Cervicalgie (approche clinique)
Approche clinique | |
Fracture et dislocation de C4 causant une compression médullaire | |
Caractéristiques | |
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Examens paracliniques | TDM du cou, Radiographie du cou, Bilan septique, Radiographie du cou en flexion et en extension, Radiographie du processus odontoïde, IRM du cou |
Drapeaux rouges |
Paresthésies, Dysphagie, Symptômes B, Douleur intense, Perte de sensibilité, UDIV, Température corporelle élevée (signe clinique), Signe de Lhermitte, Atteinte de la proprioception, Faiblesse motrice, ... [+] |
Informations | |
Terme anglais | Neck pain |
Autres noms | Cervicalgie, douleur au cou |
Spécialités | Orthopédie, neurochirurgie, physiatrie, médecine du sport, chiropratique |
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Douleur cervicale (50-5)
La douleur cervicale est une raison de consultation fréquente en raison de sa prévalence dans la population. Ses étiologies se divisent en problèmes mécaniques, arthritiques, vasculaires, infectieux, néoplasique ou traumatiques.
Épidémiologie
Peu de données existent sur la prévalence de la douleur cervicale.[1] Cependant, une étude finlandaise et une étude norvégienne estiment sa prévalence à 34%. La prévalence de la forme chronique, soit celle excédant 6 mois ou plus est elle, de 18%.[2][3] La douleur cervicale est donc l'une des raisons les plus communes de consultation.[4]
Étiologies
Les étiologies de la douleur cervicale sont principalement orthopédique ou neurochirurgicales:[5]
- Problèmes mécaniques
- tension dans le cou
- spondylose[note 1] (dégénérescence ostéoarthritique)
- radiculopathie cervicale (hernie cervicale)
- sténose cervicale et/ou compression de la moelle spinale
- Arthrite inflammatoire: spondylite ankylosante, polyarthrite rhumatoïde (PAR), chondrocalcinose
- dissection d'une artère vertébrale
- Infection: abcès cervical, abcès médullaire, ostéite, spondylodiscite, fasciite nécrosante, méningite
- fracture cervicale
- néoplasie
- Douleur provenant de tissus mous (p. ex. thyroïde, pharynx)
Physiopathologie
Plusieurs structures pouvant générer de la douleur se trouvent dans la région de la colonne cervicale: disques, racines nerveuses, facettes, os, muscles, ligaments et tendons.[1] Une atteinte d'une racine nerveuse par compression donnera une douleur neuropathique tandis qu'une atteinte des autres structures donnera une douleur articulaire ou osseuse.
Il est important de noter que les vertèbres C1 et C2 n'ont pas la même anatomie que C3 à C7.
Approche clinique
Questionnaire
L'étiologie précise de la cervicalgie est souvent difficile à trouver. Cependant, le clinicien devra en premier lieu déterminer si la douleur est extra cervicale ou si elle est causée par une étiologie sérieuse.[4] À cet effet, il faudra rapidement demander au patient si la douleur a été causée par un trauma important, s'il y a présence de signes neurologiques, de fièvre, ou de symptômes B.
L'histoire s'orientera ensuite sur les antécédents, qui peuvent dans le cas de la cervicalgie, donner des indices sur l'étiologie.
Trouvaille | Penser à ... | Précision |
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Médicaux / Familiaux | ||
Maladie rhumatismale |
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La présence de raideurs matinales > de 60 min accompagne souvent les maladies rhumatismales. |
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Ostéoporose | ||
Trauma | ||
Trauma ancien |
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La hernie s'accompagnera de douleurs neuropathiques |
Ensuite, il sera question d'explorer la plainte.
Trouvaille | Penser à ... | Précision | |
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Provoqué | Mouvements répétés |
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Par surutilisation |
Mouvements précis |
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Pallié | Repos |
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Position |
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Mouvement |
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Qualité | Douleur de type neuropathique |
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Quantité | Douleur intense |
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Imager
Rechercher le syndrome de Claude-Bernard-Horner |
Région | Latéralisée |
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Centrale |
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Irradiation | Membre supérieur / région scapulaire |
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Symptômes | Symptômes de conflit radiculaire:
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Rechercher une atteinte d'un myotome, un dermatome et d'un réflexe. |
Symptômes B |
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Symptômes infectieux |
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Symptômes de myélopathie:
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Temps | Traumatique |
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Ne pas oublier d'imager s'il y a suspicion de fracture ou symptômes neurologiques |
Progressif |
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Pire le matin |
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Pire le soir |
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Pire la nuit |
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Si l'étiologie reste imprécise ou si l'on penche vers une cause rhumatologique ou néoplasique, il sera pertinent de faire une revue des systèmes.
