Diarrhée chronique (approche clinique)

De Wikimedica
Révision datée du 28 septembre 2021 à 17:32 par Antoine Mercier-Linteau (discussion | contributions) (Repositionnement section physiopathologie)
Diarrhée chronique
Approche clinique

Caractéristiques
Symptômes discriminants Flushing, Anorexie (symptôme), Masse abdominale, Nausées, Dyspnée (symptôme), Ballonnements, Stéatorrhée, Flatulences, Ténesme, Ulcères buccaux, ... [+]
Signes cliniques discriminants
Fécalome, Dermatite herpétiforme, Flushing, Masse abdominale, Épisclérite, Uvéite, Ballonnement, Pyoderma gangrenosum, Tachycardie (signe clinique), Tympanisme, ... [+]
Examens paracliniques
Formule sanguine complète, Créatinine, VS, TSH sérique, Colonoscopie, CRP, Gaz veineux, Électrolytes sériques, Albumine sérique, Protéines totales, ... [+]
Drapeaux rouges
Âge, Cancer du côlon, Anémie ferriprive, Maladies inflammatoires intestinales, Anorexie (symptôme), Vitesse de sédimentation, CRP, Méléna, Recherche de sang occulte dans les selles, Sueurs nocturnes, ... [+]
Informations
Spécialités Médecine interne, gastroentérologie, endocrinologie, infectiologie

Page non révisée

La diarrhée chronique est généralement définie comme étant une diarrhée (3 selles liquides ou plus en 24h) persistant pour plus de 4 semaines[1].

__NOVEDELETE__
Objectif du CMC
Diarrhée chronique (22-2)

Épidémiologie

La diarrhée chronique a un prévalence d'environ 5%. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de rapporter la douleur abdominale, le ballonnement, ou l'inconfort, mais la prévalence de la diarrhée est à peu près égale chez les deux sexes. La diarrhée serait moins courante chez les personnes de plus de 60 ans[2].

Étiologies

Le diagnostic différentiel de la diarrhée chronique est assez large. Contrairement aux diarrhées aiguës, les causes infectieuses ne figurent pas au premier plan des étiologies. Le tableau suivant régroupe les étiologies les plus courantes selon leur mécanisme principal :

Étiologies[3][1][4]
Catégorie Étiologies Commentaires
Inflammatoire Maladies inflammatoires de l'intestin (maladie de Crohn, colite ulcéreuse) Le plus souvent, les diarrhées chroniques inflammatoires seront associés à la présence de sang dans les selles, de même que des symptômes constitutifs.
Infections chroniques (colite pseudomembraneuse, mycobactéries, infections virales invasives, infections parasitaires, etc.)
Néoplasies (cancer colorectal, lymphome, adénocarcinome villeux)
colite post-radique
Sécrétoire colite microscopique (collagéneuse et lymphocytaire) Classiquement, il s'agit d'une diarrhée aqueuse profuse[5]
diarrhée post-cholécystectomie Appel d'eau par la présence de sels biliaires dans les intestins.

Survient chez environ 12% des patients post-CCK[6].

hyperthyroïdie
tumeurs neuroendocrines Causes rares[3]
alcoolisme
laxatifs, autres médicaments Sécrétoire ou osmotique selon le mécanisme d'action
Osmotique
intolérance au lactose
maladie cœliaque, syndrome de l'intestin court,

SIBO[7] (Small Intestinal Bacterial Overgrowth)

Stéatorrhée
Autres causes de malabsorption (maladie de Whipple, sprue tropicale, giardiase, ischémie mésentérique chronique, etc.) Causes rares
Maldigestion (insuffisance pancréatique, cholestase chronique)
Autre syndrome de l'intestin irritable[8] Diagnostic d'exclusion, (voir les critères de Rome IV).
Troubles de la motilité (ex. 2° neuropathie diabétique)
diarrhée paradoxale En présence d'obstruction intestinale

Physiopathologie

Tout processus qui augmente la quantité d'eau dans les selles peut produire de la diarrhée. Il existe plusieurs façons de classer les causes de diarrhée selon leur physiopathologie. Une façon de concevoir cette catégorisation serait par les mécanismes suivants :

  • Inflammation (impliquant plusieurs mécanismes)
  • Sécrétion
  • Appel osmotique
  • Stéatorrhée[9][note 1] (en soi un appel osmotique), résulte soit d'une malabsorption ou d'une maldigestion des matières grasses
    • Malabsorption[10] : Échec d'absorption des nutriments, soit par dysfonction de la muqueuse ou du stroma intestinal, soit par interférence luminale (ex. par le microbiote)
    • Maldigestion[10] : Absence/insuffisance d'enzymes nécessaires pour la digestion

En réalité, plusieurs causes de diarrhée chronique possèdent plus d'un mécanisme.

