Diplopie (approche clinique)

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Diplopie
Approche clinique

Paralysie du nerf oculomoteur (3) causant une diplopie
Caractéristiques
Examens paracliniques Lampe à fente, TDM de la tête, IRM avec contraste, Sérologie des anticorps anti-ACh, Sérologie des anticorps anti-muscle strié, Sérologie des anticorps anti-MuSK, Sérologie des anticorps anti-LPR4, Test au Tensilon, Test du repos ou du sommeil, Test à la glace, ... [+]
Drapeaux rouges
Anisocorie (signe clinique), Ptose, Présentation aiguë, Température corporelle élevée (signe clinique), Proptose, Déficit neurologique, Déficit de plus d'un nerf crânien, Déficit pupillaire afférent, Douleur à l'oeil
Informations
Wikidata ID Q775940
Spécialités Ophtalmologie, neurologie, ORL

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Objectif du CMC
Diplopie (23)

La diplopie se définit somme la perception de deux images d'un seul objet. Son incidence est faible, mais elle est très morbide. Les étiologies se divisent en diplopie monoculaire, qui est intrinsèque à l'œil et la diplopie binoculaire. Les causes de cette dernière peuvent être neurologiques, mécaniques ou toucher la jonction neuro-musculaire. À l'histoire, il faudra caractériser la diplopie et tenter rapidement d'établir si son étiologie est grave (AVC, lésion occupant de l'espace). Pour la diplopie monoculaire, l'examen physique évaluera l'anatomie de l'œil, le sensoriel et le moteur. Un examen neurologique complet devra également être fait.

Une diplopie soudaine, avec d'autres déficits neurologiques, une anisocorie, une douleur, une ptose, une proptose ou de la fièvre indiquera probablement une étiologie grave. L'investigation de la diplopie binoculaire se fera généralement avec l'IRM tandis que pour la diplopie monoculaire, l'essentiel de l'examen se fera avec la lampe à fente. La plupart du temps, il faudra référer en spécialité. La prise en charge sera étiologique, mais l'occlusion temporaire d'un œil pourra soulager partiellement le patient des symptômes en attendant une correction plus définitive.

Épidémiologie

L'incidence de la diplopie comme raison de consultation est plutôt faible, autour de 1,4% et ce dans un hôpital spécialisé en ophtalmologie.[1] Cependant, lorsque sa cause n'est pas mortelle, la diplopie est un symptôme très morbide et ira nuire au patient dans presque toutes les tâches de la vie quotidienne demandant une perception des profondeurs (comme la conduite).[2]

Autrement, la diplopie ne touche presque qu'exclusivement les adultes. Chez les enfants, le système visuel s'adaptera rapidement à la diplopie en supprimant l'image de moins bonne qualité, donnant potentiellement lieu à une amblyopie irréversible.[2]

Étiologies

Les étiologies de la diplopie se divisent en diplopie monoculaire et en diplopie binoculaire. Les causes monoculaires sont internes à l'œil et peuvent inclure les erreurs de réfraction, les affections du cristallin (comme la dislocation du cristallin ou la cataracte), le kératocône, ou une surface cornéenne irrégulière.[3]

La diplopie binoculaire peut être d'origine neurologique, d'origine mécanique ou toucher la jonction musculaire.

Étiologies de la diplopie binoculaire[4]
Neurologiques Mécanique Jonction musculaire

Physiopathologie

La diplopie binoculaire est causée par la perte de capacité du système visuel de fusionner les images provenant des deux yeux, car la coordination musculaire permet de conserver l'alignement des deux fovéas. Parfois, c'est la différence de taille entre les deux images qui empêchera leur fusion, comme après une chirurgie correctrice de la vue, un remplacement de cristallin ou l'aniseikonie[note 1].[2]

La diplopie monoculaire résulte d'une transmission défectueuse de la lumière jusqu'à la rétine. Elle est différente de la métamorphopsie.[2]

Histoire

La première étape consistera en déterminer si la diplopie est monoculaire ou binoculaire. Pour ce faire, il suffit de demander au patient de couvrir un œil et de lui demander si la diplopie persiste. Il est important de tester les deux yeux, car l'œil atteint peut être celui que le patient couvrira en premier.[2] Ceci permettra de mieux cibler le reste de l'histoire et l'examen physique.

Antécédents
Trouvaille Penser à ... Précision
Personnels
Sclérose en plaques
Diabète
HTA
  • AVC du tronc cérébral
Infection
Trauma facial ou à la tête
Abus d'alcool S'accompagnera évidemment d'autres manifestations.
Hyperthyroïdie
Chirurgicaux
Chirurgie de l'oeil Complication chirurgicale Le type de chirurgie orientera l'étiologie de la diplopie, laquelle sera probablement monoculaire.

Le PQRST est crucial lors de l'histoire et mettra souvent en lumière le diagnostic.

