Dysphagie (approche clinique)

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Dysphagie
Approche clinique

Achalasie de l'oesophage démontrant l'apparence classique en bec d'oiseau à la gorgée barytée
Caractéristiques
Drapeaux rouges Odynophagie, Dysphagie progressive, Perte de poids non intentionnelle
Informations
Spécialités ORL, gastroentérologie, orthophonie

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Objectif du CMC
Dysphagie (26)

La dysphagie est une atteinte de la déglutition. Il s'agit d'un trouble commun, mais souvent sous rapporté par les patients. Elle se distingue de l'odynophagie, de la sensation de corps étranger dans la gorge et de la phagophobie qui sont des symptômes pouvant l'accompagner[1][2].

Épidémiologie

La dysphagie peut, tout diagnostic confondu, augmenter la durée des séjours hospitaliers d'environ 40%[3]. Elle peut survenir dans tous les groupes d'âges et résulte d'anomalies congénitales, de dommages structurels ou de conditions comorbides sous-jacentes. Elle est particulièrement commune en population gériatrique et chez les patients avec séquelles d'AVC. Environ 3% de la population générale est atteinte de dysphagie [4]. Cette prévalence augmente à 25% dans le contexte de soins hospitaliers aigus [5].

Étiologies [6]

La dysphagie peut être séparée de façon anatomique (dysphagie oropharyngée et dysphagie oesophagienne), mais également en origine motrice ou mécanique.

Étiologies
Localisation Trouble motrice/neuromusculaire Obstruction mécanique/structurale autre
Oropharyngée
  • SNC (AVC)
  • Parkinson
  • Sclérose en plaque
  • Dystrophie musculaire
  • Myasthénie grave
  • Polymyosite
  • Syndrome oculo-pharyngé
  • Diverticule de Zenker
  • Abcès périamygdalien
  • Pharyngite
  • Hypertonie crico-pharyngée
  • Néoplasie ORL
  • Xérostomie
Oesophagienne
  • Trouble intermittent
    • Spasme oesophagien diffus
  • Trouble progressif
    • Achalasie
    • Sclérodermie
    • Maladie de Chagas
  • Intrinsèque
    • Trouble intermittent
      • Anneau de Schatzki
      • Oesophagite éosinophilique
    • Trouble lentement progressif
      • Diaphragme muqueux
      • sténose oesophagienne due à:
        • RGO (+ fréquent)
        • radique (rare)
        • caustique (rare)
        • MII (Crohn) (rare)
    • Trouble rapidement progressif
      • Néoplasie oesophagienne (adénocarcinome)
    • Corps étranger
  • Extrinsèque
    • masse médiastinale

Physiopathologie

La déglutition est séparée en deux phases:

  • Phase oropharyngée
    • Phase orale volontaire : le bolus alimentaire est formé lorsque la nourriture est mastiquée et mixée avec la salive.
    • Phase de transfert : le bolus est poussé dans le pharynx par la langue et différentes structures protègent le nasopharynx et le larynx.
  • Phase oesophagienne
    • Cette phase s'amorce alors que le bolus passe le sphincter oesophagien supérieur.
    • Elle inclue le transport et le transfert du bolus à travers l'oesophage (propulsé par les muscles lisses oesophagiens).

Un problème survenant durant l'une ou l'autre de ces deux phases peut mener à de la dysphagie[1][2].

Évaluation clinique

La dysphagie est une plainte d'alarme qui nécessite une évaluation pour déterminer la cause exacte. Elle peut être dû à un problème structurel ou à un trouble de motricité affectant le passage du bolus alimentaire.

La dysphagie oropharyngée consiste en une difficulté à amorcer la déglutition. Elle peut être associé : à de la toux, de l'aspiration, de l'étouffement, de la régurgitation nasopharyngée et une sensation de nourriture résiduelle dans le pharynx. Les patients peuvent rapporter une difficulté à avaler et pointer à la région cervicale lorsqu'on demande la localisation de la dysphagie.

La dysphagie oesophagienne consiste en un blocage du bolus alimentaire lors du passage dans l'oesophage. Ainsi, le patient peut rapporter une sensation de blocage débutant quelques secondes après avoir avalé et peut pointer à une localisation allant de la fourchette sternale à toute région rétrosternale.

Questionnaire

Pour caractériser la dysphagie, il importe de questionner :

  • le type de nourriture produisant le symptôme (ex. aliments solides, liquides, les deux)
  • l'apparition de la dysphagie (ex. progressive, soudaine)
  • la fréquence des symptômes (ex. intermittents, constants)
  • les autres symptômes associés (ex. perte de poids, RGO, hématémèse, anémie, régurgitation d'aliments non digérés, symptômes respiratoires)

Il sera alors possible de classifier les troubles de la déglutition selon qu'il s'agit d'un trouble de la moticité ou d'une obstruction mécanique.

