoïde tel que décrit lors de la procédure de Sistrunk, une observation macroscopique de l'os restant est faite, avec au besoin une reprise des marges osseuses s'il y a présence de signes d'amincissement ou de destruction indiquant l'infiltration par le canal thyréoglosse arborescent. La dissection est finalement poursuivi au niveau supra-hyoïdien en suivant le trajet du canal présumé. Le cylindre formé est d'un diamètre approximatif de 10 mm (plus volumineux) au coeur du raphé du muscle mylohyoïde et du génoglosse. La dissection se termine finalement au niveau du foramen cecum, sans pénétrer dans le pharynx. [7]

La muqueuse linguale est oblitérée et la fermeture des tissus mous s'effectue suivant les plans profonds et superficiels de façon usuelle. Un drain de type Jackson-Pratt ou Penrose est installé. [7]

Complications

Bien que la complication de loin la plus courante soit la récidive du kyste du canal thyréoglosse, les complications suivantes sont parfois rencontrées : [2][4]

  • récidive du kyste thyréoglosse
    • 5,8% pour une procédure modifiée de Sistrunk vs 46% pour une simple exérèse du kyste.
    • Particulièrement en lien avec l'exérèse incomplète du canal thyréoglosse, le manque d'expérience chirurgicale et la présence d'une infection active lors de la chirurgie.
    • Amélioration de l'issue lorsque le spécimen excisé forme un "bloc" contenant le kyste, la portion de l'os hyoïde et des tissus mous adjacents.
  • hémorragie provenant de l'artère linguale
    • Le plus fréquemment per-opératoire, parfois en contexte post-opératoire. Le retour au bloc opératoire d'urgence est alors indiqué.
  • hématome cervical
    • Prévention via l'obtention d'une hémostase adéquate et vérifiée au moyen d'une technique de Valsalva en cours de chirurgie. La pose d'un drain de type Penrose ou Jackson-Pratt est indiquée.
    • Il est recommandé de garder un kit permettant le retrait rapide des points de sutures au chevet du patient lors de la période post-opératoire. Si un hématome est identifié, la plaie doit être ouverte (pour éviter une compression des voies respiratoires) avec un retour rapide en salle d'opération.
  • infection cutanée bactérienne / abcès cervical
    • Prise en charge le plus souvent avec des antibiotiques PO. Parfois drainage chirurgical nécessaire selon la sévérité.
  • fistule pharyngo-cutanée / fistule laryngo-trachéale
    • Entraîne des problèmes de respiration, de déglutition, d'aspiration et de vocalisation.
    • Découle parfois d'une résection erronée du cartilage thyroïdien et de la membrane thyrohyoïdienne au lieu de l'os hyoïde. [5]
    • Prise en charge reposant sur une approche expectative et l'usage d'antibiotiques. Si absence de résolution spontanée, une chirurgie d'oblitération du défaut peut être tentée.
  • lésion du nerf hypoglosse (NC XII)
    • Paralyse / parésie de la langue ispilatérale avec déviation ipsilatérale de celle-ci. [5]

Suivi

Suite à la procédure Sistrunk, les patients doivent éviter de soulever des objets lourds pendant 2 à 6 semaines. Selon la taille du kyste du canal thyréoglosse, il peut y avoir un drain chirurgical en place, qui serait retiré dans les jours suivant la chirurgie (généralement drainage séro-sanguin < 20ml/8h). Les patients peuvent généralement retourner au travail ou à l'école 1 semaine après la chirurgie. [8]

Une analgésie multimodale standard selon les protocoles locaux doit être employée et des antibiotiques peuvent être prescrits après l'opération si indiqués selon le jugement clinique. [8][2]

Suite à la procédure de Sistrunk, le pronostic est généralement excellent. Les taux de récidives sont estimés à 5,8% selon une revue de littérature datant de 2015. Comparativement, les taux de récidives grimpent à 46% lorsque la simple excision du kyste est exécutée. [9]

Références

  1. 1,0 1,1 et 1,2 Flint, Paul W.,, Cummings otolaryngology : head and neck surgery (ISBN 978-0-323-61217-3 et 0-323-61217-2, OCLC 1164712708, lire en ligne)
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 et 2,11 Myers, Eugene N., 1933- et Snyderman, Carl H.,, Operative otolaryngology : head and neck surgery (ISBN 978-0-323-46134-4 et 0-323-46134-4, OCLC 1006507647, lire en ligne)
  3. 3,0 et 3,1 Janine Amos et Carl Shermetaro, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 30085599, lire en ligne)
  4. 4,0 4,1 4,2 4,3 et 4,4 (en) Yoon-Jong Ryu, Dong Wook Kim, Hyoung Won Jeon et Hyun Chang, « Modified Sistrunk operation: New concept for management of thyroglossal duct cyst », International Journal of Pediatric Otorhinolaryngology, vol. 79, no 6,‎ , p. 812–816 (ISSN 0165-5876, DOI 10.1016/j.ijporl.2015.03.001, lire en ligne)
  5. 5,0 5,1 et 5,2 Janine Amos et Carl Shermetaro, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 30085599, lire en ligne)
  6. Delorme, Carole, pharmacienne et Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre, Guide d'utilisation des antibiotiques, Hôpital Charles-Le Moyne (ISBN 978-2-923595-36-8 et 2-923595-36-X, OCLC 978586359, lire en ligne)
  7. 7,0 7,1 7,2 7,3 et 7,4 (en) Beata Pucher, Katarzyna Jonczyk-Potoczna, Agata Kaluzna-Mlynarczyk et Pawel Kurzawa, « The Central Neck Dissection or the Modified Sistrunk Procedure in the Treatment of the Thyroglossal Duct Cysts in Children: Our Experience », BioMed Research International, vol. 2018,‎ , p. 1–4 (ISSN 2314-6133 et 2314-6141, PMID 30018983, Central PMCID PMC6029493, DOI 10.1155/2018/8016957, lire en ligne)
  8. 8,0 et 8,1 Janine Amos et Carl Shermetaro, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 30085599, lire en ligne)
  9. (en) Daan Rohof, Jimmie Honings, Henricus J. Theunisse et Henrieke W. Schutte, « Recurrences after thyroglossal duct cyst surgery: Results in 207 consecutive cases and review of the literature: Recurrences after thyroglossal duct cyst surgery », Head & Neck, vol. 37, no 12,‎ , p. 1699–1704 (DOI 10.1002/hed.23817, lire en ligne)
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