PQRST
Trouvaille Penser à ... Précision
Vision normale avec un oeil couvert Atteinte intrinsèque de l'oeil (diplopie monoculaire)
  • Diplopie variant en fonction de la direction du regard
  • Diplopie améliorée par la flexion latérale du cou
Atteinte des nerfs crâniens
  • 4e: pire lors du regard vers le bas (compensation par flexion de la tête)
  • 6e: pire lors du regard vers le côté (compensation par rotation de la tête)
Diplopie verticale (ou oblique) ou horizontale
Douleur
  • Fracture de la base du crâne
  • Infection
  • Lésion compressive
  • Myosite de l'orbite
Installation progressive
Début brusque
  • AVC du tronc cérébral
Pire en fin de journée
Intermittence
  • Sclérose en plaques
  • Décompensation d'hétérophorie[4]

La revue des systèmes pourrait donner des indices sur une maladie plus systémique comme

Revue des systèmes[4]
Trouvaille Penser à ... Précision
Neurologique
Autres trouvailles neurologiques
  • Sclérose en plaques
  • AVC du tronc cérébral
Incontinence urinaire
  • Sclérose en plaque
Gastrointestinal
  • Nausées
  • Vomissements
  • Diarrhée
  • Hyperthyroïdie
Musculosquelettique
Faiblesse musculaire au niveau du visage
  • Myasthénie grave

L'évaluation d'une photographie ancienne peut mettre sur la piste d'une décompensation d'une paralysie congénitale d'un nerf crânien qui aurait jusqu'à présent été compensée par une flexion latérale de la tête rendue impossible par l'arthrose cervicale ou un autre mécanisme.[2]

Examen physique

L'examen de la diplopie se divise en trois étapes:[2]

  1. l'évaluation anatomique;
  2. l'évaluation sensorielle;
  3. l'évaluation motrice.

Si cela n'a pas déjà était fait, il faudra évaluer si la diplopie est monoculaire ou binoculaire

Évaluation anatomique

Signe Penser à... Précisions
Strabisme Atteinte d'un nerf crânien
Anisocorie Atteinte du nerf crânien 3 Du côté de l'oeil en mydriase, il y aura également déficit de l'accomodation
Ptose Si atteinte du nerf crânien 3 impliquant la pupille : signifie généralement une lésion compressive telle qu'un anévrisme car les fibres pupillaires courent le long de l'extérieur du nerf et seront touchées en premier

Si atteinte du nerf crânien 3 épargnant la pupille : souvent due à des maladies ischémiques, comme le diabète, car l'apport sanguin se fait de l'extérieur du nerf vers l'intérieur

Œdème papillaire Atteinte du nerf crânien 6
Proptose unilatérale Masse orbitaire
Proptose bilatérale / rétraction palpébrale Ophtalmopathie de Graves
Plénitude l'orbite de l'oeil (palper l'oeil afin d'évaluer sa résistance) Masse orbitaire Comparer avec l'autre oeil
Souffle auscultatoire Fistule entre la carotide et le sinus caverneux
Palpation / percussion douloureuse
  • Fracture
  • Sinusite
  • Infection intra-orbitaire

Évaluation sensorielle

Test Trouvaille Penser à... Précisions
Trou sténopéique Anisométropie
  • Erreur de réfraction
Ce n'est pas diplopie au sens propre. Nécessite une importante anisométropie
Champs visuels par confrontation Différence
  • Lésion occupant de l'espace au niveau du tractus visuel

Évaluation motrice

Test Résultat évocateur Penser à... Précisions
Test des directions du regard (évaluation des nerfs crâniens 3e, 4e, 6e) Déficit en abduction Atteinte du 6e nerf crânien -
Déficit multidirectionel Atteinte du 3e nerf crânien
Flexion latérale de la tête Amélioration Atteinte du nerf crânien 4e controlatérale à la flexion de la tête[5]
Détérioriation Hypertropie de l'œil affecté - Test de Parks-Bielchowsky

Atteinte du nerf crânien 4e ipsilatérale à la flexion de la tête[5]

Reste de l'évaluation

En présence de doutes, il est pertinent de compléter l'examen neurologique des autres paires crâniennes et des forces, des sensibilités, des épreuves cérébelleuses, des réflexes et de la démarche afin de mettre en lumière d'autres déficits ou prouver leur absence.[4]

Si l'on suspecte une ophtalmopathie de Graves, l'examen du cou est indiqué. On pourra possiblement mettre également en évidence un myxoedème pré-tibial.[4]

Drapeaux rouges

Les trouvailles suivantes sont considérées comme inquiétantes et mériteront une référence en urgence[4]:

Ce type de trouvaille orientera possiblement le diagnostic vers une masse (infectieuse ou tumorale) ou un AVC.

Investigation

Les causes de diplopies sont multiples, mais la pierre angulaire de l'investigation paraclinique est l'IRM avec contraste, spécialement si on est en présence de drapeaux rouges.