Examen clinique
En cas de présence d'un drapeau rouge ou s'il y a eu trauma (voir les critères d'Ottawa pour la colonne cervicale), il sera crucial de procéder à de l'imagerie avant de manipuler le cou d'un patient lors de l'examen physique.
Inspection | |
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Mouvements | (actif/résisté/passif)
Faire également bouger l'épaule |
Manoeuvres spéciales |
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Palpation |
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L'examen physique pourra s'interpréter comme suit. Cependant, le cou est un organe complexe et il est normal qu'il soit difficile de cerner avec précision une étiologie de la douleur.
Test | Trouvaille | Penser à... | Précisions |
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Inspection | |||
Posture | Lordose, cyphose, protraction (de la tête ou des épaules) |
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Latéroflexion antalgique |
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En cas de suspicion de fracture, immobiliser le cou et procéder à l'imagerie sans manipulation. | |
Mouvements | |||
Actifs / Passifs | Douleur lors de la flexion latérale |
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Souvent accompagnée de douleurs irradiant au membre supérieur. |
Douleur pire lors de la flexion |
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Le valsalva sera souvent positif, avec possible atteinte des myotomes, réflexes et dermatomes. | |
Douleur pire lors de l'extension | |||
Épaule | Épaule douloureuse | ||
Manoeuvres spéciales | |||
Spurling | Douleur à la rotation et à l'extension passive |
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Roos | Le patient est incapable de tenir la position durant les 3 minutes ou il ressent des douleurs, lourdeurs ou paresthésies au membre supérieur. | ||
Flèche occipitale | Mesure augmentée |
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Traction axiale | Douleur diminuée |
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Lhermitte | Décharges électriques lors de la flexion | Par atteinte des cordons postérieurs | |
Examen neurologique | Perturbation ipsilatérale à la douleur dans un membre supérieur |
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Imager et référer sans attendre |
Perturbation aux membres supérieurs et inférieurs |
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Perturbation centrale |
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Signe de Brudzinsky / Rigidité nuchale |
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Palpation | |||
Épineuse | Douloureuse | ||
Facettaire | Douleureuse |
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Musculaire | Douleureuse |
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Emphysème sous-cutané |
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Référer de manière urgente |
Drapeaux rouges
- de la fièvre: pourrait provenir d'un abcès cervical, une spondylodiscite, une fasciite, ostéite, méningite
- une anomalie neurologique franche (perte de sensibilité, atteinte de la proprioception, faiblesse motrice, diminution des réflexes, paresthésies): pourrait être causée par une dissection d'une artère vertébrale ou une compression intrinsèque au canal médullaire
- le signe de Lhermitte
- des symptômes B: suspecter un envahissement néoplasique
- de la dysphagie: suspecter un envahissement néoplasique
- un goître: néoplasie thyroïde ou parathyroïde probable
- une douleur intense: avec histoire compatible, pourrait évoquer une fracture
- l'utilisation de drogues intra-veineuse (UDIV)
- des douleurs à la palpation d'une vertèbre évoque une fracture ou une spondylodiscite
- des antécédents de néoplasie
- des antécédents d'arthrite inflammatoire
- des antécédents de chirurgie
- un trauma récent
- l'absence d'amélioration avec un traitement conservateur de plus de 3 mois.