Approche clinique

Questionnaire

L'anamnèse demeure l'outil principal pour orienter les investigations et la prise en charge de la diarrhée chronique. Le terme "diarrhée" sera couramment utilisé par les patients pour décrire toute selle molle ou liquide, quelle que soit la fréquence[1]. Il est donc important de préciser la fréquence et la durée afin de pouvoir parler de diarrhée chronique.

L'histoire devrait se concentrer sur quelques éléments permettant de différencier les grandes classes :

  • La présence de stéatorrhée
  • La présence de mucus ou de sang dans les selles → causes inflammatoires
  • La temporalité des symptômes : une diarrhée survenant à jeun évoque une cause sécrétoire plutôt qu'osmotique
  • L'association à l'inconfort abdominal : la douleur et le ballonnement sont des symptômes peu spécifiques
    • Le soulagement des symptômes abdominaux par le passage des selles évoque une cause fonctionnelle (ex. intestin irritable)[11]
  • L'association aux aliments (produits laitiers, produits céréaliers, fructose, etc.)
    • L'intolérance au lactose se manifestera classiquement par du ballonnement, des gaz, des crampes et de diarrhée peu de temps après avoir ingéré du lactose. Les patients peuvent se plaindre de ces symptômes à peu près à la même heure chaque jour s'ils ont une routine normale d'ingestion d'aliments à base de lactose chaque jour, comme des céréales avec du lait au petit déjeuner[12].

Une attention particulière devrait être portée aux antécédents. Par exemple :

  • L'histoire médicamenteuse
  • Antécédents chirurgicaux
    • Chirurgie bariatrique, chirurgies impliquant l'intestin grêle → intestin court, SIBO
    • Cholécystectomie → diarrhée post-CCK
  • Antécédents médicaux
    • Terrain autoimmun (i.e. diabète de type 1, hypothyroïdie) → évoquer la présence d'autres maladies autoimmunes, i.e. maladie cœliaque[13]
    • Pancréatite chronique ou pancréatite nécrosante sévère → insuffisance pancréatique
    • Immunosuppression, voyage récent → évoquer la présence de cause infectieuse[14]
    • Prise récente d'antibiotiques → éliminer C. difficile
    • Diabète

Examen physique

L'examen physique chez un patient se présentant avec diarrhée chronique est souvent normal ou non-spécifique. On peut rechercher quelques signes spécifiques aux causes suspectées relevées à l'anamnèse.

Une cause inflammatoire chronique peut se traduire comme un empâtement ressenti à la palpation du ventre. De même, une maladie de Crohn peut se manifester au niveau oral (aphtose) ou anal (fistules). Il ne faut donc pas négliger ces régions lors de l'examen physique. Pour les maladies inflammatoires de l'intestin, il peut être également pertinent de rechercher des signes de manifestation extra-intestinales (MEI) :

À noter que les MEI ne sont pas toujours présents au moment du diagnostic de la maladie. Elles surviennent le plus souvent dans l'évolution tardive[15].

Une perte de poids involontaire ou des signes de carence vitaminique indiquent une maladie plus grave et peuvent orienter le diagnostic vers (entre autres) une cause de malabsorption telle que la maladie cœliaque[1].

Drapeaux rouges

Les drapeaux rouges suivants soulèvent la possibilité d'une néoplasie sous-jacente ou d'une cause inflammatoire, nécessitant une investigation endoscopique[1] :

Investigations

Fichier:Approche diagnostique proposée pour la diarrhée chronique.jpg
Un algorithme diagnostique proposé pour la diarrhée chronique [1]

Prélèvements sanguins

Les tests de laboratoire suivants sont recommandés pour tout patient se présentant avec diarrhée chronique :

Certaines sociétés recommandent l'investigation la maladie cœliaque par des tests sérologiques chez tous les patients se présentant avec diarrhée chronique[16][17].