Trouble de moticité Obstruction mécanique
Dysphagie à l'ingestion de liquides ET de solides Dysphagie à l'ingestion de solides seulement
Au début non présente à l'ingestion de liquides
Intensité de la dysphagie augmente plus la taille et la densité de l'aliment augmente

Pour localiser l'endroit où se produit la dysphagie, il n'est pas possible de se fier à la localisation subjective rapportée par le patient. En effet, la perception de la localisation de la dysphagie au site supérieur peut être erronée puisqu'elle peut référer à une lésion haute ou à une obstruction basse. Toutefois, une perception de dysphagie au site inférieur est valable [7].

Pour questionner la localisation oropharyngée de la dysphagie, il est possible de questionner l'atteinte des nerfs crâniens en recherchant :

  • Une toux prandiale (incapacité de protéger les voies aériennes menant à de l'aspiration)
  • Une régurgitation nasale (incapacité de protéger le nasopharynx)
  • Une dysphonie (par atteinte du nerf vague)

On peut également questionner les stratégies d'adaptation du patient. En effet il n'est pas rare qu'un patient minimise l'impact de la maladie en mangeant plus lentement et en évitant certains aliments plus difficiles à avaler (ex. pain, viande, noix). Il faut aussi rechercher un RGO chronique chez un patient avec dysphagie puisqu'elle peut être le signe d'une complication à long terme d'oesophagite erosive ou même d'un adénocarcinome oesophagien.

Examen clinique

L'examen physique doit comporter :

Drapeaux rouges

Investigation

L'investigation de la dysphagie se fait selon la cause suspectée [7][6]:

  • Si on soupçonne une dysphagie haute, l'examen de choix sera par étude radiologique afin de révéler des troubles neuromusculaires pharyngés ou des troubles mécaniques empêchant le passage du bolus (ex. diverticule de Zenker). L'endoscopie (OGD) pourra être effectuée de façon complémentaire pour éliminer une lésion obstructive. Il importe aussi de faire l'imagerie de déglutition (ex. gorgée barytée) avant d'effectuer une endoscopie si le diagnostic s'oriente vers une lésion oesophagienne proximale incluant un diverticule ou s'il y a présence de sténose connue post-caustique ou post-radique. Ceci permet d'éviter de perforer aveuglément l'oesophage proximal lors de l'OGD.
  • Si on soupçonne une dysphagie moyenne ou basse, on débute généralement l'investigation par une endoscopie afin de pouvoir caractériser toute lésion obstructive intraluminale (ex. néoplasie oesophagienne, sténose, etc.). Une gorgée barytée pourrait aider si on soupçonne une lésion extrinsèque comprimant l'oesophage.
  • En dernier recours, l'usage de la manométrie peut être effectuer pour rechercher des troubles moteurs oesophagiens (ex. achalasie, sclérodermie...).
Test Organe ciblé Procédure Quand effectuer ce test? Commentaire
Gorgée Barytée Oesophage, estomac, duodenum proximal Agent de contraste avalé sous fluoroscopie, images captées Test initial si:
  • Histoire clinique orientant vers lésion proximale de l'oesophage (ex. diverticule de Zenker, hernie)
  • Sténose connue complexe (ex. post-caustique ou post-radique)
Permet de visualiser la forme, la fonction de l’œsophage, de l’estomac et du début de l’intestin grêle.
OGD Oesophage, estomac, duodénum proximal Pour déterminer la cause sous-jacente, afin d'exclure une néoplasie.

Permet de traiter directement si nécessaire.

Permet un diagnostic optique (visualisation de la muqueuse) et de poser des gestes thérapeutiques (ex. ligature de varices, «clip» d'ulcères, dilatation de striture).
Manométrie Oesophage Tige insérée à travers l'oesophage contenant de multiples capteurs de pressions sur sa longueur. Permet l'obtention d'un tracé de pressions À effectuer chez les patients avec dysphagie ayant eu un résultat négatif à l'endoscopie et à la gorgée barytée, chez qui on suspecte un trouble de motilité. Certains troubles de motilité avancés, tel que l'achalasie peuvent être fortement suspectés par l'apparence radiologique.

Renseigne sur le péristaltisme oesophagien et sur la fonction du SOS et SOI.

Ciné-déglutition Oesophage cervical Aliments ou liguides contenant un agent de contraste sont avalés. Vidéos enregistrées durant la déglutition. À effectuer lorsqu'on recherche un phénomène d'aspiration, d'occlusion partielle, un diverticule de Zenker ou une tumeur laryngée. Permet d'observer le fonctionnement de la déglutition et des structures oropharyngées.

Prise en charge

La dysphagie est traitée par plusieurs spécialités et nécessite une collaboration multidisciplinaire pouvant inclure des ORL, orthophonistes, gastroentérologues, neurologues et radiologistes, selon la cause sous-jacente. Une fois le diagnostic établi, le traitement dépend de la cause [8] :

  • Si une sténose bénigne a été trouvée, on peut opter pour une dilatation par endoscopie ou par l'insertion d'une endoprothèse. Si la sténose est secondaire à du RGO, la prise d'inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) à long terme est requise.
  • Si une néoplasie est trouvée, il importe de la traiter par chirurgie, radiothérapie ou par insertion palliative d'une endoprothèse.
  • Si une oesophagite éosinophilique est en cause, le traitement consiste en la prise d'IPP, de fluticasone ou par une diète d'exclusion.
  • Si une achalasie est en cause, on peut opter pour une dilatation pneumatique, une myotomie ou pour une injection de toxine botulinique.
  • Finalement, les troubles moteurs de l'oesophage (ex. spasmes) peuvent être traités par la prise de nitrates (ex. nitroglycérine) ou de bloqueurs des canaux calciques.