Examens paracliniques
Généralement, aucun test ne sera requis si la durée de la douleur est courte (moins d'un mois) sauf s'il y a présence de drapeaux rouges ou de trauma aigu et important. Il faudra également investiguer toute cause qui ne semble pas provenir de la colonne cervicale mais des tissus mous du cou.[4]
La modalité par excellente est la radiographie du cou. Cependant, elle ne pourra pas identifier les atteintes des tissus mou, mais elle pourra justifier l'obtention d'imagerie supplémentaire.[4]
Test | Quand l'utilisation de ce test est-elle justifiée | Résultats évocateurs | Penser à ... | Exemple |
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Radiographie du cou |
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Fracture | ||
Compression |
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Déficits osseux |
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Radiographie du cou en flexion et en extension |
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Changements dégénératifs |
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Radiographie du processus odontoïde | un trauma | Fracture | ||
TDM du cou |
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IRM du cou |
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Bilan septique |
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Traitement
La prise en charge est causale, spécialement pour les étiologies graves, qui demandent des traitements bien spécifiques et des références urgentes en spécialité. Lors d'un trauma important, il faudra avant toute chose immobiliser la colonne dans un collet cervical et s'abstenir de toutes manipulations avant d'avoir fait l'imagerie.
Concernant les pathologies dégénératives (spondylose, hernie, sténose) ou trauma mineurs, la prise en charge se fera à base d'analgésie, de physiothérapie, de repos et de chaleur/froid.[4] L'infiltration n'est pas recommandée, car peu d'évidence supporte son usage. Elle est efficace à court terme, mais peu à long terme.[1]
Les relaxants musculaires peuvent être indiqués dans la phase aiguë d'un trauma ou de tension musculaire, spécialement lorsqu'un spasme est objectivé. Cependant, leur usage devrait se limiter à 72h et ils devraient être évités dans la population gériatrique.[4]
Dans de rares cas, la fusion cervicale pourra être tentée lorsque toutes les options de traitement conservateur auront été épuisées. Dans le cas de la spondylose, elle ne donne pas d'aussi bon résultats que pour les hernies/sténoses.[1]
Analgésie
L'acétaminophène ou les AINS sont les molécules à privilégier dans le soulagement de la douleur. À moins de douleur très importante, les opioïdes sont à proscrire ou à n'utiliser que pour un laps de temps très court.[4]
Pour les douleurs neuropathiques, les anti-convulsivants comme le gapapentin peuvent être prescrits. Les antidépresseurs tricycliques ont aussi des indications.[1]
Chaud et froid
Les spasmes musculaires associés à la phase aigue d'un trauma peuvent être soulagés par l'application de chaud ou de froid. Le froid devrait être privilégié dans les 48 premières heures pour une période de 20 minutes avec une pause de 20 minutes sur une période de 60 à 90 minutes. Ce processus peut être répété plusieurs fois dans la journée. La chaleur peut être appliquée après la phase aiguë.[4]
Suivi
Une douleur jugée dégénérative qui ne s'améliore pas dans les 3 mois avec un traitement conservateur demandera une investigation supplémentaire.
Notes
- ↑ Nommé en anglais cervical facet syndrome.
Références
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 et 1,4 (en) Robert E Windsor, MD, « Cervical Facet Syndrome: Background, Epidemiology, Functional Anatomy », sur emedicine.medscape.com (consulté le 28 août 2019)
- ↑ (en) Matti Mäkela, Markku Heliövaara, Kai Sievers et Olli Impivaara, « Prevalence, Determinants, and Consequences of Chronic Neck Pain in Finland », American Journal of Epidemiology, vol. 134, no 11, , p. 1356–1367 (ISSN 1476-6256 et 0002-9262, DOI 10.1093/oxfordjournals.aje.a116038, lire en ligne)
- ↑ (en) Gunnar Bovim, Harald Schrader et Trond Sand, « Neck Pain in the General Population », Spine, vol. 19, no 12, , p. 1307–1309 (ISSN 0362-2436, DOI 10.1097/00007632-199406000-00001, lire en ligne)
- ↑ 4,00 4,01 4,02 4,03 4,04 4,05 4,06 4,07 4,08 4,09 et 4,10 (en) Peter J. Moley, MD, « Evaluation of Neck and Back Pain », sur Meck Manual, (consulté le 31 août 2019)
- ↑ « 50-5 Douleur cervicale | Le Conseil médical du Canada », sur mcc.ca (consulté le 28 août 2019)
- ↑ http://aqmse.org/wp-content/uploads/2014/09/fiche-colonne-cervicale-final.pdf