Prélèvements fécaux

Si le patient présente des symptômes alarmants, une consultation pour une endoscopie sera nécessaire. Si les patients ne présentent pas de symptômes alarmants, l'analyse des selles est recommandée, comprenant :

  • Leucocytes fécaux (la calprotectine fécale ou la lactoferrine fécale peuvent substituer ce test)
    • La présence de ces marqueurs inflammatoires orientent vers une maladie inflammatoire de l'intestin.
  • Électrolytes fécales
    • Utile pour différencier la diarrhée osmotique de la diarrhée sécrétoire. Le calcul est le suivant :

      290 mOsm/kg - 2 (Namatières fécales + Kmatières fécales)

      Si le résultat < 50 mOsm/kg, la diarrhée est considérée comme sécrétoire. Si le résultat > 75 mOsm/kg, la diarrhée est osmotique[16].
  • Élastase et chymotrypsine fécale fécales
    • Il s'agit d'enzymes pancréatiques dont l'absence dans les selles est suggestive d'insuffisance pancréatique. Toutefois, il ne s'agit pas d'un test diagnostique[1].
  • Matières grasses fécales (idéalement sur collecte de 48-72 hrs)
    • Classiquement associé à l'insuffisance pancréatique, une stéatorrhée objectivée peut aussi être présente dans les insuffisances d'acide biliaire et en SIBO.
  • Sang occulte

S'il y a des éléments d'anamnèse suggestifs de colite à C. difficile (ex. antécédent de C. difficile, prise d'ATB récente, >3 selles liquides par jour), il est également recommandé de faire une recherche de C. difficile. En fait , le C. difficile doit être recherché chez tous les patients souffrant de diarrhée chronique, nonobstant l'utilisation d'antibiotiques, si leur diarrhée correspond à la description classique de >3 diarrhées aqueuses/jour.

Autres investigations

La présence de drapeaux rouges, de même qu'une forte suspicion pour un cancer colorectal, une MII, une colite microscopique ou une maladie cœliaque se méritent des investigations plus poussées:[1]

Prise en charge

Une consultation en gastro-entérologie avec ou sans endoscopie est souvent nécessaire en cas de diarrhée sévère afin d'approfondir la recherche de la cause de la diarrhée[16].

Le traitement variera en fonction du diagnostic spécifique posé après l'évaluation initiale. S'il n'y a pas de diagnostic spécifique, ou si le diagnostic n'a pas de traitement spécifique, un traitement empirique/symptomatique peut être justifié. Les traitements communément utilisés à cette fin sont :

  • Lopéramide : agoniste de récepteurs opiacés μ du tractus GI
  • Cholestyramine : séquestrant d'acides biliaires

La clonidine est un agoniste α2-adrénergique qui ralentit le tractus intestinal et constitue une option pour la diarrhée secondaire au sevrage aux opioïdes ainsi que la diarrhée chez les patients avec neuropathie diabétique. L'utilisation de ce médicament a des limites en raison de l'effet antihypertenseur. Les médicaments anticholinergiques peuvent également être utilisés pour traiter la diarrhée. Les antidépresseurs tricycliques également être utilisés dans le traitement de la diarrhée[16].

Les patients présentant des complications graves de leur diarrhée (ex. déshydratation, désordres électrolytiques, dénutrition sévère) devraient être hospitalisés.

Complications

Les complications de la diarrhée chronique varient en fonction de la cause[16]:

  • malabsorption: une complication commune chez les patients souffrant de diarrhée chronique;si le temps de transit est faible dans les intestins, la quantité appropriée de nutriments et de liquides ne peut pas être absorbée.
  • déshydratation
  • troubles électrolytiques