Complications

Les complications de la dysphagie peuvent inclure:

Particularités

Gériatrie

La dysphagie est fréquente dans la population âgée. La dysphagie oropharyngée peut fréquemment se compliquer de pneumonies d'aspiration.

Pédiatrie

Il est important de considérer d'autres étiologies dans le diagnostic différentiel de la dysphagie[9] :

  • Chez les enfants de 6 mois à 3 ans, on doit suspecter un corps étranger logé dans l'oesophage. Ces enfants se présentent alors avec une dysphagie (aux liquides ou aux solides), de la bave (drooling), des symptômes respiratoires (incluant du wheezing et un stridor). La suspicion de corps étranger doit être investiguée avec une radiographie thoracique antéro-postérieure et latérale.
  • Une autre urgence à reconnaitre rapidement est l'épiglottite, qui se caractérise par un début et une progression rapide des «3 D» : dysphagie, drooling (bave) et détresse respiratoire. L'épiglottite peut aussi s'accompagner de fièvre, de maux de gorge et d'odynophagie.

Notes [6]

Achalasie:

  • réfère à l'absence de péristaltisme oesophagien et à une relaxation incomplète du SOI +/- hypertonie du SOI.
  • Généralement touche les personnes entre 25-60 ans. H = F
  • Dysphagie solides ET liquides
  • accompagné de régurgitation d'aliments non digérés

Adénocarcinome oesophagien (néoplasie):

  • Sx constitutionnels
  • Dysphagie initialement aux solides PUIS aux liquides
  • Traitement: chirurgie, radiothérapie, insertion palliative d'une endoprothèse.

Oesophagite éosinophilique:

  • Inflammation chronique oesophagien avec infiltrat limité d'éosinophiles à la muqueuse
  • jeûne âge, surtout chez hommes
  • 30-80% ont des sténoses
  • Rechercher atopie (allergie saisonnière, dermatite atopique...)
  • À l'OGD: exsudat blanchâtre, sillons longitudinaux, anneaux (trachéisation), sténose
  • Biopsie: ≥ 15 éosinophiles par champ
  • traitement : IPP, de fluticasone ou par une diète d'exclusion.


Références

  1. 1,0 et 1,1 Loscalzo, Joseph. Fauci, Anthony S., 1940-, editor. Kasper, Dennis L., editor. Hauser, Stephen. Longo, Dan L. (Dan Louis), 1949-, editor. Jameson, J. Larry., Harrison's principles of internal medicine. (ISBN 1-264-26851-3 et 978-1-264-26851-1, OCLC 1341843932, lire en ligne)
  2. 2,0 et 2,1 John M. Wilkinson, Don Chamil Codipilly et Robert P. Wilfahrt, « Dysphagia: Evaluation and Collaborative Management », American Family Physician, vol. 103, no 2,‎ , p. 97–106 (ISSN 1532-0650, PMID 33448766, lire en ligne)
  3. Kenneth W. Altman, Gou-Pei Yu et Steven D. Schaefer, « Consequence of Dysphagia in the Hospitalized Patient », Archives of Otolaryngology–Head & Neck Surgery, vol. 136, no 8,‎ , p. 784 (ISSN 0886-4470, DOI 10.1001/archoto.2010.129, lire en ligne)
  4. (en) Jooho P. Kim et Peter J. Kahrilas, « How I Approach Dysphagia », Current Gastroenterology Reports, vol. 21, no 10,‎ , p. 49 (ISSN 1522-8037 et 1534-312X, DOI 10.1007/s11894-019-0718-1, lire en ligne)
  5. Julie A. Y. Cichero, Sarah Heaton et Lynell Bassett, « Triaging dysphagia: nurse screening for dysphagia in an acute hospital », Journal of Clinical Nursing, vol. 18, no 11,‎ , p. 1649–1659 (ISSN 1365-2702, PMID 19490301, DOI 10.1111/j.1365-2702.2009.02797.x, lire en ligne)
  6. 6,0 6,1 et 6,2 « Approach to the evaluation of dysphagia in adults », sur uptodate.com, (consulté le 3 juin 2020)
  7. 7,0 et 7,1 L'appareil digestif, Les Presses de l'Université de Montréal, (ISBN 978-2-7606-3627-9 et 978-2-7606-3624-8, lire en ligne)
  8. A.B.R. Thomson and E. A. Shaffer, Principes fondamentaux de gastro-entérologie: États pathologiques et démarches thérapeutiques. 5e ed., Janssen-ortho, p.6-8
  9. « Evaluation of dysphagia in children », sur uptodate.com, (consulté le 3 juin 2020)
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