Investigations[2]
Test Indication Précision
IRM avec contraste Presque toujours pour la diplopie binoculaire, sauf chez les patients de plus de 50 ans avec mononeuropathie sans autres déficits et chez qui la cause est claire.[7]
Suspicion de myasthénie grave 9% des myasthénies graves sont séronégatives[8]
Suspicion d'ophtalmopathie de Graves
Lampe à fente Diplopie monoculaire
TDM de la tête Si l'IRM n'est pas disponible ou s'il y a suspicion d'un corps étranger métalique

Tests spécifiques

Ces tests seront généralement faits en ophtalmologie:[2]

Prise en charge

La prise en charge immédiate est l'occlusion d'un oeil afin de redonner au patient un meilleur fonctionnement jusqu'à la résolution de la diplopie ou sa correction. Il existe également des verres correcteurs lorsque la diplopie est stable dans toutes les directions.[9] Pour la diplopie causée par la myasthénie grave un anti-cholinergique à longue action (comme la pyridostigmine) ainsi que des corticostéroïdes pourront être initiés.[2]

Le traitement définitif de la diplopie sera causal et bien souvent chirurgical. Dans le cas d'une fracture du plancher de l'orbite, la décompression des tissus coincés réglera la diplopie. Pour corriger le strabisme causé par les atteintes des nerfs crâniens 4 et 6, la chirurgie de Hummelsheim permettra une correction partielle de l'atteinte du nerf 4 et la paralysie du muscle oblique supérieur de Knapp pourra alléger la diplopie causée par l'atteinte du nerf 6.[9][2]

Lorsqu'un retour de la fonction est prévue, la chémodénervation (par injections répétées de toxine botulique) du muscle opposé permettra d'éviter les contractures.[9]

Les patients atteints de diplopie devront certainement éviter la conduite jusqu'à la résolution de cette dernière ou jusqu'à ce qu'ils se soient habitués à la vie avec un seul œil.

Les patients atteints d'une paralysie d'un nerf crânien sans DPAR / anisocorie et aucun autre symptôme ou signe peuvent être observés pendant quelques semaines car l'atteinte se résorbera souvent spontanément.[4] Dans tous les autres cas, une référence en ophtalmologie, en neurologie ou en ORL sera de mise dépendamment du siège de l'atteinte.

Complications

Chez les jeunes enfants, l'image provenant de l'œil non dominant peut être supprimée et causer une amblyopie.[4]

Particularités

Pédiatrie

La diplopie touche presque qu'exclusivement les adultes. Chez les enfants, le système visuel s'adaptera rapidement à la diplopie en supprimant l'image de moins bonne qualité, donnant potentiellement lieu à une amblyopie irréversible.[2]


Notes

  1. Techniquement, l'image d'un objet ne sera pas dédoublée, mais le patient pourra percevoir cette différence comme de la diplopie.
  2. L'on pourra s'attendre à une atteinte du 3e nerf crânien, car ce dernier par l'entremise du ganglion ciliaire est également responsable du myosis et de l'accomodation du cristallin.

Références

  1. (en) R J Morris, « Double vision as a presenting symptom in an ophthalmic casualty department », Eye, vol. 5, no 1,‎ , p. 124–129 (ISSN 0950-222X et 1476-5454, DOI 10.1038/eye.1991.23, lire en ligne)
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 et 2,11 (en) Jitander Dudee, MD, « Diplopia (Double Vision): Background, Pathophysiology, Epidemiology », sur emedicine.medscape.com, (consulté le 17 septembre 2019)
  3. (en) Tina Binesh Marvasti et Sydney McQueen, Toronto Notes 2018, 34e éd., OP4
  4. 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 4,6 et 4,7 (en) Christopher J. Brady, MD, « Diplopia », sur Merck Manual, (consulté le 17 septembre 2019)
  5. 5,0 et 5,1 « Paralysie du 4e nerf crânien - Troubles neurologiques », sur Édition professionnelle du Manuel MSD (consulté le 21 avril 2020)
  6. (en) Olufunmilola Ogun, « Red flags in neuro-ophthalmology », Community Eye Health Journal,‎ (lire en ligne)
  7. (en) Ann P. Murchison, « Neuroimaging and Acute Ocular Motor Mononeuropathies », Archives of Ophthalmology, vol. 129, no 3,‎ , p. 301 (ISSN 0003-9950, DOI 10.1001/archophthalmol.2011.25, lire en ligne)
  8. Jason Richards et James F. Howard, « Seronegative myasthenia gravis associated with malignant thymoma », Neuromuscular Disorders, vol. 27, no 5,‎ , p. 417–418 (ISSN 0960-8966, DOI 10.1016/j.nmd.2017.01.023, lire en ligne)
  9. 9,0 9,1 et 9,2 (en) Paul Phillips, « Treatment of Diplopia », Seminars in Neurology, vol. 27, no 3,‎ , p. 288–298 (ISSN 0271-8235 et 1098-9021, DOI 10.1055/s-2007-979680, lire en ligne)
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