Notes

  1. Les termes malabsorption et maldigestion ne s'appliquent pas exclusivement pour les lipides.

Références

__NOVEDELETE__
  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 et 1,7 Garrett J. Descoteaux-Friday et Isha Shrimanker, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 31335057, lire en ligne)
  2. R. S. Sandler, W. F. Stewart, J. N. Liberman et J. A. Ricci, « Abdominal pain, bloating, and diarrhea in the United States: prevalence and impact », Digestive Diseases and Sciences, vol. 45, no 6,‎ , p. 1166–1171 (ISSN 0163-2116, PMID 10877233, DOI 10.1023/a:1005554103531, lire en ligne)
  3. 3,0 et 3,1 Kristina Burgers, Briana Lindberg et Zachary J. Bevis, « Chronic Diarrhea in Adults: Evaluation and Differential Diagnosis », American Family Physician, vol. 101, no 8,‎ , p. 472–480 (ISSN 0002-838X et 1532-0650, lire en ligne)
  4. Tableau adapté de l'article de American Family Physician sur le sujet et de la liste de diagnostics différentiels sur StatPearls.
  5. Kelby A. Hempel et Anuj V. Sharma, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 31082144, lire en ligne)
  6. F. L. Arlow, A. A. Dekovich, R. J. Priest et W. T. Beher, « Bile acid-mediated postcholecystectomy diarrhea », Archives of Internal Medicine, vol. 147, no 7,‎ , p. 1327–1329 (ISSN 0003-9926, PMID 3606289, lire en ligne)
  7. Sufian J. Sorathia et John M. Rivas, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 31536241, lire en ligne)
  8. Nicolas Patel et Karen Shackelford, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 30521231, lire en ligne)
  9. Samy A. Azer et Senthilkumar Sankararaman, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 31082099, lire en ligne)
  10. 10,0 et 10,1 Tyesha Zuvarox et Chris Belletieri, StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 31971746, lire en ligne)
  11. N. J. Talley, A. R. Zinsmeister, C. Van Dyke et L. J. Melton, « Epidemiology of colonic symptoms and the irritable bowel syndrome », Gastroenterology, vol. 101, no 4,‎ , p. 927–934 (ISSN 0016-5085, PMID 1889716, DOI 10.1016/0016-5085(91)90717-y, lire en ligne)
  12. Jorge L. Rosado, « [Lactose intolerance] », Gaceta Medica De Mexico, vol. 152 Suppl 1,‎ , p. 67–73 (ISSN 0016-3813, PMID 27603891, lire en ligne)
  13. Benjamin Lebwohl, David S. Sanders et Peter H. R. Green, « Coeliac disease », Lancet (London, England), vol. 391, no 10115,‎ 01 06, 2018, p. 70–81 (ISSN 1474-547X, PMID 28760445, DOI 10.1016/S0140-6736(17)31796-8, lire en ligne)
  14. Udayakumar Navaneethan et Ralph A. Giannella, « Mechanisms of infectious diarrhea », Nature Clinical Practice. Gastroenterology & Hepatology, vol. 5, no 11,‎ , p. 637–647 (ISSN 1743-4386, PMID 18813221, DOI 10.1038/ncpgasthep1264, lire en ligne)
  15. Stephan R. Vavricka, Alain Schoepfer, Michael Scharl et Peter L. Lakatos, « Extraintestinal Manifestations of Inflammatory Bowel Disease », Inflammatory Bowel Diseases, vol. 21, no 8,‎ , p. 1982–1992 (ISSN 1078-0998, PMID 26154136, Central PMCID 4511685, DOI 10.1097/MIB.0000000000000392, lire en ligne)
  16. 16,0 16,1 16,2 16,3 et 16,4 Lawrence R. Schiller, Darrell S. Pardi et Joseph H. Sellin, « Chronic Diarrhea: Diagnosis and Management », Clinical Gastroenterology and Hepatology: The Official Clinical Practice Journal of the American Gastroenterological Association, vol. 15, no 2,‎ , p. 182–193.e3 (ISSN 1542-7714, PMID 27496381, DOI 10.1016/j.cgh.2016.07.028, lire en ligne)
  17. (en-US) Alberto Rubio-Tapia, Ivor D. Hill, Ciarán P. Kelly et Audrey H. Calderwood, « ACG Clinical Guidelines: Diagnosis and Management of Celiac Disease », Official journal of the American College of Gastroenterology | ACG, vol. 108, no 5,‎ , p. 656–676 (ISSN 0002-9270, PMID 23609613, Central PMCID PMC3706994, DOI 10.1038/ajg.2013.79, lire en ligne)
Les sections suivantes sont remplies automatiquement et se peupleront d'éléments à mesure que des pages sont crées sur la plateforme. Pour participer à l'effort, allez sur la page Gestion:Contribuer. Pour comprendre comment fonctionne cette section, voir Aide:Fonctions sémantiques.